Le gouvernement Lecornu tient, car le peuple français est fantomatique

17 octobre 2025

Le gouvernement Lecornu I est tombé quatorze heures après la nomination des ministres, après 26 jours pour chercher à le former.

L’origine de la chute est la présence de Bruno Lemaire, ancien ministre de l’Économie, comme ministre des Armées. La Droite en a fait un symbole du macronisme, alors qu’il avait été nommé aux Armées en raison de sa ligne dure anti-Russie.

Le gouvernement Lecornu II a, par contre, été sauvé : il a échappé aux motions de censure du 16 octobre 2025. Il n’y a guère de différence pourtant et tout a été fait à la va-vite ; Lecornu a été nommé le 10 octobre, le gouvernement a été mis en place le 12.

Mais le centre de gravité politique français veut la guerre à la Russie. Par conséquent, tout doit être stable à l’intérieur du pays : pas de place pour une agitation très à droite ou très à gauche.

Et la peur de cette agitation ne tient pas à ce qu’il se passe quelque chose très à droite ou très à gauche : c’est justement la peur de l’inconnu qui amène les centristes autour d’Emmanuel Macron, la Droite et les socialistes à faire un pacte pour sauver le gouvernement et, à leurs yeux, le régime.

Car les Français inquiètent tout le monde : ils veulent faire quelque chose, et en même temps ils ne le veulent pas. Ils sont contestataires et, en même temps, ils ne le sont pas du tout.

Il devrait se passer quelque chose, et il ne se passe rien. Les jeunes, surtout, sont très sympathiques et modernes, mais ils sont incultes, passifs, méritant le statut de pire génération depuis bien longtemps.

Il y aurait un coup d’État avec un général qui expliquerait qu’il supprime la politique et va remettre de l’ordre, la jeunesse serait la première dans la rue, non pas pour le contester, mais pour lui apporter son soutien et l’inonder de remerciements.

Et cette jeunesse est à l’image d’un peuple fantomatique, inexistant dans tous les domaines, par refus de prendre la moindre responsabilité. C’est que les Français ne sont pas idiots : ils pleurent haut et fort et protestent contre la misère, mais ils savent très bien que les héritages et la propriété ne sont pas loin, voire déjà là.

Les Français sont des petits-bourgeois, pleins de vanité. Il existe ici une citation très connue de Lénine correspondant au point de vue de la social-démocratie historique.

« On ne sait pas encore suffisamment à l’étranger que le bolchevisme a grandi, s’est constitué et s’est aguerri au cours d’une lutte de longues années contre l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois qui frise l’anarchisme ou lui fait quelque emprunt et qui, pour tout ce qui est essentiel, déroge aux conditions et aux nécessités d’une lutte de classe prolétarienne conséquente.

Il est un fait théoriquement bien établi pour les marxistes, et entièrement confirmé par l’expérience de toutes les révolutions et de tous les mouvements révolutionnaires d’Europe, – c’est que le petit propriétaire, le petit patron (type social très largement représenté, formant une masse importante dans bien des pays d’Europe) qui, en régime capitaliste, subit une oppression continuelle et, très souvent, une aggravation terriblement forte et rapide de ses conditions d’existence et la ruine, passe facilement à un révolutionnarisme extrême, mais est incapable de faire preuve de fermeté, d’esprit d’organisation, de discipline et de constance.

Le petit bourgeois, « pris de rage » devant les horreurs du capitalisme, est un phénomène social propre, comme l’anarchisme, à tous les pays capitalistes. L’instabilité de ce révolutionnarisme, sa stérilité, la propriété qu’il a de se changer rapidement en soumission, en apathie, en vaine fantaisie, et même en engouement « enragé » pour telle ou telle tendance bourgeoise « à la mode », tout cela est de notoriété publique.

Mais la reconnaissance théorique, abstraite de ces vérités ne préserve aucunement les partis révolutionnaires des vieilles erreurs qui reparaissent toujours à l’improviste sous une forme un peu nouvelle, sous un aspect ou dans un décor qu’on ne leur connaissait pas encore, dans une ambiance singulière, plus ou moins originale. »

Lénine dit cela en 1920, dans La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »). C’est encore tout à fait vrai. Les gilets jaunes ont été une révolte absolument scandaleuse de par sa dimension nostalgique et réactionnaire, et c’est ça le « maximum » auquel on a droit, avec les délégués syndicalistes et les étudiants à « gauche de la gauche » en mode Instagram !

Les Français vont payer très chers ce niveau de nullité historique. Ils méritent fondamentalement ce qui va leur arriver, car ils ont fui et encore aujourd’hui ils fuient. Mais on ne peut pas fuir la réalité. Et quand les choses ne partent pas à Gauche, elles vont à Droite ; quand on assume pas le Socialisme et l’internationalisme prolétarien, on a le nationalisme et la bataille pour le repartage du monde.