« J’ai beaucoup d sympathie pour les électeurs et sympathisants du FN qui sont déçus, j’en fais partie. »
Voilà la ligne, l’identité du mouvement des « Patriotes » de Florian Philippot, qui vient de tenir son congrès de fondation.
Ce mouvement se veut l’enfant légitime de la ligne tenue par Marine Le Pen lors du débat télévisé face à Emmanuel Macron entre les deux tours des présidentielles. L’échec de Marine Le Pen a fait reculer celle-ci sur la question de la sortie de l’Europe ; Florian Philippot se pose comme canal historique.
Sa ligne est celle du « Frexit », l’équivalent français du Brexit.
Il y a encore beaucoup d’amateurisme, le site du mouvement étant plus que mal sécurisé. Cependant, il ne faut pas se leurrer, ce nouveau mouvement d’extrême-droite a un espace réel pour exister, car Florian Philippot tente de rassembler le plus largement possible en supprimant l’aspect raciste qui, d’une manière ou d’une autre, marquait le Front National.
A cela s’ajoute l’ajout de l’idéologie « sociale » apporté par Florian Philippot, qui a fait du Front National un véritable mouvement d’extrême-droite, au sens où il y a l’alliance du national et du social, alors qu’avec Jean-Marie Le Pen, il n’y avait qu’une ligne pro-libérale.
Florian Philippot, qui tente de chercher à exprimer cela par des formules bien net, résume cela en disant :
« J’ai mis le FN sur des rails gaullistes, on a changé le logiciel, les scores ont augmenté. Mais ça a déraillé, le FN est revenu sur des rails lepenistes. »
Or, on sait très bien comment la démagogie « sociale » nationaliste est difficile à combattre pour la gauche. En jouant sur le repli sur soi, sur l’unité au-delà des classes sociales – des classes sociales par ailleurs niées par la « nouvelle » gauche -, en jouant sur la peur de la compétition de la mondialisation (les « Chinois », les « Américains, etc.), le nationalisme a aisément de la vigueur.
Il faut d’ailleurs souligner deux choses importantes. D’abord, le congrès de fondation des « Patriotes » s’est tenu ce week-end à Arras, histoire de montrer que le but est la conquête du Nord, aux dépens des traditions ouvrières, de gauche.
Font partie des 6500 adhérents revendiqués du mouvement José Évrard, député élu avec le Front National après avoir longtemps été membre du PCF. Mentionnons également le fait que le vice-président des « Patriotes » est Franck de Lapersonne, un tribun de très haute volée avec une vraie connaissance idéologique des principes d’extrême-droite.
Ensuite, le siège des « Patriotes » est à Saint-Ouen, en banlieue parisienne, un bastion de la ceinture rouge, avec un maire PCF de 1945 à 2014. C’est une sorte de vague écho à la tentative de Jacques Doriot, dirigeant communiste de Saint-Denis, qui s’est tourné vers le fascisme dans les années 1930 avec le Parti Populaire Français.
Notons également que le siège est loué à Marcel Campion, le patron des forains, connu pour ses rodomontades médiatiques, ses coups de force en mode blocage des voies, etc.
On a ici tous les ingrédients typiques de l’extrême-droite : des réseaux et des cadres nationalistes, une dynamique « sociale » revendiquée où la nation est présentée comme le seul vecteur possible, une orientation populaire pour affaiblir la gauche en général, tout en prétendant ratisser le plus large possible.
Florian Philippot explique ainsi cela au sujet des membres :
« On a des gens du FN, de DLF, de l’UPR, de la France insoumise, de LR… et deux tiers de nos adhérents ne viennent d’aucun parti. »
Ce n’est pas pour rien que Florian Philippot ne mentionne ni le PS, ni le PCF. Son but est de liquider la gauche et il se positionne comme fer de lance d’un discours capable de faire cela. Les « Patriotes » sont censés agir comme l’éperon du souverainisme, c’est-à-dire du nationalisme.
Au projet d’une France socialiste, le nationalisme des « Patriotes » oppose l’union au-delà des classes sociales. Pour aujourd’hui, cela ne rime pas à grand chose. Mais pour demain – et qui est de gauche sait que le capitalisme est instable, toujours victime de crises profondes, d’une tendance au militarisme, à la guerre – cela peut suffire pour donner naissance à un vaste mouvement nationaliste, dans une fièvre qui suivrait une crise.