Passée de mode à la suite d’intenses protestations dans les années 1990, la fourrure est revenue en force ces dernières années. Elle fait partie des panoplies de la mode contemporaine, se déclinant de multiples manières, tel un indice de chic. C’est simplement révoltant.
La fourrure est un symbole d’un certain standing social ; elle relève du chic. Fort logiquement, tant qu’il y a des classes sociales aisées, celles-ci feront de la fourrure un élément de leur style, cela fait partie de leur patrimoine. Et tant qu’il y aura des gens aliénés pour être fascinés par ce style, par ce chic, la fourrure se développera au-delà des milieux aisés, avec différentes déclinaisons : le manteau entier n’a pas besoin d’être en fourrure, cela peut consister en quelques détails ici ou là.
Partant de là, on ne peut pas être de Gauche et tolérer la fourrure. Nous ne vivons pas en Russie et la température ne descend pas largement en-dessous de zéro. Il n’y a aucune raison valable d’en porter, à part un esprit passivement consommateur, aliéné sur le plan des valeurs. Porter de la fourrure, à part quand on est d’un milieu aisé, c’est uniquement chercher à imiter les riches. Quant aux riches, il faut être bien naïf pour s’imaginer qu’on peut les éduquer par la morale.
Car la fourrure est ignoble ; l’idée de scalper un animal simplement pour obtenir sa peau relève d’un tel état primitif de l’humanité ! Il ne faut d’ailleurs pas croire que cela se passe différemment. Désormais 140 millions d’animaux sont tués chaque année pour la fourrure. En Europe, cela se passe surtout en Pologne et au Danemark, alors que la Chine produit 70 % de l’ensemble. Et cela dans des conditions monstrueuses, dans un mélange d’artisanat assassin et de rythme turbo-capitaliste le plus élevé.
Les photos des animaux transformés génétiquement pour produire davantage de fourrure, comme le renard, ont également beaucoup choqués. Enfermés dans des petites cages, ils ne peuvent rien faire, écrasés par leur situation mais également par leur propre corps. On a là plus qu’une allégorie de l’enfer, c’est juste que ce dernier a conquis déjà des territoires entiers sur notre planète. Qu’y a-t-il de pire qu’un mélange de boucherie primitive et d’efficacité ultra-moderne ? C’est comme si le « style de travail » des SS avait triomphé dans l’industrie de la fourrure.
Il est étonnant d’ailleurs qu’avec un tel arrière-plan, il y ait encore des gens pour s’imaginer que les choses progressent et citant telle ou telle entreprise ayant abandonné la fourrure. Non seulement les chiffres généraux, mondiaux, montrent que la fourrure est revenue en force par rapport aux années 1990 où elle s’était pratiquement totalement effacée, mais surtout elle est une valeur qui n’est jamais partie. Les classes dominantes ont leur histoire, leur patrimoine, leurs valeurs. La fourrure est indissociable d’un certain style de vie, ainsi que d’une capacité à aligner des sous, beaucoup de sous !
Il est intéressant de voir d’ailleurs ce qui a brisé le marché de la fourrure dans les années 1990. L’épicentre a été l’Angleterre, où les fameux activistes cagoulés de l’ALF y ont amené la fin de la fourrure dans les magasins, à coups d’actions clandestines et, on le devine, foncièrement illégales. Ce qui est marquant, c’est que les limites de telles actions étaient parfaitement comprises par les gens qui les menaient, qui envisageaient pour cette raison les choses politiquement, cherchant à faire boule de neige, et boule de neige à gauche d’ailleurs. La confrontation entre le New Labour, qui avait assumé une partie des revendications de la protection animale, et Barry Horne, décédé d’une grève de la faim, est un moment clef de l’échec de cette « boule de neige ».
C’est une preuve que la question de la fourrure n’est pas une fin en soi, elle relève de tout un état d’esprit. Et on aurait tort de ne pas en voir le côté pratique, c’est-à-dire de vérifier si, soi-même, on ne porte pas de fourrure sans même le savoir. La fourrure est une question de la vie quotidienne, désormais, avec les petits éléments de fourrure qui peuvent se glisser dans n’importe quel vêtement, n’importe où. Il y a ici une exigence à adopter et une certaine discipline, pour ne pas terminer dans le cynisme ou dans la mentalité : « on verra cela après la révolution / quand les choses bougeront / quand le problème sera plus clair pour les gens ».
Une Gauche qui ne prend pas en compte la question de la fourrure rate l’essentiel. Et pour satisfaire tout le monde, révolutionnaire comme « réformiste », partons du principe que toute présence de fourrure amène une taxe du produit fini de 50 %, avec l’obligation d’une étiquette comme quoi ce produit contient de la fourrure. Mais existe-t-il vraiment en France un État capable d’appliquer un telle mesure ? Sans même parler de l’adopter ?