Une mission flash sur les munitions à l’Assemblée nationale propose de liquider le droit européen au profit de l’économie de guerre.
Le programme REACH, entré en vigueur en 2007, constitue une règlementation phare du capitalisme de l’Union européenne. L’acronyme signifie : enregistrement (de toute substance fabriquée ou importée supérieure à une tonne par an), évaluation (de ses dites substances), autorisation (avec des restrictions ou même des interdictions concernant les substances dites « préoccupantes » ou dangereuses) des substances chimiques.
On parle là d’un dispositif ayant permis la constitution d’une vaste base de données, ayant permis le développement d’application comme Scan4Chem ou Yuka (qui n’utilise pas directement cependant les avancées de la base de données en tant que telle).
Il faut donc bien comprendre que cette règlementation constitue une des réalisations majeures de l’Union européenne sur le plan de son affirmation comme bloc, avec toute une propagande culturelle comme quoi le « marché européen » serait le plus sûr du monde et constituerait même le modèle d’un « capitalisme éthique » devant s’imposer au monde par le truchement de ses règles qui infuserait à terme les autres marchés connectés.
REACH est ainsi un des points d’appui de ce que les agents de l’Union européenne appellent les « ESG » (=Environnement, Social, Gouvernance), qui sont la déclinaison locale des idées du capitalisme managérial des États-Unis d’Amérique, sur la base d’une supposée « Responsabilité Sociale des Entreprises », initiée au départ par un économiste, et pasteur protestant, relativement obscur, du nom de Howard Bowen (mort en 1989), mais qui est une référence des écoles de commerce et des université de droit des institutions bourgeoises spécialisées en droit des entreprises.
Au départ, suite à sa première élection en 2017, le gouvernement d’Emmanuel Macron, s’est voulu le champion de ce « capitalisme éthique », qui était d’ailleurs à la base même des activités d’Emmanuel Macron lorsqu’il travaillait pour la banque Rothschild, justement spécialisée dans le développement de ces ESG.
C’est tout le sens même des orientations de Bruno Le Maire, Ministre de l’économie et des Finances, qui a fait passé en 2019 la « Loi Pacte » établissant un cadre, non contraignant, devant pousser les entreprises françaises à adopter ces principes de l’ESG.
S’il faut prendre le temps de passer par ces points, c’est parce qu’il est important de mesurer ici la signification du rapport sur les stocks de munitions remis la semaine passée (le mercredi 15/02) à l’Assemblée nationale par les députés Julien Rancoule (RN) et Vincent Bru (MoDem).
Dans ce dernier, les députés attaquent frontalement la règlementation REACH, et le principe même de l’ESG comme cadre juridique, au nom de l’économie de guerre. Il est notamment dit :
« La fabrication d’une tonne d’explosif, permettant la fabrication de 100 obus de 155 mm, nécessiterait entre 12 et 18 mois de procédure préalable pour obtenir l’enregistrement, avec un coût de l’ordre de 25 millions d’euros par enregistrement et par substance.
(…) Tous les acteurs auditionnés ont suggéré le recours à des exemptions ‘Défense’ qui, soumises à autorisation du ministère de la Transition écologique, [permettraient] d’alléger certaines contraintes. »
Le programme REACH est dans cet ordre d’idée tenu pour avoir ainsi « coûté » à la Marine Nationale 480 millions d’euros rien que pour avoir imposé le changement de la motorisation des missiles ASTER et EXOCET.
De même, les restrictions sur le plomb et les sels de plomb, entrant dans la chaîne de production de la plupart des munitions, est dénoncée comme une entrave absolument insupportable aux besoins de l’économie de guerre, avec l’argument que de telles interdictions ne pèsent pas sur l’industrie des États-Unis, et qu’il faut à tout prix s’aligner.
Ce que ne dit pas le rapport, c’est que le droit dit « environnemental » européen accorde en fait déjà des exemptions, sur l’enregistrement et donc l’autorisation, de toutes substances chimiques, dès lors qu’elles concernent les activités de Défense. Pour les activités, mais pas pour les fournisseurs ou les sous-traitants divers du complexe militaro-industriel français, qui entend se restructurer en élargissant ses activités de manière toujours plus centrale dans l’économie capitaliste en France.
Il s’agit donc pour ces députés de ne pas considérer seulement les activités mais toute les filières d’approvisionnement. Ce que proposent ces députés, c’est là très clairement donner le signal de la mise en place d’un État de guerre devant piloter une économie de guerre. C’est aussi le masque, bien dérisoire, du « capitalisme éthique » de l’Union européenne qui est ici balayé.
L’heure se rapproche toujours plus où face à la guerre capitaliste pour le repartage du monde qui s’élance de manière toujours plus menaçante, il faudra être en mesure d’opposer une vision du monde complète et en rupture totale avec le vieux monde français et occidental qui s’écroule.