Le programme de revendications immédiates que publie le Rassemblement populaire résulte d’un accord unanime entre les dix grandes organisations qui composent le Comité national de Rassemblement :
Ligue des Droits de l’Homme,
Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes,
comité mondial contre le fascisme et la guerre (Amsterdam-Pleyel),
Mouvement d’Action combattante,
Parti Républicain Radical et Radical-Socialiste,
Parti Socialiste S.F.I.O.,
Parti Communiste,
Union socialiste et Républicaine,
Confédération Générale du Travail,
Confédération Générale du Travail Unitaire.
Il s’inspire directement des mots d’ordre du 14 juillet Les partis et organisations, groupant des millions d’êtres humains, qui ont juré de rester unis, aux termes du serment, « pour défendre les libertés démocratiques, pour donner du pain aux travailleurs, du travail à la jeunesse et, au monde, la grande paix humaine » ont cherché ensemble les moyens pratiques d’une action commune, immédiate et continue.
Ce programme est; volontairement limité aux mesures immédiatement applicables.
Le Comité national entend que chaque parti, chaque organisation, participant au Rassemblement populaire, puisse se joindre à l’action commune sans rien abdiquer de sa doctrine, de ses principes, et de ses fins particulières. Il s’est astreint, d’autre part, à présenter des solutions positives aux problèmes essentiels, actuellement posés devant la démocratie française.
C’est ainsi que, dans l’ordre politique, il définit les mesures indispensables pour assurer le respect de la souveraineté nationale, exprimée par le suffrage universel, et pour garantir les libertés essentielles (liberté d’opinion et d’expression, libertés syndicales, liberté de conscience et laïcité) – que, dans l’ordre international, il pose les conditions nécessaires à la sauvegarde et à l’organisation de la paix, suivant les principes de la Société des Nations – et que, dans l’ordre économique et financier, il s’attache à lutter, dans l’intérêt des masses laborieuses et épargnantes, contre la crise et contre les organisations fascistes qui l’exploitent pour le compte des puissances d’argent.
Ces problèmes d’économie et de finance, d’une si haute importance actuelle, le Rassemblement populaire se refuse à les résoudre séparément : il veut atteindre les causes des moins-values fiscales en agissant contre la crise, et compléter son action contre la crise par l’amélioration du crédit public et privé.
Le Rassemblement populaire souligne qu’un grand nombre des revendications qu’il présente figurent déjà dans les plans et programmes élaborés par les organisations syndicales de la classe ouvrière.
Il ajoute que ces revendications urgentes, et par là même restreintes, si elles apportent une première modification au système économique actuel, devront être complétées par des mesures plus profondes pour arracher définitivement l’Etat aux féodalités industrielles et financières.
En tous les ordres de problèmes, le Rassemblement, a cherché des solutions de justice, seules conformes aux principes de la démocratie : justice égale pour tous dans l’application des lois pénales – justice fiscale – justice pour les indigènes dans les colonies – justice internationale, dans le cadre et suivant l’esprit de la Société des Nations.
S’il a été possible au Comité national du Rassemblement populaire d’aboutir à des formules unanimes, c’est que les partis et organisations qui le composent ont collaboré amicalement dans un esprit de conciliation et de synthèse. Aux masses populaires de soutenir à présent ces revendications et de les faire triompher. Quand ce programme commun aura passé dans la réalité, un grand changement sera obtenu : la liberté sera mieux défendue, le pain mieux assuré, la paix mieux garantie.
De tels biens sont assez précieux pour que tout soit subordonné à la volonté de les conquérir.
C’est à cette volonté revendicatrice que le Rassemblement populaire fait appel. Qu’elle se traduise par une cohésion étroite, où se prolonge la fraternité du 14 juillet, et qu’elle signifie à tous, en France et hors de France, que la démocratie est invincible dès qu’elle reprend sa vigueur créatrice et sa puissance d’attraction.
REVENDICATIONS POLITIQUES
I – Défense de la Liberté
1 – AMNISTIE GÉNÉRALE.
2 – CONTRE LES LIGUES FASCISTES :
a) Désarmement et dissolution EFFECTIVE des formations paramilitaires, conformément à la loi.
b) Mise en vigueur des dispositions légales en cas de provocation au meurtre ou d’attentat à la sûreté de l’Etat.
3 – ASSAINISSEMENT DE LA VIE PUBLIQUE, notamment par les incompatibilités parlementaires.
4 – LA PRESSE
a) Abrogation des lois scélérates et des décrets-lois restreignant la liberté d’opinion;
b) Réforme de la presse par l’adoption de mesures législatives :
1° qui permettent, la répression efficace de la diffamation et du chantage ;
2° qui puissent assurer aux journaux des moyens normaux d’existence, qui les obligent à rendre publique l’origine de leurs ressources, qui mettent fin aux monopoles privés de la publicité commerciale et aux scandales de la publicité financière, et qui empêchent enfin la constitution de trusts de presse.
c) Organisation des émissions radiophoniques d’Etat en vue d’assurer l’exactitude des informations et l’égalité des organisations politiques et sociales devant le micro.
5 – LIBERTÉS SYNDICALES :
a) Application et respect du droit syndical pour tous.
b) Respect du droit des femmes au travail.
6 – L’ÉCOLE ET LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE :
a) Assurer la vie de l’école publique, non seulement par les crédits nécessaires, mais par des réformes telles que la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans et la mise en pratique, dans l’enseignement du second degré, d’une sélection indispensable comme, complément de la gratuité.
b) Garantir à tous, élèves et maîtres, la pleine liberté de conscience, notamment par le respect de la neutralité scolaire, de la laïcité et des droits civiques du corps enseignant.
7 – LES TERRITOIRES COLONIAUX : Constitution d’une Commission d’enquête parlementaire sur la situation politique, économique et morale dans les territoires français d’outre-mer, notamment dans l’Afrique française du Nord et l’Indochine.
II – Défense de la Paix
1 – Appel à la collaboration du peuple et notamment des masses laborieuses pour le maintien et l’organisation de la paix.
2 – Collaboration internationale, dans le cadre de la Société des Nations, pour la sécurité collective, par la définition de l’agresseur et l’application automatique et solidaire des sanctions en cas d’agression.
3 – Effort incessant pour passer de la paix armée à la paix désarmée, d’abord par une convention de limitation, puis par la réduction générale, simultanée et contrôlée des armements.
4 – Nationalisation des industries de guerre et suppression du commerce privé des armes.
5 – Répudiation de la diplomatie secrète, action internationale et négociations publiques pour ramener à Genève les Etats qui s’en sont écartés, sans porter atteinte aux principes constitutifs de la Société des Nations : sécurité collective et paix indivisible.
6 – Assouplissement de la procédure prévue par le Pacte de la Société des Nations pour l’ajustement pacifique des traités dangereux pour la paix du monde.
7 – Extension, notamment à l’Europe orientale et centrale, du système des pactes ouverts à tous, suivant les principes du Pacte franco-soviétique.
REVENDICATIONS ÉCONOMIQUES
I – Restauration de la capacité d’achat supprimée ou réduite par la crise
CONTRE LE CHÔMAGE ET LA CRISE INDUSTRIELLE : Institution d’un fonds national de chômage. Réduction de la semaine de travail sans réduction du salaire hebdomadaire. Appel des jeunes au travail par l’établissement d’un régime de retraites suffisantes pour les vieux travailleurs Exécution rapide d’un plan de grands travaux d’utilité publique, citadine et rurale, en associant à l’effort de l’Etat et des collectivités l’effort de l’épargne locale.
CONTRE LA CRISE AGRICOLE ET COMMERCIALE : Revalorisation des produits de la terre, combinée avec une lutte contre la spéculation et la vie chère, de manière à réduire l’écart entre les prix de gros et les prix de détail.
Pour supprimer la dîme prélevée par la spéculation sur les producteurs et les consommateurs ; création d’un office national interprofessionnel des céréales.
Soutien aux coopératives agricoles, livraison des engrais au prix de revient par les offices nationaux de l’azote et des potasses, contrôle et tarification de la vente des superphosphates et autres engrais, développement du crédit agricole, réduction des baux à ferme.
Suspension des saisies et aménagement des dettes.
Mise au point de la révision des billets de fonds de commerce.
En attendant l’abolition complète et aussi rapide que possible de toutes les injustices que les décrets-lois comportent, suppression immédiate des mesures frappant les catégories les plus touchées dans leurs conditions d’existence par ces décrets.
II – Contre le pillage de l’épargne
Pour une meilleure organisation du crédit. Réglementation de la profession de banquier.
Réglementation du bilan des banques et des sociétés anonymes.
Réglementation nouvelle des pouvoirs des administrateurs des sociétés anonymes.
Interdiction aux fonctionnaires retraités ou en disponibilité d’appartenir aux conseils d’administration des sociétés anonymes.
Pour soustraire le crédit et l’épargne à la domination de l’oligarchie économique, FAIRE DE LA BANQUE DE FRANCE, aujourd’hui banque privée, LA BANQUE DE LA FRANCE :
Suppression du Conseil des Régents.
Élargissement des pouvoirs du Gouverneur, sous le contrôle permanent d’un conseil composé de représentants du pouvoir législatif, de représentants du pouvoir exécutif et de représentants des grandes forces organisées du travail et de l’activité industrielle, commerciale et agricole.
Transformation du capital en obligations, des mesures étant prises pour garantir les intérêts des petits porteurs.
III. – Assainissement financier.
Révision des marchés de guerre en liaison avec la nationalisation des industries de guerre.
Répression du gaspillage dans les administrations civiles et militaires.
Institution de la caisse des pensions de guerre.
Réforme démocratique du système des impôts comportant une détente fiscale en vue de la reprise économique, et création de ressources par des mesures atteignant les grosses fortunes (progression rapide de la majoration du taux de l’impôt général sur les revenus supérieurs à 75 000 francs – réorganisation de l’impôt successoral – taxation des profits des monopoles de fait en évitant toute répercussion sur les prix de consommation).
Suppression de la fraude sur les valeurs mobilières, par la mise en vigueur de la carte d’identité fiscale votée par les Chambres, en l’accompagnant d’une amnistie fiscale.
Contrôle des sorties de capitaux et répression de leur évasion par les mesures les plus sévères, allant jusqu’à la confiscation des biens dissimulés à l’étranger ou de leur contre-valeur en France.