La manifestation « contre l’islamophobie » du 10 novembre 2019 n’aidera pas la lutte contre le racisme et ne fera pas disparaître les préjugés au sujet de l’islam. On ne combat pas le feu par le feu, mais par l’eau de la connaissance, de la raison, du savoir, de l’érudition. Et par la loi. Au lieu de cela, la manifestation du 10 novembre joue à une sorte de bataille de positions typique de la Gauche anglo-saxonne.
Dans le monde du travail, on travaille. Même si on a des préjugés sur la personne à côté de soi, on est obligé de les gommer, parce qu’il faut bien aller de l’avant. Ce n’est pas simplement pour ne pas se faire licencier, c’est aussi par respect de l’outil de travail. Et parce que la haine, c’est fatiguant. La haine est un luxe. Il faut disposer d’un certain patrimoine – pas trop sans quoi on s’assagit – ou au contraire être un déclassé.
Les gens n’ont donc pas la haine. Ils ne sont ni des lumpens, ni des racailles, ni des petits-bourgeois enragés. Ils sont les gens. C’est pour cela qu’il n’ont pas suivi les gilets jaunes, tout en les comprenant. Les gens ont leur vie et ils ne peuvent pas se permettre de la jeter à la poubelle. Partir à l’aventure est un luxe, réservé aux couches plus aisées.
La manifestation du 10 novembre est donc une erreur. Car les gens ne sont pas racistes. Ils ne peuvent pas être racistes. Le peuple est l’avenir de la société, il ne peut être ni raciste, ni antisémite, ni réactionnaire. Il y a bien sûr des racistes, des antisémites, des réactionnaires, des gens incapables de placer l’islam dans son contexte historique et culturel. Mais ce n’est pas le peuple. Ce sont des gens qui se trompent, qui fautent.
C’est comme si on disait : tel conducteur à 7 heures du matin manque d’écraser les gens, car c’est un idiot, un sauvage. C’est vrai en un certain sens pour son comportement, son attitude. Cependant le fond du problème, c’est que c’est un travailleur épuisé, aliéné. Voilà le fond véritable de la question.
Le peuple le sait, car il sait ce que c’est que de vivre dans une société épuisante, suffocante. Il n’en a par conséquent rien à faire que quelqu’un préfère le pop corn salé ou sucré, qu’il se passionne pour la mécanique, l’Inde ou voit le port du voile comme une sorte d’abri dans un monde en décomposition.
Inversement, ceux qui tremblent pour leur petite propriété ont besoin de boucs-émissaires et ils mentent. Dans la vie quotidienne, ils sont obligés de faire comme tout le monde, mais parallèlement, schizophrènes, ils diffusent une peur panique à travers des thèses complotistes, dont le « grand remplacement » est devenu le grand fourre-tout. Le petit-bourgeois a peur de perdre son bien, d’être « remplacé ». Il critiquerait bien les riches qui sont ses ennemis justement, mais il a envie d’être riche lui-même… donc il ne le fait pas.
Attention toutefois, le petit-bourgeois ment, mais les gens aussi. Ils savent très bien que leurs fuites ont un côté mensonger. Les musulmans n’ont pas le droit d’écouter de la musique. L’immense majorité le fait quand même, ce qui n’a aucun sens. On voit bien ici que la religion est une culture, un refuge et nullement une entité religieuse bien déterminée, comme le pensent les religieux et les anti-religieux primaires.
La manifestation du 10 novembre est ainsi une erreur, quasiment une faute. Elle prend au sérieux des choses qui ne le sont pas. Elle accepte de se placer sur le terrain des racistes et des religieux, ce qui est une grossière erreur. C’est exactement la même erreur qui avait faite lors de l’interdiction du port du voile à l’école.
Il aurait fallu tout simplement permettre des discussions au cas par cas, dans l’esprit que tout cela concerne la vie du peuple, avec sa richesse, ses exigences et ses incohérences, etc. Au lieu de cela on a eu une loi qui a été une vraie boîte de Pandore. La preuve en est que ce sont des militants d’une organisation d’extrême-gauche qui ont provoqué toute cette affaire du port du voile à l’école, en ruant dans les brancards. Cette même organisation se retrouve à manifester désormais le 10 novembre…