Pour faire la guerre, il faut toujours préparer l’opinion et c’est ce qu’est venu faire sur France 2 le ministre Sébastien Lecornu jeudi 13 mars 2025.
Le titre de l’émission n’y allait pas par quatre chemins :
« La France face aux menaces. »
Et on remarquera qu’il a été changé, car il s’agit initialement de :
« La France face à la guerre. »
La dimension propagande de guerre et bourrage de crâne avait trop marqué les esprits, et France 2 a reculé. Cela étant, cette émission a été organisée en catastrophe, marquant la déprogrammation des émissions Envoyé spécial et Complément d’enquête.
On est bien dans la propagande quand même et, d’ailleurs, tout l’après-midi, au ministère des armées, le ministre des Armées Sébastien Lecornu avait reçu les représentants des groupes parlementaires afin de leur parler de l’Ukraine et de la Russie.
Surtout, de la Russie, on y a compris.
D’ailleurs, même si le titre de l’émission de France 2 a été changé, il a été question uniquement et unilatéralement que de la Russie. Le parallèle avec ce qui était raconté avant 1914 à propos de l’Allemagne est saisissant.

C’est donc sur un ton grave et déterminé que s’est présenté le ministre des Armées à la partie de la population qui regarde la télévision le soir en semaine.
Il a joué le rôle du type sérieux, qui est au courant, il a cité le nom de tel village sur la ligne de Front, il a dit « la Fédération de Russie » pour parler de la Russie, il a précisé qu’il sait des choses qu’il ne peut pas dire.
Il a même donné une petite leçon d’histoire-géographie (niveau 4e au collège, pas plus, il ne faudrait pas trop bousculer les Français évidemment).
Pour bien saisir l’ambiance, pour ceux qui ne regardent pas la télévision, il est important de décrire ce qu’il y avait juste avant l’émission.
C’était le JT de 20H, d’une niaiserie sans nom. Des bobos ont planté trois arbres dans leur cours parisienne et la mairie a payé la moitié des travaux pour 13 000 euros. Ensuite, il y avait un reportage sur la mort des petits commerces à Saint-Avold, avec un commerçant qui a eu 9000 euros d’aides pour sa boutique de déco… Puis des groupes Facebook de mamans, avec deux mamans qui se retrouvent à Rennes avec leurs ados pour s’échanger des jeux de Switch.
C’est sur cette base que le ministre vient dérouler son argumentaire anti-Russie, pour expliquer qu’il n’y a pas le choix et qu’il faut s’armer face à elle, pour préserver la tranquillité des français. Ce qui est demandé est simple : les Français ne sont pas obligés de s’impliquer (pour l’instant), mais ils doivent rester passifs et laisser faire.
Le ministre est surtout venu expliquer qu’il ne fallait pas s’imaginer que les choses étaient terminées, qu’il ne fallait pas imaginer une telle chose malgré les accords en cours de négociation entre Russes et Américains.
La menace est durable a-t-il dit, dénonçant nommément l’appareil militaire industriel russe. Il a donc insisté pour que soit soutenue une présence européenne en Ukraine à l’issue d’un éventuel cessez-le feu, pour empêcher la Russie de reconstituer son armée, car… et c’est là que les choses sérieuses en terme de propagande de guerre ont commencé :
« On peut se retrouver nez à nez avec la menace conventionnelle russe. »
La Russie est donc présentée comme un ennemi, de manière acharnée. Le récit belliciste est total. Et assumé.
Car le ministre français des armée a présenté une ligne rouge de la diplomatie française dans le cadre des négociations en cours : elle n’acceptera aucune démilitarisation de l’Ukraine, d’une part. La France veut maintenir la pression sur le terrain ukrainien, en y déployant ses troupes, d’autre part.
C’est clair, net et précis, et tout à fait officiel. Et cela implique l’affrontement ouvert avec la Russie qui ne peut et ne veut accepter ni la première chose, ni la seconde.
Naturellement, cette ligne agressive n’est valable que si tient le discours d’une Russie prête à fondre sur l’Europe.
Marine Le Pen, qui a besoin d’espace politique, s’est moquée notamment de l’hypothèse de chars russes à Paris. Sébastien Lecornu n’a pas hésité à affronter une telle critique, il a répondu très sérieusement, et surtout très gravement :
« Il y a une menace conventionnelle russe. »
Le ministre a ensuite relativisé son propos, en exposant cette menace non plus directement par rapport à la France, mais par rapport à la Moldavie, la Transnistrie et l’Estonie.
Chassez le naturel, il revient au galop : de nouveau, il explique ensuite que, en fait, cela concerne directement la France.
On est ici totalement dans la manipulation des esprits, en disant des choses tout en ne les disant pas, pour les dire quand même.
C’est tout un art et il est vrai qu’en France, on est expert dans le genre. Pays d’hypocrites !
C’est alors que Sébastien Lecornu a présenté sa grande thèse.
Il faudrait comprendre que la Russie fait déjà la guerre à la France, mais qu’en raison de la capacité de défense nucléaire française, la Russie passerait par des moyen détournés !
C’est très lourd de sens, et d’ailleurs la présentatrice de l’émission a insisté dessus à de nombreuses reprises, pour que les téléspectateurs destinataires de cette propagande aient bien saisi le fond du propos.
Le ministre a cherché par tous les moyens à convaincre les Français que la Russie était un ennemi actif.
Allant jusqu’à prétendre qu’il a des preuves que la Russie a mené des attaques numériques sur des centaines d’hôpitaux français, avec des sabotages de services publics ainsi que d’industrie de la Défense. Il y a aussi évoqué des manœuvre de déstabilisation au moyen de l’immigration.
Ces accusations sont extrêmement graves, et doivent servir de casus belli à Sébastien Lecornu, afin de préparer activement et directement la guerre à la Russie. Le récit fût d’une limpidité saisissante. Malgré cela, il a fallut encore en rajouter pour être explicite, en allant jusqu’à dire :
« La Russie nous a choisis pour adversaire, c’est une évidence. »
puis,
« On est sur une logique de confrontation. »
Le reste de l’émission est à l’avenant, entre un reportage sur un exercice de l’Otan en Norvège, une expérience de « terrain » d’une journaliste en Ukraine qui explique que les soldats disent se battre pour l’Europe, une dénonciation de la Russie comme aidant l’Iran et la Corée du Nord à se doter de la capacité nucléaire.
Face à cela, le ministre a ensuite surjoué son rôle de l’homme responsable, prenant au sérieux sa mission, en n’en faisant ni trop, ni pas assez :
« Il faut juste regarder très cliniquement la menace. »
L’industrie de guerre, l’évocation de la conscription pour le service militaire, la mise en place d’une réserve de 100 000 hommes, la « guerre des étoiles » pour parler de bataille sur les satellites, tout y est passé. Jusqu’à ce moment crucial, où il a été posé la question de l’escalade, du fait d’être des va-t-en-guerre. Sébastien Lecornu a répondu très clairement, en assumant :
« Nous sommes ciblés, et il faudrait se désarmer ? »
La France prépare de manière acharnée son opinion publique à la confrontation avec la Russie. C’est une réalité qu’il faut dénoncer et combattre.
On notera d’ailleurs que Jean-Luc Mélenchon et Dominique de Villepin ont été invités ensuite. Ils étaient là pour endosser le rôle de pseudo-opposants à la guerre… Qui se sont finalement alignés, en raison de la menace.
C’est extrêmement bien ficelé, avec ensuite le plus furieux et abominable des promoteurs de la guerre à la Russie, Raphaël Glucksmann, qui est venu critiquer et dénoncer les « défaitistes »…
Et bien justement ! Nous qui sommes véritablement de Gauche, telle est notre ligne, tel est notre patrimoine : pour la défaite de notre propre armée ! Pour la déroute de notre pays dans l’affrontement impérialiste !
C’est la ligne du défaitisme révolutionnaire.
Il ne faut pas nier les faits, comme le fait la quasi totalité de la gauche de la gauche qui en trois ans n’a jamais parlé de l’Ukraine. Il ne faut pas, comme les rares parlant de l’escalade militaire, parler de la « paix » et mettre dos à dos tout le monde (même si c’est vrai en soi).
Il faut considérer la guerre de repartage du monde comme inéluctable et prôner le défaitisme révolutionnaire !