Jean-Luc Mélenchon a présenté hier ses « remerciements » de manière grandiloquente en l’honneur de la figure des gilets jaunes Eric Drouet. Il valorise la posture contestataire des gilets jaunes, les présentant comme des figures historiques alors qu’ils ne sont qu’une manifestation hystérique et improductive de la crise du capitalisme.
Jean-Luc Mélenchon aime s’imaginer important et adopter la posture de celui qui commente l’Histoire avec un grand H. C’est ainsi qu’il a déterminé hier dans un petit texte sur son blog, pour finir l’année 2018, que « l’histoire de France a pris un tournant » avec les gilets jaunes. Rien de moins ! Comme si un petit message au soir du 31 décembre suffisait à déterminer ce qui est historique pour la France.
Lui et son mouvement La France Insoumise considèrent en fait depuis le début ce mouvement comme étant de grande valeur. Dans un autre commentaire publié la veille le 30 décembre, il expliquait que les gilets jaunes justifient l’ orientation populiste, à rebours de la Gauche historique :
« Car le fait est que bien des organisations politiques de la gauche traditionnelle en France finirent aussi leur naufrage intellectuel dans cette circonstance. En effet, l’évènement confirma l’obsolescence de leurs logiciels d’analyse. L’obsession anti-populiste et l’hostilité de principe aux choix stratégiques des insoumis ont été de bien piètres boussoles. »
Il s’agirait donc avec les gilets jaunes d’une « révolution citoyenne », dont Eric Drouet serait une figure. De manière totalement délirante, il met ce dernier en parallèle avec un homonyme acteur de la Révolution française à qui Napoléon aurait dit « sans vous l’histoire de France aurait été toute différente ».
Cette comparaison est très intéressante car elle permet à Jean-Luc Mélenchon d’expliciter sa conception des choses, de la politique. Ce qui est flagrant, c’est qu’il n’est pas quelqu’un prônant la rationalité et la culture, mais plutôt le coup de force comme expression populaire.
Pour lui, ce ne sont pas les Lumières, en tant qu’expression idéologique et culturelle de la lutte des classes entre la noblesse et la bourgeoisie soutenue par les masses populaires qui ont permis la Révolution. Ce sont simplement des individus qui auraient osé s’opposer, dans un grand élan spontané.
Il est ainsi incroyablement parlant de voir une explication comme celle-ci de la part de Jean-Luc Mélenchon :
« Ce Drouet-là est un vrai modèle dans ce qu’est une révolution populaire : on n’attend pas les consignes pour agir ! Le peuple qui accourut pour ramener le roi à Paris, les soldats qui refusèrent de passer en force sur le pont, tous ont pour point de départ la situation créée par Drouet. »
Un tel propos propos n’a rien de Gauche, ni de près ni de loin. Il a d’ailleurs traditionnellement bien plus à voir avec le fascisme qui a toujours valorisé le spontanéisme, à l’image d’un George Sorel.
Parce que justement, sans organisation, sans la rationalité ouvrière, sans une grande remise en cause et de grands bouleversements sur le plan culturel, aucun réel mouvement populaire n’est possible.
Sauf que le fascisme ne veut pas d’un mouvement populaire, il n’en est que l’illusion, ou plutôt le détournement.
Et c’est précisément pour cela que les gilets jaunes ne représentent en définitive rien de bon ; ils ne se sont pas organisés de manière démocratique et populaire. Leur attitude diffuse et vindicative est tout à fait conforme au fascisme.
Jean-Luc Mélenchon explique être fasciné par Eric Drouet, par sa « sage et totale détermination », alors qu’il est en fait précisément une expression de la vacuité des gilets jaunes.
Il avait marqué les esprits au mois de décembre pour avoir refusé de se rendre à une convocation du Premier Ministre à Matignon, précisément pour cette raison du caractère disparate, nébuleux, du mouvement. Rien n’y a fait pour autant, les gilets jaunes n’ont à aucun moment permis une organisation démocratique, il n’y a jamais eu de structuration ni d’expression élaborée.
Ils sont restés figés dans la posture hystérique historiquement insignifiante de gens se contentant de dire « non », « Macron démission ».
Il est nécessaire ici d’aller voir en détail la nature des nombreuses vidéos « selfie » diffusées en « live » sur Facebook par cet Eric Drouet. Disons-le franchement, le niveau est lamentable, il y est raconté tout et n’importe quoi, avec des commentaires à l’emporte pièce sur différents sujets qui ne sont pas étudiés, avec beaucoup de choses imprécises qui sont dites, voir même des contre-vérités.
Il s’agit là de gens qui débarquent, ne connaissent rien à la politique, en tant qu’actualité économique, culturelle et sociale du pays, refusent même tout étude de la politique, et s’imaginant pouvoir peser, juste parce qu’ils donnent leur avis et qu’à un moment donné il y a des milliers de personnes qui les écoutent.
Que Jean-Luc Mélenchon trouve cela fascinant, qu’il s’agisse pour lui de « la fin d’année politique la plus motivante de [sa] longue vie d’engagements » en dit long sur ce qu’il représente, sur son populisme.
Ce populisme qui est d’ailleurs tout à fait en phase avec la rhétorique nationaliste antisémite critiquant « l’argent roi » emprisonnant le pays :
« J’ai donc le cœur plein de gratitude pour ces gilets jaunes qui mènent avec tant de bon sens, tant de sang-froid, tant de constance, le combat pour libérer notre pays des chaînes de l’argent roi. »
Les gilets jaunes ne représentent rien d’historique en eux-mêmes, ils ne sont qu’un sous-produit, un soubresaut populiste annonçant l’avancée terrible du fascisme dans la France en crise du XXIe siècle.
Et Jean-Luc Mélenchon converge avec ce phénomène.