Ce texte a été proposé par des adhérents du PCF comme base commune alternative en vue du congrès extraordinaire 23 au 26 novembre 2018. Il a remporté la majorité des suffrages lors du vote des adhérents terminé le 6 octobre 2018 et remplace la base commune proposée par la direction du parti.
> Lire également : Congrès du PCF : le texte de base commune de l’opposition remplace celui de la direction
« Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle » est tout à fait conforme à ce que représente culturellement et traditionnellement le PCF depuis la deuxième moitié du XXe siècle.
Il n’exprime pas le point de vue d’un courant à proprement parlé mais plutôt une réunion de différentes sensibilités pour faire opposition à la direction, de manière non radicale.
Le texte parle de « révolution » à de nombreuses reprises mais n’avance qu’un contenu social-démocrate non révolutionnaire. Le vocabulaire traditionnel communiste est utilisé avec les termes classe ouvrière, travailleurs, marxisme, capitalisme, crise systémique, capital, suraccumulation des capitaux, contradictions, etc.
L’écologie est comprise formellement mais pas en pratique, il y a une simplement bienveillance sur la question mais avec aucun contenu.
« Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle (complet)
version déposée le 6 Juillet 2018
Le texte issu du Conseil National n’a été voté que par 49 de ses membres sur 91 votants et 168 membres. L’unité des communistes exige un texte beaucoup plus audacieux, cohérent et clair, pour un congrès vraiment extraordinaire. C’est pourquoi, dans notre diversité et pour sortir le PCF de l’effacement et de l’immobilisme, nous proposons une autre base commune de discussion. Pour rassembler elle propose des réponses pour fonder un véritable débat sur les questions de fond (bilan, orientation nouvelle, changement de direction) très mal traitées dans le texte proposé par la direction.
Après le vote des 4 au 6 octobre, ce texte de base commune, s’il est adopté, sera amendé jusqu’au congrès.
Notre 38ème congrès est vital.
Au mois de juin 2017, les communistes décidaient, à l’issue de la séquence électorale des présidentielles et des législatives, de convoquer un congrès extraordinaire. Notre affaiblissement électoral et notre perte de visibilité nationale étaient et sont toujours au cœur des préoccupations des communistes qui veulent reconquérir l’influence de notre parti et reconstruire une organisation révolutionnaire de notre temps.
C’est au Parti communiste, français et internationaliste, d’assumer cette ambition face à la force du capital qui se pare des atours de la modernité, face à la profondeur de sa crise systémique, mais aussi face à l’attraction des idées réformistes de conciliation, comme de celles nationalistes et xénophobes désignant des boucs émissaires.
C’est d’autant plus nécessaire que Macron et son gouvernement mettent à profit la confusion politique et l’absence d’alternative progressiste crédible pour conduire à marche forcée la destruction du modèle social français. Ils cherchent à faire de la France, à côté de l’Allemagne, le second pilier d’une Europe au service du capital, des marchés financiers et de l’ordre mondial dont ils ont besoin.
Macron prétend que ses options sont les seules à même d’arracher la France et l’Europe à la crise très profonde d’un système capitaliste qu’il entend sauver. En réalité cette politique va accentuer les vulnérabilités de la France et les fractures sociales dans un monde en crise alors que se prépare une nouvelle aggravation des difficultés mondiales, plus brutale que la crise de 2007-2008 dont les forces du capital n’ont voulu retenir aucune leçon.
Après une période d’observation, des luttes importantes se développent. Elles concernent les bases même du modèle social français, dont elles cherchent un nouveau développement : services et entreprises publiques, exigences d’égalité, notamment entre femmes et hommes, refus du déclassement et des discriminations, égalité des territoires et enjeux écologiques, la protection sociale et son mode de financement à partir des richesse produites, l’emploi, sa sécurité et sa promotion, l’augmentation des salaires, toutes les batailles sur l’éducation et la formation, les droits et pouvoirs des salariés sur les lieux de travail.
Il n’y a jamais eu autant besoin de révolution, d’idées et de luttes révolutionnaires ; d’un parti et d’un projet communistes pour permettre au mouvement populaire de s’élargir et de se renforcer jusqu’à contraindre le gouvernement à des reculs, imposer de nouvelles conquêtes, ouvrir une issue politique. Leur absence dans le champ politique laisse la voie libre à toutes les récupérations nationalistes, populistes, xénophobes, racistes ou antisémites.
Quel défi pour le Parti communiste français !
Mais après son effacement en 2017 et son résultat désastreux aux législatives, son pronostic vital est engagé.
Tout cela constitue un électrochoc. C’est pour cela que les communistes ont voulu un congrès extraordinaire pour une réorientation stratégique, une mobilisation nouvelle dans l’action et le développement d’une ambition communiste.
Un bilan stratégique et organisationnel est nécessaire pour permettre un débat sans tabou et des décisions audacieuses.
Nous considérons que la proposition de base commune votée le 3 juin (par 49 voix sur 91 votants et 168 membres du CN) ne répond pas aux exigences du débat, pas plus qu’elle ne permet d’analyser précisément la situation du monde et celle de notre parti. Se refusant à formuler clairement les termes du débat, elle ne permet ni la discussion sur la réorientation et les changements que les communistes sont si nombreuses et nombreux à penser nécessaires, ni la prise d’initiatives par celles et ceux qui aspirent à changer l’ordre existant.
Ce n’est pas d’un collage d’options et de synthèses habiles que notre parti a besoin pour construire une unité réelle et agissante des communistes.
Nous proposons une base commune qui permette de répondre à cette question essentielle :
faut-il continuer dans l’effacement, dans une pratique du coup par coup, dans une stratégie illisible, et dans le manque d’ambition et d’incarnation ? Ou construisons-nous collectivement la voie d’un renouvellement politique profond de notre organisation, à même de renforcer notre influence et notre place au sein d’un rassemblement efficace pour notre peuple ?
Pour le débat le plus conséquent des communistes et des choix clairs, cette proposition de base commune entend apporter des éléments de réponse précis aux questions centrales suivantes, en les conjuguant à l’ambition d’un nouvel internationalisme :
- nos difficultés actuelles résultent-elles d’une mauvaise mise en œuvre des choix faits depuis une vingtaine d’années, ou bien ces choix mêmes sont-ils à remettre en question ?
- quel bilan faisons-nous, aux plans stratégique, organisationnel et électoral ? Quel bilan de l’activité de la direction nationale ?
- quelle place du marxisme vivant pour armer le combat et pour la confrontation d’idées à tous les niveaux ?
- une réorientation stratégique est-elle nécessaire ou suffit-il de chercher à mieux tenir le même cap sous l’appellation « nouveau front social et politique » ?
- faut-il se résigner, aux élections européennes, à un nouvel effacement du parti et de ses idées au nom du rassemblement derrière une possible tête de liste issue d’une autre formation politique ? Ne s’agit-il pas plutôt de construire une liste de large rassemblement initiée et conduite par le PCF ?
- comment définir l’objectif du communisme, les voies et moyens de l’atteindre ? Quelle dialectique nécessaire entre nos propositions, les luttes immédiates, les étapes indispensables et la visée communiste qui se construit dans ce mouvement tout en l’éclairant ?
- un changement profond de la direction nationale est-il nécessaire ? Quel engagement des dirigeantes et des dirigeants pour un effort de réorientation des idées, de la pratique et de l’action ?
L’heure est critique pour notre force politique, et par conséquent, pour sa capacité à servir efficacement dans l’avenir les intérêts populaires et de classe.
Nous ne nous résignons pas à l’idée que le congrès extraordinaire puisse sombrer dans les habitudes, les redites et le refus des remises en cause.
Nous voulons sortir le PCF de la spirale de l’effacement et de l’affaiblissement.
Nous partageons cette conviction qu’il ne peut y avoir de transformation révolutionnaire sans un Parti communiste fort et influent, porteur de cette ambition.
Nous partageons la nécessité d’un renouvellement de notre organisation et d’une relance ambitieuse de notre travail politique, étroitement liés à la mise en dynamique nationale de nos militants.
Ce sont ces enjeux prioritaires qui nous réunissent et nous rassemblent.
C’est pourquoi, dans la diversité de nos analyses et réflexions, nous proposons ce texte comme base commune pour la discussion du 38ème congrès du Parti communiste.
Nous le mettons dès aujourd’hui à la disposition de toutes et tous les communistes pour permettre le développement d’actions transformatrices ambitieuses de notre parti au lieu de la paralysie liée à la recherche de faux équilibres.
Nous souhaitons que le plus grand nombre de militantes et de militants s’en saisisse, dans une recherche de convergence et d’unité indispensables à la réussite d’un congrès extraordinaire, redonnant demain à notre parti sa pleine capacité d’action à travers une perspective politique et stratégique claire.
Nous la formulons en six chapitres :
- Un bilan critique
- Nos responsabilités face à la nouvelle phase de la crise du capitalisme et de la société
- Le communisme de notre temps : idéal éthique, visée historique, chemin de lutte
- Un nouvel internationalisme pour relever le défi de la mondialisation capitaliste
- Pour une nouvelle stratégie de rassemblement et d’unité populaires
- Pour un Parti communiste utile, agissant, audacieux et novateur, internationaliste et révolutionnaire.
I.Un bilan critique
Un bilan critique est nécessaire pour évaluer les causes de la situation actuelle du parti et pour redéfinir notre démarche stratégique.
Les échecs successifs sont dans toutes les mémoires :
2002 : notre effacement politique dans la « gauche plurielle » au lieu d’une action autonome sur les idées et dans les luttes conduit à l’échec à l’élection présidentielle ;
2007 : notre immersion dans les « comités anti-libéraux », alors que nous aurions dû prendre l’étendard du rassemblement avec nos propositions de fond dès le lendemain du référendum de 2005, débouche sur un nouvel effondrement de notre résultat à la présidentielle.
2007-2008 : les communistes refusent majoritairement, lors de l’assemblée extraordinaire des délégué·e·s de section, une dilution du parti au sein d’une « nouvelle force politique ». La crise de 2007-2008 ouvre un champ nouveau à l’apport d’idées et à l’action des communistes. Le 34ème congrès confirme alors la volonté majoritaire de continuer le PCF et de développer ses idées. Mais la direction privilégie peu à peu, au détriment de la promotion de nos idées pour l’action et pour une remontée de l’influence du parti, une conception du Front de gauche comme processus d’alliance électorale et de rapprochement avec Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci a certes quitté le PS mais en affichant son attachement à François Mitterrand. Il ne cache pas son objectif : fusionner au sein d’une nouvelle formation sociale-démocrate les composantes du Front de gauche, dans la confusion entre réformistes et révolutionnaires.
2012 : le Front de gauche, niant notre idée de « fronts de luttes », tend à se transformer en machine électorale d’un candidat, promu par le sommet du parti afin de « ne pas recommencer 2007 » ; il a pourtant ouvert un espoir de changement et poussé le PS à bouger jusqu’au fameux « mon ennemi c’est la finance ». Mais il n’a pas su offrir une alternative radicale et crédible à toute la gauche, son candidat portant de moins en moins ce qui dans L’humain d’abord était l’apport original des communistes.
2012-2017 : le Parti communiste délègue la prise d’initiatives populaires à Jean-Luc Mélenchon. Hormis l’amorce d’une campagne sur le coût du capital vite abandonnée, notre parti s’efface, malgré les efforts de ses militants sur le terrain : il laisse une place démesurée au PG sur ses listes aux élections successives (européennes, municipales, régionales) et limite son rôle à être un facilitateur de rencontres de sommet, sans bataille sur les contenus.
2017 : la décision du 37ème congrès d’engager une candidate ou un candidat communiste dans la perspective de la présidentielle n’est pas respectée. Le champ est ouvert à Mélenchon. Malgré la forte demande d’autonomie des communistes exprimée très majoritairement en conférence nationale, le PCF s’aligne derrière un candidat au discours de plus en plus populiste et agressif, voire nationaliste, qui préconise des solutions économiques social-démocrates. Et tout cela au prix d’un gâchis inouï de moyens financiers et militants !
Dans ces conditions, après des reculs importants aux élections municipales et régionales, marquées par la perte de nombreuses élues et de nombreux élus communistes, notre résultat aux législatives (2,72 % des exprimés) est le plus mauvais de notre histoire.
En effet, la France Insoumise bénéficiant de l’identification nationale de son candidat à la présidentielle, la concurrence s’est révélée mortifère pour nos candidats dans la très grande majorité des circonscriptions. Nous obtenons cependant 11 députés dont 5 élus dans le cadre des très rares accords de retrait de la FI au premier tour.
Ces résultats ne traduisent pas l’audience réelle du PCF dans le pays, ni les potentialités de reconquête de son influence. Mais ils sont un nouveau facteur d’affaiblissement, de perte de visibilité nationale.
Cet affaiblissement n’est pas une fatalité. Il a pour cause principale des choix politiques initiés par nos principaux dirigeants et obstinément poursuivis malgré les alertes et les échecs.
Ces erreurs ont un lien avec le doute qui s’est installé sur le communisme après la disparition de l’URSS, semblant consacrer un triomphe définitif du capitalisme. Les enseignements de cette tentative de révolution, qui a ébranlé le monde mais a finalement été défaite, continuent de susciter des débats importants dans le mouvement communiste. Ce qui est certain, c’est que la disparition de l’URSS nous plaçait, dans les années 90, au défi d’une analyse approfondie et du choix d’une novation communiste. Au lieu de cela, les directions successives du PCF ont été gagnées par le renoncement, jusqu’à des choix qui ont déstabilisé et déstructuré notre parti, comme l’abandon de la bataille à l’entreprise, et qui ont brouillé le repérage de classe du parti dans la société.
II. Relever les défis de la crise
2.1 Rassembler pour une issue à la crise du capitalisme financiarisé et mondialisé
Alors qu’une nouvelle catastrophe s’annonce, la crise du capitalisme nous place au défi de rassembler pour ouvrir une issue.
En 2007-2008, c’est une suraccumulation de capitaux matériels et financiers qui est venue à éclater dans l’ensemble des pays capitalistes développés. Après le krach de 2000-2001, en effet, les États et les institutions internationales avaient été mobilisés pour sauver le capital et accroître la rentabilité financière : l’argent des profits, des fonds publics et du crédit a servi à alimenter la flambée des cours et des investissements ; les nouvelles technologies, génératrices d’économies massives de travail humain, ont été monopolisées par les multinationales. La suraccumulation des capitaux a alors été relancée, et a débouché sur la crise financière de 2007-2008. Résultats : un chômage et une surexploitation fortement aggravés, une insuffisance accrue des débouchés amplifiant la guerre économique mondiale, le prélèvement de monstrueuses rentes néocoloniales sur les peuples des pays les moins développés et des risques multipliés d’affrontements armés.
Cette crise a déstabilisé les schémas intellectuels dominants et mis en cause la légitimité du système capitaliste. L’idée qu’il est nécessaire de rompre avec ce système peut grandir : encore faut-il dessiner les chemins d’une telle rupture.
À droite comme chez les socialistes, la réponse à la crise du système a été d’accroître l’intervention publique en faveur des profits et d’un marché prétendument « régulé ».
Pour sortir de la crise, il aurait fallu au contraire une nouvelle intervention publique pour mettre l’argent, les richesses produites et la monnaie créée, au service non pas de la rentabilité du capital, mais du développement de chacune et chacun, de toutes et tous, dans le respect de la planète. L’urgence était de faire reculer la domination du capitalisme mondialisé en faisant progresser, dans les luttes, dans les urnes et dans les institutions, l’exigence d’autres règles, d’autres critères et, en particulier, de pouvoirs décisionnels nouveaux pour les travailleuses et les travailleurs sur tous les choix d’investissement.
Ce défi n’a pas été relevé. La domination des idées de concurrence pour le profit a persisté. La domination des idées social-démocrates sur toute la gauche, insuffisamment combattue, a persisté elle aussi. Tout cela a ouvert la voie à une réaction néolibérale, ultra-réactionnaire et autoritaire ainsi qu’aux populistes qui ont rajouté au désarroi et à la confusion.
Les contradictions entre la logique du capital et les besoins de développement humain nouveaux ont ainsi été accentuées.
Avec la révolution numérique et informationnelle, une nouvelle efficacité économique, fondée sur le développement des capacités humaines et sur le partage des informations, devient possible. Les aspirations aux savoirs et à la créativité sont de plus en plus vives ; la place nouvelle des connaissances dans la société ouvre des possibilités inédites d’émancipation ; mais les multinationales utilisent les gains de productivité pour faire baisser le « coût du travail », précariser les emplois, soumettre les formations à leurs exigences de rentabilité. Les salarié·e·s dont l’emploi est supprimé sont rejeté·e·s dans le chômage.
La révolution démographique, avec l’allongement de la durée de la vie et les besoins de santé et de dignité associés, la possibilité pour les femmes de maîtriser la procréation, les nouvelles relations qui s’instaurent dans les couples et dans les familles, est porteuse de libertés nouvelles, mais le capitalisme l’utilise pour marchandiser l’ensemble des temps de la vie.
Enfin, l’humanité a aujourd’hui le pouvoir de menacer sa niche écologique : la planète. L’exigence d’expansion du capital met radicalement en cause notre environnement, l’écologie, et met en danger l’espèce humaine.
Nous devons développer en grand le chantier de la compréhension marxiste de ces transformations et de la conquête par les travailleurs comme par les peuples de leur maîtrise sociale et démocratique.
L’un des effets les plus sensibles de la crise est l’aggravation sans précédent des inégalités, au point que se développent des batailles nouvelles pour l’égalité et la solidarité.
2.2 La revendication d’égalité entre les femmes et les hommes : un mouvement mondial sans précédent et profondément révolutionnaire
La libération de la parole des femmes contre les violences sexistes et sexuelles vient de dénoncer l’illusion d’une « fin de l’Histoire » en matière d’égalité femme-homme. Le droit à disposer de son corps est au cœur d’une lutte féministe décisive partout sur la planète. Le combat pour l’égalité au travail – notamment salaire et déroulement de carrière – comme hors travail, pour le partage des pouvoirs et des rôles, doit être mené avec détermination jusque dans notre organisation.
Les transformations qui bouleversent le monde contemporain donnent à ce combat une portée profondément nouvelle. En finir avec les racines profondes du patriarcat et des discriminations touchant les femmes va de pair avec la perspective d’un dépassement du capitalisme jusqu’à son abolition et à la construction d’une nouvelle civilisation.
2.3 Face à la progression du racisme et de la xénophobie, des solidarités nouvelles se cherchent
Le racisme et la xénophobie se nourrissent des divisions engendrées par le chômage et par la compétition pour l’accès à l’emploi. Ils s’appuient sur l’ampleur des discriminations, trop fréquentes dans les actions policières, mais aussi sur la négation du droit au travail et au logement, de l’accès aux services publics dans les zones déshéritées, de l’accès au savoir et à la culture. Ils sont utilisés pour organiser la guerre de tous contre tous, à partir des replis identitaires et communautaires qui, pour certaines et certains parmi les plus dominé·e·s, semblent seuls pouvoir répondre aux besoins de protection face aux violences sociales. Ils offrent un terrain à l’instrumentalisation par des groupes sectaires, voire terroristes, des détresses sociales et morales qui frappent trop de jeunes. Nous devons montrer que ces humiliations insupportables, ces formes visibles de l’absence d’égalité réelle dans la République, révèlent l’ampleur et le caractère multidimensionnel des inégalités de classes.
Les politiques migratoires et le traitement indigne des réfugiés en France et en Europe relancent les idées racistes, traduisent la volonté d’une Europe « forteresse ». Elles vont de pair avec l’acceptation des guerres néocoloniales et du pillage des pays dominés qui engendrent des migrations de survie. Elles masquent le refus d’un grand essor des services publics pour répondre aux besoins de toutes les populations au lieu de les opposer.
Mais tout cela suscite des mobilisations et des solidarités nouvelles qui témoignent de potentiels de rapprochement car, comme l’a écrit Marx, « le travail sous peau blanche ne peut s’émanciper là où le travail sous peau noire est stigmatisé et flétri ».
Les réponses capitalistes à la crise nourrissent des dérives autoritaires lourdes de danger pour la démocratie, la stabilité du monde et la paix. Il est urgent de reconquérir, individuellement et collectivement, le pouvoir sur nos vies.
La marchandisation effrénée qui réduit les personnes à des choses et à des coûts se heurte à l’aspiration, de plus en plus largement partagée, à l’épanouissement des personnes et à la liberté. La logique capitaliste a de plus en plus besoin, pour s’imposer, d’autoritarisme et de violence.
2.4 Les luttes de la jeunesse sont symptomatiques des aspirations nouvelles et de la violence à laquelle elles se heurtent
La jeunesse paie très cher les reculs sociaux, démocratiques, culturels imposés par le capital. Elle est lourdement frappée par le chômage. Les jeunes sont obligés de passer par de longs sas de précarité, avant d’espérer accéder à une situation stable leur permettant de se projeter dans l’avenir. Bien que mieux formés que leurs parents, ils et elles vivront probablement moins bien qu’eux. Ils et elles sont victimes de stigmatisation et de discriminations, surtout celles et ceux des quartiers les plus pauvres.
C’est source de détresse, mais aussi, de plus en plus, de révolte et de mobilisation : les lycéennes et les lycéens, les étudiantes et les étudiants contre « Parcoursup » revendiquent leur droit à une formation de haut niveau, les jeunes cheminotes et cheminots, les jeunes salarié·e·s de la fonction publique et dans les entreprises sont souvent en première ligne dans des luttes dures pour les droits, la dignité, les salaires.
Notre époque est celle d’un conflit violent entre le vieux monde capitaliste, rongé par la surexploitation et le cancer financier, et d’immenses possibilités d’émancipation et de partage qui ouvrent la voie vers une nouvelle civilisation. Un nouveau choc se prépare, plus profond et plus mondial. Tout donne à penser qu’il sera plus violent. Pour affronter ce choc, pour mener cette bataille, nous avons besoin du Parti communiste.
Nous devons nous donner les moyens d’alerter sur la catastrophe qui vient, d’agir, de rassembler et d’éclairer dans l’action sur la nécessité de mettre en cause le capitalisme pour un changement de société et de civilisation. Ouvrons le débat sur ce que peut être une société qui se dégage de sa domination mais ne l’a pas encore dépassée pour l’abolir vraiment, une société qui construit sa transition socialiste vers une civilisation supérieure, le communisme.
Le développement des idées et des propositions communistes, dans la société, au service d’actions et de transformations de portée révolutionnaire, est aujourd’hui un enjeu politique majeur, en France, en Europe et dans le monde. C’est la clé de notre congrès extraordinaire.
III. Le communisme de notre temps : idéal éthique, visée historique, chemin de lutte
Le projet communiste vise une transformation radicale de notre société pour une société de partage des richesses, mais aussi des pouvoirs, des savoirs et des rôles : une société sans classes, sans guerres, dépassant les nations ; une société où exploitation et aliénations sont abolies. En cela le communisme s’oppose radicalement au capitalisme et à son idéologie, le libéralisme.
Le communisme est à la fois l’objectif et le chemin menant à une société dont le but et le moyen deviennent progressivement le développement émancipé de chacune et de chacun, comme personne et en société, ou comme disait Marx comme « individu intégral ». Une société où « le libre développement de chacun devient la condition de libre développement de toutes et tous ».
En ce sens, les luttes immédiates à organiser et les rassemblements à construire doivent contribuer à ouvrir le chemin vers cette nouvelle société. Le communisme est donc inséparable d’objectifs sociaux ambitieux, de pouvoirs et de moyens financiers nouveaux qui dessinent une étape radicale vers le but final.
3.1 Le communisme à l’ordre du jour
La crise du système capitaliste et ses contradictions d’une profondeur inédite ouvrent une nouvelle période historique. Avec les débuts de la révolution technologique informationnelle, et ses exigences de partage, la perspective d’aller « au-delà » du marché capitaliste prend un caractère plus concret.
Le développement des capacités de chacune et chacun, l’émancipation de la personne dans toutes ses dimensions, devient nécessaire pour le bien commun de toute la société. Cela rencontre les formidables aspirations à l’émancipation personnelle.
Les besoins nouveaux de créativité dans le travail comme dans le débat démocratique poussent en faveur d’une prise de pouvoir par les travailleuses et les travailleurs dans l’entreprise, les citoyennes et les citoyens dans les institutions.
Tout le système de délégation de pouvoir doit être dépassé, comme y invite la crise profonde de la démocratie parlementaire, mais aussi l’étouffement de la créativité des salarié·e·s dans les entreprises par les monopoles de pouvoirs patronaux.
Un dépassement du capitalisme pour l’abolir n’est donc plus seulement une utopie, une idée qu’il s’agirait de formuler sans la mettre en pratique.
C’est un processus de transformation révolutionnaire et démocratique que nous devons chercher à construire par nos propositions et notre projet, et à faire vivre au cœur des luttes sociales et d’idées.
Cela suppose pour les communistes un grand débat sur ce que peut être le dépassement du capitalisme.
Un effort de renouvellement et de novation est en effet devant nous, de même qu’une bataille d’idées est à mener. Car l’idéal communiste, longtemps identifié au grand espoir soulevé dans le monde par la révolution soviétique et l’édification de l’URSS à partir d’une Russie arriérée, a été défiguré par de terribles dérives du système soviétique et a été atteint par son effondrement dans une crise profonde.
3.2 Un processus révolutionnaire
Le communisme est un processus historique d’abolition réussie du capitalisme, poussant tous les acquis de civilisation de ce système, et supprimant ses maux, vers une nouvelle civilisation. C’est cela le dépassement du capitalisme.
Il s’agit de dépasser l’enfermement de chacune et chacun dans les aliénations d’un travail, d’une consommation et d’une vie sociale dominées par une production au service de la marchandisation et de l’accumulation ; et, en dépassant la soumission des activités à l’accumulation capitaliste, de faire avancer une efficacité sociale pour le droit au bonheur de chacune et chacun.
Cela signifie une révolution des rapports sociaux de production :
- une appropriation sociale des moyens de production, d’échange et de financement, de la gestion des entreprises ;
- l’avancée d’une sécurité d’emploi ou de formation, avec des activités de développement des capacités de chacune et chacun, dépassant le salariat capitaliste, vers une société sans classe.
Cela suppose une révolution politique qui, à chaque étape, arrache toujours plus au capital la maîtrise des leviers de pouvoir, notamment ceux de l’État Cela signifie une transformation ininterrompue des institutions, avec des pouvoirs d’intervention directe, décentralisés, de tous les acteurs sociaux, des citoyennes et des citoyens. Cela permettrait de pousser la démocratie jusqu’au développement de l’autogestion économique et politique.
Dans cette nouvelle civilisation, chacune et chacun aurait tous les moyens effectifs de contribuer à son propre bonheur. Forte de nouvelles valeurs, cette civilisation permettrait l’épanouissement et la créativité de chaque individu et de toutes et tous, ensemble.
L’humanité pourrait mettre un terme à toutes les dominations sociales et à toutes les formes de discrimination, pour une société d’égalité dans la différence. Elle deviendrait capable de transmettre la Terre aux générations futures, en respectant son intégrité, sa diversité, sa beauté.
3.3 Porter un projet communiste
Travail, emploi, salaires (marché du travail), services publics, biens communs et développement humain, rôle de l’entreprise et de la production, pouvoirs, institutions politiques, finance et mondialisation : tels sont les chantiers du communisme que nous devons investir immédiatement. Un projet communiste doit comporter des axes de transformation sur tous ces chantiers. Sans constituer un programme, ceux-ci doivent être cohérents pour une transformation effective. Sa configuration doit se modifier au rythme de l’expérience acquise par les luttes pratiques, comme au rythme de l’avancée des connaissances. Il s’agit, au total, d’avancer en pratique en rassemblant largement, malgré les conflits inévitables, les contradictions, les compromis et les incertitudes dans une construction qui puisse changer réellement la société.
Des objectifs sociaux transformateurs
L’emploi au cœur de la transformation sociale : notre proposition de sécurité d’emploi et de formation
Le chômage, la précarité et les « jobs de merde » ne sont pas des fatalités. Prenant appui sur l’aspiration partagée à une formation et à une mobilité choisie, à un travail utile et qui ait du sens, comme sur la nécessité pour la société d’élever le niveau de formation et de qualification pour répondre aux besoins de souplesse et d’adaptabilité de la production moderne, nous voulons avancer vers une sécurité d’emploi et de formation permettant à chacune et chacun de conjuguer mobilité choisie et sécurité accrue de ses revenus et de ses droits. Ce système pleinement réalisé permettrait de supprimer le chômage, de révolutionner le contenu du travail, de dépasser l’opposition travail-hors travail, tout en répondant au besoin de souplesse, de progrès et d’adaptabilité de la production moderne. Il ouvre la voie à une nouvelle organisation des temps de la vie, donnant à toutes et tous plus de temps pour se former, plus de temps à consacrer à sa famille, plus de temps pour la vie sociale. Progresser dans sa construction est inséparable de la défense et de la promotion d’une protection sociale efficace parce que financée à partir des richesses créées dans les entreprises. Des éléments essentiels d’avancées immédiates vers ce projet ont déjà fait l’objet d’une proposition de loi des députés communistes.
La culture et l’émancipation humaine sont au cœur de ce projet. Plus celui-ci va se développer, plus il va appeler à une nouvelle culture, à un dépassement des anciennes cloisons, plus il va nécessiter la participation de chacune et chacun aux activités culturelles et créatrices.
Une nouvelle expansion des services et du secteur publics
Les services publics doivent être une pierre angulaire de la construction d’une nouvelle citoyenneté et de la promotion de biens communs dans tous les domaines. Il s’agit de contester la domination de l’Union européenne par le marché et la concurrence aveugle, pour promouvoir un système de coopération où les services publics rénovés et de nouvelles entreprises publiques joueraient un rôle décisif d’entraînement.
Il est indispensable de promouvoir des entreprises publiques dans les secteurs de la production et des services, visant la réponse efficace aux besoins populaires et la sécurisation de l’emploi et de la formation. Cela implique une transformation profonde des gestions avec de nouveaux critères, une barrière efficace à l’entrée des capitaux privés, des financements émancipés des marchés financiers, des pouvoirs d’intervention des salariés et de concertation avec les usagers, des coopérations très nombreuses et intimes en France, en Europe, dans le monde.
Une refonte écologique et culturelle de la production et de la consommation
Le capitalisme exploite l’humain et les ressources naturelles pour son profit égoïste. La nature devrait être un bien commun de l’humanité tout entière au lieu d’être marchandisée, voire parfois privatisée. Il est le principal responsable de la crise écologique, provocant pollutions, réfugiés climatiques, famines, difficulté d’accès à l’eau, guerres… Le sort de l’humanité et de la planète sont indissociables : comment protéger les écosystèmes, la biodiversité quand l’humain est en souffrance ?
Notre vision communiste, originale, juge complémentaires développement humain et écologie, sans les opposer. Pour nous, l’enjeu écologique renforce nos combats. Bien loin de les décentrer, il les élargit. Il confirme qu’il faut vraiment changer le mode de production et de consommation, qu’il faut une véritable révolution. Il faut une révolution dans les rapports sociaux de production, jusqu’aux techniques de production, une révolution de la répartition et de la consommation, et une révolution des pouvoirs et de la culture.
Services publics et entreprises sont au cœur de l’enjeu écologique : service public de l’écologie, mais aussi de la santé ou de la recherche ou du financement, mais aussi entreprises productives, avec de nouveaux critères de gestion (donc de production et de localisation), banques (avec de nouveaux critères d’investissement et de financement). Nous pouvons faire converger des forces du « dedans » et du « dehors » de l’entreprise, à partir du double enjeu social et écologique qui se rejoignent contre la domination du capital, les critères de rentabilité financière, l’austérité et le système de pouvoirs.
De nouvelles conquêtes sociales et écologiques doivent être gagnées par des batailles concrètes sur tous les sujets. Par exemple :
- la bataille pour des relocalisations industrielles, le développement de l’emploi, converge avec celle des circuits courts, pour réduire pollutions et réchauffement climatique ; elle suppose une nouvelle politique industrielle et de services ;
- un plan pour développer un nouveau mix énergétique remplaçant les énergies carbonées et associant développement des énergies renouvelables avec la maîtrise publique, sociale et démocratique d’une filière nucléaire sécurisée et renouvelée : s’inscrivant dans une transition énergétique, écologique et non malthusienne, ce plan nécessiterait un grand effort de recherche, d’embauches, de formation, d’investissement et d’innovation sociale ; il serait élaboré avec tous les acteurs sociaux et citoyens ;
- un plan d’urgence contre le réchauffement climatique exige des mesures rapides telles que la gratuité des transports en commun et de s’attaquer au pouvoir de la finance et des actionnaires pour relancer le ferroviaire, fret et voyageurs, avec des dépenses d’infrastructures et pour les entreprises publiques, à l’inverse du démantèlement de la SNCF programmé par Macron.
C’est désormais une bataille idéologique structurante, pour donner à voir la nouvelle société que nous voulons construire.
Des pouvoirs et droits nouveaux
La conquête d’une égalité réelle pour toutes et tous, émancipée des origines assignées, des discriminations liées à l’âge, au genre, à l’orientation sexuelle, à la catégorie sociale, à l’apparence physique, au handicap, doit être instaurée et affirmée en donnant les mêmes droits à chacune et à chacun, dans une égale dignité de participation et d’intervention. La politique des boucs émissaires, des relégations territoriales, de l’incitation au racisme et de la stigmatisation masque les vrais problèmes et les entretient. Cela appelle tout à la fois un effort culturel, un effort démocratique, une justice réaffirmée, une autre police et un nouvel âge des services publics.
La démocratie participative et d’intervention doit devenir un principe actif, un impératif des politiques publiques, avec de réels moyens d’intervention directe des citoyennes et des citoyens. Elle suppose la création de nouveaux pouvoirs, un essor considérable des libertés et la conquête d’une égalité effective, en faisant en sorte que chacun dispose des moyens nécessaires à son accomplissement. Le rôle des salarié·e·s dans l’entreprise et des populations concernées doit prédominer, au lieu du monopole du capital et de ses représentants. Cet enjeu est au cœur de la lutte de classes d’aujourd’hui. Il s’agit de transformer les gestions d’entreprises pour leur faire assumer un but d’efficacité sociale, territoriale et écologique. Il faut aussi de nouvelles institutions permettant l’intervention populaire à tous les niveaux (des collectivités territoriales à l’État) pour une nouvelle République allant de pair avec une nouvelle construction européenne.
Cela implique de permettre à toutes et tous de comprendre le monde pour le transformer, de s’approprier des savoirs complexes et de construire une culture commune de haut niveau grâce à des services publics de l’éducation, de la formation et de la culture renforcés et profondément transformés.
Des moyens financiers
Émanciper société et économie des marchés financiers
L’argent et la monnaie sont l’instrument majeur de la domination du capital sur l’économie et la société. Un projet communiste doit promouvoir par la lutte un tout autre système de financement. Les marchés financiers, les grands actionnaires et le grand patronat imposent une logique de financement et de gestion qui soumet les entreprises à la domination du capital. Pour imposer une tout autre logique, nous voulons prendre le pouvoir sur l’utilisation de l’argent des entreprises (profits), de l’État (fond publics), des banques (crédit), des assurances (épargne). Au lieu de servir les profits, le coût du capital, l’évasion fiscale, cet argent doit financer les investissements efficaces, l’emploi, la formation, la recherche, l’écologie, l’égalité femmes-hommes, etc. Il doit aussi financer les services publics dans les territoires au lieu de laisser la dette publique sous la coupe des marchés financiers. Cet axe de transformation concerne tous les niveaux d’intervention : régional, national, européen et mondial.
IV. Un nouvel internationalisme pour relever le défi de la mondialisation capitaliste
Les communistes français ne peuvent penser leur rôle dans la société sans penser les profonds bouleversements vécus par la planète, sans travailler aux liens de solidarité avec les communistes et les forces progressistes, sans inscrire la lutte pour la paix dans l’exigence d’une autre société.
4.1 De profonds changements du monde
Ce début de XXIe siècle est une époque de bouleversements démographiques, écologiques, technologiques, économiques, géopolitiques. Ainsi par exemple le PIB de la Chine est désormais comparable à celui des États-Unis ; l’Afrique pourrait devenir le continent le plus peuplé d’ici la fin du siècle ; en France, un salarié sur deux travaille dans une multinationale.
On assiste à la généralisation et à l’exacerbation des fléaux du système mais aussi à l’apparition de nouveautés radicales et de potentielles transformations d’ensemble :
- le salariat se généralise dans tous les pays et l’humanité se concentre dans les villes, mais avec un chômage massif, une envolée de la précarisation, la mise en concurrence des salariés du monde entier, et l’explosion de nouveaux problèmes écologiques et sanitaires ;
- alors que se poursuit l’industrialisation du monde, le début de la révolution informationnelle s’accompagne d’une domination des entreprises réelles par des capitaux financiers de plus en plus monopolistiques et spéculatifs ;
- le défi climatique mondial, le recul drastique de la biodiversité, les déforestations, l’artificialisation des sols, les maladies liées à l’environnement montent, mais monte aussi une conscience mondiale de ces défis, les potentiels technologiques et les alternatives pratiques pour y faire face ;
- face au cancer financier qui se généralise, la responsabilité des banques, des multinationales, des paradis fiscaux et des organisations mondiales (FMI…) fait l’objet d’une prise de conscience mondiale ;
- partout s’affirme une volonté d’émancipation des individus, hommes et femmes, mais qui peut aussi être dévoyée en un individualisme destructeur des solidarités traditionnelles ;
- la nouvelle situation mondiale porte à la fois des possibilités nouvelles de communication et de partage, une ouverture croissante aux autres nations et à la diversité des cultures, et la mise en cause des protections étatiques traditionnelles, la régression des droits sociaux acquis, l’exacerbation des dominations supranationales ;
- des intégrismes et des conservatismes opposés, occidentaliste, suprémaciste blanc, « islamiste », se développent en même temps que montent des mouvements d’émancipation multiformes.
Après la chute du mur de Berlin et l’échec de l’expérience soviétique, avoir cru qu’il suffisait d’affirmer l’histoire propre du communisme français pour se dégager des conséquences de cet échec était une erreur : un bilan communiste de ce qu’a représenté l’Union soviétique est indispensable pour sortir de la diabolisation construite contre nous par les porte-voix du capital et poursuivre avec ténacité le développement de notre projet original autogestionnaire vers un communisme de notre temps.
4.2 Affrontement généralisé ou coopération et paix ?
Loin de la « fin de l’histoire », les concurrences inter-impérialistes et les dominations ont été relancées : hyper-marchandisation du monde ; financiarisation massive débouchant sur la domination technologique et commerciale des multinationales ; unilatéralisme américain et renforcement de l’OTAN alors que le monde devenait déjà plus multipolaire.
La crise de 2007-2008, qui a frappé les seuls pays capitalistes développés, a fragilisé l’image du capitalisme et la position d’hégémonie mondiale des États-Unis.
Face à cela, l’impérialisme américain utilise de façon de plus en plus agressive le dollar, son avance technologique informationnelle, son poids économique et son potentiel militaire, pour relancer son hégémonie.
Des phénomènes de fond s’y opposent :
- la révolution informationnelle accentue les contradictions entre développement des forces productives et rapports sociaux de production ;
- les institutions politiques, financières, culturelles et politiques qui assuraient jusqu’ici l’hégémonie mondiale du capital sont ébranlées car elles deviennent incapables de canaliser le mécontentement des peuples. De nouvelles organisations émergent, dans une recherche d’émancipation vis-à-vis des tutelles américaine voire occidentale (BRICS – Organisation de coopération de Shanghai – COP, etc.). Un nouveau type de multilatéralisme se cherche, à travers des ententes zonales contre l’unilatéralisme et le protectionnisme américain ;
- Avec l’arrivée de Trump au pouvoir, s’est ouverte une nouvelle phase de la contre-offensive des États-Unis. Elle se heurte cependant à des résistances diverses sur tous les continents.
La Chine et l’Europe, la Russie, à des titres différents, sont particulièrement mises au défi.
Pour les communistes, il s’agit de construire un nouvel internationalisme capable d’opposer des réponses de coopération à ces logiques. Il s’agit de faire vivre en toutes circonstances nos valeurs anti-impérialistes, de paix et de solidarité.
Un axe de bataille essentiel est que la France sorte de l’OTAN et qu’elle joue un rôle moteur en Europe et dans le monde pour un rapprochement, une nouvelle alliance, avec les pays en développement et émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Mexique, Turquie, etc.). La Chine, immense pays en état de contester le leadership mondial des États-Unis, mérite une analyse conséquente et sans a priori, d’autant qu’il est dirigé par un Parti communiste se réclamant du marxisme.
L’action contre les guerres, pour le désarmement et pour la paix, qu’il faut décider d’amplifier, doit aller de pair avec l’action contre l’insécurité sociale et économique. Dans ce but, il s’agit de transformer radicalement les institutions internationales et de contribuer à l’avènement d’un instrument monétaire de coopération mondiale alternatif au dollar. Cela répond aux attentes de nombreux pays.
Il faut donner une place bien plus grande à la dimension internationale de notre action et à notre apport à une autre mondialisation. Le conseil national et les communistes doivent être régulièrement saisis de l’analyse de la situation internationale, informés des débats au sein du PGE, des relations avec les partis communistes et progressistes. Celles-ci doivent être développées dans une démarche d’écoute, de respect mutuel et de solidarité. La situation nécessite une nouvelle capacité d’initiative de notre parti en Europe et dans le monde pour des actions communes.
4.3 Une autre construction européenne
Il faut en finir avec la construction européenne actuelle conçue au service de la domination du capital, avec en son cœur la BCE soutenant les marchés financiers, les multinationales et les grands capitaux monopolistes. Loin de la promesse d’une Europe de coopération et d’unité des peuples, on lui doit un chômage colossal, la désindustrialisation, l’agriculture familiale sacrifiée, la mise en cause des services publics et l’austérité généralisée, l’autoritarisme, le martyre du peuple grec, une fragmentation entre le nord et le sud, des fractures internes à chaque pays. On lui doit aussi la montée des populismes et de l’extrême droite, jusqu’à des positions de pouvoir comme en Italie, une domination renforcée des États-Unis et du dollar. Il n’est donc pas étonnant qu’elle concentre la colère populaire comme en a témoigné le résultat du référendum de 2005. Notre responsabilité est de donner une perspective à cette colère.
Nous sommes toutes et tous d’accord là-dessus. Mais nous avons des différences sur la façon d’en finir avec cette construction.
Un choix a prévalu depuis plusieurs congrès : transformer radicalement l’Union européenne et ses traités ; agir pour une refondation de la construction européenne avec des propositions alternatives. Il s’est agi de se situer sur le terrain européen et de se saisir de l’aspiration à une construction européenne, tout en considérant que le terrain national est fondamental et que ce sont bien les exigences du capital qui modèlent la construction européenne.
Des camarades pensent qu’on ne peut pas la transformer et qu’il faut affirmer le droit pour chaque nation de désobéir aux traités jusqu’à sortir de l’Union européenne si nécessaire pour respecter la souveraineté populaire. Ils et elles considèrent qu’il faut rendre caduques les institutions européennes, afin de construire un autre modèle de coopération en Europe et dans le monde, libéré des outils institutionnels que se sont donnés les fondateurs de l’Union européenne faite par et pour le capital. La nation reste pour ces camarades le terrain privilégié de la lutte des classes.
De fait, la position du PCF a profondément évolué durant les années 90 et depuis. Mais ces choix ont été faits sans un débat suffisamment large, et la bataille tenace qu’ils appelaient n’a pas été véritablement menée.
Cela souligne l’insuffisance grave du travail collectif qui aurait dû être initié par les directions nationales successives en même temps que leur incapacité à prendre des initiatives d’action sur ces enjeux.
Pourtant, l’actualité en fait chaque jour la démonstration, la responsabilité des pays européens est devenue considérable pour une véritable coopération mondiale de co-développement avec les pays pauvres, les émergents et pour la paix.
Nous refusons de céder aux sirènes du fédéralisme. Nous combattons la fuite en avant dans l’intégration renforcée sous la houlette du duo Merkel-Macron. Nous refusons une Europe forteresse. Une autre construction européenne est nécessaire, face à l’agressivité de l’impérial-libéralisme des États-Unis, pour relever des défis colossaux : le chômage, la concurrence exacerbée, la dictature du dollar et de la finance mondiale, le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité, les migrations de survie massives, les fractures sociales et territoriales, la paix… C’est indispensable pour contrecarrer les pertes de souveraineté effectives engendrées par la mondialisation capitaliste, promouvoir les nations de façon ouverte dans l’égalité et le respect de leur diversité.
Si nous ne pourrons sans doute pas trancher ces questions au prochain congrès, il est indispensable de les instruire et de les confronter à la réalité de grandes batailles populaires permettant à la fois de porter la colère et de remporter des victoires.
Battons-nous, en France, en Europe, avec les forces progressistes, avec les partis communistes :
- pour mobiliser la monnaie au service de l’emploi, des services et biens publics et de la protection sociale, et donc pour un autre rôle de la BCE ;
- contre la concurrence destructrice et pour de nouvelles coopérations solidaires entre nations souveraines égales et respectées ;
- contre la militarisation du bloc européen accélérant la course folle vers des conflits majeurs ;
- pour d’autres traités permettant des coopérations solidaires entre nations égales et peuples souverains.
Nous voulons changer l’Europe pour une autre mondialisation.
V. Pour une nouvelle stratégie de rassemblement et d’unité populaire
L’échec du Front de gauche met en cause une conception stratégique du rassemblement, de la relation aux luttes, à la bataille d’idée et à notre visée, ainsi que d’une pratique politique. L’entente au sommet, limitée à un plus petit dénominateur commun, a pris le pas sur tout le reste, renouvelant en cela les travers d’expériences antérieures.
Notre projet est démocratique et révolutionnaire. Il faut donc un rassemblement majoritaire, dont le contenu soit à la hauteur pour transformer réellement l’ordre existant dans la société, les entreprises et les institutions : c’est la stratégie du PCF.
Elle implique de mener le débat en permanence, aussi bien avec les partenaires de constructions unitaires, qu’avec les travailleuses et les travailleurs, les citoyennes et les citoyens.
Notre stratégie exige en permanence d’évaluer, jusqu’à les réajuster, en quoi nos initiatives dans les luttes et notre action dans les institutions contribuent à avancer vers nos objectifs. Aussi importantes soient-elles, les élections ne sont qu’un moment de l’activité révolutionnaire des communistes. Et l’entente sur un programme ne peut être qu’un levier.
5.1 Les bases sociales du rassemblement
Une unité populaire est possible. Elle reste toutefois à construire, d’autant plus que le ressenti des fractures et divisions a progressé. L’unification du salariat est décisive. Tout le salariat est aujourd’hui pris dans un rapport d’exploitation, des ouvrières et ouvriers sans-papiers jusqu’aux intellectuel·le·s prolétarisé·e·s. Bien loin d’être une forme d’indépendance, l’ubérisation apparaît de plus en plus comme un rapport d’exploitation. Les travailleuses indépendantes et les travailleurs indépendants sont pris dans cette même logique, qui met en péril les petites entreprises et leurs atouts humain. Le monde du travail et de la création dans sa grande diversité (de la classe ouvrière aux cadres, avec ou sans statut spécifique, des infirmiers et infirmières aux enseignantes et enseignants jusqu’aux chercheuses et chercheurs, des chômeuses et chômeurs aux précaires, des jeunes aux retraité·e·s, des artistes aux artisans, jusqu’aux petits paysans) a fondamentalement des intérêts communs : faire reculer la domination du capital financier. Cela s’exprime par une protestation commune grandissante contre le chômage, la précarisation, les bas salaires, les risques de déclassement et l’aliénation au travail. Cela s’exprime aussi par des aspirations à la formation tout au long de la vie, à la maîtrise du sens de son travail, au partage des responsabilités jusqu’à l’intervention dans la gestion, à la maîtrise des trajectoires personnelles, à la réduction du temps de travail pour le développement de soi et pour une meilleure vie hors travail.
Le progrès de ces facteurs communs est une menace pour le grand patronat, pour sa conception de l’entreprise. Pour appuyer les dirigeants, Macron engage toute la force de l’État avec ses réformes réactionnaires. Ils s’emploient à récupérer la sensibilité des salarié·e·s qualifié·e·s aux enjeux de compétitivité, de modernisation, d’efficacité et de financement, tout en jouant sur la sensibilité des couches urbaines aux enjeux écologiques. Ils cherchent à les intégrer dans un rassemblement qui sacrifierait les ouvrières et les ouvriers, les couches populaires, les chômeuses et les chômeurs.
En même temps, ils cherchent à couper les revendications sociales d’autres luttes aux potentiels émancipateurs considérables : les luttes des femmes, des jeunes, des travailleuses étrangères et des travailleurs étrangers, ainsi que celles concernant les identités ou encore l’écologie.
À l’opposé de ce travail de division, il s’agit de faire prendre conscience à toutes et tous du fait qu’ils et elles s’affrontent à la même logique, au même adversaire et combien leurs aspirations propres à s’accomplir ont en commun un double besoin : des services publics de qualité sur tout le territoire et une sécurité d’emploi, de formation et de revenus.
Les dominations – genre, générations, capitalisme, racisme… – se renforcent entre elles. Les luttes contre ces dominations peuvent s’épauler pour une émancipation commune.
C’est tout cela, la base sociale du rassemblement que nous voulons.
5.2 Le rôle irremplaçable du Parti communiste
Il faut viser des objectifs sociaux audacieux, travailler sans cesse les contradictions pour faire grandir la conscience de la nécessité, pour les réaliser, de bouleverser la logique du système, aussi bien en ce qui concerne les moyens financiers que les pouvoirs institutionnels. Qui d’autre que le Parti communiste peut assumer ce rôle, alors que les idées dominantes pèsent tant, jusque chez tous nos partenaires de gauche ? La conception de l’entente qui a prévalu s’est opposée jusqu’ici à tout cela et a conduit à notre effacement.
Nous prêtons une grande attention à ce que les luttes expriment comme besoin de société nouvelle, comme aux difficultés du mouvement social et à ses contradictions. Pour contribuer à leur dépassement, nous développons un corps d’idées et de propositions qui, avec l’apport du marxisme vivant, permettent de ne pas subir l’hégémonie des idées dominantes, de les bousculer et d’apporter des réponses efficaces aux problèmes posés. C’est essentiel pour faire bouger les rapports de force, jusqu’à des changements dans les institutions en lien avec les élections et avec les luttes.
5.3 Être présents avec nos propres candidats à toutes les élections
Il est essentiel d’être présents avec nos propres candidats à toutes les élections. Notre ambition est d’avoir, en renforçant l’influence de nos idées, le plus d’élu·e·s possible, à tous les niveaux. Ils et elles agissent au service des travailleurs et de leurs familles, et pour faire bouger la situation. L’élection présidentielle, dont nous combattons le principe, est cependant un moment structurant de la vie politique. Elle est l’occasion pour chaque formation de mettre en débat son projet et ses idées. Le parti doit travailler à créer les conditions d’une candidature communiste à l’élection présidentielle de 2022.
Les élections européennes de 2019 portent sur des enjeux majeurs et sont une étape de la recomposition politique en cours. L’enfermement du débat dans la fausse alternative « pour ou contre l’Europe » est mortifère pour nos combats de classe. Un nouvel effacement du parti et de ses idées au nom du rassemblement derrière une possible tête de liste issue d’une autre formation politique aurait de graves conséquences aux élections municipales. Menons la bataille sur nos idées et construisons une liste de large rassemblement initiée et conduite par le PCF.
5.4 La recomposition politique
L’élection présidentielle de 2017 a déclenché une recomposition politique d’ampleur. Macron arrive à faire passer des dispositions dont le grand patronat rêve depuis longtemps. Il ne serait, prétend-il, ni de droite ni de gauche, et le seul à prendre à bras le corps les enjeux de modernité. Il n’y aurait pas d’alternative. Il utilise comme repoussoirs l’extrême-droite d’un côté et Jean-Luc Mélenchon de l’autre. Il le peut d’autant mieux que, à droite, et plus encore à gauche avec l’effacement de notre parti, nul ne lui oppose des contre-propositions à la hauteur des défis du XXIe siècle.
Il nous appartient de dissiper les illusions : on ne peut sortir le pays de la crise sans mettre en cause la dictature capitaliste de la rentabilité, en luttant pour prendre le pouvoir sur l’utilisation de l’argent. De nombreux exemples actuels permettent d’en faire la démonstration : Ehpad, hôpitaux, délocalisations, Alstom, SNCF, écologie, collectivités territoriales, etc.
Pour l’heure, il y a des différences importantes à gauche : il est de la responsabilité du PCF d’en expliciter publiquement les termes pour chercher à les dépasser.
Le paysage à gauche est dévasté. Le PS, très affaibli, reste incapable de se dégager du social-libéralisme et de faire un bilan critique du quinquennat Hollande. Des socialistes cherchent à reconstruire un pôle social-démocrate. Le mouvement écologiste est en crise. France Insoumise canalise une partie de l’électorat de gauche, mais l’isole dans l’impasse de l’électoralisme, dans une posture protestataire qui cherche un contrôle sur le mouvement social sans respect pour ses priorités revendicatives et son besoin d’indépendance. Le risque est réel que cette posture conduise à des options populistes voire nationalistes. Une parole, forte en apparence, peut masquer des options très réformistes. Déclarer que la gestion de l’entreprise est l’affaire des seuls patrons évacue la dimension de classe du combat.
La démarche communiste doit se déployer dans trois directions : construction politique, bataille d’idées et luttes sociales.
5.5 Une union populaire et politique agissante
Il faut marcher sur deux jambes : luttes et constructions politiques. Cela exige des initiatives autonomes du PCF politisant les luttes, avec la constante ouverture au débat d’idées, et dans le même temps la formulation d’une proposition stratégique à toute la gauche pour ouvrir une perspective vraiment alternative à Macron.
Les communistes doivent travailler en permanence au rassemblement le plus large de toutes les couches salariales et populaires, à développer la conscience des contenus et conditions des changements nécessaires, et à créer les conditions de l’union des forces de progrès. Celle-ci n’est pas un but en soi : elle est un moyen pour la mise en œuvre de choix politiques nouveaux. Il s’agit de construire une union populaire et politique agissante pour sortir de la crise.
Dans un cadre de rassemblement politique, il nous faut continuer à mener des campagnes autonomes afin de faire progresser le rapport de forces en faveur de nos idées.
Il nous faut tendre la main et mettre au défi toutes les forces politiques de gauche, sans partenaire privilégié a priori, sur les réponses aux questions précises posées par les luttes.
S’attaquer à la domination du capital est décisif. Mais l’idée que ce n’est pas une question politique prédomine, de même que prédomine dans notre peuple, y compris à gauche, l’idée qu’on pourrait se contenter de s’y adapter. C’est l’obstacle majeur auquel notre parti doit s’attaquer. C’est décisif pour réorienter notre stratégie et l’ancrer.
5.6 La bataille d’idées
On ne peut plus commencer par la recherche d’entente au sommet, en y soumettant des « campagnes communes ». Cette façon de décréter une unité par le haut corsète l’initiative d’action et de proposition du PCF. Elle rabaisse le niveau des exigences et le besoin de cohérence à partager le plus largement pour gagner.
Aussi, outre les fronts que les luttes et l’actualité imposent, nous proposons que le congrès décide d’une campagne permanente sur le coût du capital. Nous voulons faire grandir la contestation radicale des critères de rentabilité imposés par le patronat, les actionnaires, les banques et les marchés financiers, en leur opposant le besoin une autre utilisation de l’argent pour l’emploi, la formation, la création de richesses dans les territoires, la satisfaction des revendications sociales et des besoins écologiques. Jugée nécessaire par une écrasante majorité de communistes, cette campagne serait transversale à nos différentes batailles communistes, sociales comme sociétales, et les renforcerait.
De telles batailles dans une stratégie du PCF comme vecteur du rassemblement et de l’unité populaire contribueraient à construire le socle nécessaire au redressement de notre influence et de nos forces organisées. Elles doivent permettre de mobiliser conjointement militantes et militants, à l’entreprise et dans les localités, et élu·e·s communistes, dans la diversité de leurs rôles respectifs et des moments politiques.
5.7 De nouvelles relations avec le mouvement social
Nos rapports avec le mouvement social (syndicalisme, associations, mobilisations écologistes, ZAD, Nuits debout…) doivent être repensés. Il part de revendications concrètes pour la satisfaction desquelles il réclame des pouvoirs d’intervention, dans une dimension non-délégataire qui lui fait refuser de se couler dans le jeu des alternances politiques.
Le PCF se propose, lui, de faire reculer l’étatisme, la délégation de pouvoir. Il veut s’inscrire dans la construction d’une véritable alternative aux formes politiques du libéralisme en crise. Il lui est donc nécessaire et possible de construire de nouvelles relations avec le mouvement social, syndical, associatif. La recherche d’alternative serait impuissante sans jonction avec celles et ceux qui luttent sur des objectifs concrets. Et se pose, aux composantes du mouvement social, la question de relier leurs luttes à la visée d’une alternative d’ensemble sans laquelle elles ne peuvent pas déboucher sur des victoires durables.
VI. Pour un Parti communiste utile, agissant, audacieux et novateur, internationaliste et révolutionnaire
Il y a besoin d’un parti révolutionnaire. Ce parti ne peut s’en tenir au soutien des luttes et à faire écho à la protestation contre le néo-libéralisme. Il doit contribuer à ouvrir les perspectives politiques dont les luttes ont besoin pour gagner durablement. Il doit organiser et travailler cela dans la continuité, développer en son sein éducation populaire, élaboration théorique et échanges.
La rupture mal conduite avec la conception d’un « parti guide » nous a conduit à abandonner l’ambition d’être à l’avant-garde des luttes et des idées, de jouer le rôle actif d’éclaireur qui devrait être le nôtre. Cela a conduit à la suppression de ce qui faisait la force de notre organisation, particulièrement le parti à l’entreprise, et à un relativisme théorique éclectique au détriment d’un marxisme vivant et ouvert sur les grands débats d’idées.
De nombreux travaux ont été menés dans le parti pour analyser, comprendre la situation contemporaine, ses différents aspects, ses contradictions, son aggravation et formuler des propositions. Mais les directions nationales successives n’ont pas su ou voulu créer les conditions de la réflexion collective des communistes pour qu’ils et elles s’approprient ces travaux et les enrichissent. Sous prétexte de faciliter un rassemblement a minima, la direction n’a jamais cherché à faire le travail de simplification populaire de nos propositions dans le débat public avec des initiatives d’action capables de rassembler.
Nos propositions n’ont quasiment servi que dans les textes de congrès et, très peu, dans les campagnes électorales. Cela n’est-il pas à la racine de la perte de visibilité et de crédibilité du parti ? Nombre de camarades ont tiré la sonnette d’alarme, à différents moments.
Aujourd’hui, Macron aurait-il autant d’espace pour imposer des réformes qui ont toutes pour pivot la baisse du « coût du travail » si le Parti communiste avait mené dans la durée une campagne sur le coût du capital ?
Ce congrès doit permettre de redonner à notre parti une grande ambition révolutionnaire et de redéfinir son rôle.
Le mouvement populaire et l’intervention citoyenne, aussi essentiels qu’ils soient, ne sont pas spontanément transformateurs, pas plus que le communisme ne se développe naturellement dans la société. Défendre les avancées sociales menacées, contester le partage des richesses ne conduit pas spontanément à mettre en cause les pouvoirs patronaux et du capital.
Ainsi, la création de la Sécurité Sociale, innovation sociale majeure qui a donné un avant-goût de communisme, n’est pas tombée du ciel. Elle a été le produit d’une jonction entre des luttes considérables et une idée révolutionnaire, traduite par les communistes dans les institutions après la Libération.
Pour rendre majoritaire l’exigence d’autres choix, il faut avancer des idées originales capables de faire reculer l’emprise des idées dominantes. Il faut avancer sur des solutions transformatrices à la hauteur du défi de transformation posé par la crise. Confrontons nos propositions avec les autres forces politiques de gauche, agissons pour que les luttes s’en emparent.
L’identité du PCF, dans le combat de classe de notre temps, est indissociablement démocratique et révolutionnaire.
Notre action doit avoir une double dimension : contribuer au rassemblement pour faire reculer Macron jusqu’à créer les conditions d’une politique alternative et, inséparablement, favoriser l’avancée vers un dépassement du capitalisme.
L’expérience montre qu’il ne suffit pas de faire adopter en congrès un relevé de décisions détaillé, voué à rester inappliqué. Il revient au congrès de définir une conception du parti et une orientation d’organisation. C’est le nouveau Conseil National qui doit être chargé de la mise au point de décisions précises en inscrivant ces questions à son ordre du jour. Il faudra examiner les transformations éventuelles de nos statuts que ces transformations appellent à partir d’un bilan d’expérience, en vue du 39ème congrès.
6.1 Relancer l’organisation du parti à l’entreprise
Portons le combat jusqu’au cœur du système capitaliste : les entreprises et les banques. Il faut relancer l’organisation du parti à l’entreprise. Ce terrain a été abandonné. Le 37ème congrès avait même décidé d’un conseil national sur cette question. Il n’a jamais eu lieu.
Pourtant l’entreprise est un lieu décisif de la lutte de classes. Lieu de pouvoir sur l’économie, la société et la vie quotidienne, c’est aussi un lieu où le patronat peut imposer ses idées. Un lieu où se forge un vécu d’expériences et des mentalités sur lesquelles peuvent s’imposer les idées dominantes comme se construire une conscience de classe.
C’est si vrai que les gouvernements successifs, dans le sillage du Medef, n’ont cessé de faire de l’entreprise la pièce centrale de leur politique, cherchant ce que Hollande a pu qualifier de « compromis historique » de soumission des salariés et de la société aux objectifs patronaux. Avec Macron, ce chantier prend une bien plus grande ampleur en visant une destruction sans précédent des acquis sociaux, tout en cherchant à intégrer le plus possible le salariat à ses choix politiques à partir de l’entreprise.
Pour libérer la politique de la dictature du marché, il faut une appropriation sociale effective des entreprises et des banques, et de toutes les institutions qui leur sont liées. De même que nous n’entendons pas déléguer la politique et l’intérêt général au sommet de l’État, nous devons refuser de déléguer la gestion des entreprises, avec la production des richesses, aux capitalistes. La séparation entre l’économie et la politique est au cœur du capitalisme et de ses aliénations. Nous voulons la dépasser.
Il est donc vital de relancer réellement, sans se contenter de promesses de congrès, la vie du parti et le combat organisé si indispensables dans les entreprises et autour d’elles. C’est aussi la condition pour faire progresser une conscience de classe et une unité politique du salariat dans sa diversité, sur l’ensemble des enjeux qui le concerne, dans l’entreprise comme dans la cité.
6.2 Faire vivre les batailles politiques dans les territoires
Sur les territoires aussi, le Parti communiste doit s’investir dans des luttes locales immédiates, tout en cherchant à faire progresser les idées de changement de politique et de société. Ainsi au travers de la défense des différents services publics si nécessaires aux populations, nous pouvons faire percevoir les enjeux nationaux et politiques des décisions locales. À nous d’expliquer qu’elles résultent d’une logique politique : réduire coûte que coûte les dépenses publiques et sociales, tout en épargnant les gâchis capitalistes source des déficits et des dettes publiques, livrer des pans entiers de l’activité humaine au marché et aux profits capitalistes. Nous pouvons à partir de ces luttes locales porter des propositions pour une autre logique que celle du taux de profit.
6.3 Les élu·e·s
L’existence du parti et de son organisation sont essentielles pour faire vivre de telles batailles dans la proximité. Le rôle des élu·e·s est précieux pour les crédibiliser et leur donner de la visibilité, pour accéder à des informations indispensables, pour porter ces combats jusque dans les lieux de pouvoirs institutionnels, dont il faut utiliser tous les leviers d’action tout en en montrant les limites. C’est ensemble, militantes et militants, élues et élus, que nous pouvons créer les rapports de force permettant d’arracher les moyens d’une vie digne pour tout un chacun.
L’enjeu aujourd’hui pour notre parti est de permettre d’avancer vers une démocratie participative et d’intervention, ouvrant ainsi la voie à la construction progressive d’une démocratie autogestionnaire.
6.4 La formation
La formation des militantes et des militants est une demande très forte. Son développement est une nécessité absolue. Elle exige un nouvel effort méthodique et suivi de réorganisation à tous les niveaux de responsabilité à partir des apports du marxisme vivant. Il s’agit non seulement de permettre aux communistes de se les approprier, mais aussi de pouvoir être actrices et acteurs de l’élaboration de nos avancées et propositions.
Partant du rôle fondamental de la lutte de classes dans l’histoire, et du rôle du capital, l’analyse critique de Marx, dépassant le socialisme dit utopique, a posé les bases d’une vision beaucoup plus rigoureuse du socialisme et du communisme. C’est à partir de cette analyse qu’il a montré la nécessité de l’existence de partis communistes et d’une Internationale. Aujourd’hui, ni sclérose dogmatique ni éclectisme confondu avec ouverture, il faut encourager le travail de création théorique en liaison avec les luttes et expériences, avec l’ambition d’une nouvelle hégémonie culturelle sur la gauche et dans la société.
6.5 Travailler à une nouvelle organisation du parti et à son renforcement
Pour tout cela il nous faut analyser lucidement le fonctionnement du parti. Depuis 2012, nous assistons à une dérive présidentialiste dans le parti lui-même, qui dessaisit les instances de direction et les communistes de toute maîtrise réelle sur les décisions engageant l’avenir du parti. La disparition de l’élection du secrétaire national par le CN au bénéfice du congrès a participé de cette présidentialisation.
Il est vital de travailler vraiment à une nouvelle organisation de notre parti et à son renforcement.
Revalorisons le rôle, les moyens et la souveraineté des organisations de proximité (territoires et entreprises). L’abandon des cellules a en effet gravement appauvri la vie démocratique du parti et affaibli son ancrage de terrain. Cela a contribué à réduire les capacités d’action des sections et diminué le nombre de camarades participant aux débats et initiatives. À partir de nos forces existantes et de leur renforcement, nous devons viser une nouvelle efficacité pour l’action, renforcer notre ancrage social mis à mal et rechercher une liaison avec ce qui émerge de neuf dans la société.
Les sections doivent être conçues pour le développement de leur vie politique et la prise de décision d’action, bien au-delà des AG de section.
Les fédérations départementales sont essentielles. Elles doivent permettre l’échange, la prise de décisions, l’action coordonnées sur un même département et l’appui aux sections.
Sans affaiblir le niveau départemental et sans le « coiffer », il est nécessaire de donner au niveau régional un rôle à la hauteur des responsabilités du parti.
Le principe de réseaux, thématiques ou d’entreprise, dans le PCF, a été acté depuis plusieurs années. Beaucoup de communistes y sont investi·e·s. Ne faut-il pas, pour concevoir un développement efficace au regard des objectifs du parti, procéder à une évaluation sous la responsabilité du CN ?
Une restructuration de notre organisation demande un effort tenace et intense. Pour progresser, les maîtres-mots devraient être recensement des expériences et des potentiels, expérimentation de nouvelles manières de faire, évaluation, mutualisation et formation. Et ce à tous les niveaux, de la cellule au conseil national, en passant par les sections et fédérations. La direction nationale doit en assumer un rôle d’impulsion et de suivi dans la durée.
6.6 Renouveler nos directions et leur fonctionnement
Nous avons besoin de directions qui travaillent, construisent collectivement une ligne politique et l’incarnent, dans le parti et dans la société. Nous nous donnons comme objectif de transformer la manière dont nous choisissons nos directions et leur pratique de travail pour :
- Permettre à des milliers de femmes et d’hommes, notamment issus des milieux populaires, de zones rurales comme de grandes agglomérations, de prendre des responsabilités militantes et électives ;
- Rendre possible la pleine implication de camarades salarié·e·s dans le travail de direction ;
- Rendre possible un travail collectif soutenu et efficace, quelles que soient les différences de culture et d’expérience politique ;
- Articuler le développement du débat démocratique interne à tous les niveaux, la liberté de chaque communiste avec la mise en œuvre des décisions du parti ;
- Rendre possible une véritable égalité entre les femmes et les hommes dans les directions : non seulement une composition à parité, mais une égale possibilité d’intervention.
Le congrès précédent avait pris des décisions en ce sens (désignation d’une équipe de porte-paroles, à parité, chargés de faire entendre la voix du PCF dans les médias ; organisation d’un service de garde d’enfants pour toutes les réunions importantes des directions…). Il est incompréhensible qu’elles n’aient jamais été mises en œuvre.
Le conseil national, élu par le congrès, est la seule instance de direction nationale. Il doit pouvoir assumer pleinement cette responsabilité. Le CEN doit servir à préparer ses décisions et en impulser la mise en œuvre en liaison avec l’actualité, et non se substituer à lui. Le CN doit pouvoir décider de ses ordres du jour et faire très régulièrement le bilan de l’application de ses décisions. Il doit être tourné vers la réorganisation et le renforcement du parti.
6.7 Partage d’informations, communication et bataille pour L’Humanité
Les nouvelles technologies sont un outil d’efficacité, d’initiative, de transmission de l’information, de concertation. Il faut se garder d’en faire un moyen de centralisation du pouvoir, travailler à des formations permettant à chaque communiste d’y accéder et combattre ainsi la fracture numérique au sein même de notre parti. Ces moyens technologiques aident au travail militant mais ne remplacent pas les débats nécessaires dans les organisations territoriales et d’entreprises.
CommunisteS devrait devenir un support ouvert de partage d’informations et d’expériences, au lieu d’être seulement conçu comme un bulletin de la direction.
L’Humanité : l’existence du journal de création communiste est menacée. Par-delà les débats de contenu ponctuels et critiques, le journal demeure quotidiennement le vecteur des idées de progrès, des valeurs et des combats communistes dans le pays et dans le monde. Les sorts de L’Humanité et du PCF sont liés. Les communistes financent, vendent, diffusent et promeuvent L’Huma. Ils et elles la lisent quotidiennement. Elle est parfois le poumon du parti. Il faut qu’ils et elles puissent mieux s’en sentir partie prenante. Cela demandera très probablement de trouver les voies de nouveaux liens entre L’Humanité et les communistes, permettant de renforcer les deux, en toute indépendance journalistique.
Le contenu de la communication nationale du parti est très critiqué. En liaison avec des décisions de réorientation politique, nos moyens de communication doivent en particulier être des outils au service de la bataille d’idées précise sur nos propositions et permettre une identification du parti.
- recenser, structurer et développer nos forces dans les entreprises ;
- faire de notre parti une organisation féministe exemplaire ;
- redevenir attractif pour la jeunesse et donner, avec les moyens et l’aide nécessaires, dans le respect de leur autonomie, un nouvel élan aux organisations des jeunes et des étudiantes et étudiants communistes ;
- prendre des initiatives pour contribuer à organiser un réseau international de forces révolutionnaires pour une bataille internationaliste visant une autre mondialisation (paix, économie, climat, migrations …).
Tout cela représente des transformations importantes de notre parti.
Pour changer cette société, le parti doit permettre l’intervention politique des travailleuses, des travailleurs, comme de toutes celles et de tous ceux qui en sont exclus, dans la proximité comme au plan national et international. Cela demandera un effort acharné. Mais vie politique de proximité, formation et accès aux responsabilités sont indispensables pour, dans un même mouvement, repolitiser, répondre à la crise de la politique et commencer à engager des transformations de portée révolutionnaire.
Nous faisons le choix du communisme
Le monde a besoin de révolution. Il a besoin d’idées communistes, d’un manifeste communiste pour le XXIe siècle. Notre peuple a besoin d’un Parti communiste, riche de l’engagement et de la diversité des hommes et des femmes qui y militent, d’un Parti communiste rassemblé dans l’action pour ce qui est sa raison d’être : dépasser le capitalisme jusqu’à son abolition, jusqu’à la construction d’une nouvelle civilisation libérée de l’exploitation et de toutes les oppressions.
« Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche »
Aragon