Nicolas Hulot a annoncé hier matin en direct sur France Inter sa démission du Ministère de la Transition écologique et solidaire, sans avoir prévenu personne auparavant à ce sujet.
C’était attendu, tellement tout le monde connaît les renoncements qui ont été les siens et qu’il avait du mal à vivre. Mais que cela se déroule également au lendemain d’une réunion au plus haut niveau avec les responsables de la chasse en France reflète de vraies tensions qui sont elles véritablement nouvelles.
La France profonde ne veut même pas entendre parler d’écologie et Nicolas Hulot a ainsi été obligé de s’autoéjecter.
Nicolas Hulot n’a prévenu personne de sa démission du poste de Ministre de la transition écologique et solidaire, avant de le faire à la radio. C’est une manière assez particulière de faire. Cependant, ce n’est pas une déclaration de guerre : il tresse des louanges à Emmanuel Macron d’une manière extrêmement forte, en affirmant son « admiration » pour lui et d’ailleurs également pour le Premier ministre.
Il va jusqu’à s’excuser de « faire une mauvaise manière », ce qui montre à quel point cette personne est torturée, tourmentée. Car Nicolas Hulot dresse un constat terrible de la situation écologique. La profondeur de l’échange entre les journalistes et Nicolas Hulot hier matin à la radio est ainsi immense.
« – Tout a été dit, tous les grands mots ont été employés, mais le film catastrophe est là sous nos yeux, on est en train d’y assister. Est-ce que vous pouvez m’expliquer pourquoi, rationnellement, ce n’est pas la mobilisation générale contre ces phénomènes et pour le climat ?
– J’aurai une réponse qui est très brève : non.
– C’est impossible à expliquer ?
– Je ne comprends pas. Je ne comprends pas que nous assistions, globalement les uns et les autres à la gestation d’une tragédie bien annoncée, dans une forme d’indifférence (…).
On est dans ce paradoxe, au moment où je parle, où l’humanité a tous les outils technologiques pour faire un saut qualitatif, elle n’a pas encore perdu la main. Mais tout se joue dans les 10 ans qui viennent. Voilà. »
Nicolas Hulot va jusqu’à dire :
« On s’évertue à vouloir entretenir et réanimer un modèle économique marchand qui est la cause de tous ces désordres. »
Voilà donc quelqu’un qui, encore ministre d’État, officiellement numéro trois du gouvernement, explique que le capitalisme n’est pas compatible avec la résolution de la question écologique, avec la « transition » dont il était le responsable.
Tout en appréciant Emmanuel Macron et en ne remettant pas en cause le capitalisme. C’était intenable et cela continue de l’être même après la démission, dont le timing a été très particulier, motivé par la pression des chasseurs.
Nicolas Hulot a pris sa décision le lendemain d’une rencontre à l’Élysée sur la question de la chasse, avec un parti-pris pour celle-ci, puisque des mesures facilitant l’accès à ce « loisir » ont été mises en place. Cela a été pour lui la goutte d’eau qui fait déborder le vase et il a expliqué à quel point il n’a pas supporté la présence de Nicolas Coste, le lobbyiste de la Fédération nationale des chasseurs.
« On avait une réunion sur la chasse. J’ai découvert la présence d’un lobbyiste qui n’était pas invité à cette réunion. C’est symptomatique de la présence des lobbys dans les cercles du pouvoir. Il faut poser ce sujet sur la table parce que c’est un problème de démocratie. »
Emmanuel Macron est en effet un fervent défenseur de la chasse et de ses valeurs réactionnaires. C’est là un obstacle fondamental à l’écologie et d’ailleurs les observateurs activistes remarquent que les chasseurs mènent une campagne générale afin d’apparaître dans l’opinion publique comme les vrais écologistes, visant à remplacer les associations écologistes notamment pour les soutiens financiers des mairies, des départements, des régions, de l’État.
Nicolas Hulot l’a bien constaté, mais a refusé l’affrontement, d’où sa démission, présentée comme une capitulation objectivement inévitable :
« Le Premier ministre, le Président de la République ont été pendant ces 14 mois, à mon égard, d’une affection, d’une loyauté et d’une fidélité absolue. Mais au quotidien, qui j’ai pour me défendre ?
Est-ce que j’ai une société structurée qui descend dans la rue pour défendre la biodiversité ? Est-ce que j’ai une formation politique ? Est-ce que j’ai une union-nationale sur un enjeu qui concerne l’avenir de l’humanité et de nos propres enfants ?
Est-ce que les grandes formations politiques et l’opposition sont capables à un moment ou un autre de se hisser au-dessus de la mêlée pour se rejoindre sur l’essentiel ? »
La réaction de Nicolas Hulot n’a surpris personne, elle apparaît trop comme logique. Le paradoxe est que cela n’aboutit pas à une affirmation plus prononcée en faveur de l’écologie. Les gens restent prisonniers d’une vie quotidienne entièrement façonnée par le capitalisme. Ils ne sont pas prêts à remettre en cause un « confort » qui n’est en réalité que le produit des besoins industriels et commerciaux.
Il suffit de voir comment la France est rétive au véganisme, comment les climato-sceptiques sont nombreux, comment la chasse est intouchable, comment la bétonnisation des sols est ininterrompu.
Nicolas Hulot l’a vu, mais comme il l’a dit, selon lui rien ne peut être fait sans consensus, consensus qu’il voit comme impossible à mettre en place. C’est à ce consensus que vise Jean-Luc Mélenchon, mais par le populisme.
A la Gauche de le réaliser, mais par la lutte des classes et la socialisation des moyens de production, par l’établissement de nouvelles normes culturelles.