L’ultralibéralisme et la décadence sur le plan des valeurs dans lesquels baigne la France produisent nécessairement leur pendant : le conservatisme ultra. Marion Maréchal est assurément la figure de ce conservatisme, qu’elle entend régénérer politiquement et culturellement, en réaffirmant la Droite. Elle considère dans cet optique le mouvement des gilets jaunes comme la possibilité d’un « grand mouvement conservateur ».
Marine Le Pen aurait commenté récemment, a priori sur le ton de la boutade, que sa nièce devrait prendre la direction du parti de la Droite Les Républicains, parce que sa ligne serait celle de la droite de Laurent Wauquiez, le chef du parti.
Cela n’a rien d’absurde, tellement une partie de la Droite est de plus en plus proche du Rassemblement National tandis qu’une autre se situe dans l’orbite d’Emmanuel Macron, du libéralisme de l’Union-Européenne, et donc finalement surtout du modernisme centriste.
Cette Droite qui s’oriente vers le Rassemblement National est justement celle qui soutien et voit d’un bon oeil le mouvement des gilets jaunes. Il est donc tout à fait logique que depuis le début, Marion Maréchal soutienne « l’énervement général » porté par les gilets jaunes et qu’elle n’avait pas hésiter à se rendre à la manifestation des Champs-Élysées le 24 novembre. C’est un moyen pour elle d’exprimer politiquement et culturellement son affirmation de la Droite.
Le grand projet de Marion Maréchal est son école de science politique, l’ISSEP, qui se veut précisément une École de droite, en opposition aux Écoles classiques françaises qu’elle considère de gauche.
Sa récente intervention sur le thème « Quel avenir pour les Droites ? » lors du lancement du Cercle AUDACE était de cet acabit. L’ambition de ce réseau est de permettre une alliance des courants de la Droite avec un horizon plus ou moins affirmé des prochaines élections municipales.
Le propos de Marion Maréchal n’était pas politique dans le sens électoral, mais politico-culturel. La question du conservatisme y était centrale. Il s’agit pour elle d’expliquer que le souverainisme, ce que nous appelons le nationalisme, n’est pas suffisant. Elle a compris qu’il faut surtout des valeurs, une vision du monde, pour mobiliser la société.
Elle a donc surtout parlé d’« ordre social » contre « le relativisme ambiant », de marchandisation de la filiation en dénonçant la « pratique abominable » de la GPA ou encore d’islamisation.
Il y a en arrière-plan de cela une critique de la ligne de sa tante qui avaient fait du FN avec Florian Philippot un parti focalisant sur des thèmes économiques et sociaux, s’adressant majoritairement aux classes populaires, débauchant des syndicalistes, tendant à brouiller le clivage Droite/Gauche.
Elle a dénoncé, de manière très complexe et intelligente, les limites du populisme, qu’elle considère de manière bienveillante en tant qu’opposition au libéralisme, mais insuffisant en tant que cela porte un style plébéien. Le problème selon elle est de viser les élites de manière unilatérale, alors qu’il faudrait plutôt reformer ces élites, ce qu’elle envisage avec l’ISSEP.
Devant un public composé surtout de « chefs d’entreprise, industriels, entrepreneurs ou financiers âgés de 25 à 70 ans » comme l’a rapporté le journal de la Droite Le Figaro, elle a donné l’exemple la Ligue italienne qui a su rassembler une partie de la base industrielle du Nord du pays. Elle a expliqué de manière tout à fait typique à Droite qu’un projet de justice pour les classes populaires n’était pas incompatible avec les classes moyennes et la bourgeoisie.
Il faut bien-sûr considérer ici les choses électoralement, avec cette question du « plafond de verre » que le FN n’a jamais réussi à dépasser, qui pourrait voler en éclat en cas d’alliance avec la Droite.
Mais l’arrière-plan de cette alliance qu’elle souhaite est surtout culturel. C’est pour cela qu’elle verrait d’un bon œil la tête d’affiche aux élections européennes de l’adjoint au maire de Versailles François-Xavier Bellamy pour Les Républicains. Celui-ci s’était affirmé sur le plan des valeurs en tant que meneur du mouvement des Veilleurs, issu de la Manif pour tous.
Pour l’ancienne plus jeune députée de la Ve République, ces valeurs s’incarnent dans le refus de la « fascination pour le progrès » des élites qui s’oppose à « l’héritage ». C’est la définition de son conservatisme, qui s’oppose également à l’« universalisme » des élites, qui est en fait surtout un cosmopolitisme à lequel elle oppose « le particulier et le local ».
Sa proposition est donc le repli sur soi, selon cette considération que « le passé est toujours plus inoffensif que l’avenir ». Dans cette optique, la pensée des Lumières, qui est un matérialisme, une expression progressiste, est critiquée ouvertement, ce qui est typique et caractéristique du fascisme dans son essence idéologique.
Le conservatisme qu’elle défend se pose comme défenseur de la civilisation face à la décadence du capitalisme, mais il ne s’oppose aucunement au capitalisme.
La question du capitalisme est considéré comme secondaire, relative, parce qu’il suffirait de le soumettre au projet politico-culturel du conservatisme. Il s’agit pour elle d’abord d’une « disposition à penser et agir d’une certaine manière », qui ensuite doit se transformer en mouvement politique.
On aura compris bien-sûr a quel point cela fait écho à la démarche des gilets jaunes, dont elle est une des expressions intellectuelles. La question est celle de l’alternative, pour faire face au désenchantement que génère la crise du capitalisme.
Et c’est là que le clivage entre la Gauche et la Droite s’affirme, ou en tous cas devrait s’affirmer de plus en plus pour savoir qui porte la civilisation. Sont-ce les conservateurs ou les progressistes ? Faut-il la Nation ou le Socialisme ? Qui doit diriger, la bourgeoisie ou la classe ouvrière ? Tels sont les grandes questions de notre époque, qui nous opposent frontalement et directement à cette figure qu’est Marion Maréchal.