Le procès des « antispécistes » ayant dégradé des vitrines et parfois attaqué par le feu des boucheries et des restaurants vient de se tenir à Lille. La Gauche a raté une occasion de s’exprimer sur un thème important… Elle peut encore le faire.
Trois femmes d’environ trente ans et un jeune homme sont passés en procès à Lille pour leurs actes commis dans le nord de la France : antispécistes, c’est-à-dire en combat contre la domination d’une espèce par une autre (le « spécisme »), ils ont visé des boucheries et des restaurants, cherchant à dégrader et à attirer l’attention sur leur cause.
L’image qu’ils ont donné d’eux au procès est celle de novices en politique, ayant des idées mais se demandant comment ils ont pu terminer au tribunal, voire même s’interrogeant sur leurs propres actes. On l’a compris, ils n’ont pas été véritablement protagonistes de ce qu’ils ont fait. Ils se sont saisis d’une question importante, cela les a dépassés et ils ont agi avec les moyens du bord sur le plan intellectuel et pratique.
Il serait donc tout à fait juste que la Gauche s’engage pour protéger ces gens de la vindicte des bouchers, charcutiers, restaurateurs… qui veulent une peine « exemplaire » et entendent bien que les amendes soient faramineuses, deux restaurateurs demandant pas moins d’ailleurs que 500 000 euros chacun.
La Gauche devrait épauler les antispécistes du procès de Lille, en leur fournissant les clefs pour comprendre ce qu’est l’État, l’économie, les choix de société, bref la politique. C’est un peu tard car le procès est passé, mais il est encore en temps de s’exprimer assez fortement pour ne pas que ces gens soient véritablement écrasés par quelque chose qui les dépasse.
Si en effet la Gauche ne s’est pas saisie de la question des animaux – ce qui est un erreur fondamentale – il n’en reste pas moins que celle-ci est d’une importance énorme, que cela soit sur le plan économique ou moral. Les quatre antispécistes vont se retrouver seuls face à toute l’industrie liée aux animaux, c’est-à-dire pour dire les choses expressément, face à toute l’industrie capitaliste liée aux animaux. À quoi s’ajoutent bien sûr tous les conservateurs de notre pays, tous les fanatiques du terroir, bien sûr tous les chasseurs, bref tous les réactionnaires.
On peut cependant partir du principe que la clémence, la mansuétude, la compréhension est un sentiment partagé chez les gens voyant bien qu’il y a un problème. Il faut donc que la Gauche s’exprime de manière correspondante à ce sujet et soit en phase avec ce qui représente une valeur positive : celle de la solidarité avec ceux et celles qui n’acceptent pas le monde tel qu’il est et cherchent des solutions concrètes.
Ce qui rend les choses bien difficiles, naturellement, c’est que la Gauche française est en miettes et que sur le plan des valeurs elle est contaminée par toute une série de mœurs libérales ou traditionnelles, selon. Il y a ainsi trop de gens à gauche qui tolèrent les chasseurs par libéralisme, voire pratiquent la chasse par « tradition ». On a ici un véritable problème, d’ailleurs tout à fait exemplaire de ce qui nuit à la Gauche.
On voit mal de ce fait comment la Gauche, qui n’est même pas capable de dénoncer la chasse à courre, pourrait s’exprimer en défense d’accusés antispécistes, alors que la remise en cause de la condition animale va encore plus loin. Mais peut-être que comme c’est plus loin, c’est d’autant plus facile à comprendre.
Personne ne pourra faire l’économie d’une réflexion et d’une modification de ses pratiques par rapport aux animaux dans les prochaines décennies. Et si l’antispécisme est une philosophie qui vaut ce qu’elle vaut, rien en attendant ne s’oppose sur le plan des valeurs de gauche à une pratique du végétalisme, du véganisme ; ne pas utiliser de produits testés sur les animaux ne devrait pas être bien difficile à comprendre comme démarche pour des gens de Gauche !
Voilà pourquoi, au-delà de ce qu’on peut penser des antispécistes de Lille sur leur démarche et leur philosophie, la Gauche devrait épauler ces personnes se retrouvant en première ligne dans un combat qui les dépasse de par son ampleur : c’est à la politique de prendre les choses en main.
> Lire ailleurs :
- Le reportage sur le procès de La Voix du Nord :
Lille La prison requise contre deux défenseurs des animaux qui avaient attaqué des commerces
- Le reportage sur le procès de France 3 Hauts-de-France :
Lille : 6 et 10 mois de prison ferme requis contre deux militants antispécistes
- Un article sur le procès de La Terre d’abord :
Procès des antispécistes de Lille : Candide face aux juges
- Le site du Comité de soutien aux activistes antispécistes :