Sahra Wagenknecht, une figure de la Gauche allemande, lancera le 4 septembre 2018 un mouvement intitulé « Aufstehen », c’est-à-dire « Se lever », afin de faire pression sur les partis de Gauche.
La particularité de ce mouvement à naître, qui a déjà la sympathie virtuelle de 80 000 personnes, n’est pas tant de relever d’une certaine forme de populisme, que de se placer ouvertement en dehors des thématiques postmodernes et postindustrielles.
Sahra Wagenknecht affirme en effet notamment que l’ouverture aux migrants avait comme but le dumping social, que cela a renforcé la précarisation sociale des couches les plus défavorisées, que la migration concerne également particulièrement les couches sociales les plus éduquées de pays du tiers-monde qui se voient ainsi littéralement pillés.
Cela provoque évidemment des cris d’orfraie dans le camp postmoderne et postindustriel, qui l’accuse de développer la même approche que l’extrême-droite. En réalité, Sahra Wagenknecht, a parfaitement compris que le risque était désormais le même en Allemagne, où effectivement les couches les plus précarisées du peuple se tournent vers l’AFD (Alternative für Deutschland), le nouveau parti d’extrême-droite.
Si Sahra Wagenknecht a cette approche particulière, c’est que son parcours n’est pas forcément commun. Née en République Démocratique Allemande, où elle est mal à l’aise avec le système au point de ne pas pouvoir étudier, elle rejoint cependant le SED, le parti ayant dirigé la RDA, au début de l’année 1989.
Puis, elle a participé à l’aile gauche du prolongement du SED, valorisant systématiquement le parcours du mouvement ouvrier en Allemagne, la création de la RDA et ses acquis sociaux, ainsi d’ailleurs que la révolution russe et même l’URSS de Staline. Cette formation reste marquée et l’accusation de « néo-stalinisme » à l’encontre de Sahra Wagenknecht est relativement courante.
Au-delà de cet arrière-plan, Sahra Wagenknecht se positionne concrètement sur des revendications sociales très fortes, rappelant fortement celles de la social-démocratie allemande des années 1970. Il reste à voir ce que proposera Aufstehen,
Cependant, si son site ne dit pas encore grand-chose, donne la parole à des gens du peuple qui donnent le ton, et cela se veut absolument moderne, et non postmoderne.
Voir un mécanicien automobile tatoué avec un t-shirt du Sea Shepherd, par exemple, c’est tout de même autre chose que l’image d’Epinal donné par la CGT en France du travailleur borné se résumant aux merguez et aux revendications seulement économiques.
Voici également ce que Sahra Wagenknecht disait en mai 2018 dans une interview à la Frankfurter Woche :
« Die Linke ne doit pas devenir un néo-parti Verts tourné vers le lifestyle qui méprise les traditions et l’identité des « petites gens ».
Nous devons reconnaître que les problèmes auxquels font justement face les plus pauvres au quotidien – la concurrence pour des jobs mal payés et des appartements abordables, le manque de sécurité publique – ne sont clairement pas apparus avec la crise des réfugiés de 2015-2016, mais se sont souvent aggravés avec cela.Et c’est naturellement un problème quand dans les quartiers les plus pauvres jusqu’à 80 % des enfants allant pour la première fois à l’école ne parlent pratiquement pas l’allemand. Ou bien quand des prédicateurs de la haine d’un Islam radicalisé fournissent déjà à des enfants de cinq ans une vision du monde dirigée contre toutes les valeurs fondamentales de notre vivre-ensemble. »
On est là extrêmement loin de la Gauche en France actuellement, où tant le PS que le PCF ou La France insoumise, sans parler d’EELV ou de Benoît Hamon, sont des partisans acharnés des thématiques postmodernes et postindustrielles. Mais l’avenir ne leur appartient pas : la Gauche ne peut que se réaffirmer par le mouvement ouvrier, son histoire, son parcours, ses valeurs.