Depuis 1981 et l’élection de François Mitterrand comme Président, il y a eu plusieurs gouvernements de gauche. Ils n’ont pas interdit la chasse à courre et n’ont jamais abordé la chasse non plus.
Pour la chasse, la raison en est bien connue : c’est la faute au PCF. Il se plaçait comme opposition radicale dans les années 1950 lorsqu’il était le plus grand parti politique français, mais à partir de 1958 avec le coup d’État gaulliste il s’est de plus en plus effacé. Et pour conserver son influence, il a été particulièrement populiste et a défendu la chasse avec acharnement, en disant que c’est un acquis de la révolution française.
Auparavant, seule la noblesse avait le droit de chasser et désormais, le régime républicain permettrait à chacun de le faire. Il est désormais pourtant évident qu’il ne s’agit pas que chacun puisse chasser, mais que personne ne puisse le faire. Aucune civilisation développée ne peut accepter le principe d’une personne se baladant avec une arme pour tuer un être vivant.
Cette idée d’assassinat s’appuie par ailleurs sur une approche résolument patriarcale, avec l’homme primitif abordant avec violence la réalité l’environnant. C’est un élément très important, car la chasse est une démarche partagée par des hommes, avec une idéologie viriliste agressive.
D’où justement le soutien unilatéral des structures officielles de la chasse à la chasse à courre, de par les ponts du virilisme avec la néo-féodalité, l’esprit néo-aristocrate des « équipages » de la chasse à courre et leur entourage obséquieux fasciné par le clinquant, la puissance locale, le style oligarchique.
La Gauche gouvernementale a capitulé pour cette raison devant la chasse à courre. Elle n’en a jamais fait un thème, parce que la chasse à courre est reliée à la chasse en général. Or, critiquer la chasse, ce serait rompre avec les valeurs traditionnelles, que la Gauche gouvernementale n’a jamais voulu heurter. Dans l’esprit de Sciences-Po, il y avait l’idée que tout gouvernement doit avant tout s’appuyer sur le « centre », donc sur les circuits traditionnels du régime en place.
Par là même, on doit sans doute dire que la Gauche gouvernementale a échoué du moment même où elle a capitulé devant sa volonté, juste après 1981, de supprimer l’école privée. Le front catholique en défense de « l’école libre » a été assez puissant pour casser la dynamique de Gauche, pour la faire capituler sur le plan des idées.
On dit souvent que c’est la crise économique qui a obligé la Gauche gouvernementale à abandonner sa démarche, avec également la fuite de gens très riches notamment en Suisse. Ce n’est pas vrai : la France est un pays très riche et il y avait les moyens d’avancer indépendamment des crises du capitalisme, et même contre elles. La réalité est qu’il y a eu un abandon des valeurs culturelles de Gauche, au profit d’un esprit de gestion, d’amélioration du capitalisme, comme avec les nationalisations ayant abouti à des privatisations finalement.
De toutes façons, la Gauche gouvernementale n’avait pas réellement réfléchi à tout cela. Elle est le pendant « réaliste » de la Gauche « utopiste », les deux étant nés avec 1958 comme la « nouvelle gauche », et ayant connu leur moment de gloire avec mai 1968. L’idée a toujours été de parvenir au pouvoir d’une manière ou d’une autre, afin de mettre un terme à la domination de la Droite.
C’est un grand problème de la Gauche et c’est également cette même absence de contenu bien déterminé qu’on retrouve au moment du Front populaire. Ce dernier a été construit dans l’urgence antifasciste et est un exemple historique à forcément suivre. Il est dommage cependant que l’absence de contenu ait été si important qu’il se soit justement effondré rapidement après, sans tracer de perspective.
Cela souligne l’importance de la lutte contre la chasse à courre. C’est une réalité historique qui ne peut que fédérer la Gauche, qui ne peut que la forcer à comprendre que les riches vivent à part et comme ils veulent, qu’ils ont des valeurs pratiquement fondamentalistes : la grande propriété et sa domination sur la population, l’utilisation de la nature selon les « besoins » du divertissement jusqu’au plus absurde, l’appui le plus grand aux « traditions ».
Cela ne peut qu’aider à faire se remettre en cause les hommes de Gauche qui ont été happés par la chasse, sans voir qu’ils cédaient ici culturellement à la Droite, obéissant à des valeurs contraires à ce qu’eux-mêmes défendent.
La Gauche n’a pas interdit la chasse à cour, car elle n’était pas réellement elle-même : il est temps qu’elle le soit !