Jean-Luc Mélenchon est un personnage insupportable quand on est à Gauche. Ses dernières outrances, tout à fait réfléchies et mises en scène, reflètent son style grossier et populiste, faisant du coup de sang une expression politique en soi.
Que le mouvement La France Insoumise soit l’objet d’une manœuvre politique, c’est incontestable, tout comme cela l’était dans l’affaire visant François Fillon. N’importe quelle perquisition et n’importe quelle décision de Justice sont, par nature, politiques.
Quelle que soit la façon dont sont organisés les pouvoirs dans un pays, cela répond à un choix qui est fait par des individus, dans un cadre législatif donné mais aussi dans un contexte politique particulier, en fonction des rapports de force.
En l’occurrence, les perquisitions ont été autorisées par un procureur qui par définition est un représentant du pouvoir exécutif, subordonné au ministre de la Justice. Il n’est d’ailleurs pas habituel qu’un procureur autorise une perquisition chez un député en pleine enquête préliminaire alors qu’il n’y a pas l’ouverture d’une information judiciaire.
Surtout que sur le fond, nous ne sommes pas dans une affaire de corruption d’une ampleur phénoménale relevant d’une urgence absolue, mais dans un soupçon d’arrangements qui sont détestables mais tout à fait traditionnels pour la classe politique bourgeoise.
Est-ce à dire pour autant que « nous ne sommes plus dans un État démocratique normal », comme l’a fait le tribun Jean-Luc Mélechon avant de crier « résistance », poings vers le ciel ?
Bien sûr que non, on est ici en pleine légalité, dans le fonctionnement tout à fait normal de la République française. Elle n’est pas une entité neutre et abstraite mais une infrastructure servant des choix et des actions politiques, suivant les intérêts de ceux qui sont au pouvoir et des gens qu’ils représentent.
Seulement, pour dire et comprendre cela, il faut avoir un contenu. Il faut des principes, des références culturelles et idéologiques qui font que, de toutes manières, on est à la base dans le camp du peuple et de la classe ouvrière, qu’on a jamais prétendu à de quelconques illusions à propos de la « Justice » ou de la République.
Tel n’est pas le cas de Jean-Luc Mélenchon qui s’imagine au-dessus du reste de la population, exigeant un traitement de faveur par les institutions :
« Je ne suis pas un passant dans la rue, je suis le président d’un groupe parlementaire »
Il se présente comme un républicain « ultra », allant jusqu’à se prétendre « sacré » parce que député de cette même République. Cela est complètement artificiel mais peu importe car pour lui seule l’attitude compte. D’ailleurs, il a dit cela pendant qu’il se filmait en direct lors de la perquisition et s’est mis à hurler :
« Ne me touchez pas monsieur, vous n’avez pas le droit de me toucher. Personne ne me touche, ma personne est sacrée ! »
Sauf que, on voit bien sur la vidéo qu’il ne se fait violenter mais simplement bousculer légèrement par une personne passant dans un petit couloir, alors que lui s’agite dans tous les sens téléphone à la main en pleine perquisition. C’est-à-dire que le député de la France Insoumise cherchait à mettre en scène les choses, dramatisant le tout de manière ridicule.
L’épisode s’est poursuivi de manière encore plus grotesque devant le siège de son mouvement. Cela lui retombe naturellement sur le coin de la figure avec de nombreuses moqueries sur internet et le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « menaces ou actes d’intimidation contre l’autorité judiciaire » et « violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique ».
Le procureur général auprès de la cour d’appel de Paris, Catherine Champrenault, s’est même exprimé à la radio, ce qui n’est pas du tout une chose habituelle, pour enfoncer Jean-Luc Mélenchon. Elle a dénoncé « un coup de force » et s’est même justifiée en expliquant que s’il « était arrivé tout seul et calmement, il n’y aurait eu aucun problème pour qu’il accède aux locaux de son parti », ajoutant qu’il « a voulu rentrer en force ».
On a même un policier qui aurait porté plainte, tandis-qu’une syndicaliste (unité SGP Police FO) a expliqué à la télévision :
« J’ai de la colère car lors de cette perquisition, j’ai vu du mépris de classe face aux ouvriers de la police nationale […] Le contraire de ce à quoi nous a habitués monsieur Mélenchon. »
Cet épisode de la Police prouve d’ailleurs encore une fois l’inconsistance de Jean-Luc Mélenchon puisqu’il s’en est pris à des agents de Police avant de le regretter quelques heures après en disant qu’ils ne faisaient que leur travail… pour finalement critiquer le site Médiapart en disant qu’ils sont « pire que les flics » !
Ce genre de retournement renvoie au récent épisode marseillais où il avait traité Emmanuel Macron de xénophobe le matin (ce qui est absurde) avant de faire la causette avec lui et de ne pas assumer du tout ses propos le soir même.
Tout cela est l’expression d’un populisme des plus outranciers, capable de dire tout et son contraire selon l’opportunité, sans aucune analyse ni réflexion de fond. On a d’ailleurs exactement la même attitude vis-à-vis des médias, avec un épisode particulièrement hallucinant à propos de l’émission Quotidien. Il l’accuse d’avoir directement fourni des images à la police, alors que sur ces mêmes images en l’entend haranguer « laissez la presse faire son travail ! Filmez tout ! »
Le leader de la France Insoumise parle de liberté de la presse quand cela l’arrange mais insulte littéralement les journalistes et appelle à les « pourrir » quand ils ne vont pas dans son sens. Les propos qu’il a tenus à l’encontre de France Info sont à ce titre très rudes, relevant bien plus d’un style d’extrême-droite que d’une attitude de gauche :
« [Ils] ont l’air de ce qu’ils sont, c’est-à-dire d’abrutis, et tous les autres ont suivi sans réfléchir ».
On peut même penser que ce genre de propos dans la bouche de Marine Le Pen auraient fait le tour de l’Europe, tellement ce n’est pas une façon de faire et de dire !
Jean-Luc Mélenchon a largement surjoué la surprise et l’offuscation ces derniers jours, alors qu’il savait très bien les choses qui lui sont reprochées. Les mots du procureur de la République de Paris pour justifier l’ouverture d’une enquête préliminaire avaient été tout à fait explicites. Ils laissaient présager ce genre de suite :
«Les surfacturations dénoncées [par la Commission des comptes de campagne] tendent à faire sérieusement suspecter l’existence de manœuvres délibérées destinées à tromper l’organe de contrôle aux fins d’obtenir des remboursements sans cause.»
Jean-Luc Mélenchon se présente à longueur de journée comme un représentant du peuple contre ce qu’il appelle une « oligarchie », mais il se retrouve maintenant accusé d’avoir les mêmes pratiques que les gens qu’il prétend dénoncer.
C’est un retournement de situation terrible, et on peut aisément penser que cela va l’affaiblir durablement. Ce qu’on ne regrettera pas, bien entendu. Jean-Luc Mélenchon est un personnage très grossier, imbu de lui-même, qui n’a rien à voir ni de près ni de loin avec les valeurs et les principes de la Gauche qui sont défendues ici.