Le colonialisme n’a pas produit que des mouvements anticoloniaux de gauche ; il a également donné naissance à des fondamentalismes. On parle ici de gens idéalisant le passé, de manière religieuse surtout, et rejetant tout ce qui est « moderne ».
Lors de la colonisation de l’Algérie par la France par exemple, les religieux musulmans avaient ainsi réussi à faire en sorte que les paysans arabes rejettent les médecins et ne mettent pas les enfants à l’école. Le choix quasi absolu fut de conserver un « statut personnel » musulman, empêchant l’accès à la citoyenneté française en raison de la dépendance avec le droit coranique (pour le mariage, l’héritage, etc.). La population juive algérienne s’est au contraire précipitée dans la brèche, mettant de côté le droit religieux, ce qui lui a permis d’acquérir la nationalité française avec le décret Crémieux.
Le pays où le fondamentalisme islamique s’est développé initialement, c’est l’Inde ; cependant, le Hamas appartient à un courant fondamentaliste musulman né quant à lui en Egypte, en 1928, avec Hassan Al-Banna : ce sont les « Frères musulmans ». Le programme des Frères musulmans n’est pas original en soi : le monde moderne est totalement mauvais, il faut en revenir au passé et à ses traditions.
Le Hamas – harakat al-muqâwama al-‘islâmiya, mouvement de la résistance islamique – a été fondé en 1987 comme section palestinienne des Frères musulmans. Il établit, grâce à des moyens financiers extérieurs, des jardins d’enfant, des universités, des hôpitaux et des cliniques, des organisations caritatives, etc.
C’est un mouvement qui rejette dès le départ l’OLP et la Gauche palestinienne en général, au nom de la religion. Lors de la première intifada, il refuse par conséquent de soutenir l’unité des organisations palestiniennes, menant ses propres activités en parallèle, avec une bienveillance connue de l’État israélien heureux de voir les Palestiniens se diviser.
Pour la même raison, le Hamas n’a pas participé aux élections en Palestine en 1996, ni n’a reconnu la mise en place de l’Autorité palestinienne issue des Accords d’Oslo, signés en 1993 par le premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le chef de l’OLP Yasser Arafat.
Une partie de la Gauche palestinienne refusa également de soutenir ces Accords, considérés comme nuisibles aux Palestiniens. Seulement, un événement majeur s’était produit. Lors de la guerre du Golfe au début des années 1990, tant la Gauche palestinienne, de type nationaliste laïc, avait soutenu l’Irak de Saddam Hussein… Les pays du Golfe cessèrent alors tout financement en leur faveur, privilégiant désormais le Hamas.
Le Hamas commença à mener des actions armées, et ce d’autant plus que les pays du pétrole et du gaz devenaient de plus en plus riches. Car, en 2023, c’est le Qatar qui paie l’intégralité des fonctionnaires et du budget du gouvernement du Hamas à Gaza. Et c’est l’Iran qui fournit l’argent et le matériel pour ses unités militaires.
La Turquie reste plus en retrait en apparence, mais son président Recep Tayyip Erdoğan appartient lui-même au courant des Frères musulmans. Il y a eu brièvement également comme pays convergents la Tunisie (avec le parti gouvernemental Ennahdha de 2011 à 2021) et l’Egypte (avec Mohammed Morsi en 2012-2013, avant son renversement par un coup d’État militaire anti-Frères musulmans). Autrement dit, le Hamas est indissociable du mouvement des Frères musulmans et de leur stratégie.
L’Iran, pourtant, n’a rien à voir avec les Frères musulmans : ces derniers sont sunnites, l’Iran est chiite. Ce n’est pas la seule différence. L’Iran veut que l’État soit théocratique. Les Frères musulmans veulent que l’État soit… comme il veut, du moment qu’il reconnaît les valeurs de l’Islam comme fondamentales. Il y a d’ailleurs une scission des Frères musulmans qui veut un Etat théocratique et dispose pour cette raison du soutien de l’Iran : le Djihad Islamique en Palestine.
Comme justement cette organisation est forte à Gaza, et que l’Iran contrôle le Hezbollah au Liban, un accord avec le Hamas était facile à trouver. Le fondamentalisme mêle ici à un jeu de grandes puissances. On a ainsi l’Iran qui soutient le Hamas, Hamas qui a soutenu la « révolution syrienne » contre l’État syrien de Bachar al-Assad (un chiite laïc), État syrien de Bachar al-Assad… qui est soutenu par l’Iran.
Tel est ce qu’on appelle en France « l’Orient compliqué ». Et on peut ajouter à cela que si comme on le sait la superpuissance américaine finance et soutient massivement l’État israélien… Ce dernier a désormais d’excellents rapports avec l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis (dont fait partie Dubaï). Et qui est un ennemi juré de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis ? Le Qatar.
Comme on le voit, il n’y a rien dans tout cela de démocratique et de populaire. On est dans les intérêts économiques, financiers, politiques ; on est clairement dans la bataille pour le repartage du monde. Le Hamas n’est qu’un pion pour les uns, tout comme Israël est un pion pour les autres, et en dernier ressort on retombe toujours sur l’affrontement par pièces interposées des superpuissances américaine et chinoise.
Toute alignement, même toute convergence avec l’un des protagonistes anti-démocratique et anti-populaire est plus qu’une erreur, c’est une faute politique. Cela dessert les peuples qui cherchent à frayer une voie démocratique dans une situation absolument horrible et sanglante. Le Hamas n’est en aucun cas une composante de l’affirmation historique du tiers-monde ! Seul le drapeau rouge a un sens, une signification historique !