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Only Lovers Left Alive (2013)

Only Lovers Left Alive est une film de Jim Jarmusch sorti en 2013. Prétentieux, sans âme et sans contenu, il a pourtant été acclamé par la critique. Le film est un exemple parfait de l’incapacité des sociétés bourgeoises à produire de la culture : il n’y aucune proposition, aucune perspective, aucun esprit de synthèse ; simplement une logique d’accumulation.

L’histoire est centrée autour d’un couple de vampires : Adam et Eve. Le premier est un dandy misanthrope et le second vit principalement à travers lui. Adam est au début du XXIe siècle une rock star de l’ombre, un musicien mystérieux vivant dans une maison à moitié abandonnée de Detroit. Eve vit à ce moment là à Tanger ; elle a ses habitudes nocturnes loin du monde.

Le film commence réellement avec l’arrivée d’Eve à Detroit, elle y retrouve son amant et le reste du film suivra leurs nuit passées ensemble chez Adam, dans les rues de Detroit, dans une salle de concert et pour finir à Tanger. On y apprend quelques anecdotes sur leur relation, leurs relations passées ou encore leur moyen de se procurer du sang sans avoir à tuer.

L’image du poète torturé et du génie

Si l’on devait résumer le film en quelques mots, on pourrait dire qu’il est un film de l’image : l’image du poète torturé, l’image de génie créateur, l’image du romantique suicidaire, l’image de l’artiste drogué, etc. Le film n’a aucune dignité, il ne vit que par et pour ces images : une accumulation – censée donner une esthétique, une culture et surtout une profondeur.

Adam est présenté comme un musicien extrêmement talentueux, il vit entouré d’instruments (surtout des guitares) et de matériel d’enregistrement. Il cherche à produire et à expérimenter : il se retrouve à jouer de la guitare avec une baguette de batterie puis un archet de violon… dans un logique de déconstruction sans intérêt. On est dans du pseudo-psychédélique.

Vient ensuite la drogue et ses paradis artificiels : le sang humain est dégusté dans des petits verres et la première gorgée procure une sensation de bonheur intense, les personnages sont enfin délivrés, pour quelques instants, du monde matériel.

Mais cela ne suffit pas, il en faut plus au héros de Jim Jarmusch : Adam est un romantique. Ou plus exactement l’image d’un romantique : sensible et suicidaire, génie créatif et hautain.

Les cheveux mi-longs et en bataille, il apparaît souvent torse nu ou en partie, pieds nus sur ses tapis. Il ne sourit jamais, et vit dans le passé : vinyles, collection d’anciennes guitares, portraits de grands personnages historiques.

Une insulte à Byron et aux époux Shelley

Tourmenté, il méprise profondément les humains qu’ils nomment « les zombies ». Ce mal lui viendrait de la fréquentation de Byron et de Shelley puis de français, si l’on en croit Eve. On pouvait tolérer jusque là la platitude du film, qui n’était pas complètement dénué d’intérêt sur le plan purement technique, mais là Jim Jarmusch a franchi la limite : cracher sur Byron et Shelley !

Que le réalisateur s’imagine cultivé parce qu’il distille tout un tas de références culturelles et scientifiques tout au long de son film, passons. Mais faire de Byron et de Shelley des poètes torturés qui diffusent des idées suicidaires… Non. Ce n’est pas acceptable. Être imbu de sa personne est une chose, cracher sur ceux qui ont représenté des grands moments dans l’histoire de l’Angleterre, et par extension de l’humanité, non.

Byron et Shelley n’avaient rien à voir avec un dandy misanthrope comme Adam. Le travail des deux amis et poètes n’est pas comparable avec la musique fade et sans envergure d’une rock star décadente. La mort de Byron est aux antipodes de la vie retranchée et sans envergure du vampire. La défense d’une vie naturelle de Shelley va à l’encontre du mépris qu’a Adam pour la vie et son attitude de camé raffiné.

On pourra essayer de défendre le directeur en disant que le personnage partageait peut-être les opinions de Shelley et Byron à l’époque et que le temps l’a tout simplement usé. Dans ce cas, Adam serait nostalgique de ce passé, il essaierait de s’y raccrocher, il chercherait un refuge… quelque chose, un idéal, même un reste, une miette. Mais il n’en est rien. Le personnage n’est qu’une image, l’image malsaine du poète torturé.

De plus, s’il avait encore ne serait-ce qu’un reste de romantisme, il n’aurait jamais pu qualifier Mary Shelley, née Wollstonecraft Godwin, de « délicieuse ». L’auteur de Frankenstein (œuvre immense et malheureusement méconnue en raison de caricatures) est simplement placée là, pour ajouter une nouvelle référence… (Les plus ardents défenseurs de Jim Jarmusch pourront toujours dire qu’il s’agissait probablement de la mère de Mary Shelley, toutes deux portaient le même prénom, mais évoquer une Mary Wollstonecraft quelques secondes après avoir parlé de Byron ne peut que faire penser à la fille qui épousera Percy Shelley et deviendra Mary Shelley – et dans tous les cas, la remarque reste abjecte.)

D’ailleurs, toute cette mentalité de consommateur qui ne voit dans la culture que des objets à poser sur une étagère est parfaitement illustrée dans la scène du départ de Tanger.

Eve prépare alors ses valises pour rejoindre son amant à Détroit et décide d’emporter des livres. Bien évidemment, son appartement comporte des piles de livres anciens disposées contre les murs, sans raison sinon de faire passer Eve pour une personne cultivée. Au moment de choisir, le film la montre en train de feuilleter de nombreux ouvrages en plein de langues, et à ce moment on peut en apercevoir un au fond de la valise : un livre sur Basquiat, l’artiste contemporain américain. De l’art contemporain, des références pour les références, des classiques consommés et vidés de toute substance… Voilà la culture portée par le film.

On pourrait continuer avec la référence à Faust : lorsqu’Adam se rend à l’hôpital pour chercher du sang humain, il se déguise en médecin et porte un badge au nom de « Dr. Faust ». Et la liste des références plus ou moins cachée est encore longue. Et tout ça pour quoi ? Rien.

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