Le grand souci pour les Français, c’est qu’ils s’imaginent que la lutte des classes est une fête. Les étudiants pensent que cela ressemblerait à mai 1968, à un grand bazar joyeux, festif. Les syndicalistes s’imaginent que cela serait un piquet de grève, avec un barbecue et des bières.
Même l’idée hypothétique d’une révolution est rêvée comme une vaste manifestation où, en face, tout s’efface de lui-même. Il n’y a pas du tout la compréhension du caractère prolongé, opiniâtre, âpre de la lutte des classes.
La lutte de classes, c’est du salé, pas du sucré. La lutte des classes, c’est les larmes qu’on verse, et le sang pareillement. Et il est hors de question de confier, déléguer ses responsabilités à d’autres. La lutte des classes englobe tout le monde, sans exception.
Et pour que tout le monde se mette en jeu personnellement, il faut bien que cela soit contre leur gré, que cela soit l’Histoire qui les force…
Naturellement, plus on a une conscience élevée sur le plan idéologique et culturel, plus on comprend le sens de l’Histoire, on n’est pas surpris, on n’est pas dépassé. Mais pour cela il faut étudier. Rien que l’étude du Capital de Marx, naturellement incontournable, nécessite des efforts, beaucoup d’efforts.
D’où l’âpreté, âpreté morale, intellectuelle, physique, culturelle de la bataille qu’est la lutte des classes. Si l’on préfère, c’est une lutte à mort, entre deux classes, avec tout qui est en jeu. Pour la bourgeoisie, c’est sa survie en tant que classe qui est en jeu, pour le prolétariat, c’est son effacement tant souhaité en tant que classe exploitée.
La séquence de juin-juillet 2024 est un rappel à l’ordre sur ce plan, mais pas seulement. C’est aussi une matérialisation d’une contradiction fondamentale, celle entre prolétariat et bourgeoisie. On devine les détours, les contorsions historiques provoquées par la corruption de la société française par le capitalisme développé.
Mais les faits sont les faits, les faits sont têtus comme le disait Marx. Et en l’absence de gens au niveau, les faits s’expriment d’eux-mêmes, utilisant les uns et les autres selon les nécessités.
Il est évident déjà pour tout le monde que la société française a profondément changé avec la séquence, qu’elle ne pourra plus être la même, qu’on va vers une situation nouvelle.
C’est le mouvement de l’Histoire. L’arbre préfère le calme, mais le vent continue de souffler. Le Socialisme est produit par le capitalisme, de manière immanquable, et il est en train de revenir sur la scène, péniblement. La lutte des classes ressurgit, déformée, affaiblie, incohérente, cependant grandissante et sûre d’elle-même.
Il faut se préparer aux grandes choses !