Emmanuel Macron a choisi la ville de Biarritz pour accueillir le G7 du fait de son prestige aristocratique mondain. C’est le même état d’esprit qui le fait soutenir la chasse à courre : il y a là une alliance de la modernité avec le style ancien, du libéralisme « start up » avec l’aristocratisme grand-bourgeois, afin de maintenir la France dans le passé.
La ville de Biarritz est indéniablement associée à la personne de Louis Bonaparte, dit Napoléon III, au XIXe siècle. Il en avait fait un lieu de villégiature estival, alors que cela devenait en même temps une place mondaine.
Symbole de ce faste néo-aristocratique, l’Hôtel du Palais qui accueillera les chefs d’États ce week-end fut à l’origine érigé pour sa femme l’« impératrice » Eugénie, le bâtiment formant un « E ». On est là dans le luxe tout ce qu’il y a de plus moderne pour l’époque, mais qui se donnait un genre enraciné dans l’histoire, avec des gens se faisant appeler « majesté » et s’entourant des rois et princes d’Europe qui se ruaient volontiers à Biarritz.
Cependant, comme l’avait qualifié Karl Marx, le « règne » de Louis Bonaparte consistait en une parodie de restauration impériale, à une époque où la bourgeoisie, rongée par les divisions entre ses différentes factions, peinait à organiser son pouvoir de manière stable.
Emmanuel Macron rejoue quant à lui une parodie de la parodie, plus de 150 ans après, avec ce sommet à Biarritz. Les services de sécurité ont, d’après la presse, tenté à maintes reprises de le dissuader d’y organiser ce G7, tellement la tâche semblait compliquée. Mais il a obtenu gain de cause, ce qui en dit long sur l’importance symbolique de ce lieu pour sa démarche.
Comme avec son soutien forcené à la chasse, Emmanuel Macron tente de maintenir la France enfermée dans ses traditions réactionnaires, permettant la division de la société en classes. Le style « Biarritz » est alors parfait : il n’est pas ouvertement réactionnaire, mais il n’est certainement pas progressiste non plus. Depuis son expansion moderne au XIXe siècle, la ville représente parfaitement ce mélange des genres, permettant en quelque sorte de moderniser le maintien des traditions.
Le surf contribue largement à cette aura de modernité aujourd’hui, dans un style d’ailleurs complètement forcé : la grande plage de Biarritz est une horreur pour qui veut vraiment surfer, vu le monde et le peu d’espace qu’il y a. Mais l’essentiel est ailleurs puisqu’il s’agit surtout de se montrer, pour sembler faire partie du monde en ayant l’air riche, mais sympa en même temps, ou inversement, sympa mais riche.
C’est de la mondanité tout ce qu’il y a de plus détestable, comme d’ailleurs cet Hôtel du Palais luxueux ostentatoire surplombant la grande plage, qui est une insulte démocratique. Mais contrairement à ce qui peut exister sur la côté d’Azur, il n’y a pas non plus de grands yachts, de résidences bunkerisées complètement coupées du reste de la ville, etc. Il s’agit à Biarritz d’un faste mesuré, s’imaginant acceptable, lié au reste de la société.
Précisons cependant une chose très importante ici : le centre-ville de Biarritz est largement coupée de toutes traditions populaires basques et même de la vie locale d’aujourd’hui. C’est une ville moyenne, constituée pour près de la moitié de résidences secondaires, qui est comme posée au milieu de l’agglomération formée par Bayonne et ses environs.
C’est-à-dire que tout cela est faux de bout en bout, ce que n’est que de l’apparence, de la mondanité superficielle mêlée à du tourisme sans âme. C’est exactement ce dont à besoin le régime, qui ne s’appuie pas sur l’héritage historique et la tradition démocratique en France, mais sur des apparences.
En singeant le style « second Empire », Emmanuel Macron s’imagine justement rendre le régime acceptable pour la population, en jouant tout autant sur la tradition que l’apparente modernité. Il faut bien voir ici d’ailleurs que, si « Napoléon III » était pleinement ancré dans les préoccupations « modernes » et urbaines de son époque, il appuyait son pouvoir sur la paysannerie parcellaire, pas suffisamment consciente pour rejoindre le prolétariat des villes, mais pas suffisamment satisfaite pour rejoindre la bourgeoisie.
C’est exactement cet entre-deux qui intéresse Emmanuel Macron, qui appuie totalement l’hégémonie de la Droite, tout en étant parvenu par la Gauche, en l’ayant fait exploser de l’intérieur. Biarritz, ville de Droite, mais dirigée par le Modem, est donc un lieu de choix pour sa démarche passéiste et moderne à la fois.