L’immense succès de la pétition intitulée « Pour une Baisse des Prix du Carburant à la Pompe ! » s’appuie sur une mentalité profondément étroite, conformément à l’esprit de la jacquerie fiscale des gilets jaunes.
La plate-forme change.org permet de mettre des pétitions en ligne et d’obtenir des signatures. C’est ainsi que la pétition contre la loi travail a eu énorme succès et il en va de même pour celle-ci, qui en a obtenu presque autant. Ce 7 décembre 2018, elle recueille plus de 1 124 115 signatures.
Elle pose un véritable problème, à la fois intellectuel, moral et politique. Sans parler des propositions farfelues, niant la réalité matérielle, naturelle, pour soit-disant permettre le remplacement des carburants actuels.
La Démocratie a comme principe de permettre l’expression de chacun, ce qui est une valeur essentielle. Mais le capitalisme ne fabrique pas des citoyens, il déforme les personnalités pour en faire des individus égoïstes, égocentriques, ne s’appuyant sur leur ego.
Cette pétition n’apparaît donc que comme une sombre vanité, une prétention résolument antipolitique et antidémocratique, dans la mesure où ce qui est dit est totalement stupide et où les revendications sont censées être satisfaites par l’assemblage de signatures individuelles.
C’est là très directement ce qu’on appelle le populisme ; c’est exactement ce que réfute le Socialisme, en tant qu’expression consciente, rationnelle, d’une perspective étudiée, travaillée, et cela sur la base d’une classe.
Car la pétition se veut surtout une longue analyse de la situation, une évaluation de faits, avec des contre-références s’appuyant sur « YouTube, Les Echos, France-Infos, Le Télégramme, Challenges, Agoravox, Echologique-solidaire, Prix du Baril, CeeEnergie, Le Figaro, Connaissance-des-Energies. »
Une accumulation censée justifier le caractère prétendument sérieux de l’opération, qui valorise concrètement le point de vue de « l’Association nationale de défense des consommateurs et usagers » et qui consiste à remettre en cause toute fiscalité écologique. Cela car :
« Nous sommes déjà dépendants des cours du pétrole, il n’est pas question qu’en plus nous subissions une augmentation des taxes »
On l’a compris, cette pétition reflète l’esprit des gilets jaunes, avec cette posture du consommateur insatisfait, qui pratique par conséquent une jacquerie fiscale, dans le déni tant de la démocratie que de la réalité économique du pays, du monde, sans parler de l’écologie.
Son initiatrice Priscillia Ludosky a d’ailleurs été reçue par le gouvernement comme pseudo porte-parole du mouvement. Elle dirige une société de vente en ligne de cosmétiques bio et de conseils en aromathérapie. « Propriétaire » à Savigny-le-Temple en Seine-et-Marne, elle expliquait dans Le Monde se frustration de ne pas avoir pu acheter plus près de Paris.
Sa pétition a été écrite en s’appuyant sur cet esprit de jacquerie, de rejet des dirigeants :
« Je pense pouvoir parler au nom de toutes les personnes qui n’en peuvent plus de payer pour les erreurs des dirigeants et qui ne souhaitent pas toujours tout payer et à n’importe quel prix ! »
Toute la dimension anti-socialiste réside dans cette considération qu’il y aurait des erreurs des chefs, alors qu’il s’agit d’un système économique, d’une classe dominante. Et nous sommes en France en 2018, la personne écrivant cela sait très bien qu’en disant une chose et pas une autre, elle assume le refus catégorique de dénoncer le capitalisme.
La pétition demande, dans la logique des choses, que l’État soutienne les entreprises, qui devraient recevoir des subventions pour s’installer dans davantage d’endroits pour qu’il y ait moins de transports. Il faudrait également que les entreprises acceptent le travail à domicile et, dans ce rêve fou d’un capitalisme à visage humain, il y a l’appel à… utiliser l’eau pour la transformer en carburant !
Sauf qu’en réalité, les exemple cités ne concernent que des réglages de moteurs à l’aide d’un peu d’eau, et encore que cela ne concerne que les vieux moteurs diesels car la plupart de ceux en circulation maintenant ont des optimisations rendant caduque ce type de bricolage.
L’exemple de l’utilisation de l’eau de mer par la Marine américaine est quand à lui complètement délirant, compris de manière idéaliste. Il n’y a pas de magie permettant de mettre de l’eau de mer dans les moteurs actuels pour remplacer l’essence ; l’exemple cité nécessite de grandes quantités d’énergie et une mise en œuvre tout à fait expérimentale pour littéralement casser des molécules d’eau de mer, autrement détruire la nature pour servir les intérêts stratégiques d’indépendance de l’armée américaine !
Quoi qu’il arrive, il faut en amont une source d’énergie polluante, et il en est de même pour les véhicules électriques. Ils sont mis en avant dans la pétition alors qu’ils ne sont pas du tout une solution souhaitable, à moins là encore de soutenir l’appareil militaro-industriel français et de souhaiter l’extension des centrales nucléaires.
En l’état, le réseau français n’est pas du tout capable de soutenir une massification des véhicules électriques, qui poseraient d’ailleurs un grand problème de pollution à cause de leurs batteries. Ce problème des batteries concerne évidemment aussi les véhicules hybrides, qui d’ailleurs en pratique n’ont pas une très grande efficacité pour réduire la consommation de carburant et la pollution.
Cette pétition, c’est la démocratie version Youtube et Coca-Cola, avec l’appui du patronat. C’est le degré zéro de la réflexion intellectuelle, de la connaissance historique et scientifique, de l’approche critique des faits.
On a ici une démonstration d’infantilisme petit-bourgeois, qui se cumule avec la vanité de l’individu aliéné prétendant pouvoir juger en fonction du vécu de son petit moi, sans en rien se soucier du reste de la société, de la planète, et encore moins en ayant une exigence de complexité.