On part au travail dans une zone industrielle, on travaille dans un bureau, dans un hangar, peu importe… On travaille en intérieur, sous la lumière blanche des néons pendant sept à huit heures d’affilées. À la fin de la journée, on rentre en ville, généralement dans son appartement, après avoir passé tout le trajet à voir sans vraiment regarder des panneaux publicitaires, des enseignes lumineuses, de la même façon qu’on est hypnotisé par la lumière rouge des feux arrières des voitures devant nous. Et le lendemain, ça recommence !
Quand on vit en ville, et qu’on y travaille, en son cœur ou bien en périphérie dans une zone industrielle, vient toujours un moment où le travailleur se sent pris à la gorge, et rêve de s’échapper. Il y a une contradiction puissante entre la profusion urbaine poussée jusqu’au malsain, et le vide total des campagnes. Le motard, lui, est souvent une personne qui, au fond, cherche à briser ne serait-ce que le temps d’une balade, cette contradiction.
Il part donc, seul ou accompagné, sur les plus jolies routes de sa région. Pourquoi sont-elles plus jolies ? Parce-qu’elles sont bordées d’arbres, parce-qu’elles sont à flanc de falaise et laissent admirer des paysages à couper le souffle. Même sans tomber sur de magnifiques panoramas, le simple fait de sortir et d’être au contact de la nature, de voir qu’il existe encore des endroits où les bâtiments ne font pas la jonction entre la terre et le ciel, est un soulagement en soi. Certains roulent doucement, pour prendre le temps d’admirer et certains roulent trop vite, pour se défouler.
Le motard cherche à vivre, à être au contact de l’air, il tâtonne pour trouver une authenticité qui lui manque. Il a toujours une bonne raison de fuir la ville, qu’il ne supporte pas au quotidien : il suffit d’observer son comportement dans la circulation pour voir qu’il se sent oppressé et frustré dans le chaos urbain, ses embouteillages, ses grandes voies réservées à certains usagers précis, qui lui semblent désespérément et inutilement vides. Il a rapidement besoin d’aller vite, même pour aller travailler dans un endroit qu’il n’apprécie pas vraiment.
C’est pour cela qu’il adopte souvent une conduite à risque, qu’il se met lui et les autres en danger. Si conduire une moto n’est pas un crime, il faut aussi que le motard devienne plus conscient de ce qui le motive au fond et qu’il comprenne que la moto, si elle lui permet de fuir la folie des villes ou de se vider l’esprit de tous ses soucis, n’est pas pour autant un sésame pour l’authenticité et la liberté.