Le Parti Communiste Français va tenir son congrès extraordinaire en novembre 2018 et son déroulement risque d’être assez particulier, en raison de la cristallisation de nombreuses oppositions à la direction. Après 1989, celle-ci a impulsé une ligne sociale-gouvernementale balançant par-dessus bord toujours plus des traditions de la base, au nom du maintien des élus et d’une existence à travers l’union de la gauche.
Cela a eu indéniablement un succès, au sens où le PCF a maintenu son existence et une présence réelle dans les institutions. Le développement de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon est venu toutefois troubler cette démarche, son populisme attirant pas moins que la moitié de la base du PCF, l’autre moitié ayant peur de se faire phagocyter.
À cela s’ajoute une lisibilité électorale toujours plus faible, avec comme résultats des scores de 1,93% à la présidentielle de 2007 et 2,72% aux législatives de 2017.
Ce qui est en jeu désormais, c’est l’existence du PCF comme organisation « indépendante » : le choix de se lancer seul aux Européennes, avec Ian Brossat comme tête de liste, est la tentative de jouer le tout pour le tout.
Or, Ian Brossat a une ligne sociale-européenne qui déplaît fortement à une partie de la base, qui voit là une tentative de la direction de forcer une orientation bien déterminée, aux dépens des opposants. La direction n’avait d’ailleurs réussi à proposer une « base commune » en vue du congrès extraordinaire qu’avec 49 voix sur 91.
Cette « base commune » proposée par la direction y va pourtant très fort dans la radicalité verbale. Intitulée « Le communisme est la question du XXIe siècle », elle parle de dépassement du capitalisme et de maintien des « conquêtes de classe », exige des « nationalisations authentiques (et non simples étatisations hors d’atteinte du pouvoir populaire) », constate que « la classe des salarié·e·s est unie objectivement, dans sa subordination aux grands propriétaires qui, seuls, décident et profitent véritablement ».
Cependant, attention ! Il ne s’agit pas de la reprise du discours du PCF des années 1970 ou 1980. Pour la direction du PCF, dont l’université d’été reflète le style et l’approche intellectuelle, le « communisme » est une sorte de contrepoids démocratique au capitalisme, consistant en une mobilisation pour prendre le dessus sur « l’argent ».
Le mot « socialisme » ne revient par conséquent pas dans le document, à part pour affirmer que certains dans le PCF regrettent que ce concept ait disparu. A l’inverse, le rôle des élus est souligné, ainsi que les nécessités de pression populaire.
C’est-à-dire que le PCF veut se profiler comme force de l’idéal, de l’utopie, comme force anticapitaliste, sans aucunement proposer de transition, d’État socialiste, de contre-valeurs. C’est là la rupture fondamentale avec le mouvement ouvrier qui exigeait une société socialiste allant au communisme.
La question de la transition a, on le sait, donné naissance aux anarchistes-communistes, aux socialistes et aux communistes, qui s’opposent sur sa nature et sur son rythme. Cependant, le moment de transition n’était pas nié, il était plus ou moins raccourci, défini différemment, etc.
Avec le PCF on est ici dans quelque chose de tout à fait différent et l’écriture inclusive employée en donne l’origine : ses thèses sont celles d’intellectuels comme l’italien Toni Negri et le français Alain Badiou, voire même en poussant légèrement le bouchon comme le français Julien Coupat et le courant dit « communisant » de l’ultra-gauche.
Le « communisme » serait déjà là, comme force associative des gens d’en-bas ; il n’y aurait pas besoin d’idéologie ni d’organisation, mais simplement de bonne volonté pour établir des rapports qui « dépasseraient » le capitalisme. Quiconque a eu la possibilité de discuter avec des zadistes ou des gens de Nuit debout connaît bien cette approche par excellence petite-bourgeoise, au sens d’une négation tant de l’État que de la réalité du capitalisme comme type de production bien déterminé à l’échelle de la société toute entière.
La direction du PCF entend se profiler comme force utopiste maniant un discours totalement idéaliste au sujet du communisme, afin de maintenir son existence en récoltant les voix des couches sociales hostiles au renforcement du capitalisme et à l’augmentation de la pression sociale, sans pour autant faire de la classe ouvrière la clef de toute solution.