L’incroyable silence (pour ne pas dire censure) des médias français tranche avec la ferveur et le dynamisme de cette nouvelle alliance. Le sommet élargi des Brics en Russie du 22 au 24 octobre 2024 est en effet le cœur brûlant de l’actualité mondiale, une actualité qui se fait sans l’occident, voire franchement contre l’occident.
L’idée des Brics est né avec le 21e siècle, comme contre-poids à l’hégémonie américaine dans le monde. C’est à partir de 2009 un regroupement entre le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (d’où l’acronyme BRIC) puis en 2011 un élargissement à l’Afrique du Sud (South Africa, donc BRICS).
La matrice originale des Brics est économique, mais cela va bien entendu au-delà, tout comme l’hégémonie américaine est tout autant militaire et culturelle qu’économique. Toutefois, l’aspect économique a pris dans ce cas une importance capitale au fur et à mesure des années, et il a été au centre des débats pour ce nouveau sommet qui s’est tenu en 2024.
L’idée est simple : on a des pays bien ancrés dans le capitalisme mondial, mais qui considèrent y avoir une place insuffisante, ne faisant pas partie de l’occident et subissant négativement l’hégémonie américaine. Les pays des Brics+ représentent près de la moitié de la population mondiale, mais moins de 30 % de l’économie mondiale.
Au centre de cette démarche, il y a la superpuissance chinoise qui entend faire contre-poids en assumant sa propre hégémonie, avec son propre camp.
Ce camp s’élargit à vitesse grand V. L’alliance est maintenant élargie et s’appelle BRICS+, puisque l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran font dorénavant partie du groupe, et que des dizaines d’autre pays sont associés de près ou de loin.
La Russie affirme que 35 États et 6 organisations internationales (dont le secrétaire général de l’Onu), ont participé à ce 16e sommet des Brics qui s’est tenu à Kazan, sur les rives de la Volga.
La ville de plus d’un million d’habitants est justement peuplée à moitié de Russes et à moitié de Tatars, qui plus est à 720 km à l’est de Moscou, ce qui marque de manière très volontaire l’éloignement et la différenciation culturelle par rapport à l’occident.
C’est bien plus que du symbole. Cela d’autant plus que l’actualité des Brics – qui est en fait l’actualité de la Chine depuis une dizaine d’année – est l’élargissement forcené vers l’Afrique, qui est appelée à se tourner massivement vers les pays de l’alliance.
Vladimir Poutine a profité du sommet pour réaffirmer la nécessité de la présence africaine au Conseil de sécurité de l’Onu.
Le Président mauritanien Mohammed Ould Ghazouan, le Président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, le ministre éthiopien des Affaires étrangères Mesganu Arga Moach ou encore le ministre des Affaires étrangères de la République du Congo Jean-Claude Gakosso ont longuement pris la parole en séance plénière, pour affirmer leur orientation déterminées vers les Brics.
De manière typique, le Président de la République du Congo Denis Sassou-Nguesso, qui aurait été spécialement invité par Vladimir Poutine, a expliqué :
« Le devoir impérieux pour nos nations du Sud est d’unir nos efforts afin de créer des mécanismes financiers alternatifs qui régulent avec plus de justice l’économie mondiale au bénéfice des intérêts légitimes de nos États. Une telle approche implique de réformer les institutions financières internationales ».
Il y a foule au portillon des demandeurs d’adhésion : Algérie, Turquie, Mexique, Corée du sud, Bangladesh, Bolivie, Nigéria, Sénégal ou encore Thaïlande sont connus pour vouloir adhérer officiellement à l’organisation, aux contours toutefois très flous, et qui n’accepte plus de nouveaux membres pour le moment.
Mais ce flou n’est absolument pas un problème pour la superpuissance chinoise, qui justement joue sur cette idée d’une vague générale aux contours imprécis, et où sont hégémonie est cachée, ou au moins subtile.
C’est ce que la Chine appelle le monde multipolaire. La Russie est habilement utilisée par la Chine pour cette affirmation multipolaire ; il apparait ici évident que la guerre en Ukraine sert directement et largement la superpuissance chinoise désireuse d’exacerber les antagonismes avec la superpuissance américaine.
Et la présence massive à Kazan de plusieurs dizaines de pays aux côtés de la Russie exprime de fait une défiance vis à vis du camps occidental, qui a tenté de manière acharnée d’isoler la Russie et de lui faire subir des sanctions économiques gigantesques.
Ce sont précisément ces sanctions occidentales contre la Russie qui ont été au cœurs des débats du sommet de Kazan, avec l’idée qu’il faut absolument pour ces pays sortir de l’influence du dollar et être capable d’exister sans.
Il ne sera pas question d’une nouvelle monnaie, ni d’une alternative au système inter-bancaire SWIFT, mais d’un renforcement des coopérations bancaires nationales, pour généraliser l’utilisation des monnaies nationales (à la place du dollar ou de l’euro), précisément dans la perspective chinoise multipolaire.
Le monde vit actuellement un moment de bascule décisif par rapport à la fin du 20e siècle, après l’effondrement du bloc de l’est et la grande faillite du tiers-monde qui n’avait pas réussi sont affirmation.
La Russie est ici à l’avant-garde de la défiance contre l’occident, en ayant osé l’affronter militairement en Ukraine et en ayant maintenant une grande légitimité pour porter un discours alternatif.
Vladimir Poutine ne s’en prive pas, expliquant à maintes reprise pendant le sommet qu’il est dans le camps du droit, de la justice, du respect entre les pays, à l’inverse de l’occident :
« Le « droit du poing » est aujourd’hui cultivé dans les affaires mondiales, alors que les BRICS visent à renforcer le rôle du droit international. »
« Les nouveaux membres des BRICS ont constaté que le groupe possède l’élément le plus important: le respect mutuel. La Russie a l’intention de construire des relations avec les pays qui respectent son indépendance. »
« L’Occident a toujours essayé de garder la Russie à « sa place », soit en faire un simple fournisseur de matières premières ».
Au passage, lors de la conférence de presse finale du sommet, il en a profiter pour directement cibler l’occident :
« L’armée ukrainienne ne peut pas utiliser les missiles occidentaux sans l’implication directe des officiers de l’Otan ».
La guerre mondiale pour le repartage du monde prend chaque jour un contour plus francs, plus nette, plus évident. Et il ne s’agit pas pour nous, à Gauche, d’y participer, mais au contraire de la saboter, en dénonçant notre propre camps, celui de l’occident capitaliste moribond et ultra-agressif.
Les Brics+ ne sont pas dans cette perspective une voie de salut, car la solution ne viendra que de l’unité mondiale des peuple en lutte pour la construction d’un monde nouveau, socialiste. Notre horizon n’est pas l’émergence de nouveaux capitalistes voulant prendre la place des anciens, sous l’égide chinoise, mais bien l’effondrement des superpuissances chinoise et américaine, ainsi que de leurs laquais respectifs.
Le changement mondial en cours est immense, et tout ne fait que s’accélérer. Dans ce processus, les masses mondiales vont se précipiter sur le devant de la scène – en premier lieu les masses d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine !
Notre époque folle produit des fous furieux en série et la route est un lieu privilégié pour l’expression de cette folie. Cela tient principalement au fait que les conducteurs, de voiture, de vélo, de camion, de trottinette électrique, peu importe, se retrouvent en permanence exposés individuellement à des interactions collectives. Ils ne savent pas y faire face subjectivement, alors ils déraillent en se réfugiant dans l’agressivité, puis parfois la violence physique.
Cela commence par les insultes, versées à haute voix, que l’autre n’entend pas bien sûr, ou devine seulement, mais qui sont toutefois réelles.
Il y a ce cycliste qui insulte cet automobiliste qui ne l’a pas vu, sans se poser la question de savoir s’il était lui-même visible de par l’angle-mort existant pour chaque conducteur lorsqu’on le remonte par sa droite.
Il y a ce chauffeur de taxi trop pressé qui insulte cette mère de famille qui n’a pas mis son clignotant, alors qu’elle était déjà engagée dans un rond-point, sans se poser la question de savoir si cette femme devait mettre un clignotant, ni de savoir pourquoi elle n’a pas été en mesure de le faire.
Concrètement, il n’y a aucune bienveillance sur la route. C’est le reflet de la société, avec une bulle d’individualisme.
Il suffit de voir des piétons s’étonnant qu’on les laisse passer à un passage piéton où ils sont prioritaires, pour comprendre ce qui ne va pas! En France, quand une voiture laisse passer un piéton, le piéton remercie son conducteur d’un signe de la main !!! C’est aberrant !
C’est plus ou moins vrai partout en France, mais c’est particulièrement vrai dans la région parisienne où les automobilistes (et les cyclistes) agissent comme de véritables agresseurs à l’encontre des autres.
Heureusement que les feux de signalisation sont encore globalement respectés, quoi que de moins en moins, sinon il n’y aurait plus aucun frein à la chienlit automobile et l’enfer francilien serait absolu.
L’enfer, c’est par contre ce qu’a vécu mardi 15 octobre 2024 Paul Varry, jeune homme de 27 ans. Il circulait à vélo en fin d’après-midi sur une piste cyclable du boulevard Malesherbes, mais un automobiliste lui aurait coupé la route, entraînant sa chute. De colère, il aurait alors tapé sur le capot du véhicule, un SUV Mercedes tout neuf, ce qui aurait entraîné une altercation.
Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour se faire une idée de la scène : le conducteur, riche, s’imaginant important, est incapable de reconnaître son tort et s’excuser, de surcroît face à jeune homme, d’allure fine, qu’il identifie comme un faible, car dans son imaginaire, les cyclistes sont des faibles. C’est tellement banal, à Paris ou ailleurs.
Ce qui s’ensuit par contre l’est moins, mais ce n’est pas étonnant non-plus. L’automobiliste de 52 ans non rassasié par les mots aurait finalement choisi d’aller au bout de sa colère en écrasant le cycliste. Il avait avec lui, comme passagère de son véhicule, sa fille de 17 ans!
On utilise ici le conditionnel, car légalement il le faut, mais il n’y a pas vraiment de doute quant au déroulé des faits. De nombreux témoins étaient présents et ont été entendus ; le ministère public a confirmé le caractère délibéré du geste, d’après les premiers éléments de l’enquête.
Le conducteur a été placé en garde à vue et une enquête pour meurtre a été ouverte. Paul Varry est mort dans un bain de sang, malgré l’intervention rapide d’un passant, puis des secours.
Ce jeune homme était très engagé pour le développement des déplacements à vélo en région parisienne. Il était membre actif de l’association Paris en Selle. La porte-parole cette association a rappelé légitimement dans la presse que :
« Quand on est cycliste, tous les jours on vit des petits actes d’incivilité de la part des véhicules motorisés, qui sont ceux qui tuent le plus dans des accidents. Il ne faut pas banaliser ça. Il faut que les pouvoirs publics prennent au sérieux les plaintes des cyclistes. »
L’idée n’est pas fausse. Mais, les pouvoirs publics justement n’ont plus aucun pouvoir ! Ce n’est pas tant une question subjective, de mauvaise volonté de la part de la police ou de la justice. C’est surtout que la société française s’effondre et les individus sont de plus en plus débridés dans leur fonctionnement façonné par le cynisme du capitalisme en crise.
Au fond, les propos de la porte-parole de cette association sont indignes par rapport à la mémoire de son camarade, car ils sont bien en deçà de la réalité. Il existe en France un nombre incroyable d’automobilistes ayant un comportement exterminateur à l’encontre des cyclistes et il semble ici évident que Paul Varry a été la victime du plus zélé d’entre-eux.
Chaque cycliste, que ce soit en ville pour les déplacements du quotidien, ou bien à la campagne pour les sorties sportives, a forcément une multitude d’anecdotes terrifiantes à ce sujet.
On ne compte plus les automobilistes qui n’hésitent pas à mettre en dangers les cyclistes pour ne pas être entravés dans leur cheminement. Parfois cela se solde par un accident, de temps en temps par des morts, mais ce fonctionnement est absolument systématique pour certains.
Les organisateurs de courses cyclistes en particulier savent à quel point il devient de moins en moins possible d’assurer la sécurité, à cause précisément de ces automobilistes au comportement exterminateur, qui ne respectent ni les signaleurs bénévoles (insultes, menaces, coups), ni les arrêtés préfectoraux restreignant ou interdisant la circulation au profit des courses.
Bien entendu, les cyclistes ne sont pas en reste, surtout pour les plus jeunes venant de milieux urbains et étrangers aux codes des clubs sportifs. Souvent, ils évoluent eux-même n’importe comment sur les routes, mettant en danger les piétons et manquant cruellement de courtoisie à l’égard des automobilistes.
Cela ne fait que renforcer l’attitude des chauffards, qui se sentent alors légitimes dans leur haine exterminatrice à l’encontre des cyclistes, tous les cyclistes.
Seule une révolution culturelle, assumant la violence sociale légitime contre les déviances individuelles meurtrières, pourra vaincre ce fléau. La tâche est immense pour vaincre le cannibalisme social. Et ce sera violent, violent comme la révolution.
Une dette consiste en le fait de s’engager à rendre de l’argent qui a été emprunté. Il y a en général une échéance pour le remboursement, ainsi qu’un taux d’intérêt qui est défini.
Si l’on emprunte 100 euros et que l’on doit rendre 100 euros, le taux est de 0 %.
Si l’on emprunte 100 euros et que l’on doit rendre 105 euros, le taux est de 5 %.
Si l’on a honoré tous ses emprunts, on n’est plus endetté. Si l’on doit de l’argent, on a une dette. L’État français doit énormément d’argent, il est très endetté.
Quel est le montant de la dette de l’État français ?
Au 31 août 2024, l’encours de la dette négociable de l’État français est de 2 579 258 332 885 euros (2 600 milliards d’euros). Le terme « négociable » a ici un sens technique, mais cela n’a rien à voir avec le fait de pouvoir négocier a posteriori le montant ou l’échéance des remboursements.
L’État français doit concrètement rembourser chaque centime de cettesomme.
Quand l’État français doit-il rendre cet argent ?
Il n’y a pas une échéance générale pour tout rembourser, mais plusieurs échéances, car l’argent est emprunté au fur et à mesure, à des créanciers différents.
Une petite partie de la dette a une échéance à court terme (moins d’un an) ; les sommes doivent être remboursées en moyenne en 118 jours.
La majorité de la dette est contractée à moyen ou long terme ; les sommes doivent être remboursées en moyenne en 9 ans et 55 jours.
Cet aspect est très important, car cela explique en grande partie pourquoi, et surtout comment l’État français a pu s’endetter à ce point. Il y a ici un effet de roulement, avec un instant T qui est gérable (les sommes à rembourser tel jour, ou même telle année, sont abordables), qui fait que l’engrenage de la dette a pu continuer sans qu’il n’y ait de faillite.
Quel est le taux d’intérêt de la dette française ?
Comme pour les échéances, il n’y a pas un taux d’intérêt général, mais des taux d’intérêts qui peuvent être différents à chaque emprunt. Cela dépend directement du marché, en l’occurrence des marchés financiers où cela est négocié.
C’est actuellement un enjeu très important.
La dette d’aujourd’hui est en fait la dette d’hier. Globalement, les dettes à rembourser aujourd’hui sont celles contractées dans les dix dernières années ; elles l’ont été à des taux d’intérêt plutôt bas, car la France était en capacité de négocier cela.
Cela fait qu’aujourd’hui, la France rembourse ce qu’elle a emprunté avec des intérêts contenus. Mais c’est de moins en moins le cas.
La France emprunte maintenant avec un taux d’intérêt moyen autour de 3 %. Pour chaque millier d’euros emprunté, il faudra en plus du remboursement, donner 30 euros. Pour chaque million emprunté, il faudra donner 30 000 euros et pour chaque milliard, ce sera 30 millions d’euros.
Puisqu’il y a un roulement, comme on l’a vu plus haut, on comprend que la dette qui est actuellement de 2 600 milliards euros est en train de se renégocier avec 78 milliards d’euros d’intérêts. On parle de charge de la dette pour désigner cela.
La charge de la dette telle que prévue pour l’instant au budget 2025 est de 54,9 milliards d’euros. Elle était de 50,9 milliards d’euros sur le budget 2024.
À tire de comparaison, le budget de l’Éducation nationale 2025 est prévu à 65 milliards d’euros.
Comment expliquer que la France a pu emprunter auparavant à des taux faibles ?
On touche ici au cœur de la question des marchés financiers. Ce qu’il faut toujours garder en tête, c’est cette notion de roulement.
Cela ne concerne pas que les États comme la France, qui font rouler leur dette, mais c’est en fait la règle de fonctionnement générale des marchés financiers, que ce soit pour les dettes ou les placements (les dettes étant de toutes façons considérées comme des investissements).
Rien n’est figé, mais tout est en mouvement perpétuel : il y a en permanence une multitude d’échanges, et les calculs sont toujours effectués par rapport à l’avenir, plus précisément en misant sur l’avenir.
À notre époque, on ne peut plus imaginer la richesse financière avec l’idée d’un coffre-fort rempli d’or, verrouillé et caché. La richesse financière consiste surtout en le fait d’avoir des placements financiers.
Ceux-ci sont effectués par des professionnels, de manière plus ou moins automatique, mais toujours avec des objectifs très précis. Parmi les objectifs, il y en a un qui est déterminant : le risque.
Concrètement, les acteurs sur les marchés financiers disposent de portefeuilles de placements et pour chaque portefeuille est décidé un niveau de risque acceptable.
Si le but est de faire beaucoup d’argent à court terme, alors un risque élevé peut être acceptable. Au contraire, s’il s’agit de faire fructifier lentement mais sûrement un capital, alors le risque doit être réduit le plus possible.
En pratique, il y a surtout un mélange de plusieurs niveaux de risque, pour atteindre l’objectif donné. Et c’est là qu’on retrouve les dettes des États avec des taux d’intérêts faibles, voir négatifs !
Si un État peut se permettre d’emprunter avec un taux d’intérêt faible (voir négatif), c’est qu’il est considéré comme extrêmement fiable. En prêtant de l’argent à un État considéré comme extrêmement fiable, de surcroît dans une monnaie telle que l’euro, considérée comme extrêmement fiable, on peut facilement diminuer le risque moyen sur un portefeuille et sécuriser sa mise. C’est aussi simple que cela.
Et c’est ainsi qu’en 2020, la France a pu emprunter en moyenne sur l’année à un taux de -0,3 %.
Notons toutefois que ce chiffre extrême est surtout le produit d’un bricolage financier très dangereux de la part de la Banque centrale européenne, mais cela n’enlève rien à la compréhension de la dynamique des taux bas.
Concrètement, comment la France emprunte de l’argent sur les marchés financiers ?
Tout simplement avec une poignée de fonctionnaires (une cinquantaine) qui travaillent au sein du ministère des Finances à Bercy. Il s’agit de l’Agence France Trésor. Régulièrement, elle met en vente des morceaux de dette de l’État français. On parle d’obligations assimilables du Trésor (OAT) et de bons du Trésor à taux fixe (BTF) ; ce sont des titres dont la coupure nominale est de 1 euro.
Si on dit que ces obligations et ces bons sont « vendus », c’est précisément car ils ont de la valeur en soi. Ce sont des reconnaissances de dette à échéance. En général, il s’agit d’obligation à 10 ans et de bons pour plusieurs semaines.
Ces obligations et ces bons sont des marchandises, qui peuvent tout à fait être revendues sur le marché secondaire (un grand marché de l’occasion pour les titres financiers), faisant l’objet de spéculation. Comme on l’a vu précédemment, ces obligations et ces bons sont des produits composant des portefeuilles financiers.
Quelques jours avant une adjudication, l’Agence France Trésor annonce qu’elle mettra en vente un volume avec certaines échéances. Par exemple, le 27 septembre 2024 elle a annoncé qu’elle emmétrait le 3 octobre 2024 des OAT à long terme pour un volume compris entre 10 000 millions d’euros et 12 000 millions d’euros, avec des échéances allant de 2034 (10 ans) à 2055 (31 ans).
Le jour dit, la vente a lieu avec comme règle que les offres dont les prix sont les plus élevés sont servies en premier. En l’occurrence, le 3 octobre 2024, l’Agence France Trésor a vendu :
2 485 millions d’euros d’OAT à 1,25 %, payables le 7 octobre 2024 (la France reçoit l’argent) et remboursable le 25 mai 2034 (la France rembourse l’argent avec des intérêts) ;
6 165 millions d’euros d’OAT à 3 %, payables le 7 octobre 2024 (la France reçoit l’argent) et remboursable le 25 novembre 2034 (la France rembourse l’argent avec des intérêts) ;
1 917 millions d’euros d’OAT à 3 %, payables le 7 octobre 2024 (la France reçoit l’argent) et remboursable le 25 juin 2049 (la France rembourse l’argent avec des intérêts) ;
1 415 millions d’euros d’OAT à 3,25 %, payables le 7 octobre 2024 (la France reçoit l’argent) et remboursable le 25 mai 2055 (la France rembourse l’argent avec des intérêts).
Le 7 octobre 2024, l’État français a donc rentré dans ses caisses 11 982 millions d’euros (12 milliards d’euros), qu’il ne commencera à rembourser que le 25 mai 2034.
Combien d’argent l’État français emprunte-il ?
Ce sont 285 milliards d’euros d’émissions qui ont été prévues par le budget 2024 (l’Agence France Trésor ne peut travailler que par rapport à ce qui a été décidé en amont par la loi budgétaire).
Pour le budget 2025, l’estimation est pour l’instant de 306,7 milliards d’euros à emprunter sur les marchés financiers. C’est un record.
Qui prête de l’argent à l’État français ?
Personne ne le sait en détail, car les achats sont effectués par des investisseurs professionnels n’agissant pas pour leur propre compte, mais pour le compte de particuliers ou d’entreprises (ou même un mélange des deux). Il peut s’agir de fonds de pensions, de fonds souverains, de banques, d’assurances, etc.
Ce que l’on sait par contre, c’est que (au 2e trimestre 2024), pratiquement 55 % de la dette française est détenue par des « non-résidents », c’est-à-dire des organismes ou individus étrangers (ou en tous cas domiciliés à l’étranger).
Pour le reste, la Banque de France considère que les titres sont détenus à 26 % par des particuliers français (via des investisseurs professionnels la plupart du temps), à 8,7 % par des établissements de crédit français, à 9,2 % par des compagnies d’assurance françaises et à 1,5 % par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
Comment l’État français rembourse ses dettes ?
C’est très simple : à échéance des titres, l’État français rembourse conformément à ce qui a été prévu. Il faut pour cela que l’État, en l’occurrence le Trésor, dispose de la trésorerie nécessaire en temps voulu pour payer (il s’agit ni plus ni moins que de virements bancaires).
L’Agence France Trésor emprunte donc en grande partie pour… rembourser. Probablement aux mêmes personnes, d’ailleurs.
Sur les 306,7 milliards d’euros qu’elle devrait emprunter en 2025, il est prévu que l’Agence France Trésor en utilise 174,8 (plus de la moitié !) pour rembourser des titres arrivant à échéance.
Ce serait pratiquement 20 milliards de plus qu’en 2024.
Pourquoi est-il question ici de 2 600 milliards d’euros de dette, alors qu’on entend plutôt parler de 3 000 milliards d’euros ?
Nous n’avons parlé que de la dette de l’État français. Les 3 000 milliards d’euros consistent en la dette publique française, c’est-à-dire la dette de l’État français à laquelle on ajoute celle de la Sécurité sociale, des organismes divers d’administration centrale (Météo-France, l’IGN, le CNRS, les Musées nationaux, etc.), ainsi que celle des collectivités territoriales (départements, municipalités, etc.).
L’Agence France Trésor ne gère que la dette de l’État français, les autres organisent eux-mêmes leurs emprunts. Toutefois, la santé financière de la France est évaluée par rapport à sa dette publique, et non pas seulement la dette de l’État.
À quoi correspond le déficit public, censé être contenu à 3% pour répondre aux règles de l’Union européenne ?
Il s’agit du fait d’avoir plus de dépenses que de recettes. Le budget de l’État français n’étant pas équilibré, il est en déficit. Cela creuse la dette puisqu’il faut emprunter pour honorer ses dépenses, alors qu’au contraire un budget excédentaire permettrait de réduire la dette en remboursant plus qu’il n’est emprunté.
En 1992, le Traité de Maastricht a fixé des critères de discipline budgétaire pour les États, pour éviter des dérives qui feraient perdre de la valeur à l’euro, ou en tous cas abimerait la fiabilité de cette monnaie.
Il a été décidé qu’il ne fallait pas que le déficit public soit supérieur à 3% du PIB (une façon de calculer la richesse produite dans le pays chaque année).
Le projet de loi de finance 2024 prévoyait un déficit public de 4,4%, mais il est établi maintenant qu’il dépassera les 6% (les comptes seront fait l’année prochaine, par définition).
Cela signifie… soit que le budget présenté par le gouvernement était insincère (ils ont volontairement menti sur les dépenses et les recettes), soit qu’il n’a pas pu être maîtrisé, soit que le calcul du PIB a été surestimé. C’est en fait probablement un mélange des trois.
Le projet de loi 2025 prévoit pour l’instant un déficit de 5% du PIB, bien qu’il y ait des doutes sur la capacité du gouvernement à réaliser cela (c’est le Haut Conseil des finances publiques qui le dit).
La France est-elle en faillite ?
Il est difficile à la vue de ces chiffres de comprendre comment et pourquoi l’État français ne s’effondre pas.
Il faut savoir que le Traité de Maastricht prévoit également que la dette publique soit contenue, au plus à 60% du PIB.
Selon le projet de loi de finance 2025, la dette publique doit atteindre 115% du PIB. Cela signifie tout simplement que la France a plus de dettes que ce qu’elle ne produit comme richesse chaque année.
Bien entendu, ces dettes sont lissées sur plusieurs années, et leurs remboursements sont bricolés par l’Agence France Trésor en organisant un roulement (on emprunte pour rembourser).
Toutefois, la véritable mesure de la santé financière d’un pays consiste en la notation par les trois principales agences de notation que sont Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch.
De manière générale, les investisseurs ne peuvent pas agir comme ils veulent, mais doivent se baser sur les notes de ces agences pour établir leurs placements (en fait, se couvrir par rapport aux risques).
Le 11 octobre 2024, l’agence Fitch a annoncé maintenir la note AA- (soit 17/20) à la France. Bien qu’elle y ajoute une une perspective négative (elle pourrait dévaluer cette note prochainement), cela reste une très bonne note permettant d’emprunter facilement et avec peu d’intérêts.
Voilà pourquoi les finances françaises ne s’effondrent pas.
De fait, l’État français n’est pas en faillite, car non seulement il honore toujours ses dettes lorsqu’elles arrivent à échéance, mais surtout il arrive bon an mal an à établir un budget et à fonctionner.
Pour le dire autrement, l’État français est extrêmement endetté, mais il arrive toujours à repousser la poussière sous le tapis.
Néanmoins, la situation est précaire et le risque est très grand d’un emballement négatif menant à l’effondrement. La crise de régime, avec un budget 2025 qui peine à être établi, participe directement de ce risque.
Avec sa dette abyssale, la France est un maillon faible des puissances occidentales, elle pourrait facilement devenir la première grande victime de la crise du capitalisme.
La France est tout sauf à l’abri d’un choc important, et d’ailleurs il suffit de regarder autour de nous : on voit bien que les gens ont une mentalité sociale-impérialiste, qu’ils aimeraient bien que la France reste un îlot de prospérité capitaliste.
Que ce soit le Rassemblement national ou La France Insoumise, et évidemment tant les socialistes que les partisans d’Emmanuel Macron, tous ont une hantise : la perte de vitesse du capitalisme français, la perte du rang de la France dans la distribution du profit dans le cadre de l’ordre mondial favorable à l’occident.
Du point de vue par contre du Socialisme, tout cet affaiblissement de la France est une bonne chose, cela montre que le capitalisme vacille, et à travers ce décrochage vont se lever des forces populaires en rupture.
Le Premier ministre Michel Barnier était attendu le premier octobre 2024 pour un discours de politique générale à l’Assemblée nationale, un moment clef politiquement devant fixer le cap pour le pays. Pourtant, il n’a rien dit, rien assumé, rien annoncé, car il ne le peut pas.
Cependant, personne ne semble le remarquer. À lire les commentaires, on voit qu’il y a ceux qui le critiquent, ceux qui le honnissent, ceux qui sont sceptiques, ceux qui l’applaudissent, ceux qui louent sa sagesse. Mais personne ne souligne le vide abyssal de sa prise de parole.
C’est pourtant flagrant. En France, le gouvernement est censé mettre au point des lois qu’il fait voter par le Parlement, pour ensuite les faire exécuter par les administrations. Il y a également des décrets, mais bien sûr dans un cadre législatif précis.
On a rien de tout cela dans son discours. Seulement est-il fait semblant, en bombant le torse, ici sur le déficit budgétaire, là sur l’immigration, puis sur les retraites, l’assurance chômage, la mise à contribution des « plus fortunés », le logement, le suicide assisté, le scrutin à la proportionnelle, la Nouvelle-Calédonie.
La seule chose concrète qui a été dite, c’est la revalorisation du salaire minimum de 2 % dès le 1er novembre (alors que cela était attendu pour le 1er janvier), qui se fait par décret (sans vote des parlementaires, donc).
Pour le reste, ce n’est que du vague, des affirmations gratuites, des grandes lignes tracées dans le vent. C’est tout à fait typique d’une situation de crise, marquée par l’immobilisme, l’impossibilité de gouverner à moins de tout renverser. Et comme le gouvernement n’a aucune majorité au Parlement, il ne renversera rien du tout et la France va continuer de s’enfoncer dans la crise de régime.
En fait, la France est tellement enferrée dans la crise que personne n’est capable de quoi que ce soit, ni n’ose faire le premier pas qui ferait ensuite tout vaciller.
Une chose typique : Michel Barnier ne peut pas dire qu’il est « conscient de la gravité et de l’importance de ce moment » à propos du budget 2025, et en même temps n’avoir toujours rien fait, alors que la loi de programmation budgétaire aurait dû être présentée justement ce mardi 1er octobre…
Tel un élève n’ayant pas appris sa leçon, s’imagine-t-il s’en sortir en repoussant l’échéance à après la récréation ? Mais la magie n’opérera pas en quelques instants ! Pourtant, tout le monde prétend croire en l’élève Barnier, car personne n’assume la lourde sentence qui s’annonce.
La France est à l’agonie, mais elle continue de faire semblant, jusqu’au moment de l’impact, qui est imminent.
Il n’y a qu’à voir les marché financiers, où là les choses sont tout à fait concrètes. Fin septembre 2024, un basculement majeur s’est produit : la France est passée derrière l’Espagne en ce qui concerne les obligations d’État sur 10 ans. Le taux auquel un État comme la France emprunte de l’argent pour 10 ans est très révélateur de sa situation. C’est le type d’emprunt le plus courant, qui reflètent directement la confiance qui est placé en un pays, et donc en sa puissance.
Cela ne dit pas tout, mais en tous cas en grande partie, en tendance de manière très lourde, il est significatif de constater que la France « pèse » dorénavant moins que l’Espagne. La grande faiblesse de la France, outre sa moindre capacité productive, est bien sûr la lourdeur de son endettement qui abîme directement la confiance des créanciers.
On ne rappellera jamais assez comment, il y a à peine quelques années, d’aucuns (notamment des gens s’imaginant de gauche) prétendaient que tout ça n’est que du vent et que la France est une puissance intouchable, empruntant de l’argent à taux zéro, etc. Et bien, le vendredi 27 septembre 2024, la France empruntait à 10 ans contre un taux de 2,97 %, pratiquement 3 % ! Soit plus que l’Espagne, à 2,95 %.
La charge de la dette, qui évolue directement en fonction de ces taux, atteint maintenant le niveau du budget consacré à l’éducation (plus de 50 milliards d’euros par an), alors que la dette elle-même ne fait que s’envoler (plus de 3 000 milliards d’euros).
Ce n’est, bien entendu, que le début. Michel Barnier peut bien rappeler dans son discours qu’en 2024, le déficit public devrait (il va !) dépasser 6% de la richesse nationale et que c’est intenable. Il peut bien s’engager à ramener ce déficit à 5% en 2025, puis à atteindre 3% pour 2029… En pratique il n’y a rien, il ne fait rien et ne fera rien.
Aussi, le nouveau psychodrame national, avec un pays semblant découvrir en 2024 que l’immigration est une catastrophe chaotique, est exactement du même acabit. Il y a cette fois l’élève Bruno Retailleau, qui est au premier rang et vient brasser de l’air avec des grosses phrases pour marquer l’audience, mais qui en pratique ne fera rien, car il ne le pourra pas, ni ne le voudra, car il est avant tout un libéral et que l’immigration depuis le tiers-monde pour servir le capitalisme occidental fait partie de son idéologie.
Tel est le panorama d’une France à l’agonie. L’heure n’est pas aux petites combinaisons politiques de gauche pour la sauvegarde de quelques miettes acquises en vérité au bénéfice de la société de consommation. Tout cela n’est plus, la fête est finie. L’enjeu est bien plus grand, bien plus beau : c’est changer le monde qu’il faut !
Toutefois, le prix à payer sera cher, car il y a beaucoup trop de retard dans les consciences, beaucoup trop de faiblesses culturelles et politiques, pour ne pas dire idéologiques. Les masses françaises ne sont probablement pas dupes du gouvernement de Michel Barnier et de son discours de politiques générales, et regardent tout cela de très loin.
Mais elles ont tort, elle ferait bien de s’y intéresser, car bientôt ce sont elles qui devront faire l’Histoire. Pour le meilleur, ou pour le pire… et en raison de la fainéantise historique, il faudra le pire pour arriver au meilleur.
De nombreuses semaines après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron au mois de juin, la France se dote finalement d’un gouvernement le 21 septembre 2024.
Loin de mettre fin à la crise de régime, cela va au contraire en être l’accélérateur. La France se retrouve dorénavant avec un gouvernement qui ne peut pas gouverner, pour trois raisons au moins :
il n’a aucune majorité au Parlement pour avancer ;
il est sous tutelle budgétaire de l’Union européenne ;
il est tenu par la guerre américaine contre la Russie.
Sur ce dernier point, il est tout à fait révélateur que Sébastien Lecornu, réputé proche du Président Emmanuel Macron, soit reconduit à la tête du ministère des Armées. Son rôle est de maintenir la soumission de l’armée française à l’Otan et de continuer à faire ce que les États-Unis décident à propos de l’Ukraine.
Il ne faudrait surtout pas y voir un gage de stabilité, car c’est au contraire une expression de la crise. La France se retrouve empétrée dans la guerre mondiale, n’étant qu’à la remorque de la superpuissance américaine et devant composer face à un embrasement généralisé.
Sur le plan économique, la situation est carrément grotesque. C’est un illustre inconnu, sorti de l’ENA en 2019, qui se retrouve à devoir gérer l’économie, les finances et l’industrie. Antoine Armand, faisant partie politiquement du camp présidentiel, va devoir conduire la politique économique d’une France en faillite et en perte de vitesse sur le plan mondial.
La Cour des comptes, par la voix de son premier président Pierre Moscovici, a bien tenu à préciser avant la nomination du gouvernement que celui-ci héritera « d’une situation extraordinairement compliquée ». Selon lui, le budget 2025 sera « sans doute le plus compliqué à élaborer depuis plusieurs décennies, peut-être depuis le début de la Ve République ».
Avec une opposition à couteaux tirés à l’Assemblée nationale (probablement relativement moins au Sénat, mais cela ne sauvera pas le régime), le nouveau ministre de 33 ans pourrait tout à fait… ne pas réussir à faire voter de budget. Ce n’est certainement pas le soutien de Laurent Saint-Martin, 39 ans, macroniste de la première heure qui se retrouve chargé du budget et des comptes public (auprès du Premier ministre), qui changera la donne.
Ce qu’il faut bien voir, c’est qu’en réalité, sur le plan politique, c’est une véritable électrocution que subit la société française. Emmanuel Macron devait être sanctionné par les urnes, il l’a été, mais il est en fait toujours là, sans aucun changement. La Ve République est prise au piège par son modèle présidentiel.
Lorsqu’il s’agissait de figures marquantes, élues pour sept ans, avec une société relativement figée, le régime pouvait maintenir une réelle pression présidentielle. Car la Ve République est née d’un coup d’Etat, et taillée sur mesure pour une démarche gaulliste ou néo-gaulliste.
Mais dans une société de consommation peuplée d’individualistes, avec un président comme Emmanuel Macron… « l’autorité » n’a plus suffisamment de poids.
D’où justement le barrage à droite d’Emmanuel Macron, pour tenter de geler la situation. Il faut ici noter la nomination de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur et de Didier Migaud au ministère de la Justice. Le premier, issu de la droite réputée conservatrice et traditionnelle, le second, issu du Parti socialiste, mais avec image d’austérité, sont justement censés répondre au mécontentement des Français qui n’en peuvent plus du laxisme généralisé et du délitement social généralisé dans le pays, et qui ont en majorité voté pour les députés soutenus par Jordan Bardella.
Il y a là le second aspect important. Le Rassemblement national, la première force politique du pays, a été incapable de remporter les élections et de changer la donne, ouvrant la voie à la crise de régime actuelle. Ce qui fait que la crise devient rampante.
Le « Nouveau Front populaire » peut-il alors prendre le dessus, et poser une solution à gauche? Absolument pas, car il est porté par des bobos. Il ne porte aucune rupture historique. Ni au sujet de la guerre contre la Russie, ni pour les travailleurs dans leur rapport à l’exploitation capitaliste, ni au sujet de la Cause animale, ni au sujet de l’aliénation que développe la société de consommation.
Par conséquent, ce qui va venir, c’est la déception, l’amertume, l’instabilité. Et à contre-courant, il faut proposer la grande alternative historique à la barbarie : le Socialisme !
Voici pour conclure la liste, aussi longue qu’insignifiante, des personnes ayant rejoint l’équipe gouvernementale, dans l’ordre protocolaire tel que présenté par le Premier ministre.
Les ministres
M. Didier MIGAUD, garde des Sceaux, ministre de la Justice ;
Mme Catherine VAUTRIN, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation ;
M. Bruno RETAILLEAU, ministre de l’Intérieur ;
Mme Anne GENETET, ministre de l’Éducation nationale ;
M. Jean-Noël BARROT, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères ;
Mme Rachida DATI, ministre de la Culture et du Patrimoine ;
M. Sébastien LECORNU, ministre des Armées et des Anciens combattants ;
Mme Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition écologique, de l’Energie, du Climat et de la Prévention des risques ;
M. Antoine ARMAND, ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie ;
Mme Geneviève DARRIEUSSECQ, ministre de la Santé et de l’Accès aux soins ;
M. Paul CHRISTOPHE, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Egalité entre les femmes et les hommes ;
Mme Valérie LÉTARD, ministre du Logement et de la Rénovation urbaine ;
Mme Annie GENEVARD, ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt ;
Mme Astrid PANOSYAN-BOUVET, ministre du Travail et de l’Emploi ;
M. Gil AVÉROUS, ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative ;
M. Patrick HETZEL, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ;
M. Guillaume KASBARIAN, ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique ;
M. François-Noël BUFFET, ministre auprès du Premier ministre, chargé des Outre-mer ;
M. Laurent SAINT-MARTIN, ministre auprès du Premier ministre, chargé du Budget et des Comptes publics.
Les ministres délégués :
Auprès du Premier ministre et du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères :
M. Benjamin HADDAD, chargé de l’Europe ;
Auprès du Premier ministre :
Mme Nathalie DELATTRE, chargée des Relations avec le Parlement ;
Mme Maud BREGEON, porte-parole du Gouvernement ;
Mme Marie-Claire CARRÈRE-GÉE, chargée de la Coordination gouvernementale ;
Auprès de la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation :
Mme Françoise GATEL, chargée de la Ruralité, du Commerce et de l’Artisanat ;
M. François DUROVRAY, chargé des Transports ;
M. Fabrice LOHER, chargé de la Mer et de la Pêche ;
Auprès du ministre de l’Intérieur :
M. Nicolas DARAGON, chargé de la Sécurité du quotidien ;
Auprès de la ministre de l’Education nationale :
M. Alexandre PORTIER, chargé de la Réussite scolaire et de l’Enseignement professionnel ;
Auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères :
Mme Sophie PRIMAS, chargée du Commerce extérieur et des Français de l’étranger ;
Auprès de la ministre de la Transition écologique, de l’Energie, du Climat et de la Prévention des risques :
Mme Olga GIVERNET, chargée de l’Energie ;
Auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie :
M. Marc FERRACCI, chargé de l’Industrie ;
Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, chargée de l’Economie sociale et solidaire, de l’Intéressement et de la Participation ;
Mme Marina FERRARI, chargée de l’Economie du tourisme ;
Auprès du ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Egalité entre les femmes et les hommes :
Mme Agnès CANAYER, chargée de la Famille et de la Petite enfance.
Secrétaires d’État :
Auprès du ministre de l’Intérieur :
M. Othman NASROU, chargé de la Citoyenneté et de la Lutte contre les discriminations ;
Auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères :
M. Thani MOHAMED SOILIHI, chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux ;
Auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie :
Mme Laurence GARNIER, chargée de la Consommation ;
Auprès du ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Egalité entre les femmes et les hommes :
Mme Salima SAA, chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes ;
Auprès du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche :
Mme Clara CHAPPAZ, chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique.
Le Premier ministre Michel Barnier n’a été nommé que pour une seule et unique mission : tenter de sauver la France du naufrage économique. Son gouvernement ne peut être que « technique », dans le sens où il va systématiquement se présenter comme au-dessus des partis, des opinions et de la politique, dans un unique but de redressement budgétaire.
Contrairement à nous qui savons que la crise a une ampleur générale, ne pouvant aboutir que par un renversement du régime (par la guerre mondiale en cas d’échec populaire ou par la révolution démocratique en cas de succès populaire), le gouvernement de Michel Barnier doit avoir une vision mécanique, froide et sans envergure. La crise est considérée comme un simple problème technique, relatif à la dette structurelle du pays.
N’ayant par encore nommé son gouvernement, Michel Barnier a toutefois déjà commencé à gouverner début septembre, aux alentours du 10 septembre 2024, en négociant directement avec la Commission européenne pour obtenir un délai. La France est censée présenter à l’Union européenne le 20 septembre 2024 un plan de redressement de ses comptes, dans le cadre de la procédure pour déficit excessif engagé contre elle.
Cette demande de délai signifie que la France accepte de se plier aux exigences européennes, et qu’elle n’envisage absolument plus aucune indépendance. Michel Barnier est lui-même un cadre européen, ayant été le négociateur en chef de l’Union européenne avec le Royaume-Uni (ou plutôt contre le Royaume-Unis), lors du Brexit.
La France, province européenne, sous protectorat américain, est maintenant dans la situation suivante :
– sa dette a été mesurée à près de 111 % du PIB en 2023 et elle devrait approcher les 113 % en 2024 puis les 114 % en 2025, mais elle doit présenter un plan de redressement pour s’orienter vers l’exigence européenne qui est de ne pas dépasser les 60 % du PIB ;
– son déficit public a été mesuré à 5,5% du PIB en 2023 et il y a la prétention que celui-ci soit réduit à 5,1 % pour l’exercice 2024, mais elle doit présenter un plan de redressement pour s’orienter vers l’exigence européenne qui est de ne pas dépasser les 3% du PIB.
Traduit en des termes simples, cela signifie que la France est en faillite, mais qu’elle va faire la promesse de redresser drastiquement et en urgence ses comptes par des mesures précises. Il s’agit là de plusieurs milliards d’euros d’économie à faire, au moins une trentaine de milliards d’euros immédiatement (le déficit serait quant à lui aux alentours de 160 milliards d’euros).
Maintenant, soyons sérieux et voyons ce que cela implique concrètement.
Déjà, pour bien comprendre ce qui est en jeu, il ne faut pas perdre de vue la relativité de ces chiffres. C’est-à-dire que le déficit de la France est, par définition, relatif aux richesses qui sont produites en France (mesurées par le fameux PIB).
Si la France réduit le montant brut de sa dette, mais qu’en même temps elle a produit beaucoup moins de richesses, son déficit peut tout à fait se creuser. Voilà le cœur du problème, qui fait que la situation est explosive.
Pendant des décennies, il a été misé sur le fait qu’il valait mieux endetter le pays pour garantir sa croissance économique, que de couper dans les dépenses et risquer un décrochage. La bourgeoisie en France s’est donc gavée non pas seulement en exploitant le travail des prolétaires français et immigrés, mais aussi en faisant en sorte que la consommation soit portée par une dépense publique absolument massive.
Un cas typique est celui de la Sécurité sociale : c’est historiquement une avancée sociale, car cela protège la population sanitairement, mais c’est surtout une manne pour l’industrie pharmaceutique et le secteur hospitalier, notamment privé, où l’on trouve une masse de gens excessivement riches qui se gavent grâces aux soins et médicaments remboursés.
Cela est vrai pour tout : les différentes formes d’allocations et subventions aux personnes les plus précaires servent en fait à porter la consommation et assurer le train de vie des personnes formant la bourgeoisie (ou espérant s’y inclure). Les APL par exemple servent en apparence à aider les plus précaires à se loger ; elles servent en réalité à garantir des loyers élevés aux propriétaires de logements.
La Droite, dont est issu Michel Barnier, est donc coincée. Elle prétend qu’elle va réduire les dépenses, mais elle ne peut pas le faire car elle sait très bien que cela mettrait en péril l’économie française, en torpillant la consommation.
Voilà pourquoi Bruno Le Maire, lui aussi issu de la Droite, n’a pendant ses sept années à la tête du ministère de l’Économie et des finances, absolument rien fait contre l’envolée de la dette publique, qui n’a cessé de battre des records historiques.
Cela n’a pas suffi à empêcher la crise, et c’est maintenant d’autant plus un facteur aggravant de la crise. Comme cela a été expliqué début septembre 2024 dans une note ministérielle destinée aux parlementaires, les recettes de TVA, d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés s’annoncent ainsi largement moins élevées que prévu.
Le déficit, qui devait baisser à 5,1 % en 2024, pourrait en réalité augmenter à 5,6 % en 2024 en raison du ralentissement économique impliquant une baisse drastique des recettes.
De surcroît, les collectivités territoriales (communes, départements, etc.) ont également largement dépensé pour tenter d’endiguer la crise (ce serait là 16 milliards d’euros qui pèseraient sur les comptes de l’État pour 2024), ce qui fait que tous les compteurs sont au rouge, accablés par le ralentissement de la croissance.
Selon les prévisions de l’Insee pour le dernier trimestre 2024, le repli de la croissance devrait être de 0,1%, ce qui porterait la croissance du PIB sur l’ensemble de l’année 2024 à seulement 1,1 %, alors que le projet de loi de finances 2024 tablait sur 1,4%. Cela aggrave directement et dangereusement la possibilité d’un redressement de la dette française pour le gouvernement de Michel Barnier.
L’établissement d’un budget pour 2025, sous tutelle de l’Union européenne, va maintenant être le grand marqueur du basculement de la France, qui n’est plus un pays riche, une puissance de l’occident, mais un maillon faible du capitalisme mondial.
L’État français n’a plus aucune indépendance budgétaire, donc il n’a plus d’indépendance du tout. C’est d’autant plus vrai que Michel Barnier, agent de l’Union européenne, doit également rendre des comptes aux agences de notation financière, pour éviter que la situation ne déraille du jour au lendemain.
Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de croire que les agences de notations aient un quelconque poids en elles-mêmes. Seulement, elles sont un reflet de la situation, car elles sont utilisées par les acteurs des marchés financiers pour évaluer des situations économiques (ici de l’État français, mais c’est également le cas pour les grandes entreprises).
Ce qui se joue directement, c’est la crédibilité de la France en tant qu’elle emprunte énormément d’argent sur les marchés financiers. Alors la France doit tout faire pour convaincre les agences de notation qu’il est conseillé de lui prêter de l’argent, que cela est un investissement fiable.
Sans cette garantie, la France se retrouverait, se retrouvera bientôt, au même niveau que des pays secondaires du capitalisme mondial : de l’argent est prêté, mais à des taux très élevés. Et qui dit taux élevés, dit augmentation de la charge de la dette, donc forcément du déficit.
En juin 2024, juste après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le taux d’emprunt à 10 ans pour les bons du Trésor français a atteint pratiquement 3,20 %, soit pratiquement 0,70 point de plus que le taux allemand (la référence pour la France).
L’État français, qui empruntait il y a encore quelques années à des taux extrêmement bas, voir négatifs dans certains cas particuliers, se retrouve maintenant face à un mur.
C’est le mur de la dette, contre lequel se fracasse le pays ; Michel Barnier n’y pourra rien. Même s’il tentera d’en faire payer le prix aux prolétaires, la situation est inextricable, car la crise est en réalité ancrée depuis de nombreuses années, en profondeur, sans aucune possibilité de redressement dans le cadre actuel.
La réponse doit donc être l’intelligence, celle de la Gauche historique, avec ses valeurs. Car le prolétariat va se recomposer comme classe dans, à travers et contre la crise. Comme le dit l’adage chinois, le vent gonfle le pavillon!
En France, 2,5 millions de personnes sont allées au cinéma voir le film Deadpool et Wolverine, sorti le 24 juillet 2024. Cela exprime un niveau de régression et de stupidité effarant. Ce qui est marquant toutefois, c’est le mélange totalement improbable des genres, puisque le personnage de Deadpool se veut « amusant » alors que celui de Wolverine se veut profondément sombre.
C’est exemplaire de comment le capitalisme est obligé de tout mélanger pour maintenir l’intérêt, au prix du crétinisme. Aux Jeux olympiques, on a vu la même chose avec la présence du breakdance comme discipline.
Tout est assimilé, récupéré, mélangé à tout et n’importe quoi, refait et refait et refait. Tout ce qui relève du passé est également passé à la moulinette de l’infantilisme et de la débilité. Les films Furiosa, une saga Mad max et Alien : Romulus sont des caricatures de caricatures des films d’origine, au point d’être impossible à regarder pour qui a un cerveau. Et pourtant, ça marche commercialement !
C’est que le capitalisme qui récupère tout fait face à des consommateurs délavés. Et cela dans tous les domaines, jusqu’à l’absurde. Prenons un exemple avec la grande nouvelle scientifique de l’été. Une étude de la revue Nature prétend que la pierre dite d’autel de Stonehenge viendrait d’Écosse, à 750 kilomètres de là.
La raison est la similitude à 95 % des roches. Sauf que les 5 % restants pèsent de tout leur poids, ce qui aurait dû sauter aux yeux. La pierre en question fait en effet six tonnes, pour des mesures de 4,9 mètres, sur 1 mètre et 0,5 mètre. Stonehenge ayant entre 3 et 5000 ans, seul un scientifique qui a basculé dans le formalisme peut se dire que puisque les statistiques le disent, alors peu importe comment les êtres humains peuvent avoir transporté ça !
D’où la solution miracle : la mondialisation capitaliste existait déjà à l’époque. Eh oui, on lit par exemple dans un article, mais c’est la thèse générale dans tous ceux qui en parlent :
« Selon les chercheurs, le fait qu’un bloc de cinq mètres sur un mètre ait pu traverser la majeure partie du Royaume-Uni indique que la société dans les îles britanniques à l’époque néolithique était très organisée et connectée. »
Donc, nos ancêtres de Stonehenge adorant le soleil, sans savoir ni lire ni écrire, ne laissant aucune trace en termes de culture et de traditions de leurs activités (on est à l’âge de pierre!), aurait été très « organisés » et « connectés », avec une civilisation avancée de la taille d’un pays, sans qu’on l’ait jamais su. C’est digne de la série de la théorie des » anciens astronautes ».
C’est tellement fou que les chercheurs ont dû inventer la conception d’un transport par bateau pour essayer de rendre un peu crédible la thèse.
Et c’est partout ainsi : le capitalisme est un serpent qui se mord la queue. L’exemple de cet été avec Le Monde doit à ce titre servir d’exemple pour d’éventuelles discussions. C’est tellement énorme que cela dit tout.
Il s’agit de cinq articles au sujet de la ville hittite de Kanesh, qui valent leur pesant d’or. On parle ici de 22 000 textes datant de 1920 avant notre ère à 1850 avant notre ère, soit une période relativement courte.
Voici les présentations des articles, qui à elles seules sont délirantes de par leur conception : le capitalisme mondialisé, inclusif, avec ses migrants, aurait déjà existé il y a des milliers d’années !
Le trésor turc antique de la « colline de cendres »
« Les lettres de Kanesh » (1/5). A la fin du XIXᵉ siècle, des paysans anatoliens découvrent sous leurs champs des tablettes d’argile imprimées d’écritures cunéiformes vieilles de 4 000 ans. Ces milliers de textes sortis de terre forment la plus ancienne et volumineuse archive de documents privés de l’humanité.
Quinze siècles avant Athènes, un semblant de démocratie en Assyrie
« Les lettres de Kanesh » (2/5). Les quelque 22 000 tablettes d’argile découvertes dans les ruines de la cité anatolienne de Kanesh, il y a quatre mille ans, donnent un aperçu fascinant de l’organisation d’une grande ville de l’âge du bronze, qui n’est pas sans rappeler la démocratie athénienne.
A l’âge du bronze, des fondamentaux de l’économie de marché déjà présents dans la société assyrienne
« Les lettres de Kanesh » (3/5). Les textes trouvés dans les ruines de Kanesh montrent qu’une certaine idée du marché existait déjà au XXᵉ siècle avant notre ère, dans le Croissant fertile : le marché et sa régulation par les autorités, le capital, le taux d’intérêt, la monnaie, l’entreprise et même la fraude fiscale…
Il y a 4 000 ans, la grande liberté des femmes assyriennes
« Les lettres de Kanesh » (4/5). Des tablettes retrouvées à Kültepe ressort une société bien plus égalitaire que ce que laissent penser les clichés associés à des sociétés antiques forcément rétrogrades.
Le mélange des cultures, ciment du « vivre-ensemble », à l’âge du bronze
« Lettres de Kanesh » (5/5). Les milliers de tablettes découvertes dans les ruines de la cité anatolienne de Kanesh permettent d’entrevoir les formes que pouvait revêtir le « vivre-ensemble », à l’âge du bronze, il y a quatre mille ans.
On est là dans la propagande capitaliste la plus brutale. Qu’on ne parle pas de « science » au-dessus de la bataille des idées, une telle chose n’existe pas, toute interprétation des phénomènes obéit à une conception du monde. Pour que la science soit réellement la science, il faut une vision correcte du monde.
Or, le capitalisme est décadent, il tente de maintenir sa propre survie dans le futur en disant qu’il était là dans le passé, qu’il a toujours été là. Voilà comment une période d’esclavagisme se voit transformé en capitalisme libéral mondialisé.
Le Monde explique donc qu’en Mésopotamie, il y a pu y avoir des cités-Etats gouvernées par une » assemblée », oubliant l’esclavage de la grande majorité, comme d’ailleurs pour Athènes. La démocratie est pour les classes dominantes seulement : voilà le point de vue des historiens bourgeois, qui ne se placent jamais du point de vue du peuple.
Le subjectivisme règne en maître afin d’asseoir les points de vue bourgeois. Les tablettes d’argile d’il y a 4 000 ans ne mentionnent pas les habits des femmes ? C’est qu’il n’y avait pas d’habits obligatoires pour les femmes. Certaines femmes quittent leur mari dans quelques tablettes ? Toutes les femmes pouvaient le faire à l’époque comme elles le voulaient. Les lettres ne parlent pas de tensions inter-communautaires ? C’est qu’il n’y en avait pas, etc.
Il ne s’agit pas ici d’anecdotes, mais d’une terrible peste intellectuelle, qui contamine toutes les couches intellectuelles bourgeoises. Le subjectivisme prédomine, l’incapacité à disposer d’une rigueur intellectuelle est la norme. Cela correspond au rejet du matérialisme, de la lutte de classes, du principe de transformation qu’est la dialectique de la vie.
Rien ne peut sortir de productif de la société bourgeoise, seulement beaucoup de bruit et de choses pittoresques jusqu’à l’absurde qui profitent de la richesse matérielle actuelle. Le prolétariat doit lever la bannière de la culture et de l’intelligence contre le nivellement par le bas imposé par la bourgeoisie !
La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024 vendredi 26 juillet aura été tout à fait conforme à l’époque et au pays. La France ne vaut plus grand-chose, à l’image de du monde occidental en général.
Alors elle patauge, et là c’est la Seine qui a servi de pataugeoire pour une cérémonie longue comme un fleuve, allant de grossièretés en grossièretés, puisant le style des années 1970 en essayant de le mettre à jour avec un peu de spectaculaire.
Difficile de savoir si la médaille d’or doit revenir à la collaboration entre Aya Nakamura et la Garde républicaine, ou à bien au groupe de métal Gojira qui s’est imaginé porter la rébellion en faisant figurer des Marie-Antoinette décapitées et portant leur tête au bras, au son revisité de « ça ira ». Surtout que la cérémonie s’est faite en présence de nombreux chefs d’États royalistes ou princiers, ce qui est un comble pour le coup, tellement le message n’a, de fait, aucun sens.
La France étant la France, il y a toutefois de grands acquis, du patrimoine, et une tradition culturelle immense. Alors cela a pu faire illusions parfois pour certaines représentations, ne serait-ce que par des mises en valeurs architecturales. Toutefois, cela ne va pas plus loin qu’une représentation du Puy du Fou, le Disneyland de la campagne française. On vise le touriste potentiel.
Et sur le fond, tant musicalement qu’esthétiquement, il est évident que tout cela ne dépasse pas le style à la Jean-Michel Jarre. Il y a des bases électroniques, du rythme, de la lumière… Et c’est tout. Aucun saut qualitatif n’a pu être produit par la société française décadente et nombriliste.
Ce qui est apparu le plus flagrant pour les gens ayant un regard culturel et cultivé, c’est la nullité absolue des danses, mécaniques et primaires, sans aucune grâce, ni humaine, ni naturelle.
La nature d’ailleurs est la grande absente, tout comme bien sûr les animaux, à part trois chevaux esclaves montés sur quelques mètres ; si l’écologie, ou plutôt le « développement durable » était à la mode dans les années 2010, c’est en fait Paris qui avait sifflé la fin de la récréation avec l’échec de la COP 21, en 2015.
La planète et l’urgence écologique n’intéressent plus l’occident courant à sa perte et sautant à pieds joints dans une orgie de décadence. La mode maintenant, ce sont les LGBTQI+, les femmes qui ressemblent à des hommes et inversement. Les postmodernes parisiens en auront eu pour leur argent de ce point de vue, car ce fût une véritable exposition en la matière, pour ne pas dire un manifeste !
On notera ce moment très baroque où il fût passé en image de la péniche de la délégation pakistanaise à… une pseudo femme à barbe à la posture sexualisée ! C’est évidemment volontaire de la part de la réalisation. C’est le style « inclusif » du capitalisme.
Sur le plan technique et artistique, la réalisation a été il faut le dire d’une grande nullité, avec de nombreuses erreurs de cadrages et de séquençage, et surtout aucune cohérence d’ensemble, aucun récit de fait. Pour les Français qui ont eu à subir les commentateurs de France télévision, cela a été d’autant plus désagréable que ces commentateurs ont été visiblement déstabilisés par cette mauvaise réalisation.
Au point de s’emmêler les pinceaux dans la présentation des délégations, pourtant censée être le cœur de l’événement, allant jusqu’à confondre Turquie et Tunisie, Guyana (un pays) avec la Guyane (qui fait partie de la France), et d’autres erreurs du genre. Il faut dire que les commentateurs étaient au niveau de l’événement : c’est-à-dire très mauvais.
Qu’il en faut de la niaiserie et de la faiblesse d’esprit pour raconter en direct des choses comme : « elles sont dingues ces images on est quand même une sacrée nation » et autre autosatisfaction du genre (la plupart du temps en coupant la parole aux représentations elles-mêmes).
Ou alors pour s’enflammer sur le fait qu’Imagine de John Lennon (chantée par Juliette Armanet) est « un chant anti militariste et anti capitaliste « … avant de préciser de manière satisfaite que le costume a été fait par la maison Dior ! C’est grotesque, et grossier, tout comme quand cette même personne expliquait auparavant que le french cancan serait… anticlérical, antipatriarcal et révolutionnaire.
Dans la même perspective, on eu droit à une DJ faisant de son statut de lesbienne une identité révolutionnaire, et dénonçant la grossophobie. Il ne manquait plus que McDonald’s comme sponsor.
C’est tellement typique de cette fausse gauche parisienne, démocrate à l’américaine, qui ne comprend rien à rien, mais s’imagine être à la pointe sur tout, du moment que cela se fait sans les ouvriers.
C’est tout à fait à l’image de la ville de Paris, qui n’est plus vraiment une ville, mais un lieu de passage de l’existence pour des âmes errantes, consommatrices, naviguant au file de l’eau dans le 21e siècle décadent.
Les Français ne sont probablement pas dupes d’une telle cérémonie, strictement parisienne, mais ils n’en tiendront rigueur à personne. Ce n’est pas grave, les images festives du bateau de la délégation française leur auront suffi et ils attendent avec impatience de consommer les Jeux olympiques.
Mais le savent-ils ? Ces Jeux olympiques seront probablement le dernier souffle, avant l’effondrement. Car bientôt la fête sera finie et si le Président Emmanuel Macron a réussi à figer le temps politique grâce à l’événement, la réalité du monde, elle, n’attendra pas la France et les Français.
Dans le vestiaire à la rentrée, ça ne sera pas la fête, mais une douche froide, avec non pas une eau de la Seine qui est douce, d’après la Ministre des sports, mais avec une eau très salée, comme la facture qu’il faudra régler. Il ne s’agit pas ici que d’argent, mais aussi de culture, de politique, d’écologie, de rapport aux animaux, d’exigence de civilisation.
Que les Français aient pu laisser faire les élites parisiennes décadentes avec une telle cérémonie en dit très long sur la situation du pays. Et ce ne sont pas les sabotages contre la SNCF, avec des incendies retardant ou annulant les TGV dans le pays, qui vont modifier quoi que ce soit. Cela fait même partie du panorama de l’effondrement.
Il y a beaucoup, énormément de travail à faire, et comme il est trop tard, alors cela se fera dans les larmes et la douleur. La France est infantile, elle va payer très cher la remise en ordre, la remise au pas, la mise au niveau nécessaire pour le Socialisme.
Emmanuel Macron a pris la parole le soir du 23 juillet 2024, sur France 2. Un exercice d’une stupidité affligeante, avec deux pseudos journalistes, Thomas Sotto et Nathalie Iannetta, qui ont été d’une obséquiosité lamentable, doublé d’une fausse entente amicale.
Le président de la République, sans aucune dignité, a d’ailleurs joué avec satisfaction au bon copain. Il a dit trois choses : les Jeux Olympiques à Paris vont être un plaisir et tout le monde doit être derrière. Il faut une trêve politique jusqu’à la fin des jeux. Enfin, et par conséquent, pour la nomination du Premier ministre, on verra fin août.
C’est totalement inconséquent, infantile. Mais c’est conforme au sentiment de toute puissante qui caractérise à la fois Emmanuel Macron et la bourgeoisie « branchée », moderne, cosmopolite, totalement hors-sol.
Cependant, même cette bourgeoisie moderne a un souci. La France est sous le coup d’une procédure pour déficit excessif de la part de la Commission européenne depuis le 16 juillet 2024.
Car on le sait bien, la France vit au-dessus de ses moyens, elle est grillée, elle dépense plus qu’elle n’engrange de richesses, et depuis longtemps. Même si la fausse gauche prétend que les gens sont pauvres, etc., dans la pratique l’ensemble du pays profite de la société de consommation, en ayant l’un des meilleurs niveaux de vie du monde.
Seulement voilà, le capitalisme français n’est plus aussi performant. La France est minée par plus de 5 % de déficit quand l’Union européenne demande d’en rester à 3 %. Et le prix de tout cela, c’est son endettement massif avec une dépendance accrue envers des fonds d’investissements privé.
Qui pouvait vraiment croire qu’intégrer le trafic de drogue dans le PIB en 2018 soit une manière de relever les choses ? Qui pouvait croire que la création de start-up de coffrets cadeaux, que des auto-entrepreneurs en circuit court ou en livraison de mal-bouffe soient une perspective réelle pour tirer une croissance économique ?
On n’est pas loin en réalité d’une faillite structurelle. Soit le capitalisme devient très agressif et élève la productivité… Soit il faut que la Russie tombe et que la France la pille en partie. C’est aussi simple que cela.
C’est ce qui explique à la fois les non-dits et cette folie qu’il n’y a pas de gouvernement en France, alors qu’il faut établir une feuille de route budgétaire obligatoire avant le 20 septembre 2024!
On est vraiment en pleine crise de régime. Le pays se ratatine, les gens sont passifs pour éviter les soucis. Mais personne n’échappera à l’expression violente de la crise, personne.
Et là il faudra être prêt avec de l’idéologie, de la politique, de la culture, des valeurs.
Le pari perdant d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale contre toute attente en juin 2024 se retourne contre lui. Il a tout cassé, mais rien construit. Déjà que la France était en crise, très instable politiquement et économiquement, voilà que les contradictions sont maintenant sur la table, exposées à la lumière, sans aucune ouverture.
Impossible de ne pas voir une crise de régime dans une telle situation. Emmanuel Macron le voit très bien, forcément, mais il tente de maintenir la fiction en surjouant son rôle de Président de la République pour « garantir la plus grande stabilité institutionnelle possible ».
Au moyen d’une lettre aux Français, il s’imagine pouvoir rejeter la faute sur les autres en intimant à toutes les formations politiques hostiles au Rassemblement national de Marine Le Pen et Jordan Bardella de former une coalition de gouvernement. C’est en fait impossible, personne ne s’imaginant comment des gens allant du PCF aux Républicains en passant par le Modem pourraient se mettre d’accord pour voter le budget, le vote le plus important chaque année, qui détermine de fait tout le reste.
La lettre aux Français d’Emmanuel Macron est d’autant plus typique d’une situation de crise qu’elle renforce elle-même la crise qu’elle prétend surmonter. En effet, le cœur du propos du Président de la République est de prétendre que la dynamique politique française consisterait en le rejet du Rassemblement national.
C’est faux : seul le bricolage par en haut et anti-populaire des forces politiques en place a permis d’empêcher la réalité politique française de s’exprimer (le Rassemblement national est également en grande partie responsable de ses échecs, mais c’est un aspect secondaire). En racontant ce qu’il écrit dans sa lettre, il ne fait qu’ajouter de la rancœur à la rancœur et jeter de l’huile sur le feu.
Voici cette lettre, qui est sinon historique, en tous cas marquante de l’instabilité explosive de la France à l’été 2024.
« Lettre du Président Emmanuel Macron aux Français
Chères Françaises, chers Français,
Les 30 juin et 7 juillet derniers, vous vous êtes rendus aux urnes en nombre pour choisir vos députés. Je salue cette mobilisation, signe de la vitalité de notre République dont nous pouvons, me semble-t-il, tirer quelques conclusions.
D’abord, il existe dans le pays un besoin d’expression démocratique. Ensuite, si l’extrême-droite est arrivée en tête au premier tour avec près de 11 millions de voix, vous avez clairement refusé qu’elle accède au Gouvernement. Enfin, personne ne l’a emporté. Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires. Divisées au premier tour, unies par les désistements réciproques au second, élues grâce aux voix des électeurs de leurs anciens adversaires, seules les forces républicaines représentent une majorité absolue. La nature de ces élections, marquées par une demande claire de changement et de partage du pouvoir, les oblige à bâtir un large rassemblement.
Président de la République, je suis à la fois protecteur de l’intérêt supérieur de la Nation et garant des institutions et du respect de votre choix.
C’est à ce titre que je demande à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’Etat de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays. Les idées et les programmes avant les postes et les personnalités : ce rassemblement devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible et prendre en compte les préoccupations que vous avez exprimées au moment des élections. Elle devra garantir la plus grande stabilité institutionnelle possible. Elle rassemblera des femmes et des hommes qui, dans la tradition de la Vème République, placent leur pays au-dessus de leur parti, la Nation au-dessus de leur ambition. Ce que les Français ont choisi par les urnes – le front républicain, les forces politiques doivent le concrétiser par leurs actes.
C’est à la lumière de ces principes que je déciderai de la nomination du Premier ministre. Cela suppose de laisser un peu de temps aux forces politiques pour bâtir ces compromis avec sérénité et respect de chacun. D’ici là, le Gouvernement actuel continuera d’exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine.
Plaçons notre espérance dans la capacité de nos responsables politiques à faire preuve de sens de la concorde et de l’apaisement dans votre intérêt et dans celui du pays. Notre pays doit pouvoir faire vivre, comme le font tant de nos voisins européens, cet esprit de dépassement que j’ai toujours appelé de mes vœux.
Votre vote impose à tous d’être à la hauteur du moment. De travailler ensemble.
Dimanche dernier, vous avez appelé à l’invention d’une nouvelle culture politique française. Pour vous, j’y veillerai. En votre nom, j’en serai le garant.
Les élections législatives anticipées de juin et juillet 2024 ont été la conséquence de la vague Rassemblement national aux élections européennes de juin 2024, mais plus encore elles sont le produit de la crise ouverte en 2022, lors de la réélection d’Emmanuel Macron.
Il n’avait alors qu’une faible majorité parlementaire et celle-ci s’est ébranlée au fil du temps, avec notamment l’utilisation très controversée de l’article 49.3 de la Constitution pour forcer la main aux députés. Tout cela est le reflet d’une France malade, prise dans le tourbillon de la crise du capitalisme à l’échelle mondiale commencée en 2020.
Ce qui s’est passé électoralement en juin et juillet 2024 est de ce point de vue très simple à voir. L’aspect principal est que la France est devenue entièrement soumise à la superpuissance américaine, elle n’est pour ainsi dire plus qu’un satellite américain en Europe, comme le montre son soutien acharné à la guerre contre la Russie.
Les forces politiques en présence sont donc toutes les mêmes dans leur fondement : les nuances ne suffisent pas à produire une vague politique et donc une majorité pour gouverner. Mais il y a en même temps de trop fortes traditions politiques, qui font qu’un consensus à l’américaine, bi-partidaire et par en haut, est devenu pratiquement impossible. C’est donc une période de grande instabilité qui s’ouvre maintenant.
Regardons les choses un peu en détail.
La première, c’est que le camp présidentiel a été largement défait lors de l’élection, avec à chaque fois au premier et au second tour, environ 6,5 millions de voix.
Cela n’a permis que d’obtenir 150 sièges, dont 2 dès le premier tour. Ce n’est pas négligeable, mais, même avec des alliances de proximité, il est impossible de gouverner le pays car c’est bien trop loin de la majorité absolue de 289 sièges.
Le produit commercial « Emmanuel Macron » est donc périmé, il ne suffit plus à maintenir le régime en France. Il lui reste trois ans de mandat, et il ne pourra pas dissoudre l’Assemblée nationale avant un an. C’est là un premier blocage.
Ensuite, la force juste au dessus (et qui prend la première place) est la coalition électorale faite entre la fausse Gauche et les populistes de la France insoumise, qui récolte 7 millions de voix au second tour, contre 9 millions au premier tour.
Le fait qu’il y ait moins de voix aux second tour s’explique par le fait que beaucoup de députés ont été élus dès le premier tour, les voix en leur faveur n’ont donc pas eu à s’exprimer à nouveau.
Cette engouement électoral permet d’envoyer 178 députés à l’Assemblée nationale. C’est, en apparence, une victoire, car il s’agit du plus grand nombre de députés. Toutefois, c’est très loin d’une majorité pour gouverner, et surtout c’est en réalité un assemblage très bancal, pour ne pas dire un bricolage.
Dans les faits, il n’y aura pas nécessairement un seul groupe de députés et il y a des divergences énormes de ligne politique, ainsi qu’en réalité aucune structuration décisionnaire. Toutefois, c’est là un épiphénomène propre à la décadence du pays.
La troisième chose qu’il faut voir est en fait la plus importante. C’est l’incapacité du Rassemblement national à arriver à la tête du pays, malgré son hégémonie politique. C’est là un facteur de blocage essentiel pour la France.
Le Rassemblement national (en alliance avec Eric Ciotti de la Droite classique) a récolté 10 millions de voix au second tour (et un peu plus au premier tour). Il obtient pratiquement 40 députés dès le premier tour et les autres candidats font en général des scores très élevés.
Au premier tour, cela donne un peu moins de 34 % des suffrages exprimés, et au second tour c’est 37 % des suffrages exprimés. C’est énorme, largement de quoi obtenir naturellement une majorité et un gouvernement. Cela d’autant plus qu’il y a une hégémonie sur les thèmes qui sont mis en avant dans le débat public français : refus de l’immigration, inquiétude quand à l’insécurité, apathie culturelle, volonté de figer le capitalisme tel qu’il était au 20e siècle.
Seulement, le Rassemblement national se heurte à une France faible et fragile, incapable d’avoir un Jordan Bardella comme Premier ministre. Celui-ci est pourtant très consensuel et particulièrement peu radical, si on le compare aux différents leaders populistes à travers le monde. Ni dans ses propos, ni dans son attitude, il ne sort du cadre et il paraîtrait comme un modéré si on le mettait à côté de n’importe quelle figure de la Droite française des années 1980.
Mais c’est encore de trop pour une France devenue insignifiante. La petite bourgeoisie hystérique des centre-villes et des cités de banlieue a pu largement s’exprimer et inventer une menace « fasciste » et « raciste » pour exister et empêcher le Rassemblement National. Cela a été suivi par la bourgeoisie moderniste française, elle aussi des grandes villes, qui a espéré profiter de la situation pour se maintenir.
Dans ces conditions, le Rassemblement national et ses alliés n’a pu obtenir que 143 sièges : ce n’est même pas la moitié de ce qu’il lui faudrait pour gouverner ! Le décalage avec la situation politique réelle est donc gigantesque.
Et il faut bien noter cet aspect. Formellement, la France est entrée au cœur de la crise politique ouverte en réalité dès 2022 avec la faible majorité obtenue par Emmanuel Macron : la crise s’exprimant effectivement avec deux ans de retard, ont peut donc s’attendre à une énergie cinétique immense, notamment en termes de rancœurs accumulées.
Car il ne faut pas s’y tromper : la défaite politique du Rassemblement national, pour ne pas dire son échec, est une défaite populaire, et par bien des aspects, prolétarienne. Non pas que le parti de Marine Le Pen soit celui du prolétariat, seule la Gauche authentique peut le représenter et le Rassemblement national n’a rien de Gauche, n’étant qu’une forme moderne de Droite sociale et populiste. Mais il est évident que le prolétariat en France, faible, isolé, marginalisé culturellement et politiquement pendant des décennies, n’a pas pour l’instant pu trouver mieux que Jordan Bardella pour s’exprimer.
Et quand il l’a fait, il s’est pris une gifle monumentale, avec une absence de gouvernement malgré la dynamique politique et le nombre très important de suffrages. Jordan Bardella n’a pas pu faire la différence, car il est coincé par la situation elle-même : d’un côté il ne sort pas du cadre du capitalisme et de la soumission à la superpuissance américaine, donc il ne peut pas soulever de réelle vague populaire, d’un autre il assume beaucoup trop de choses, notamment des exigences d’ordre et de sécurité, pour que la France molle et décadente de 2024 soit capable de le mettre à sa tête.
Et ce qu’il se passe, c’est que personne n’est maintenant capable de gouverner. La seule option possible est une coalition de gouvernement, comme cela existe dans de nombreux pays. Mais c’est impossible en France, où il n’y a ni la rigueur, ni la discipline politique pour que cela fonctionne.
D’autant plus dans une situation de crise (économique notamment, avec une crise de la dette qui ne demande qu’à exploser à la figure du pays) et avec l’engagement militaire du pays contre la Russie.
Voici une projection faite par le Figaro, qui reste le grand journal le plus sérieux en France (ou disons, le moins décadent), avec une connaissance fine de la politique nationale. Cinq scénarios de coalitions sont envisagés, avec seulement un scénario comportant une réelle majorité.
On comprend tout de suite que cela est intenable. La France est en crise, au-delà de l’instabilité, c’est carrément une crise de régime qui se profile.
L’Histoire avance malgré les Français. Préparons-nous pour qu’elle avance avec eux, par la lutte de classes, pour le Socialisme!
Le parti de Marine Le Pen, emmené par son président Jordan Bardella en alliance avec Eric Ciotti, est arrivé en tête sur le plan national du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024. Ce sont 10 628 386 personnes qui ont voté pour les candidats présentés par le Rassemblement national et l’alliance avec Eric Ciotti.
Cela donne 33,15 % des suffrages exprimés (21,55 % des inscrits), ce qui est très marquant. Ce qui compte surtout est le choc psychologique crée par le Rassemblement national, qui arrive largement en tête des suffrages en faisant plus que doubler son nombre de voix par rapport au précédent scrutin en 2022 où il avait récolté 4 248 537 voix. Et par rapport aux élections européennes du début du mois de juin 2024, il augmente son nombre de voix de 37%.
Irrémédiablement, Marine Le Pen est parvenue à briser le plafond de verre qui enserrait son parti et l’empêchait de coller à la réalité politique du pays.
Derrière, l’alliance électorale entre la fausse Gauche vraiment électoraliste, les post-modernes et les populistes de la France insoumise, récolte 8 974 566 voix. Cela représente 27,99 % des suffrages exprimés (18,19 % des inscrits).
Quant aux nombre de sièges obtenus dès le premier tour (pour les candidats obtenant plus de 50% des voix), c’est le même rapport : le Rassemblement national et Eric Ciotti en gagne déjà 38 et le « Nouveau Front populaire » 32.
Loin derrière, la majorité présidentielle n’en obtient que 2 et la Droite traditionnelle des Républicains 1 (ainsi que 2 pour des élus classés divers droites).
En nombre de voix sur le plan national, cela donne :
– 6 425 568 pour la majorité présidentielle, soit 20,04 % des suffrages exprimés (13,02 % des inscrits) ;
– 2 104 981 pour Les Républicains soit 6,57 % des suffrages exprimés (4,27 % des inscrits).
Dans ces deux cas, c’est un véritable effondrement.
Il faut noter également la participation qui a été très importante, marquant la grande confiance existante en France envers le régime. Le taux d’abstention n’a été que de 33,29%, contre 52,49% en 2022 et 51,29% en 2017.
Il y a deux fois plus de personnes qui ont voté que de personnes qui se sont abstenues. Ce ne sont donc que 16 421 470 de personnes qui ont choisi de rester à l’écart des différentes dynamiques électorales. Par rapport au nombre de voix récoltées par le Rassemblement national et Eric Ciotti, cela fait tout de même un tiers de plus.
En ce qui concerne l’Assemblée nationale, le véritable enjeu de ce scrutin, il y a déjà 76 députés qui sont d’ores et déjà élus, ce qui exprime une grande vague, un engouement, dans certaines circonscriptions, soit pour le Rassemblement national, soit pour le « Nouveau Front populaire ». Il n’y avait que 5 élus au premier tour en 2022 et 4 en 2017.
La géographie électorale est très nette et mérite un commentaire. Il y a de manière flagrante un vote majoritaire soit pour le « Nouveau Front populaire », soit pour la majorité présidentielle, dans les circonscriptions des grandes métropoles, dont l’Île-de-France. A contrario, il y une vague Rassemblement national ailleurs.
C’est très visible avec les candidats élus au premier tour, dans le nord, l’est et une partie du sud pour le Rassemblement national, et en Région parisienne, à Rennes, Nantes, Marseille, Toulouse pour le « Nouveau Front populaire ».
Le choc psychologique produit par la domination du parti de Marine Le Pen conduit à un nombre extrêmement important de désistements au second tour (des candidats arrivés troisièmes et se retirant pour faire barrage au Rassemblement national). Lundi 1er juillet au soir, 155 désistements ont été recensés, dont 104 pour des candidats « Nouveau Front populaire » et 48 pour la majorité présidentielle.
Il faudra maintenant attendre le résultat du second tour dimanche 7 juillet pour bien saisir l’ampleur et la signification politique de ces élections. Notamment, il s’agira de savoir s’il y a une véritable vague populaire de contestation (ou plutôt d’aigreur contestatrice) faisant que le Rassemblement national obtient une majorité (et donc le gouvernement), ou bien si les partisans du turbocapitalisme et de la décadence culturelle postmoderne réussiront à garder l’hégémonie dans le pays.
La politique, c’est autant le fond que la forme, c’est-à-dire que l’emballage compte autant que ce qu’il y a à proposer. Il ne s’agit pas simplement d’apparence ou de « communication », mais de quelque-chose de bien plus complexe et insaisissable : la dynamique.
Par exemple, la grande différence entre le Front populaire de 1936 et l’escroquerie électorale qui en reprend le nom en 2024 ne tient pas qu’au fond (où la différence est abyssale), mais surtout à la dynamique.
Pour changer le monde, il faut une dynamique, il faut un élan avec une réelle dimension, il faut que chaque mot prononcé percute dans la tête des gens et que chaque proposition face caisse de résonance aux autres. C’est la même chose quand il s’agit de ne surtout pas changer le monde.
Sur le fond, le programme du Rassemblement national est relativement mou, absolument consensuel, comme il a déjà été constaté.
Seulement voilà, Jordan Bardella se sent pousser des ailes à moins d’une semaine du scrutin. Tout ce qu’il dit percute et résonne. Il a une dynamique et il profite de l’effet d’emballement autour de l’idée qu’il soit Premier ministre en cas de majorité à l’Assemblée nationale pour renforcer cette vague.
D’où la conférence de presse du 24 juin 2024, avec la tentative de présenter un programme plus étoffé, ou plus exactement cherchant à avoir de l’envergure.
Bien sûr, il s’agit surtout de faire basculer les choses pour tout un tas de gens encore hésitants ou réfractaires. Jordan Bardella veut coller absolument à l’état d’esprit français du moment, qui consiste à ne surtout vouloir ni de politique, ni d’engagement, seulement à « rétablir » la société d’avant 2020.
Il y a une mesure proposée tout à fait anecdotique, mais qui est très significative : c’est la suppression de l’obligation des diagnostics de performance énergétique pour les logements. Jordan Bardella explique lors de sa conférence de presse :
« Ces contraintes environnementales excessives freinent non seulement le marché immobilier, la réindustrialisation et restreignent l’accès à la propriété ».
Tout est dit. Pour quelqu’un véritablement à Gauche comme nous, qui a une exigence de civilisation, cela est insupportable, car mesquin, complètement à côté de la plaque historiquement et culturellement, mais aussi (surtout) sur le plan de l’écologie. Et en plus Jordan Bardella se dit favorable à la continuation de l’artificialisation des sols!
Pour les Français de 2024 par contre, cela résonne. C’est libéral, c’est le refus des normes, c’est l’idée de tout relancer, et puis chacun fait ce qu’il veut. Surtout si c’est pour acquérir la propriété ou la maintenir.
Cela résonne très bien avec ses propositions sur le patrimoine. On a la suppression d’impôts sur les héritages directs pour « les familles modestes et les classes moyennes » et l’exonération pour les donations parentales jusqu’à 100 000 euros par enfant ou petit-enfant tous les dix ans.
Garantir le rêve petit-bourgeois de la propriété individuelle et de la transmission d’un capital à sa descendance : voilà ce qui fait la dynamique Jordan Bardella, exactement comme cela le faisait pour Emmanuel Macron.
Cela résonne d’autant plus que Jordan Bardella le marchand de tapis réussit à faire croire qu’il est radical, avec une sorte de mini-Frexit (Brexit à la française). On a ainsi la suspension des transpositions européennes (les normes européennes qui s’imposent aux normes françaises) et la dérogation aux règles européennes encadrant le marché de l’énergie.
N’en jetez plus ! La France molle et fatiguée qui voudrait bien tenter le repli sur soi sans trop l’oser, va être conquise par ce genre d’argumentation typiquement mesurée et rationnelle, à la française.
Si à cela on ajoute une prétention à ramener l’ordre, alors on ne voit pas comment il pourrait ne pas réussir son entreprise.
« L’urgence est aussi le rétablissement de l’ordre », dit-il en expliquant qu’il remettra l’autorité « au cœur de l’action publique ». Ici, il a tout un catalogue à présenter pour susciter le désir aux chalands qui auront envie d’y croire :
peines minimales et peines planchers ;
suspension des allocations familiales aux parents d’enfants récidivistes ;
fin à l’excuse de minorité ;
généralisation des centres éducatifs fermés.
L’accent est mis notamment sur l’école, avec au passage l’idée relancée de l’uniforme à l’école, sur le mode « c’était mieux avant » :
vouvoiment obligatoire ;
fin du collège unique ;
« big bang de l’autorité » dès la rentrée de septembre ;
interdiction réelle des téléphones portables y compris au Lycée ;
peines plancher dans les conseils disciplinaires ;
centres spécialisés pour les « élèves perturbateurs ou harceleurs » ;
suspension des allocations familiales et des bourses scolaires en cas de perturbations graves et répétées au sein des établissements scolaires.
De manière parallèle, il y a aussi l’immigration, sujet pour lequel Jordan Bardella a ce qu’il faut en stock pour vendre le rêve d’un électrochoc :
suppression du droit du sol ;
levée des obstacles à l’expulsion des délinquants et criminels étrangers ;
délit de séjour irrégulier ;
augmentation du délai de rétention en centre de rétention administrative ;
référendum sur l’immigration.
Cependant, rien de tout cela ne saurait marcher sans des promesses sur le « pouvoir d’achat », sa « première priorité ». Les Français doivent pouvoir consommer sans entrave. Jordan Bardella propose une baisse de la TVA pesant sur les carburants, ainsi que l’énergie, et puis des augmentations de salaires défiscalisées.
Rien de très violent, mais cela lui garantit une certaine popularité et fait concurrence à l’alliance électorale de la fausse gauche.
Cela d’autant plus qu’il lui est très facile de la critiquer comme étant irresponsable et manquant de sérieux.
« Pour être juste, il faut être réaliste » dit-il de manière très habile, avant de lancer une petite phrase politicienne typiquement française :
« voter LFI, c’est voter FMI ».
Le FMI, c’est le Fond monétaire international. Jordan Bardella vend l’idée que les propositions de Jean-Luc Mélenchon et ses alliés sont irréalistes et conduiraient le pays à la faillite, alors que lui par contre est généreux, mais raisonnable.
Comme nous sommes en France en 2024, c’est le « mais raisonnable » qui l’emporte. Et il le sait :
« Non seulement mes mesures sont chiffrées, en plus elles sont raisonnables ».
D’ailleurs, en homme raisonnable, en « bon père de famille », il compte conduire dès sa prise de fonction un « audit des comptes de la nation ». Tout sera la faute des autres, ses prédécesseurs, qui auront mal géré, alors que lui sait comment bien gérer.
L’audit doit déboucher sur une commission qu’il présente comme ayant pour but de montrer :
« comment l’État dépense son argent, comment Emmanuel Macron a organisé la mise en quasi-faillite des comptes publics depuis sept ans ».
Tout ceci est saupoudré de bien d’autres annonces à effets garantis : retour sur la réforme des retraites, suppression de niches fiscales coûteuses et abusives, industrialisation, mesure pour l’agriculture contre la concurrence internationale « déloyale », moratoire sur les éoliennes, moratoire sur la fermeture des structures de santé, incitation à l’installation dans les déserts médicaux, énergie nucléaire, etc.
La dynamique est totale pour une vague populiste déferlant sur la France. Peu importent les résultats, la politique c’est du style. Les États-Unis ont eu leur Donald Trump, le Royaume-Uni a eu son Boris Johnson, l’Italie sa Giorgia Meloni, le Brésil son Jair Bolsonaro, etc. La France va avoir son Jordan Bardella.
La France n’a plus aucune envergure, ni aucun horizon, à part se ratatiner sur elle-même. Le programme présenté par Jordan Bardella pour les élections législatives de juin 2024 est à ce titre exemplaire.
Le Rassemblement national est censé représenter une alternative politique radicale, un grand chamboulement, attirant pour les uns et repoussant pour les autres : ce qu’il propose est en réalité d’une tiédeur consternante.
Son principal horizon ? Abroger la réforme des retraites qui avait mis en colères les syndicalistes et fonctionnaires français.
Il est expliqué que dès l’automne prochain, il sera permis à « ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans de partir à la retraite avec 40 annuités à un âge légal de départ de 60 ans ».
Pourquoi pas, mais cela n’emmène pas très loin en termes de chamboulement proposé, puisque cela ne consiste qu’en le fait de revenir à ce qui existait il y a encore quelques mois !
Mais ce qui compte surtout pour les Français, c’est leur capacité à pouvoir consommer sans entrave. Alors le Rassemblement national a ce qui faut à proposer : baisse de la TVA sur les énergies et le carburant, de 20 % à 5,5 %.
Cela est même censé entrer en vigueur dès l’été (si la majorité lui est acquise), avec un projet de loi de finances rectificatif lors d’une session parlementaire extraordinaire.
Dans un second temps, il est envisagé ni plus ni moins que la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité. C’est simple et efficace, bien racoleur comme il faut afin d’attirer le lambda ; peu importe que la TVA soit l’impôt qui rapporte le plus au Trésor public, les Français adorent quand on dépense sans compter. Le service public ? Oh oui ! Les impôts ? Oh non !
Toutefois, côté budget il faut bien quelques promesses, pour avoir l’air sérieux. Cela tombe bien, Jordan Bardella en avait deux en stock : supprimer certaines niches fiscales (qui sont des combinaisons pour éviter des impôts) et abaisser de 2 milliards d’euros la contribution de la France au budget de l’Union européenne.
Là encore, rien de transcendant. La promesse qui est faite est simplement de maintenir l’existant, en jurant de grandes largesses financières. C’est précisément l’inverse d’un chamboulement.
Là où Jordan Bardella prétendra avoir un peu de radicalité, c’est sur le thème de l’immigration et de l’insécurité, qui ne consistent pour lui d’ailleurs qu’en un seul et même thème. Ainsi, les choses sont très simples pour les Français qui n’ont pas à s’inquiéter de devoir changer leurs mentalité ou faire évoluer la civilisation : ils suffirait de virer les migrants pour que toute aille pour le mieux dans le meilleur des mondes!
Toutefois, là encore, il n’y a absolument aucune radicalité, ni aucune conflictualité sur le sujet. Voilà ce que met en avant Jordan Bardella en présentant son programme :
peines planchers pour les affaires de stupéfiants et d’atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ;
suspensions d’allocations familiales aux parents de mineurs délinquants récidivistes ;
suppression du droit du sol ;
remplacement de l’aide médicale d’État par un fonds limité aux urgences vitales.
Dans le programme officiel, il est ajouté également l’expulsion des délinquants étrangers.
C’est à peine un programme de Droite traditionnelle, et c’est le genre de choses tout à fait banales qui existent déjà largement dans tout un tas de pays occidentaux.
Jordan Bardella n’envisage évidemment aucunement de renvoyer les migrants dans leur pays. L’immigration en France, qui est absolument massive, est indispensable pour le capitalisme, afin de faire faire le sale boulot à des gens moins regardant que les Français, qui ont malgré tout acquis une conscience de classe et des exigences sociales.
L’immigration, essentiellement d’Afrique et d’Europe de l’Est, approvisionne massivement les chantiers, les hôtels, la restauration, les usines, les maraîchages, etc. Jordan Bardella n’en parle pas du tout, car il n’envisage aucunement de couper l’herbe sous le pied au capitalisme français.
Le Rassemblement national utilise des grandes phrases, en disant vouloir « réduire drastiquement l’immigration légale et illégale ». Mais il n’en parle jamais dans le détail et n’évoque jamais le sujet sur le fond.
Ce qu’il raconte est à chaque fois extrêmement mesuré. Politiquement, c’est surtout d’une extrême mollesse. Une mollesse de droite, exactement comme François Hollande incarnait une mollesse de gauche, puis Emmanuel Macron une mollesse centriste.
D’ailleurs, il suffit à Jordan Bardella de dire qu’il s’oppose à Emmanuel Macron, et voici que sa ligne politique est affirmé. Voici comment est officiellement présenté le programme du Rassemblement national (en deux phrases, nous ne mettons que la première) :
« Les élections législatives des 30 juin et du 7 juillet sont une chance historique d’engager le redressement de notre pays et de mettre fin à la politique toxique d’Emmanuel Macron qui vous fait tant souffrir. »
Pauvres Français, enfants pourris gâtés du capitalisme, qui ont « tant souffert » ! Cela est grotesque, mais tout à fait à l’image du pays : c’est la meilleure chose à dire pour quelqu’un souhaitant effectivement devenir Premier ministre de la France molle et larmoyante d’aujourd’hui.
C’est absolument répugnant, indigne de l’immensité culturelle et historique de la France. En vérité, seule la Gauche, la vraie, portée par le prolétariat et notamment les femmes du prolétariat, pourra réellement assurer la continuité historique de la France, être à la hauteur de son héritage.
Au contraire, le populisme nationaliste mou de Jordan Bardella est infâme, comme l’est la France aujourd’hui, fille malade de l’occident en perdition.
Atlantisme : l’expression vient du nom de l’Otan, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord. Un atlantiste en France est une personne qui prête allégeance à l’Otan, c’est-à-dire qui est soumise à la superpuissance américaine.
Tel est le cas de Jordan Bardella du Rassemblement national, au même titre qu’Emmanuel Macron. L’expression la plus flagrante de son atlantisme est bien entendu son soutien forcené au régime de Kiev et à la guerre contre la Russie.
Dès mars 2022 Jordan Bardella qualifiait Zelensky de « modèle de résistance » expliquant qu’il est « toujours admirable de voir un chef d’État résister ».
Un an plus tard, il l’applaudissait debout, malgré les consignes de sa formation politique. Il regrettait alors « une naïveté collective [dans son camp] à l’égard des ambitions de Vladimir Poutine ».
En avril 2024, pour se justifier dans le cadre du Parlement européen, il disait de la Russie qu’elle :
« représente une menace multidimensionnelle pour l’Europe et conteste les intérêts français, que ce soit en Europe ou en Afrique ».
Il n’hésitait pas à parler également, reprenant la propagande du régime français, des « ingérences russes » contre lesquelles il faut « lutter ». Il est à l’origine en 2023 (avec son collègue Jean-Philippe Tanguy du RN) d’une commission d’enquête parlementaire « relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères », dont l’objet était de dénoncer la Russie.
Il reprend souvent mot pour mot les positions américaines, par exemple à l’occasion de la mort d’Alexeï Navalny :
« Une nouvelle tragique pour tous les défenseurs des droits humains et des libertés fondamentales ».
Jamais Marine Le Pen n’aurait pu dire ça. Durant les années 2010, elle représentait une ligne néo-gaulliste, prônant une indépendance pour la puissance française sur la scène mondiale ; c’était un véritable nationalisme, représentant directement un danger de type fasciste. Il y avait une proximité avec la Russie, comme contre-poids à l’influence américaine.
Cette proposition a échoué en raison de la faiblesse de puissance française dans le cadre de la crise. L’élection présidentielle de 2017 a été un tournant, Marine Le Pen échouant en raison de son incapacité (historique) à rallier la haute bourgeoisie française, celle-ci étant incapable de porter la puissance française.
La crise qui s’est généralisé d’abord avec le Covid-19 puis la guerre en Ukraine, a finalement entièrement rebattu les cartes. La France n’avait plus aucune possibilité d’indépendance, elle s’est entièrement soumise et vassalisée à la superpuissance américaine.
Le néo-gaullisme de Marine Le Pen devint alors littéralement mort et enterré, nonobstant le fait que le populisme social et vaguement nationaliste qu’elle avait porté pendant dix ans restait utile pour le régime français. C’est là que Jordan Bardella intervient : il représente en apparence une ligne de rupture, tout en étant en fait totalement aligné sur le régime et donc, chose la plus importante, sa soumission à la superpuissance américaine.
Il suffit de voir cette chose très simple et ô combien représentative. Marine Le Pen prône depuis le début la sortie du commandement intégré de l’Otan. C’est, si on veut, le kit de base pour n’importe quel nationaliste cohérent : impossible de prétendre à quoi que ce soit en étant soumis aux États-Unis via l’Otan. La mesure figurait encore au programme du Rassemblement national en 2022, bien qu’elle était déjà relativement mise de côté.
Jordan Bardella est tout à fait en rupture avec cela. Il est contre la sortie du commandement intégré de l’Otan. Il l’a expliqué notamment dans un entretient avec l’organisme Europa Nova, qui est typiquement un réseau d’influence américain, prônant une ligne d’effacement des nations au profit de l’Union européenne.
C’est pour cela que Jordan Bardella préfère Giorgia Meloni (la dirigeante italienne) à Matteo Salvini (de la Ligue du Nord), qui est l’allié historique de Marine Le Pen. La première est furieusement pro-américaine et pour la soumission à l’Otan, tandis que le second est plutôt tourné vers la Russie.
Dans un entretien en avril 2023 à La Repubblica, l’un des principaux quotidien italien, Marine Le Pen a vainement tenté de mettre les point sur les i et maintenir sa ligne historique, en expliquant des choses qu’elle est absolument incapable de raconter en France depuis plusieurs années déjà :
« Je reste eurosceptique, et chaque jour qui passe, je le suis davantage. Je ne suis pas sceptique à propos de l’Europe, mais sur l’organisation politique de l’UE.
De plus, la France a un héritage politique et une indépendance sur le plan international. Meloni est favorable à l’OTAN parce qu’elle est italienne. Il y a des éléments de son projet que je ne partage pas. Politiquement, je me sens plus proche de Matteo Salvini et je n’adapte pas mon discours aux résultats des élections : je suis une personne loyale ».
De son côté, en mai 2023, Jordan Bardella se rendait à Budapest au rassemblement annuel en Europe de la CPAC (Conservative Political Action Conference) au côté de Marion Maréchal : il s’agit du courant américain ultra-conservateur qui a élaboré et fait triompher le populisme de Donald Trump.
La politique américaine s’impose en France, devenu simple protectorat américain. Dans la bataille pour le poste de governor de la province France, il y a Emmanuel Macron le Democrat lié à Joe Biden et il y a Jordan Bardella le Republican lié à Donald Trump.
Dans tous les cas, ils représentent la superpuissance américaine lancée agressivement dans la bataille pour le repartage du monde. C’est cela qu’il faut comprendre à Gauche avec la plus grande acuité : voilà l’ennemi, la superpuissance américaine et ses agents français, qui traînent la planète dans la 3e guerre mondiale !
Il y a deux ans pratiquement jour pour jour se formait la NUPES, une union de la Gauche gouvernementale qui a totalement échoué dans son entreprise. Et là on a une nouvelle unité PS, PCF, EELV et LFI.
Mais il est trop tard. Car ce qui ne s’était pas produit aux élections présidentielles et législatives précédentes a finalement eu lieu le 9 juin 2024. Le Rassemblement national mené par Jordan Bardella a raflé la mise aux élections européennes avec 31,37 % des suffrages (30 sièges).
C’est un courant de fond. Être de droite est porteur. D’ailleurs, le Rassemblement national a plus du double de la liste de la majorité présidentielle (14,6 % soit 13 sièges).
Pire encore, si on y ajoute les voix de la liste du parti d’Eric Zemmour conduite par Marion Maréchal (5,47 % soit 5 sièges), cela fait près de 37% pour le populisme à tendance nationaliste. Avec de surcroît un record de participation (51,49 %) depuis 1994.
La France est de droite, comme nous l’avons toujours souligné ici, à rebours des fictions et auto-intoxications, comme lors du mouvement contre la réforme des retraites.
La vérité, c’est que la France, moche et fanée, refuse fondamentalement de se tourner vers l’avenir. Elle s’arc-boute sur un passé fantasmé, celui des 30 glorieuses où la France était encore une puissance garantissant l’opulence capitaliste pour tous.
Le populisme à la fois national et social de Jordan Bardella est typique de cela, du « c’était mieux avant », du capitalisme en mode social mais mesuré. Même son « nationalisme » est très mesuré : il n’est pas vraiment contre l’immigration et l’islam, il n’est pas du tout contre l’Union européenne et il est même carrément pour les États-Unis et l’Otan. De surcroît, il est un farouche défenseur des institutions de la Ve République.
Toutefois, il représente quelque-chose qui tranche avec le libéralisme ultra-moderniste d’Emmanuel Macron, exactement comme le Républicain Donald Trump tranche avec le Démocrate Joe Biden aux États-Unis. Le résultat a donc été une claque pour Emmanuel Macron, surtout alors qu’il est censé avoir une légitimité gigantesque de part sa participation forcenée à la guerre américaine contre la Russie.
À situation de crise, réaction de crise : le Président français a donc décidé la dissolution immédiate de l’Assemblée nationale, ouvrant pour le pays une période de trois semaines (puis une semaine) de troubles et d’incertitudes politiques.
Les élections des députés auront lieu le 30 juin, puis le 7 juillet en cas de second tour. Dans les faits, le régime français vacille littéralement, car la France est une puissance en déclin devenue entièrement inféodé à la superpuissance américaine, mais qui ne l’assume pas encore suffisamment.
Emmanuel Macron, pour garantir la guerre qu’il compte mener à la Russie, a besoin d’une légitimité renforcée. Il joue donc carte sur table en imposant un retour aux urnes et en tentant si ce n’est de coincer le Rassemblement national, sinon de l’obliger à rentrer comme il faut dans l’orbite américaine. Il accusera le RN d’être pro-Russie, et celui-ci montrera en retour avec zèle sa loyauté à la superpuissance américaine, tout comme le fait la populiste Giorgia Meloni à la tête du gouvernement en Italie.
Beaucoup de choses vont être dites et entendues durant ces trois prochaines semaines, il faut s’attendre d’ailleurs à la plus grande hystérie de la part de la petite-bourgeoisie urbaine et des bobos. Il va y avoir dans toutes les bouches des raccourcis grotesques, des déformations, du mensonge, du hors-sujet.
Il n’y a qu’à voir l’édito grotesque de Libération qui invente littéralement une situation historique et politique :
« En route vers ces élections inattendues mais ô combien cruciales, la gauche française doit prendre conscience de son rôle historique : assurer aux Français, comme ses ancêtres républicains, que le fascisme ne passera pas. »
Les bourgeois gauche-caviar de « Libé » inventent, car non seulement il n’y a pas de menace fasciste avec le consensuel et républicain Jordan Bardella, mais surtout la Gauche ne ressemble plus à rien en France. Elle est plus que jamais coupée du peuple, prise en étau entre les populistes ultras de la France insoumises et les bourgeois atlantistes furieusement pour la guerre à la Russie comme Raphaël Glucksmann ; elle ne changera donc rien à rien en 2024.
C’est la même rengaine avec la CGT, le syndicat qui se mêle de politique et s’imagine le droit de faire référence au Front populaire « face à l’extrême-droite » dans un communiqué. Le syndicat, qui ne semble pas être au courant qu’il est totalement marginal chez les prolétaires, est « en colère » et s’imagine des grandes choses pour y remédier :
« Notre République et notre démocratie sont en danger. Pour empêcher la catastrophe organisée par Emmanuel Macron et Marine Le Pen d’advenir, l’unité de la gauche est indispensable. »
Bref, c’est le triomphe du populisme, y compris donc dans sa version « de gauche », qui sabote l’héritage historique et la puissance du Socialisme pour défendre une République bourgeoise qui n’est pas du tout en danger.
Pour y voir clair dans ce marasme, il va falloir garder bien en tête la boussole de notre époque : la guerre mondiale de repartage du monde, avec en arrière plan l’effondrement de l’occident sous les coups acerbes des capitalismes challenger menés par la Chine.
Ce qui compte en France, c’est de dénoncer l’Otan, c’est de refuser la guerre à la Russie. Là est l’aspect principal.
La situation de crise politique rend d’autant plus claire et évidente cette position pour qui veux réellement que le monde change de base. Il n’y a pas à tergiverser ni à ruer dans les brancards : la crise politique exprime l’effondrement du régime en France, alors il faut appuyer cet effondrement en sabotant son principal plan de survie : la guerre à la Russie!
Non aux populismes, qu’ils soient nationaux ou libéraux, ou prétendument de gauche, et surtout non à l’Otan et aux plans de la superpuissance américaine pour la France, guerre à la guerre!
Cérémonie en son honneur à l’Hôtel national des Invalides (musée de l’Armée), discours devant l’Assemblée nationale, visite du quartier général des Forces armées françaises, visite d’une usine d’armement, entretien avec le Président américain Joe Biden également présent à Paris, puis réception à l’Élysée : la journée parisienne du Président ukrainien Zelensky vendredi 7 juin 2024 a été très intense.
Devant l’Assemblée nationale (où le Président français n’a légalement pas le droit de se rendre), il a déclaré :
« Emmanuel, je te remercie de ne pas avoir laissé l’Europe sans leader« .
En effet, la France assume pleinement son rôle de premier vassal pour emmener le continent européen dans la guerre américaine contre la Russie.
Le Président ukrainien est venu en personne assurer la propagande de guerre et favoriser l’escalade. C’est une machine à fabriquer une opinion pour la guerre qui tourne à plein régime.
« Il faut plus, ce n’est pas un reproche. Il faut faire plus pour vaincre le mal. »
Voilà ce qu’il a assené devant une assemblée conquise, bien qu’un peu clairsemée, et l’ayant ovationné. Cela a pris une tournure particulièrement odieuse, comme la veille lors des cérémonies du Débarquement, puisqu’il a fait référence à la résistance contre le nazisme, alors que le régime dont il est à la tête en est largement imprégné (et c’est d’ailleurs officiellement ce qui lui est reproché par la Russie).
« Sans ces victoires contre le nazisme, les nations libres n’existeraient pas. Il n’y aurait pas de liberté en Europe.
Notre Europe est le résultat du courage des hommes et des femmes, qui ont résisté contre le mal. Cette unité donne de la force à notre Europe. Aucune autre motivation à part celle de protéger notre foyer et d’être des hommes dotés de liberté. »
Mais peu importe le fond, car c’est ici la forme qui compte. Tout ce qui peut favoriser l’escalade guerrière est bon à prendre pour les faiseurs de guerre, peu importe l’Histoire, la réalité ou la Raison.
Le Président ukrainien n’y est donc pas allé par quatre chemins. Il appelle ouvertement et plus concrètement que jamais à l’escalade.
Sur le plan historique, il faudra bien remarquer qu’on a un chef d’État étranger qui est ovationné par les députés français, alors qu’il vient leur intimer de faire la guerre à un autre État.
C’est le genre de chose impensable a priori, mais en réalité tout à fait possible dans la France du 21e siècle, qui n’est plus qu’une succursale américaine, accueillant une autre succursale qu’est l’Ukraine… sous la supervision du Président américain présent à Paris!
C’est une chose qui aurait été impensable ne serait-ce qu’il y a dix ans. La pandémie a fait vaciller le capitalisme, désormais c’est l’affrontement généralisé qui se met en place, avec au coeur la bataille pour l’hégémonie entre les superpuissances américaine et chinoise. Tous les autres doivent donc, au fur et à mesure, se mettre au garde à vous.
Et la France s’est vassalisée à la superpuissance américaine. La scène du théâtre du 7 juin 2024 a donc servi à ce que le président russe Vladimir Poutine soit ouvertement désigné comme« ennemi commun » de l’Ukraine et de l’Europe (la France n’intéresse en fait que comme moyen d’entrainer toute l’Europe).
Et il n’y a aucune opposition politique à cela en France. Même les plus critiques sont en fait totalement soumis au soutien à l’Ukraine, donc aux intérêts américains, au-delà des différences de forme.
Marine Le Pen critique le calendrier présidentiel français, en prétendant que la visite de Zelensky est une diversion en vue des élections européennes (dont tout le monde se fiche en réalité). Mais elle prend bien soin de préciser sa soumission :
« Je suis ravie d’accueillir monsieur Zelensky à l’Assemblée. »
Il en est de même pour la France insoumise, ou encore le PCF, qui pourtant voit très bien la situation qui se dessine. Son premier représentant, Fabien Roussel, a tout à fait bien résumé la situation actuelle :
« J’entends les appels à entrer dans une 3è guerre mondiale. À revivre un DDay. Je vois mon pays s’enfoncer dans la guerre. Nous n’en voulons pas. Le peuple doit s’en mêler ! Dire non à cette escalade militaire dangereuse ! »
Sauf qu’il est démagogique, car inconséquent, puisqu’il ajoute en fait au préalable :
« Soutenir la résistance ukrainienne, 1000 fois oui ! »
Il n’y a pas de « résistance ukrainienne », il y a un régime nationaliste et furieusement anti-Gauche (toute la Gauche y est interdite), qui sert de proxy à la superpuissance américaine pour mener la guerre à la Russie (elle-même étant relativement un proxy chinois).
La seule position valable et utile, c’est celle du refus total du soutien au régime ukrainien et de la dénonciation de Zelensky. On ne combat pas la guerre mondiale en soutenant en même temps la constitution de la guerre mondiale.
Il suffit de lire régulièrement notre chronologie de l’escalade guerrière dans laquelle est rentrée la France depuis le mois de février 2024 pour comprendre à quel point il est urgent et vitale de dénoncer l’engrenage. De le saboter même.
Il faut dénoncer avec force ces propos de Zelensky qui vient réclamer ouvertement l’engagement direct de la France contre la Russie :
« Poutine peut-il gagner cette bataille? Non, parce que nous n’avons pas le droit de perdre. Nous pouvons certainement gagner cette bataille. L’Ukraine, et donc l’Europe. L’Europe, et donc la France. »
Sur le plans des annonces, il faut retenir essentiellement quatre choses de la journée :
des accords avec à la clé 650 millions de prêts ;
des accords entre KNDS (fabriquant notamment les canons Caesar) et des entreprises ukrainiennes pour un transfert de production ;
la prise en charge par la France de la formation et de l’équipement d’une brigade ukrainienne (plus de 4000 soldats);
la fourniture d’avions de chasse de type Mirage.
Le même jour, le groupe de défense Thales a annoncé qu’il allait fournir au régime ukrainien un deuxième système de défense aérienne de type Ground Master 200, qui est un radar de moyenne portée, transportable sur camion.
La France se prépare nettement à participer directement à la guerre en Ukraine, et elle y est largement déjà impliqué. Il faut s’y opposer, il faut dénoncer l’Otan et les plans de la superpuissance américaine, il faut la guerre à la guerre!
L’édition 2024 de la Course de la Paix démarre ce jeudi 30 mai en République tchèque. Elle se déroule jusqu’à dimanche 2 juin avec 4 étapes disputées par des coureurs de moins de 23 ans, en sélection nationale.
En voici une présentation à la fois générale et particulière.
Son nom officiel tchèque est Závod míru, mais son nom international officiel se dit en Français. Il faut d’ailleurs y ajouter Grand Prix Jeseníky, du nom de la ville et de la région montagneuse tchèque qui reçoit maintenant la course.
Il s’agit du plus haut niveau cycliste pour cette catégorie d’âge et c’est une manche de la Coupe des nations UCI. Parmi les récents vainqueurs, on retrouve pas moins que David Gaudu (2016) ou Tadej Pogačar (2018) ; c’est le jeune breton Antoine Huby qui a gagné l’édition précédente (2023).
Il ne s’agit que de la 11e édition de la course disputée sous cette forme depuis 2013 (il n’y a pas eu d’édition 2020), mais la course existe en fait depuis 1948 !
C’est en effet une épreuve historique, typique du « bloc de l’Est » et de son esprit socialiste, avec une ouverture internationale très volontaire. Rien que le nom de la course, choisi en 1950 (« Course de la Paix »), est évocateur.
Voici comme était introduit le règlement de la course à l’époque :
« La course de la Paix exprime la volonté de tous les participants de défendre une paix durable, la sécurité et la coopération entre les peuples de tous les continents de notre planète. »
On retrouvait sur le maillot jaune de leader la fameuse colombe de la paix de Pablo Picasso, qu’il avait dessiné pour le premier Congrès mondial du Mouvement des Partisans de la Paix.
Ce sont les journaux quotidiens des partis communistes de Pologne (Trybuna Ludu) et de Tchécoslovaquie (Rudé Právo) qui l’ont créé. Elle se courrait à l’origine en reliant Prague à Varsovie, ou inversement. En 1952, le quotidien du Parti socialiste unifié d’Allemagne (Neues Deutschland) a rejoint l’organisation : la ville de Berlin a donc rejoint Prague et Varsovie !
En 1985 et 1986, le quotidien d’URSS La Pravda a rejoint l’organisation (avec des départs à Moscou puis à Kiev) avant de se retirer.
L’édition 1987 au départ de Berlin a réuni 156 coureurs venus de Pologne, du Portugal, d’URSS, des Pays-Bas, de République fédérale d’Allemagne, de République démocratique d’Allemagne, de Suisse, d’Espagne, de Tchécoslovaquie, de Suède, de Grande-Bretagne, de Finlande, d’Italie, de Bulgarie, de Belgique, de Roumanie, de Norvège, de Hongrie, de Yougoslavie, de France, de Chine, de Mongolie, de Syrie, des États-Unis, du Mexique, et de Cuba !
Au palmarès figurent de grands coureurs internationaux ayant fait des podiums sur les plus grandes courses professionnelles et amateurs du monde, dont le Tour de France.
La Course de la Paix a difficilement survécu à l’effondrement du bloc d’Europe de l’Est, devenant une course mineure, puis disparaissant en 2006.
C’est une réjouissance de la voir renaitre de ses cendres à travers une version dédiée à la jeunesse (il existe également une édition « junior » pour les coureurs de moins de 19 ans).
Bien sûr, il ne faut pas s’attendre à des miracles : l’héritage de la course est assumé pour le prestige, mais c’est marginal. Seule une version stylisée de la colombe de la paix figure dans le logo, ainsi qu’un bref rappel historique sur le site de l’organisation.
On remarquera d’ailleurs que le Président du comité d’organisation est Robert Kolář, une figure de la Droite tchèque dont le parti ODS est particulièrement atlantiste, et pas pacifiste. Il préside également le Tour de République tchèque (course professionnelle).
Malgré tout, c’est le patrimoine de la Gauche historique qui est vivant avec cette course, qui d’ailleurs est très moderne dans son approche.
Il est remarquable que le code de conduite est tourné vers la nature et la responsabilité vis-à-vis du changement climatique. Cela tranche avec les mentalités libérales et rétrogrades qui prédominent souvent dans le cyclisme.
« Nous protégeons la nature et respectons les principes de développement durable ».
Voici la présentation des étapes, pour les passionnés de cyclisme, et on sait qu’il y en a. Aucune diffusion en direct n’est prévue à notre connaissance. Il faudra suivre le live text ici et scruter les réseaux sociaux pour avoir des images.
La liste de départ est disponible sur Procyclingstat. Pour la petite histoire, nous pronostiquons une victoire finale du Danois Simon Dalby ! La sélection française sera toutefois très redoutée avec le triptyque Brieuc Rolland, Léo Bisiaux et Alexy Faure Prost qui devrait s’illustrer sur la très dure montée de Dlouhé stráne lors de l’étape reine samedi 1er juin. Ils devront composer notamment avec le Kazakh Ilkhan Dostiyev.
Il y avait de quoi se tordre de rire début mai 2024 en écoutant les journalistes et commentateurs français à l’occasion de la visite du Président chinois Xi Jinping en France.
Ceux-ci s’imaginaient que la France avec Emmanuel Macron avait l’occasion de peser sur la question du conflit en Ukraine, car la Chine pouvait être emmenée sur telle ou telle positon sous prétexte qu’il avait été dit ou sous-entendu ceci ou cela par Xi Jinping…
C’était tout bonnement ridicule. Cela fait déjà bien longtemps que les jeux sont faits. La Russie n’existe plus que dans l’orbite chinoise, tout comme la France n’existe plus que dans l’orbite américaine.
Il y a plus d’un an, en mars 2023, Xi Jinping effectuait une visite d’État en Russie, sa première visite à l’étranger depuis sa réélection, pour sceller sans aucune ambiguïté l’alliance sino-russe contre les États-Unis. La Chine parlait carrément d’une « ère nouvelle ».
Le jeudi 16 mai 2024, Vladimir Poutine a donc fait la même chose : il s’est rendu en République populaire de Chine pour son premier déplacement à l’étranger depuis sa réélection. C’était l’occasion de célébrer 75 années de relations diplomatiques (soit depuis la naissance de la République populaire de Chine en 1949).
Il faut savoir également que les deux présidents s’appellent souvent, notamment à l’occasion de leurs anniversaires respectifs, etc.
Voici comment la diplomatie chinoise présente la visite d’État russe, pour ceux qui auraient encore des doutes :
« Xi Jinping a indiqué que, comme le dit le proverbe chinois, « une montagne est formée par l’accumulation de sol et un océan est formé par l’accumulation d’eau ».
Après 75 ans d’accumulation solide, l’amitié durable et la coopération globale entre la Chine et la Russie donnent une forte impulsion aux deux pays pour aller de l’avant malgré le vent et la pluie.
Se trouvant à un nouveau point de départ, la Chine et la Russie s’en tiendront toujours à leur intention initiale et assumeront conjointement la responsabilité afin de créer davantage de bénéfices pour leurs peuples et de contribuer comme il se doit à la sécurité et à la stabilité mondiales. »
De son côté, Vladimir Poutine a largement prêté allégeance à la superpuissance chinoise, déclarant notamment :
« La Russie considère la Chine comme un partenaire fiable et à long terme et souhaite continuer à développer la coopération avec la Chine dans les domaines politique, économique, culturel, éducatif et sécuritaire, à organiser les « Années de la culture russo-chinoise » et à approfondir les échanges humains. »
La ligne officielle de la Russie est en effet que le pays est davantage asiatique qu’européen.
Voici le déroulé de la réception du Président russe jeudi 16 mai 2024, qui s’est faite avec les plus grands des honneurs. La question ukrainienne a officiellement été abordée, mais il a fallu attendre la toute fin de journée, au bord d’un lac et autour d’un thé…
Début de matinée.
Entretient en format restreint entre Vladimir Poutine et Xi Jinping au Grand Palais du Peuple à Beijing (Pékin).
Entretiens élargis avec des comités intergouvernementaux de coopération ; signature d’une série de documents de coopération bilatérale (économie et commerce, protection de la nature, inspection et quarantaine, médias et autres domaines).
Signature et publication d’un document intitulé Déclaration conjointe de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie sur l’approfondissement du partenariat stratégique global de coordination pour la nouvelle ère à l’occasion du 75e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques Chine-Russie.
Fin de matinée.
Grande cérémonie de bienvenue sur l’esplanade devant la porte est du Grand Palais du Peuple.
Salutation par la garde d’honneur et fanfare militaire jouant les hymnes nationaux ; salve de 21 coups de canon tirée sur la Place Tian’anmen.
Revue de la garde d’honneur de l’Armée populaire de Libération et défilé.
Acclamation par des enfants chinois et russes tenant des bouquets de fleurs et des drapeaux nationaux des deux pays.
Midi.
Banquet de bienvenue dans la salle dorée du Grand Palais du Peuple.
Après-midi.
Cérémonie d’ouverture des Années de la culture Chine-Russie et concert spécial de musiques folkloriques chinoise et russe célébrant le 75e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques (environs 1000 personnalités chinoises et russes présentes).
Soirée.
Réunion restreinte à Zhongnanhai, un immense parc bordé d’un lac au milieu de la capitale chinoise. La question ukrainienne est finalement ouvertement abordée, en apothéose de la journée.
Voici le long et épique récit officiel de ce moment par la diplomatie chinoise (en Français), qui est très significatif historiquement !
« Au milieu de l’été [commencé le 5 mai 2024], à Zhongnanhai, une brise légère souffle doucement et les reflets d’eau scintillent.
Xi Jinping reçoit Vladimir Poutine devant le pont Yingtai. Les deux chefs d’État se sont promenés et ont discuté, regardant les pavillons et admirant le beau paysage.
Les deux chefs d’État ont pris le thé au bord de l’eau et ont eu des échanges approfondis sur des questions stratégiques d’intérêt commun dans une atmosphère détendue.
Le monde d’aujourd’hui est confronté à des changements inédits depuis un siècle et entre dans une nouvelle période de perturbation et de transformation, a noté Xi Jinping, ajoutant que face au paysage mondial qui ne cesse d’évoluer avec volatilité et trouble, la Chine est restée ferme dans sa stratégie.
Il a déclaré que sous la direction du Parti communiste chinois, le peuple chinois avait surmonté de multiples difficultés et défis, et qu’il œuvrait à la promotion du développement de haute qualité et de la modernisation chinoise.
La Chine est disposée à travailler avec la Russie et d’autres pays afin de renforcer la solidarité et la coopération, d’orienter la gouvernance mondiale dans la bonne direction, de défendre conjointement l’équité et la justice internationales, et de promouvoir la paix du monde et le développement commun, a déclaré Xi Jinping.
Notant que le développement de la Chine est inéluctable et qu’aucune force ne peut contenir son développement et ses progrès, Vladimir Poutine a déclaré que la Russie souhaitait améliorer sa coopération avec la Chine et d’autres pays du « Sud global » afin de promouvoir l’équité et la justice internationales, et d’œuvrer vers un monde plus égalitaire et multipolaire.
Les deux chefs d’État ont eu un échange de vues approfondi sur la crise ukrainienne.
Xi Jinping a précisé la position cohérente de la Chine et ses efforts pour promouvoir un règlement politique de la crise ukrainienne, soulignant que pour résoudre toute question majeure, il était nécessaire de traiter à la fois les symptômes et les causes fondamentales, et de planifier autant pour le présent que pour le long terme.
Il a noté que l’essentiel de l’Initiative pour la sécurité mondiale était de préconiser une vision de sécurité commune, globale, coopérative et durable, et que la solution fondamentale à la crise ukrainienne était de promouvoir l’établissement d’une nouvelle architecture équilibrée, efficace et durable.
Xi Jinping a déclaré que la Chine soutenait la convocation d’une conférence internationale de paix reconnue par la Russie et l’Ukraine à un moment approprié avec une participation égale et une discussion franche de toutes les options, afin de promouvoir un règlement politique rapide de la question ukrainienne, et que la Chine était disposée à continuer à jouer un rôle constructif à cet égard.
Vladimir Poutine a introduit les idées et les positions concernées de la Russie, indiquant que la Russie appréciait la position objective, juste et équilibrée de la Chine en ce qui concerne la question ukrainienne et invitait la Chine à continuer à jouer un rôle important et constructif dans le règlement politique de la question.
La Russie est engagée à résoudre la question ukrainienne via les négociations politiques et souhaite démontrer sa sincérité et continuer à maintenir une communication étroite avec la Chine à cet égard, a-t-il noté.
La nuit tombait et les lumières étaient brillantes.
Xi Jinping a serré la main de Vladimir Poutine et lui a dit au revoir. Xi Jinping a noté que ces dernières années, ils avaient eu plusieurs réunions avec des échanges francs, approfondis et fructueux.
Xi Jinping s’est dit disposé à maintenir un contact étroit avec le président Vladimir Poutine et à travailler ensemble pour orienter le développement des relations sino-russes dans la bonne direction, guider le partenariat de coordination stratégique global Chine-Russie pour une nouvelle ère à réaliser des progrès solides et durables, apporter davantage de bénéfices aux peuples des deux pays, et contribuer activement à la promotion de la sécurité et de la stabilité dans le monde.
Vladimir Poutine a remercié Xi Jinping pour son hospitalité chaleureuse et s’est dit heureux de chaque rencontre et de chaque entretien avec son homologue chinois Xi Jinping.
Leurs échanges ont été très approfondis et significatifs. Vladimir Poutine a exprimé son souhait de maintenir une communication étroite avec Xi Jinping, de mettre en œuvre le consensus important qu’ils ont atteint, et d’assurer un développement approfondi du partenariat stratégique global de coordination Russie-Chine pour une nouvelle ère.
Difficile de faire plus clair. L’actualité mondiale est la guerre de repartage du monde, avec principalement l’affrontement entre la superpuissance américaine et sa rivale la superpuissance chinoise. La guerre en Ukraine est une expression de cette crise mondiale, elle est déjà la 3e guerre mondiale…
Léon Tolstoï est un titan, car en plus d’être un artiste réaliste à la plume géniale, il était capable de la meilleure des philosophies. L’ensemble est lié, naturellement.
Ce passage qui introduit le Livre III de Guerre & Paix est absolument incontournable. C’est, précisément au milieu du roman, une réflexion matérialiste saisissante sur la guerre et la destinés des hommes.
C’est extrêmement bien exprimé, d’une intelligence rare ; cela reflète d’autant mieux notre actualité, qui est celle d’une nouvelle guerre entre l’Occident et la Russie, avec notre pays la France en première ligne contre la Russie.
Il faut lire Léon Tolstoï, pour comprendre et combattre cette marche terrible vers la guerre, faisant qu‘il arriva ainsi que des millions d’hommes, répudiant tout bon sens et tout sentiment humain, se mirent en marche de l’Ouest vers l’Est pour aller massacrer leurs semblables…
Cultivons-nous et développons notre philosophie avec Léon Tolstoï pour être à la hauteur de l’époque ! Guerre à la guerre, à bas l’Otan, à bas les faiseurs de guerre Emmanuel Macron et Joe Biden, à bas le capitalisme ! Vive l’amitié universelle entre les peuples, vive la Gauche historique, vive le socialisme !
« À la fin de l’année 1811, les souverains de l’Europe occidentale renforcèrent leurs armements, et concentrèrent leurs troupes. En 1812, ces forces réunies, qui se composaient de millions d’hommes, y compris, et ceux qui les commandaient, et ceux qui devaient les approvisionner, se mettaient en marche vers les frontières de la Russie, qui, de son côté, dirigeait ses soldats vers le même but. Le 12 juin, les armées de l’Occident entrèrent en Russie, et la guerre éclata !…
C’est-à-dire qu’à ce moment eut lieu un événement en complet désaccord avec la raison et avec toutes les lois divines et humaines ! Ces millions d’êtres se livraient mutuellement aux crimes les plus odieux : meurtres, pillages, fraudes, trahisons, vols, incendies, fabrication de faux assignats… tous les forfaits étaient à l’ordre du jour, et en si grand nombre, que les annales judiciaires du monde entier n’auraient pu en fournir autant d’exemples pendant une longue suite de siècles !… Et cependant ceux qui les commettaient ne se regardaient pas comme criminels !
Où trouver les causes de ce fait aussi étrange que monstrueux ? Les historiens assurent naïvement qu’ils les ont découvertes dans l’insulte faite au duc d’Oldenbourg, dans la non observation du blocus continental, dans l’ambition effrénée de – 297 – Napoléon, dans la résistance de l’Empereur Alexandre, dans les fautes de la diplomatie, etc., etc.
Il aurait donc suffi, s’il fallait les en croire, que Metternich, Roumiantzow ou Talleyrand eussent rédigé, entre une réception de cour et un raout, une note bien tournée, ou que Napoléon eût adressé à Alexandre un : « Monsieur mon frère, je consens à restituer le duché d’Oldenbourg… », pour que la guerre n’eût pas lieu ! On conçoit aisément que tel devait être le point de vue des contemporains.
Ainsi qu’il l’a dit plus tard à Sainte-Hélène, Napoléon attribuait exclusivement la guerre aux intrigues de l’Angleterre, tandis que de leur côté les membres du Parlement anglais donnaient pour prétexte son ambition insatiable ; le duc d’Oldenbourg, l’insulte dont il avait été l’objet ; les marchands, le blocus continental qui ruinait l’Europe ; les vieux soldats et les généraux, l’absolue nécessité de les employer activement ; les légitimistes, le devoir sacré de soutenir les bons principes ; les diplomates, l’alliance austro-russe de 1809, que l’on n’avait pas su dissimuler au cabinet des Tuileries, et la difficulté que présenterait la rédaction d’un mémorandum, portant, par exemple, le n° 178.
Ces raisons, jointes à une foule d’autres, d’une nature plus infime et provenant de la diversité des points de vue personnels, ont pu sans doute satisfaire les contemporains, mais pour nous, pour nous qui sommes la postérité, et qui envisageons dans son ensemble la grandeur de l’événement et qui en approfondissons la vraie raison d’être dans sa terrible réalité, elles ne sauraient nous paraître suffisantes. Nous ne saurions comprendre que des millions de chrétiens se soient entretués parce que Napoléon était un ambitieux, parce qu’Alexandre avait montré de la fermeté, l’Angleterre de la ruse, ou parce que le duc d’Oldenbourg avait été insulté !
Où est donc le lien entre ces circonstances et le fait même du meurtre et de la violence ? Pourquoi les habitants des gouvernements de Smolensk et de Moscou ont-ils été, en conséquence de semblables motifs, égorgés et ruinés par des milliers d’hommes venus du bout opposé de l’Europe ?
Nous ne sommes pas des historiens, et nous ne nous laissons pas entraîner à la recherche, plus ou moins subtile, des causes premières : aussi, nous contentons-nous de juger les événements avec notre simple bon sens, et plus nous les étudions de près, plus, nous leur trouvons de motifs véritables. De quelque façon qu’on les envisage, ils nous paraissent également justes ou également faux, si l’on en compare l’infime valeur intrinsèque avec l’importance des faits qui en ont été la conséquence, et nous restons convaincus que leur ensemble seul peut en donner une explication plausible.
Pris isolément, le refus de Napoléon, qui ne veut pas rappeler ses troupes en deçà de la Vistule, ou rendre le grand-duché au grand-duc d’Oldenbourg, nous paraît aussi valable, comme argument, que si l’on disait : S’il avait plu à un caporal français de quitter le service, et si son exemple avait été suivi par un grand nombre de ses camarades, le nombre des soldats aurait été trop réduit, la guerre serait, en conséquence, devenue impossible.
Sans doute, si Napoléon ne s’était point offensé de ce qu’on exigeait de lui, si l’Angleterre et le duc dépossédé n’avaient pas intrigué, si l’Empereur Alexandre n’avait pas été profondément froissé, si la Russie n’avait pas été gouvernée par un pouvoir autocratique, si les raisons qui ont amené la révolution française, la dictature et l’Empire n’avaient point existé, il n’y aurait pas eu de guerre ; mais, de même aussi, qu’une de ces causes vînt à manquer, et rien de ce qui est arrivé n’aurait eu lieu!
C’est donc de leur ensemble, et non de l’une d’elles en particulier, que les événements ont été la conséquence fatale : ILS SE SONT ACCOMPLIS PARCE QU’ILS DEVAIENT S’ACCOMPLIR, et il arriva ainsi que des millions d’hommes, répudiant tout bon sens et tout sentiment humain, se mirent en marche de l’Ouest vers l’Est pour aller massacrer leurs semblables, comme, quelques siècles auparavant, des hordes innombrables s’étaient précipitées de l’Est vers l’Ouest, en tuant tout sur leur passage !
Considérés par rapport à leur libre arbitre, les actes de Napoléon et d’Alexandre étaient aussi étrangers à l’accomplissement de tel ou tel événement que ceux du simple soldat que le recrutement ou le tirage au sort obligeait à faire la campagne.
Comment d’ailleurs aurait-il pu en être autrement ? Pour que leur volonté, maîtresse en apparence de tout diriger à leur gré, se fût exécutée, il aurait fallu le concours d’une infinité de circonstances ; il aurait fallu que ces milliers d’individus entre les mains desquels se trouvait la force agissante, que tous ces soldats qui se battaient, ou qui transportaient les canons et les vivres, consentissent à faire ce que leur ordonnaient ces deux faibles unités, et que leur soumission unanime fût motivée par des raisons aussi compliquées que diverses.
Le fatalisme est inévitable dans l’histoire si l’on veut en comprendre les manifestations illogiques, ou, du moins celles dont nous n’entrevoyons pas le sens et dont l’illogisme grandit à nos yeux, à mesure que nous nous efforçons de nous en rendre compte.
Tout homme vit pour soi, et jouit du libre arbitre nécessaire pour atteindre le but qu’il se propose. Il a, et il sent en lui la faculté de faire ou de ne pas faire telle ou telle chose, mais, du moment qu’elle est faite, elle ne lui appartient plus, et elle devient la propriété de l’histoire, où elle trouve, en dehors du hasard, la place qui lui est assignée à l’avance.
La vie de l’homme est double : l’une, c’est la vie intime, individuelle, d’autant plus indépendante que les intérêts en seront plus élevés et plus abstraits ; l’autre, c’est la vie générale, la vie dans la fourmilière humaine, qui l’entoure de ses lois et l’oblige à s’y soumettre.
L’homme a beau avoir conscience de son existence personnelle, il est, quoi qu’il fasse, l’instrument inconscient du travail de l’histoire et de l’humanité. Plus il est placé haut sur l’échelle sociale, plus le nombre de ceux avec qui il est en rapport est considérable, plus il a de pouvoir, plus sont évidentes la prédestination et la nécessité inéluctable de chacun de ces actes :
LE CŒUR DES ROIS EST DANS LA MAIN DE DIEU !
LES ROIS SONT LES ESCLAVES DE L’HISTOIRE !
L’histoire, c’est-à-dire la vie collective de toutes les individualités, met à profit chaque minute de la vie des rois, et les fait concourir à son but particulier. Bien que Napoléon fût plus que jamais convaincu, en l’an de grâce 1812, qu’il dépendait de lui seul de verser ou de ne pas verser le sang de ses peuples, plus que jamais au contraire il était assujetti à ces ordres mystérieux de l’histoire qui le poussaient fatalement en avant, tout en lui laissant l’illusion de croire à son libre arbitre.
Ainsi donc, tout en obéissant, à leur insu, à la loi de la coïncidence des causes, ces hommes qui marchaient en foule vers l’Orient, pour tuer et massacrer leurs semblables, y étaient en même temps conduits par ces nombreuses et puériles raisons qui, aux yeux du vulgaire, motivaient cette terrible perturbation.
Ces raisons, on les connaît, c’étaient : la violation du blocus continental, le démêlé avec le duc d’Oldenbourg, l’entrée des troupes en Russie pour en obtenir, comme le croyait Napoléon, une neutralité armée, son goût effrénée pour la guerre, l’habitude qu’il en avait prise, jointe au caractère des Français, à l’entraînement général causé par le grandiose des préparatifs, aux dépenses qu’ils occasionnaient et à la nécessité par suite d’y trouver des compensations, aux honneurs enivrants qu’il avait reçus à Dresde, aux négociations diplomatiques qui, quoique animées, au dire des contemporains, d’un sincère désir de paix, n’avaient cependant abouti qu’à froisser les amours-propres de part et d’autre… et mille autres prétextes, plus ou moins bons, qui, tous réunis, n’avaient, en définitive, d’autre résultat que le fait qui devait fatalement s’accomplir.
Pourquoi une pomme tombe-t-elle quand elle est mûre ? Est-ce son poids qui l’entraîne ? Est-ce la queue du fruit qui meurt ? Est-ce le soleil qui la dessèche ? Est-ce le vent qui la détache, ou bien est-ce tout simplement que le gamin qui est au pied de l’arbre a une envie démesurée de la manger ?
Prise à part, aucune de ces raisons n’est la bonne. La chute de cette pomme est la résultante obligée de toutes les causes qui produisent l’acte le plus minime de la vie organique. Par conséquent le botaniste qui attribuera la chute de ce fruit à la décomposition du tissu cellulaire aura tout aussi raison que l’enfant qui l’attribuera à son désir de la croquer à belles dents et à la réalisation de son désir.
De même aura tort et raison à la fois celui qui dira que Napoléon a été à Moscou parce qu’il l’avait résolu, et qu’il y a trouvé sa perte parce que telle était la volonté d’Alexandre ; de même aura tort et raison celui qui assurera qu’une montagne pesant plusieurs millions de pouds (environ 20 kg, NDT) et sapée à sa base ne s’est écroulée qu’à la suite du dernier coup de pioche donné par le dernier terrassier !
Les prétendus grands hommes ne sont que les étiquettes de l’Histoire : ils donnent leurs noms aux événements, sans même avoir, comme les étiquettes, le moindre lien avec le fait lui-même. Aucun des actes de leur soi-disant libre arbitre n’est un acte volontaire : il est lié à priori à la marche générale de l’histoire et de l’humanité, et sa place y est fixée à l’avance de toute éternité. »