Ce texte a été proposé par des adhérents du Parti Communiste Français comme base commune alternative en vue du congrès extraordinaire 23 au 26 novembre 2018.
« PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes » représente une tendance de type syndicaliste. C’est une opposition qui se veut « orthodoxe », prônant le retour au Parti de George Marchais, qu’il désigne comme la dernière vraie figure du PCF.
Sa principale figure est Emmanuel Dang Tran, qui dresse un bilan très critique de la direction actuelle, proposant de « faire vivre le PCF avec, sans ou contre la direction ».
On peut résumer cette tendance par quatre points :
- une ligne « économiste » qui ne s’intéresse pas aux questions culturelles ;
- une ligne largement opposée à la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ;
- contre faire de l’Union Européenne et des migrants des thèmes principaux ;
- contre l’association à un mouvement général de gauche et à la reconstruction de la sociale-démocratie.
« Le PCF a besoin d’un congrès vraiment extraordinaire : celui de la rupture avec 25 ans de stratégie de « mutation-effacement-liquidation ». La direction du Parti s’applique à ce que ce ne soit pas le 38ème, qui n’a d’extraordinaire que le nom et qu’elle entend boucler comme d’habitude. Les élections législatives de 2017 ont pourtant mis en évidence les résultats catastrophiques de cette stratégie, peut-être pas pour les tenants de l’institution, mais gravement pour les communistes sincères, le monde du travail, son avant-garde, ceux qui sont à la recherche de l’outil politique pour résister à l’intensification de l’attaque capitaliste dans la lutte des classes.
A l’exigence renforcée d’un congrès extraordinaire, nous, militants, responsables d’organisations locales du PCF, nous répondons par un texte alternatif d’une autre forme que précédemment. Nous proposons une motion d’actualité, de circonstance. Elle constitue d’abord une motion de censure pour exprimer le rejet des choix de la direction et montrer que le PCF ne se réduit pas à elles. Elle est aussi un appel à s’organiser plus largement pour se réapproprier le Parti par la base, en le faisant vivre, sur les rails de la lutte des classe, avec, sans ou malgré ses directions.
Il y a deux ans, pour le 37ème congrès, nous avons produit le texte « Reconstruire le parti de classe, donner la priorité au rassemblement dans les luttes ». Il continue à porter largement les analyses de la situation politique générale, suivant nos fondamentaux théoriques. Nous posons quelques points d’actualisation – Macron/Trump/UE/Syrie… – dans la motion pour le 38ème congrès, sans reprendre toutes les questions. Elle en reprend le titre, résumé de notre démarche.
Rompre avec le réformisme mortifère, renouer avec des positions communistes
Le résultat des législatives, 613.000 voix, et encore en comptant les candidats soutenus par d’autres partis, est le plus mauvais de toute l’histoire du PCF. Avec 1,23% des inscrits, on frôle l’insignifiance. Nous ne considérons pas que la cause profonde de ce désastre soit un accident de l’histoire ou une erreur tactique, ou encore le grand méchant Mélenchon. C’est le reflet de la stratégie d’effacement du Parti, de ses positions et son organisation, à la date actuelle. Les 613.000 voix de 2017 sont à situer dans une série, suivant les 960.000 de Hue en 2002 et les 707.000 de Buffet aux présidentielles de 2002 et 2007, élections réputées plus difficiles. Petit rappel : nos candidats avaient obtenu 5.793.000 suffrages aux législatives de 1978.
La seule chose que n’avait sans doute pas envisagée la direction en 2016/2017, c’est d’avoir à présenter, seule, des candidats étiquetés PCF. 450 ont été envoyés au casse-pipe pour que quelques-uns, aux prix de négociations humiliantes, soient possiblement élus. Les promoteurs de la Mutation au congrès de Martigues en 2000 posaient le primat de la présence dans les institutions sur l’action dans les luttes. En 2017, ils sont exaucés ! Malgré la perte d’influence sans précédent, le PCF gagne 4 députés. Déjà, à Paris, en 2014, grâce à l’accord octroyé par la municipalité social-libérale Delanoë-Hidalgo, les élus PCF ont 4 fois plus de places que ne leur en aurait données la proportionnelle intégrale… Rappelons combien cet accord a lourdement plombé les candidats communistes ailleurs.
En juin 2017, le contraste était béant. Quand les communistes sincères étaient accablés par le résultat électoral, la direction poussait un ouf de soulagement, puisque le groupe parlementaire, donc l’institution, était préservé. Ensuite, le choix de temporiser, le refus de réagir, même symboliquement, à la hauteur du nouveau désaveu ont donné aux communistes et à ceux qui s’intéressent au PCF un signal désastreux. Chez les camarades – et nous le mesurons à cette phase du congrès – cela va de la colère à la résignation, en passant par l’éloignement en douceur, le découragement et le dégoût. Dans le monde du travail, dans les syndicats, chez les sympathisants, dans la population l’indifférence gagne, au point que chez certains plus jeunes, le sigle PCF ne soit même plus toujours identifié.
Depuis un an, la direction du Parti a poursuivi comme si de rien n’était, ajoutant à la consternation de ceux qui attendent encore une position de lutte du PCF. Aux adhérents, on a proposé un questionnaire/sondage bidon, en s’appuyant, comme nous l’avons dénoncé, sur un logiciel de fichage et de marketing politiques acheté à la société américaine « Nation Builder ». Sur l’UE, la direction du PCF a organisé un forum à Marseille en novembre 2017, pour le compte du Parti de la Gauche européenne. Sous l’égide d’une vidéo de Tsipras, les dirigeants du PCF et du PGE, en vue des élections européennes, ont illustré leur ligne réformiste de « réorientation » du l’UE du capital et ses institutions. Nous demandons, plus que jamais, la sortie du PCF du PGE, outil d’intégration des partis progressistes à l’UE du capital.
Plutôt que songer à relever le Parti, la direction a repris immédiatement sa recherche d’intégration dans une recomposition politique à gauche. La phase de décomposition-recomposition de la social-démocratie, après les élections de 2017, offre de nouveaux partenaires possibles, moins directement plombés par le bilan de Hollande : le Rocardien Hamon, ministre pendant la réforme ferroviaire de 2014, Maastrichien convaincu ou les rescapés d’EELV, le parti cofondé par Cohn-Bendit. Dans ce contexte, la direction du PCF espère sortir du tête-à-tête avec Mélenchon, les présidentielles passées. Le caractère hétéroclite et la concurrence entre dirigeants de la « France insoumise » (FI) offre aussi d’autres interlocuteurs potentiels. Dans cet esprit, la direction a pris l’initiative d’un meeting, raté, le 30 avril 2018 (Hamon se décommandant au dernier moment). Surtout, elle a officiellement lancé une offre de rassemblement de toutes les forces de « gauche », qui se disent anti-Macron, pour les élections européennes (qu’elles soient pro- ou anti-maastrichiennes).
Dire stop aux combinaisons politiciennes qui accélèrent notre effacement
Pour nous, la question n’est pas de refuser systématiquement des alliances politiques. Mais elles dépendent de l’objectif et leur recherche ne peut être un préalable. Ce qui est un préalable, pour pouvoir s’allier, c’est exister soi-même ! Et le rassemblement prioritaire auquel doit viser un parti communiste, c’est le rassemblement dans la lutte des classes.
Face à la politique au service du Capital, encore accélérée, par Macron, l’orientation maintenue du PCF l’a rendu incapable de contribuer efficacement à la convergence des luttes. La direction s’est inscrite dans les manifestations des samedis 21 septembre 2017 et 5 mai 2018, malgré les réticences de la CGT. Avec les leaders de gauche, en concurrence pour prendre le leadership de l’opposition, ces manifestations politiciennes « pot-au-feu » ont court-circuité l’objet essentiel des convergences de luttes (et de grève). Le samedi 26 mai 2018, la manifestation à laquelle la CGT a appelé à participer, dans des conditions précises, a montré qu’une juxtaposition de luttes diverses ne faisait pas la convergence, notamment autour des cheminots, tandis que les récupérations politiciennes évidentes ont démobilisé. La direction du PCF fait, dans son texte de congrès, un symbole de sa perspective d’union de cette modeste marée.
Agir dans les luttes pour des ruptures immédiates
La lutte des cheminots est appelée à se poursuivre, sans doute sous d’autres formes. Elle était et reste porteuse de très larges convergences : services publics, statuts du travail, retraites. La ligne de la direction du PCF, après le refus de s’opposer frontalement à la réforme ferroviaire de 2014, sans revenir à la collaboration de Gayssot dans le gouvernement de « gauche plurielle », est inapte à construire ces convergences, malgré l’élan de solidarité des communistes vers les grévistes. Aucune initiative nationale, de type pétition ou « votation », n’était envisageable en dehors d’une unité – impossible – de la gauche (hors PS) : voir la réunion du 10 avril « unitaire des partis de gauche et écologique », dont un bon nombre ont soutenu la « réforme ferroviaire » de 2014. Pour la direction du PCF, il n’est pas question non plus de remettre, nationalement, en cause le cadre européen (malgré l’opposition de classe massive à l’UE et, là, sur un sujet économique et social fondamental !). Du coup, sur le fond, elle s’est limitée à évoquer des « dérogations » possibles, notamment dans les régions, aux directives de mise en concurrence. Elle a sorti une pétition aussi peu lisible et mobilisatrice que fausse et abracadabrantesque pour « faire pression sur le BCE pour une réorientation de sa politique de Quantitative Easing en vue de la création d’un fonds européen pour les services publics, notamment le ferroviaire, qui pourrait reprendre la dette de la SNCF ». Le salut par l’UE et la planche à billets ? Alors même, de surcroît, que la question, importante, de la dette n’est pas dans le projet de loi (le gouvernement, ayant gagné sur la concurrence et la transformation en sociétés anonymes, est prêt à la reprendre).
Dans sa logique, la direction a rejeté notre proposition de pétition pour le maintien du monopole public SNCF sur les trains de voyageurs, le retour au monopole pour le fret, la réunification dans un seul établissement public de la SNCF, contre la transformation en sociétés anonymes et pour la défense du statut et des conditions sociales des cheminots. Nous avons dû la déployer à partir de nos organisations de base du Parti. Quel gâchis !
Le vrai congrès extraordinaire sera celui de la rupture avec 25 ans de stratégie de « mutation-liquidation ».
A défaut d’être « extraordinaire », le 38ème congrès s’annonce-t-il donc exactement comme les précédents ? Non pas tout à fait. Pour deux raisons. Devant la violence du désaveu électoral, la direction a pris, d’abord, la précaution d’avancer de 6 mois la tenue du congrès normal pour éviter que les communistes se prononcent, au bon moment, en connaissance, sur les candidatures et les ralliements aux élections européennes. Ensuite, les clans dirigeants se divisent sur deux textes, celui adopté par le Conseil national du 3 juin 2017 et celui, alternatif, porté par les « économistes », des ex-huistes, des personnalités comme André Chassaigne et André Gerin, des « identitaires », ralliés par différents groupes trotskystes. Nous dénommerons par la suite ce texte « texte direction-bis » puisqu’il reprend globalement les thèses les plus réformistes, celles des économistes, l’acceptation de l’UE du capital et du PGE, les théories révisionnistes de la « visée communiste » et du « dépassement du capitalisme », inventées sous Hue pour renoncer au socialisme et à la rupture avec le capitalisme. Dans un contexte de lutte des places, illustrée par la scandaleuse tribune de jeunes dirigeants dans la presse bourgeoise pour réclamer des places correspondant à leurs ambitions (le PCF parti comme les autres !), le texte « direction-bis » vise avant tout à faire porter le chapeau de l’échec à Pierre Laurent, son équipe rapprochée et aux choix tactiques qu’ils ont assumés en 2016 et 2017 (dont les « primaires » pourtant défendues par des tenant du texte-bis).
Divisée, la direction du PCF continue à faire l’impasse sur le bilan de 25 ans d’abandons et de reniements des fondements du Parti.
Mais, les deux clans dirigeants s’entendent notamment sur l’entourloupe principale de la préparation du congrès. Toute la préparation des élections européennes est décidée en dehors de l’expression des communistes, c’est-à-dire du vote sur les différentes motions le 6 octobre. La ligne, dans l’axe du PGE, élaborée pour les européennes a été actée par le Conseil national du 31 mars 2018. Un « chef de file » des candidats a été désigné hors de toute procédure statutaire. Il s’agit d’un des « trentenaires » ayant affiché sa disponibilité à ses ambitions. Ian Brossat, symbole de l’alignement sur le social-libéralisme à Paris, se trouve érigé de fait porte-parole du Parti. Le tour de passe-passe consiste à faire croire aux adhérents qu’il y aura une présence communiste autonome aux élections européennes. Après le 6 octobre, même après le congrès lui-même, tous les arrangements à « gauche » seront possibles, indépendamment de l’avis des communistes.
Dans le contexte nouveau, après le résultat des présidentielles, et les nouvelles perspectives de recomposition à gauche, on retrouve le plan B de la consultation de fin 2016 sur les présidentielles, tronquée et non statutaire déjà, sans appel à candidature et dans le refus d’une candidature communiste sur un programme communiste. Le plan A, porté par Pierre Laurent, posait le soutien à Mélenchon. Le plan B, porté notamment par André Chassaigne, proposait d’attendre, de porter une candidature virtuelle, « rétractable », jusqu’au résultat des primaires du PS. Le plan B préférait s’assurer de miser sur le bon cheval, préférait un candidat issu du PS et souhaitait donner une visibilité, même factice, au PCF dans la période. Le plan A a prévalu car il commençait à être clair dans les sondages que Mélenchon, déjà lancé, devancerait Montebourg ou Hamon, que peu voyaient encore en piste.
Il n’a jamais été sérieusement question de présenter un candidat communiste aux présidentielles. Les sondages culminaient à 1 ou 2% comme aujourd’hui, lorsqu’une liste PCF aux européennes est sondée. Comment pourrait-il en être autrement après un tel effacement des positions communistes et le choix de le poursuivre, notamment en étant « eurocompatible » ? Aux européennes, le seuil pour obtenir des sièges, désormais sur une liste nationale est de 5%. Les élections auront lieu en juin 2019, la constitution des listes en mars. Bien après la consultation biaisée des adhérents, les directions pourront combiner et choisir le « bon cheval » ou le moins mauvais pour conserver quelques sièges.
Unis dans cette opération politicienne (meeting Laurent-Chassaigne-Brossat du 2 juillet), les textes du Conseil national et de la « direction-bis » diffèrent très peu – appel au bilan biaisé et partiel, autocritique superficielle, thèmes de diversion, socle idéologique réformiste, sauf dans la charge dirigée par le texte-bis sur le secrétaire national et sa gestion récente. Les deux tendances de la direction se rejoignent désormais aussi dans la condamnation, l’épisode présidentiel passé, du « populisme » de Mélenchon. Dire que lorsque nous avions démasqué le Mitterrandien et Maastrichien Mélenchon, dès 2008, on nous avait qualifiés de calomniateurs…
Un troisième texte, issu d’un autre groupe dirigeant, dont les « refondateurs » et certains idéologues de la Mutation, affiche son attirance pour la FI et sa volonté d’un dépassement de la forme parti en général et d’une disparition maîtrisée du PCF en particulier. Dans leur clarté, ces poissons-pilotes de la liquidation devraient avoir l’honnêteté de quitter le PCF et de laisser ceux qui veulent le continuer.
La FI « populiste », le contraire du parti de classe
Si ce n’avait pas été Mélenchon et la FI, d’autres auraient « plumé la volaille communiste », tant notre Parti est désarmé. Dans notre texte du 37ème congrès, nous avons longuement analysé, de façon très critique, la forme d’organisation prônée par Mélenchon et le Parti de Gauche. La critique est à affiner et à approfondir avec la FI et son succès relatif uniquement ou presque électoral, en partie (seulement) dans la classe laborieuse. Electoralisme, méthodes lobbyistes, fond politique social-démocrate et keynésien (aides ciblées au capitalisme) : les formules, à comparer à celles de Podemos en Espagne, de Syriza en Grèce, ou de « Cinque Stelle » en Italie sont les plus éloignées de notre conception du parti de classe en lien avec les luttes. Dans son ensemble très hétéroclite, qui semble lié par l’opportunisme, le populisme propre de Mélenchon nous est inacceptable quand il rejoint le chauvinisme, fait le lit du populisme de droite et confine à la xénophobie, quand il dénonce « les travailleurs détachés qui mangent le pain des Français » ou conspue les retraités allemands qui saigneraient les peuples du sud. Il n’y a aucun avenir pour des communistes dans la FI !
Le concept historique de « gauche » est mis en question, notamment par certains de la FI qui, comme l’ex-FN (dans les limites du parallèle), se disent ni de droite, ni de gauche. Pour nous le repère historique de « gauche » continue d’exister dans le pays comme ferment progressiste, même si la « gauche institutionnelle » est complètement discréditée et discrédite la notion « gauche », ce qui est grave. Pour autant, Parti communiste, nous nous adressons en priorité, bien sûr d’un point de vue de « gauche » anticapitaliste, aux travailleurs suivant leurs intérêts de classe objectifs, avant leur identification politique.
La lutte des classes traverse aussi le PCF
Notre texte-motion alternative a pour objectif de permettre de sanctionner ces choix des groupes dirigeants du PCF, mais pas seulement. Nous sommes conscients d’à quel point sont consternants, décourageants, pénibles les démêlages des stratégies et calculs politiciens. Nous devons nous faire à l’idée que la lutte des classes traverse, depuis longtemps maintenant, les organisations révolutionnaires historiques de notre pays, dont le PCF. Le PCF, son histoire, son existence, l’existence d’un parti communiste indépendant, entièrement tourné vers l’intérêt des travailleurs dans la lutte des classes, sont devenues des questions de lutte en soi.
La contradiction fondamentale est la même depuis plus de 25 ans et la victoire de la contre-révolution à l’est (ceci constaté indépendamment de nos critiques). L’anticommunisme s’est trouvé considérablement renforcé au point que l’idéologie dominante espère aujourd’hui renvoyer aux oubliettes de l’histoire le seul mouvement politique qui a mis en échec le capitalisme sur une partie du monde.
L’existence et le rayonnement des partis communistes est un enjeu de la lutte des classes.
Les partis communistes ont tous subi la déflagration. Ils ont réagi en fonction du niveau de leur intégration dans la démocratie bourgeoise et de leur ancrage dans la lutte des classes. Après souvent des luttes internes douloureuses, des partis sont clairement restés communistes : le KKE en Grèce, le PCP au Portugal, les « petits » partis luxembourgeois ou allemand, le PC du Venezuela, etc. D’autres appareils dirigeants ont fait aussitôt leur « coming out » socio-démocrates, en Suède, dans la plupart des pays de l’Est, et surtout en Italie allant jusqu’à se convertir en parti démocrate à l’américaine. L’étude comparée de ces situations est un point très important de notre démarche.
En France, les nouvelles directions successives se sont retrouvées devant une contradiction qu’elles n’ont pas encore surmontée. La préservation des fortes positions institutionnelles, héritées de l’Union de la gauche, a largement prévalu et, pour cela, elles ont courbé l’échine devant l’idéologie dominante. Les reniements en série au moment de la « gauche plurielle » en ont été le révélateur. Mais elles n’ont jamais réussi à changer le nom du Parti. C’était exclu au congrès de 1991. La tentative a avorté avant le congrès de 2000. La tentative, même, d’autodissolution après juin 2007 a été retirée. Notre appel d’alors « Pas d’avenir sans PCF » y a beaucoup contribué.
Elles se sont heurtées à la résistance des adhérents, même après le sabordage des organisations de base, les cellules. Le PCF a perdu de l’ordre de 90% de ses adhérents de 1995 en nombre, et encore davantage en militants. Elles sont heurtées au fait historique PCF, à ce que le Parti des grandes conquêtes sociales et de la Résistance, notamment, continue à représenter dans l’inconscient intellectuel du pays. L’appareil dirigeant a compris qu’il perdait tout s’il cessait d’être le dépositaire, ingrat, de ce glorieux héritage.
Une solution s’est alors imposée : rester gardiens du PCF, mais l’effacer dans un ensemble, dans une recomposition politique à « gauche ». Plusieurs scénarios ont été et sont toujours, plus que jamais, envisagées, concurrents ou complémentaires, impliquant tous l’effacement du PCF : gauche plurielle avec tout le PS, maintenant avec une partie ou les ex-PS et EELV, « maison commune de la gauche », « collectifs antilibéraux », « front de gauche » etc. La liste « Bouge l’Europe » en 1999 avait déjà donné un avant-gout caricatural de cette stratégie.
Après l’échec de la candidature unique des « collectifs anti-libéraux » en 2006, la direction est allée chercher Mélenchon pour créer avec lui, en 2008, en parallèle du 28ème congrès, et en doublant les communistes (encore une fois), le « Front de gauche ». La suite de l’histoire est rappelée plus haut.
« Nous ferons vivre le PCF, avec, sans ou contre sa direction »
Nous sommes lucides sur les effets de tant d’années de reniements. Le Parti est en déliquescence. Sa vie a disparu de la plupart des localités, presque complètement des entreprises. Elle se limite à la préparation des élections dans d’autres, à des élus, souvent (pas toujours) coupés de base.
Les directions successives portent, de façon absolument incontestable, la responsabilité de la destruction du Parti. Nous ne nous sommes jamais fait l’illusion de « remettre sur les rails de la lutte des classes » ces directions. Leur survivance institutionnelle implique de lui tourner le dos, de « transformations en transformations ». Le slogan de ce congrès « révolutionner le Parti », et non le système, révèle la perspective de tourner en rond et de s’enfoncer.
Tout observateur peut vérifier ce processus. Nous ne le contrerons pas en faisant des choix illusoires du moindre mal, de congrès « de la dernière chance » en congrès de la « dernière chance ». L’expérience est déjà faite, s’ajoutant à l’analyse.
Face au capital, aujourd’hui plus que jamais, notre peuple a besoin du PCF !
Nous voulons maintenir un parti communiste en France, issu du marxisme et du léninisme, de l’organisation du mouvement ouvrier français qu’ils ont fécondée depuis 1920. Pour cela, nous ne lâchons pas et ne lâcherons pas la bataille du PCF, de ce qu’il représente d’historiquement irremplaçable, dans la population, dans la classe ouvrière, dans le mouvement syndical d’origine révolutionnaire. La bataille pour la légitimité de ce que représente le PCF doit aller jusqu’au bout.
Nous appelons, à nouveau, les communistes, qui ont quitté le PCF ou, cas le plus fréquent, en ont été écartés mécaniquement, faute de fonctionnement, à se réapproprier le Parti, cellule par cellule, section par section. Nous entendons et affirmons vouloir, mieux que précédemment, appuyer ce processus, en partant de la base, avec une visibilité nationale. Les communistes et ceux qui n’aspirent qu’à le devenir sont plus forts que les directions gestionnaires de la faillite.
Relancer partout l’action communiste
La démarche que nous mettons en avant est loin d’être uniquement critique, c’est avant tout une démarche constructive, une démarche de RECONSTRUCTION du PCF à partir des luttes. Notre démarche reste une coordination respectant la situation de chaque organisation du PCF et militant. Nous revendiquons d’être identifiés nationalement comme « RECONSTRUCTEURS » dans le PCF (maintenant qu’une expérience complètement différente portant ce nom est tombée dans l’oubli).
C’est dans ce sens que nous avons abordé, depuis nos organisations locales du PCF et leur coordination, les batailles essentielles contre la politique au service du capital de Hollande, puis de Macron, depuis le dernier congrès. C’est dans ce sens que nous envisageons la suite des grandes batailles en cours et qu’annonce le pouvoir.
Nous nous reconnaissons dans la formule que prononça le grand résistant communiste André Tollet lors d’une conférence de presse, en 1999, de camarades décidés, déjà, à combattre la ligne de mutation-liquidation du Parti. Certains d’entre nous y participaient. « Nous ferons vivre le PCF, avec, sans ou contre (malgré) sa direction ». Pour nous, ce n’est pas qu’une formule. C’est une pratique essentielle. Le cas général, en partant des priorités de la lutte, ce n’est ni « avec », ni « contre » mais « sans ». Les directions du Parti ont abandonné le terrain de classe, l’animation du Parti de classe et de masse. Leurs transformations en ont fait un parti de postures, replié sur les enjeux électoraux et institutionnels. Nous l’avons analysé comme un choix politique méthodique de dévitalisation, des années 1990 à aujourd’hui (« révolutionner le Parti » !). Pour autant rarement, sauf sur l’UE, la direction n’est en état de désavouer officiellement les positions « naturelles » des communistes, celles que les travailleurs attendent d’eux. Elle ne les défend plus. Elle les substitue par un galimatias réformiste, notamment produit par les « économistes ». Elle les contredit par ses pratiques dans ses compromis et compromissions dans les organes exécutifs, gouvernement de « gauche plurielle », régions, etc. Mais elle se trouve rarement en état de s’opposer ouvertement à ces positions. A nous de les tenir, dans cette contradiction, pour faire vivre l’organisation communiste, pour rester fidèles à notre engagement.
Développer un programme communiste dans une perspective de rupture avec le capitalisme: le socialisme
Notre priorité est l’orientation du Parti. Nous utilisons tous les moyens d’expression, sites internet, échanges de matériels de propagande, appels nationaux pour aller dans cet objectif. Pour l’essentiel, nous continuons à affirmer et mettre en débat les analyses de notre texte du 37ème congrès, annexé à celui-ci.
Notre campagne récente, avec la pétition nationale pour le maintien du monopole public SNCF, contre la transformation en sociétés anonymes et la casse, avec celle du statut, des conditions de travail des cheminots en est l’illustration.
De même, nous impulsons une large campagne rassembleuse, par toujours partant de nos préoccupations prioritaires, mais ne s’y opposant pas, contre le « prélèvement à la source », la hausse de la CSG, la perspective de fusion de l’impôt sur le revenu avec la CSG.
C’est une bataille capitale, de l’ordre de celle que le PCF, seul, en 1990 a mené contre le gouvernement Rocard, mais aujourd’hui dans un cadre aggravé de remise en cause du financement de la sécurité sociale par la solidarité et la cotisation sociale.
Plus que jamais, la défense de la production répondant aux besoins, dans le cadre social national, est notre revendication. Le cas d’Alstom, filière énergie, comme filière ferroviaire a soulevé les possibilités de mobilisations populaires. La nationalisation, en régime capitaliste, n’est pas toujours le remède, si elle n’est que la nationalisation des pertes. Dans une possibilité d’élévation du rapport de force dans le pays, suivant les exemples de 1936 et 1945, elles restent une solution que le Parti soit défendre.
Nous renvoyons les camarades vers notre texte précédent pour les grandes campagnes de luttes en cours.
Le capitalisme n’a plus besoin de la démocratie bourgeoise ?
L’avènement de Macron, suite à une manipulation de l’idéologie dominante a permis, momentanément, au système de contourner la crise de la démocratie bourgeoise, de l’alternance gauche institutionnelle/droite menant la même politique. Nous avons analysé l’effondrement de la social-démocratie comme le résultat de la dégradation du rapport de classe mondial et national et de la disparition ou de l’effacement des partis communistes. Macron concentre le ventre mou de ceux qui pensent qu’ils ont le moins intérêt à ce que les choses changent. Est-ce durable ? C’est douteux.
Le risque figuré par les exemples voisins est celui d’une alliance électorale, dans un contexte général de dépolitisation, à droite, notamment sur les questions, mises en avant de migration. Notre riposte, plus que jamais, implique, au plan national et internationaliste, la recherche de la concordance sur la base de l’intérêt de classe de chacun. A la fois contre les guerres impérialistes, les exploitations, et contre la mise en concurrence des travailleurs.
Le capitalisme mondialisé, c’est la guerre
La montée des tensions inter-impérialistes mondiales fait monter les risques d’affrontements voire de guerre. Communistes, nous devons mesurer ce que représente l’élection de Trump comme président des Etats-Unis et la lutte politique interne, inédite, qui a traversé le capitalisme américain entre Hillary Clinton et Trump. Elle se poursuit. La puissance capitaliste, encore dominante, est traversée par une contradiction interne qu’il nous faut mesurer, entre option nationaliste et option « cosmopolite ».
Notre parti doit reprendre son combat contre l’impérialisme et pour la paix
Notre campagne pour la paix, historiquement contre notre propre impérialisme, pour le désarmement unilatéral de la France, nucléaire et non-nucléaire, pour la sortie de l’OTAN et des politiques de défense européennes est notre priorité. Quel sens peut avoir la perspective d’un monde multipolaire ? Hier, le bloc socialiste, divergent sur le fond du bloc capitaliste, pouvait représenter un équilibrage. Aujourd’hui, suivant notre interprétation du développement capitaliste chinois, nous risquons d’être exposés à une montée des blocs impérialistes, et de leurs alliances conflictuelles, comme avant 1914.
Notre conception du socialisme charpente nos luttes
D’ici le prochain congrès, nous célébrerons le 100ème anniversaire du congrès de Tours et de la fondation de notre parti. Ces derniers mois ont vu les commémorations, malheureusement modestes, du centenaire de la Révolution d’Octobre et du bicentenaire de la naissance de Karl Marx auxquels nous avons cherché à donner le plus d’échos possible.
Nous n’oublions pas que le PCF que nous voulons continuer est issu d’une triple origine : premièrement, l’organisation et l’expérience nationales du mouvement ouvrier, notamment certaines étapes de la Révolution française, la Commune de Paris, après 1920, les grandes conquêtes sociales, la Résistance, les combats anticoloniaux, deuxièmement les théories de Marx et d’Engels ET, troisièmement, la conception léniniste du Parti. Le marxisme et le léninisme ont fécondé le mouvement ouvrier français et abouti, dans le cadre de la lutte des classes mondiale, à l’organisation ouvrière anticapitaliste la plus efficace, dans notre pays, dans l’intérêt des travailleurs et de la population.
Nous avons pu, en pleine lutte cheminote, envoyer des délégations à Trèves pour la manifestation du Parti communiste allemand, le 5 mai 2018, jour de l’anniversaire de Marx. Le raccourci d’expérience fut saisissant. Quelques fanatiques divers de l’anticommunisme associaient Marx à des crimes contre l’Humanité. Mais l’idéologie dominante, notamment par la voix du Président de la Commission européenne, Junker, ou par les dirigeants allemands, pas seulement socio-démocrates, n’ont pas hésité à commémorer Marx, pour mieux le renvoyer vers un passé révolu, un musée de la philosophie. Pour sa part, le pouvoir chinois a célébré en grandes pompes l’anniversaire. Un résumé caricatural peut en être : les enseignements du marxisme nous ont montré comment le capitalisme permettait de hausser les moyens de production, de s’enrichir – nous avons déjà gagné le socialisme – nous utilisons, momentanément, le capitalisme. L’expérience chinoise, dans laquelle nous ne pouvons pas nous reconnaître, appelle toute notre attention, sur ce plan théorique aussi.
L’actualité des théories de la plus-value, de la baisse tendancielle du taux de profit, de la crise capitaliste, de la lutte des classes comme moteur de l’histoire, que nous devons à Marx et Engels, est pour nous évidente. Nous affirmons que, plus que jamais, elles doivent faire l’objet d’une diffusion et d’une étude de masse.
Plus que jamais, l’exigence de rupture avec le capitalisme !
En juin 2008, Marie-George Buffet affirmait à propos du Congrès de Tours : « Nous sommes au 21ème siècle, le monde a changé, les modèles se sont écroulés. Aussi, dans cette belle ville de Tours, si nous ne retenions de son célèbre congrès qu’une seule chose : le formidable espoir, cette énorme volonté politique de la part de nos camarades de construire une société meilleure. » En novembre 2017, Pierre Laurent déclare : « Le communisme, pour nous, c’est précisément le mouvement continu de cette émancipation humaine contre toutes les dominations, toutes les aliénations. C’est un mouvement continu de conquête démocratique… »
Comment peut-on être révolutionnaire sans envisager de rupture ? Comment peut-on conquérir des progrès immédiats pour les travailleurs et le peuple sans, dans le cadre de la lutte des classes, porter des ruptures, une perspective de rupture avec le capitalisme ? C’est impossible.
Pour nous cette rupture porte toujours le nom de socialisme. Et sa conquête a besoin d’un outil politique: le Parti communiste.
La différence entre réformisme et révolution est toujours fondamentale.
En 1920, nos glorieux aînés faisaient le choix, longuement débattu, d’adopter les 21 conditions de l’adhésion à l’Internationale communistes. Certaines sont devenues obsolètes. Mair remettre, encore et toujours, en débat, celles qui sont essentielles et d’actualité est notre préoccupation première de communistes, au 21ème siècle.
Nous mettrons toute notre énergie à une célébration du 100ème anniversaire du PCF, en décembre 2020, qui réaffirme toute l’actualité de son organisation révolutionnaire.
« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes » Karl Marx – Manifeste du Parti communiste »