Nausicaä de la vallée du vent est un film d’animation japonais de Hayao Miyazaki sorti en 1984, un an avant la fondation du studio Ghibli. Le film est basé sur un manga que son réalisateur avait commencé en 1982 et est une de ses réalisations les plus connues et souvent considéré à tort comme une œuvre écologiste.
L’histoire se déroule dans un monde post-apocalyptique mille ans après une guerre qui a balayé la civilisation. L’humanité est disséminée entre différentes communautés et villes, séparées par des désert et une jungle toxique. Celle-ci abrite des colonies d’insectes géants qui sont capables de tout ravager lorsqu’ils entrent dans un état de rage. Les plus imposants, les « Ohms », hauts comme un immeuble et tout en longueur, sont dotés d’une carapace indestructible, ce qui rend les armes à feu dont se servent les humains complètement caduques. Ils sont le symbole de ce nouveau monde et de l’opposition entre les humains et la jungle.
Le personnage principal est la jeune princesse Nausicaä de la vallée du vent, une communauté humaine retournée à société féodale. Aimée de tous, elle est présentée comme une personne pacifique et douée d’une très forte empathie qui l’amène à se soucier du sort de tous les êtres vivants : aussi bien les humains que les plantes, la jungle et ses insectes.
La perception de Nausicaä
Le film a été perçu comme une fable écologiste contre la folie destructrice de l’Homme, et s’il y a des éléments du film qui vont dans ce sens, le fond du film n’a rien de tel.
Il y a, dans la forme, une sensibilité vers ce qui semble être la nature : c’est ce qui fait dire que le film est écologiste. Cependant, les rapports aux insectes et à la jungle sont toujours regardés du point de vue des colonies humaines.
D’une part, Nausicaä est sensible à la beauté de la nature mais sa manière de la considérer se fait selon des critères d’utilité : pour soigner la maladie de son père, et pour comprendre comment vivre avec la jungle toxique. Pour ce qui est de la protection de la nature, Nausicaä a davantage une position de princesse totale aimée d’abord par les humains, et petit à petit par la jungle qui leurs semble si hostile. A la vision utilitariste s’ajoute une dimension mystique où la nature en tant que telle s’efface encore un peu plus.
D’autre part, la jungle est défendue par des insectes géants… des animaux peu considérés voire détestés par l’humanité. Cette vision de la nature (hostile) est pour le moins déplacée pour un conte écologiste. Tout dans la jungle est gigantesque : insectes, arbres, plantes, spores… En revanche, les arbres et les animaux que l’on découvre dans le monde de Nausicaä sont tous de taille raisonnable : l’être humain peut les appréhender et reste dans une position de maître et de possesseur. Le propre de la jungle toxique est de ne plus être sous le contrôle et l’emprise des humains.
Enfin, notons aussi un détail révélateur : au tout début du film, Nausicaä n’hésite pas à récupérer un morceau d’une carapace morte d’Ohm pour la rapporter au village.
Il n’y pas de Nature dans le film, seulement différentes formes de vie et d’organisation qui doivent cohabiter. Ceci traverse tout le film et va à l’encontre de l’image écologiste du film.
Retourner en arrière
On ne peut pas dénoncer la folie guerrière de l’humanité et appelant à retourner en arrière, qui plus est dans un système féodal idéalisé. Ceci est d’autant plus choquant quand on sait que le Japon est loin d’avoir brisé toutes les entraves féodales de la société…
A la fascination pour un passé féodal jugé bon s’ajoute le repli sur soi, garant de calme et d’une vaine sécurité. La vallée du vent est isolée et semble coupée du temps jusqu’à ce qu’un vaisseau venant d’un autre groupe d’humain s’écrase dans la vallée : le navire a permis à des spores de la jungle toxique de s’y poser ce qui pourrait causer sa fin si les villageois ne parviennent pas à détruire tous les spores qu’ils trouvent (quitte à prendre des mesures radicales).
Non seulement le monde extérieur est perçu comme une menace, mais l’idée même d’unification de l’humanité est décriée : le seul groupement d’humains désirant cette unité ne le fait que dans une optique d’asservissement des autres contrées.
Belle réalisation et absence de contenu progressiste
Esthétiquement, le film est plaisant et la musique est travaillée. L’ensemble se regarde sans problème. S’il n’y avait pas de contenu, Nausicaä de la vallée du vent serait un film parmi tant d’autres que l’histoire aurait vite plongé dans l’oubli. Mais Nausicaä n’est pas une œuvre vide de contenu, et surtout n’est pas l’œuvre de n’importe qui.
Ce décalage entre ce que porte réellement le film et ce qu’il s’imagine véhiculer est un problème qui se retrouve dans d’autres grandes œuvres de Miyazaki. Ce dernier bénéficie d’une aura progressiste en raison de la place des personnages féminins dans ces films. Il y a une dimension positive, c’est vrai. Mais celle-ci est vite brisée par un passéisme qui lui n’a absolument rien de progressiste.
Le piège se voit très bien dans Nausicaä : la princesse est une femme qui a une place important dans sa communauté. Elle est aimée de tous et veut cohabiter pacifiquement avec les autres humains et la jungle toxique. Elle est une femme forte qui s’oppose à la guerre et à la violence, quitte à mettre sa vie en danger. Mais en définitive, Nausicaä ne propose pas un monde nouveau tournée vers la paix et la vie harmonieuse. Le film propose non pas un autre futur, mais un autre passé.