Le mouvement du 10 septembre a été porté en bonne partie par la gauche de la gauche, et pas seulement par les syndicats. C’est une bonne chose car cela donne lieu à des discussions politiques, non pas réduites à une seule dimension revendicative.
De plus, ce sont les assemblées générales qui ont été mises en avant pour permettre à tout un chacun de partager son avis et participer aux prises de décision.
On parle ici d’assemblées générales de lutte, qui agrègent beaucoup de monde, des gens différents qui ne se connaissent pas ou peu et qui doivent former la base du mouvement. Or, celles-ci ont déjà montré leurs limites et le problème vient justement du fait qu’on est dans l’agrégation d’activistes qui ne sont pas reliés par quelque chose au-dessus d’eux.

Cela rend l’organisation dans le temps extrêmement friable. Ainsi, il peut y avoir 1000 personnes en assemblée générale en fin de journée de mobilisation, mais seulement 30 le lendemain pour appliquer les décisions prises.
Il y a alors forcément déception car on se dit qu’au fond, les décisions n’avaient rien de souveraines. La raison en est que l’assemblée générale de lutte a beaucoup de mal à intégrer réellement les gens, sans même parler d’élargir la base qui est naturellement d’essence activiste.
La clef de résolution de ce problème réside dans le fait qu’il faille transformer la base de la contestation sociale. Pour être souveraine, être durable dans le temps et avoir un poids pratique et politique assurée, une assemblée générale ne peut qu’être portée par des travailleurs en grève sur leur lieu de travail.
C’est l’assemblée générale des travailleurs qui se définit par la réunion de travailleurs qui sont déjà liés à un rôle objectif, celui de coopérer ensemble à un service ou à une production.
Comme le souligne une brochure pédagogique établie par le Parti Matérialiste Dialectique que l’on peut consulter ici, une assemblée générale de travailleurs ne doit pas non plus être confondue avec une intersyndicale, ou AG de syndicalistes et de leurs sympathisants. Car au fond, l’intersyndicale produit d’autres errements, tel que celui de déléguer la contestation à des sortes d’ « experts » de la lutte avec à terme un effritement…

Une grève constitue en elle-même un blocage de l’économie quand elle est construite sur la base d’une assemblée générale où l’on discute sur le lieu de travail. Ce lieu est là où la légitimité est au maximum vis-à-vis du reste de la population, il est plus difficile à l’État d’agir sans renforcer le soutien au mouvement.
De plus, les travailleurs se connaissent. Cela est un atout énorme par rapport aux infiltrations policières puisque n’importe quel policier en civil ne peut pas venir écouter ce qui est dit en assemblée générale.
Dans l’assemblée générale des travailleurs, les engagements sont respectés, il y a des comptes à rendre, il est impossible de jouer double jeu, de décider finalement de faire la grasse matinée alors qu’une action a été prévue, votée à main levée.
Il y a un auto-contrôle de tout un chacun, avec une surveillance collective car le collectif de travailleurs préexiste à la grève, même s’il se transforme inévitablement à travers celle-ci. Dit autrement, on ne peut se griller face aux autres collègues, il en va de la force de l’unité face à la hiérarchie…
Dans l’AG de travailleurs, il y a d’emblée une discipline collective car les travailleurs ne « s’amusent » pas à arrêter le travail, en décidant donc de s’opposer à leur hiérarchie, sans avoir en tête qu’il faut assumer une organisation alternative, avec chacun ayant un rôle dévolu, des décisions devant s’appliquer, sans quoi la crédibilité s’effondre d’elle-même, ce qui laisse la place à une reprise en main rapide par la hiérarchie.
À cela s’ajoute le fait qu’une assemblée générale de travailleurs produit quasi naturellement un écho dans la classe des travailleurs toute entière : telle entreprise est en grève avec ses salariés qui se regroupent et discutent ? Et si ceux-là gagnent en revendications, nous autres salariés de telle entreprise non encore à l’arrêt, allons-nous rester sur le côté sans prendre part également au « mouvement » ?
Évidemment, une fois que l’on a dit tout cela, on ne peut pas décréter que des AG de travailleurs émergent dans le pays. Cela repose sur les épaules des salariés qui eux-seuls peuvent le décider, comme l’a proclamé le célèbre slogan de la Première internationale « l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».
Et le mouvement du 10 septembre 2025, bien que n’ayant pas été à la hauteur des attentes, a provoqué des interrogations et des discussions dans la classe des travailleurs. Il y a un début de processus qu’il faut maintenir par un cap clair et défini par la mise en avant d’un mot d’ordre : Assemblées Générales de travailleurs, partout !