Tous contre la Russie, à qui il faut faire la guerre ! Et pour tromper le peuple, on dit qu’on « aide l’Ukraine à résister à l’agression », et qu’on est pour la paix.
Il faut cependant ajuster le discours. Il faut que l’opinion publique reste passive et accepte en silence. C’est le sens d’une journée entière de discussions à l’Assemblée nationale, le 12 mars 2025, au sujet d’une résolution en faveur du soutien au régime ukrainien.
En pratique, on a pu voir des joutes verbales de députés infantiles pleins de moqueries, essayant prétendument de convaincre, alors que de toute façon ils n’en ont rien à faire les uns des autres.
Cependant, la vraie fonction d’une telle perte de temps, d’un gâchis d’énergie, c’est de trouver le ton juste pour que ça passe bien dans la population.
La majorité a donc ajusté le propos de la résolution, afin de neutraliser l’opposition qui, dans tous les cas, ne compte pas s’opposer frontalement. On est dans une logique de gagnant-gagnant où le seul perdant, c’est le peuple.

Dans les faits, les députés ont voté une résolution enjoignant l’Union européenne, l’Otan et « les autres pays alliés » à « poursuivre et à accroître leur soutien politique, économique et militaire » au régime ukrainien.
La résolution « exhorte l’Union européenne et ses États membres à procéder sans délai à la saisie des avoirs russes gelés et immobilisés », ce qui revient, légalement, à voler l’État russe.
Ce point-là étant explosif, La France insoumise et le Rassemblement national s’y sont opposés, le premier par le vote négatif, le second par l’abstention. C’est cependant un prétexte, car il leur en fallait bien un. Pour exister, ils doivent se distinguer, et leur pari est que l’Union européenne ne parviendra pas à grand-chose.

Concrètement, il existe en effet deux camps à l’assemblée nationale. Le premier, majoritaire, c’est celui qui dit qu’il faut soutenir l’Union européenne de manière absolue. On parle des centristes, de la droite traditionnelle, des socialistes et des écologistes.
Ils sont pour y aller à fond et ils ont trouvé leur utopie : l’armée européenne.
Charles Sitzenstuhl, du parti présidentiel, a beaucoup insisté pour présenter le président ukrainien Volodymyr Zelensky comme un grand partisan de la paix. Il a présente le « projet européen » comme un « projet de paix », les « institutions européennes sont profondément pacifiques ». « Nous devons hélas nous réarmer », etc.
Pieyre-Alexandre Anglade, pareillement du parti présidentiel, a lui été bien plus agressif ; c’est un fou furieux anti-Russie qui se place comme un « ultra » à la fois par conviction et afin de réussir sa carrière.
Le centriste Frédéric Petit a souligné que la Russie ne respectait pas la vie humaine, sacrifiait ses soldats considérés comme de la « viande » afin de mener une « guerre totale ».

Le second, c’est celui du nationalisme, qui se méfie à différents degrés de l’Union européenne. Il veut une France forte, avant tout, et il ne croit pas en l’armée européenne.
Ils sont tous d’accord pour diffuser la propagande de guerre anti-Russie. La figure très connue à gauche Clémentine Autain a, par exemple, exprimé sa satisfaction devant l’aide au régime ukrainien, qui serait bien entendu étrangère à toute volonté de faire la guerre.
Ils sont par contre en désaccord sur la perspective tracée, ils proposent une France plus autonome, agissant comme grande puissance indépendante, donc avec l’ONU davantage qu’avec l’Union européenne.
On trouve dans ses rangs une variante de gauche avec La France Insoumise et le Parti Communiste Français, dans une variante de droite le Rassemblement national et la Droite qui lui est alliée.
On ne peut donc pas parler de réelle opposition et de toutes manières, tout est très « constructif ». La majorité l’emporte et l’opposition fait des remarques ininterrompues, toujours à prétention constructives.
Cela donne la députée La France Insoumise Sophia Chikirou qui demande à quoi sert un tel vote, puisqu’on ne sait pas encore quelle forme va prendre la négociation de paix. Cela donne le député La France Insoumise Bastien Lachaud qui appelle à ce qu’une présence militaire française en Ukraine se fasse sous l’égide de l’ONU.
Il n’y a personne pour dénoncer tout ça comme une mascarade, comme une marche à la guerre. Tous pensent réellement qu’ils œuvrent à la paix. Personne n’est intervenu pour dénoncer leurs mensonges. Mais à quoi servirait de toutes façons de dénoncer l’Assemblée nationale à l’Assemblée nationale ?
C’est le rêve d’une partie de la Gauche, du type trotskiste (Lutte Ouvrière, Révolution Permanente, NPA) que d’envoyer au moins un député pour faire porte-parole d’une vraie opposition. À quoi servirait pourtant d’être le porte-parole de quoi que ce soit dans un tel endroit ?
Il est trop tard pour le réformisme, en admettant qu’il ait eu un sens auparavant. Tout le pays se met en branle pour aller à l’économie de guerre.

Et il n’est pas possible de stopper un tel élan en s’imaginant qu’on va mobiliser les gens en leur disant que plus d’armes, c’est moins de retraites. Cela ne marchera pas.
Ce qui compte, c’est la fracture fondamentale. Soit on croit au capitalisme, soit on n’y croit pas. Soit on l’accompagne dans ses mutations, en lui faisant confiance. Soit on exige l’autonomie populaire, on rompt avec la pseudo-actualité, et on oppose le peuple à la guerre, la démocratie aux monopoles, le socialisme à l’impérialisme.
Soit on est une partie du problème, soit on est une partie de la solution.