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Rapport entre les classes

Symbolique: la CGT perd EDF

Quel coup de tonnerre ce fut !Le lundi 13 novembre 2023, la CGT s’est fait ravir la première place des organisations syndicales représentatives chez EDF, son bastion parmi les bastions.

Avec 30,31 % des voix, elle est passée derrière la CFE-CGC qui en a recueilli 33,08 %. C’est indéniablement une page de l’Histoire de France qui se tourne, la fin de toute une époque.

En pratique, on peut dire que c’est la CGT qui a fait EDF depuis sa fondation en 1946 par Marcel Paul, et à laquelle était rattachée GDF.

On parle ici de quelque chose de très particulier, une expérience sociale extrêmement puissante. Cela a consisté en deux aspects.

D’abord, sur le lieu de travail, la CGT avait son mot à dire sur toutes les grandes décisions et sur toutes les affaires courantes, à commencer par les embauches. Rien ne pouvait être fait sans la CGT et comme la CGT était partout, c’est en fait elle qui faisait tout.

Chaque travailleur, chaque « électricien » ou « gazier » pouvant très facilement rejoindre la CGT, cela faisait que des ouvriers embauchés très jeunes et sans diplômes pouvaient très rapidement et facilement gravir les échelons (tout en restant ouvrier, d’ailleurs). L’intégration des ouvriers à l’entreprise a donc été immense, voire totale. Bien au-delà du corporatisme d’ailleurs, car il y avait de manière sous-jacente toute une vision de la société et du « service public ».

L’autre chose, c’est le comité d’entreprise, la CCAS. Dès l’origine en 1946, il a été négocié quelque chose de fondamental : la CCAS (Caisse centrale des activités sociales) ne devait pas être financée à hauteur d’1 % de la masse salariale, comme c’est le cas partout ailleurs, mais avec 1 % du chiffre d’affaires. Qui plus est, c’est exclusivement aux représentants du personnel, donc à la CGT, qu’en est revenue la gestion.

On comprend toute de suite la manne que cela a pu représenter durant toute la seconde moitié du 20e siècle. La Caisse centrale d’activités sociales a été extrêmement puissante, proposant un accompagnement social exceptionnel aux travailleurs, en plus de gigantesques services de loisirs et de vacances .

Être ouvrier chez EDF ou GDF, c’était l’assurance de trouver un logement, d’être aidé pour les enfants, en cas de coup dur ou de handicap, de partir à la mer chaque été et d’envoyer les enfants au ski chaque hiver, etc.

C’était des « arbres de Noël » (fêtes de Noël) avec de grands moyens culturels en termes de spectacles et de jolis cadeaux pour les enfants, à choisir dans un large catalogue. Pour ce qui est de la culture, il y avait (il y a encore, d’ailleurs), des œuvres culturelles toute l’année, que ce soit des sorties sportives ou touristiques, ou bien des spectacles. À la fin du 20e siècle, à son apogée, la CCAS était devenue l’un des plus gros programmateur culturel estival de France, avec au moins un spectacle gratuit et de qualité par semaine dans chaque centre de vacances.

Dès 1950, la CCAS accueillait 20 000 jeunes répartis dans 62 colonies de vacances. Dès les années 1970, elle mettait en place les premières expériences d’intégration d’enfants handicapés. Depuis, elle a acquis un savoir-faire important et avec des moyens pour accueillir les enfants et adultes handicapés en vacances.

Au tournant des années 2000, la CCAS était propriétaire de plus de 200 centres de vacances, tous de qualité, dont beaucoup situés dans des endroits parmi les plus prisés de France.

Seulement voilà, cela n’a jamais consisté en le Socialisme et la lutte des classes, mais uniquement en de la cogestion du capitalisme. La CGT à EDF, c’était pour la bourgeoisie française un compromis très intéressant : des miettes en or contre la paix sociale, ainsi qu’une productivité électrique énorme et fiable.

La CGT a en ce sens entièrement et consciemment participé à cette horreur qu’est le nucléaire.

Au 21e siècle, tout cela n’a évidemment plus de sens. Le capitalisme est maintenant à son apogée, la consommation est partout, la classe ouvrière est broyée psychologiquement et éparpillée socialement. La CGT est devenue un boulet au pied d’EDF, elle-même un monstre.

Alors il y a eu la dérégulation du marché, puis l’ouverture aux capitaux privés (puis la re-nationalisation en raison de la crise). Tout ce en quoi la CGT a cru pendant plus de 50 années, ou fait semblant d’y croire pour justifier sa corruption, a fini par s’effriter.

La CGT chez EDF a donc perdu sa raison d’être, malgré un ancrage gigantesque. Les employés, qui sont maintenant surtout des cadres supérieurs et des ingénieurs, ont acté le tournant, en reléguant la CGT derrière la CFE-CGC, le « syndicat » des cadres par nature.

Pour ce qui est des ouvriers restant chez EDF, ils sont surtout chez Enedis (filiale d’EDF) et ont un travail en général très qualifié et bien payé, avec du bon matériel, des bonnes conditions. Ce sont ceux par exemple qui escaladent les pylônes pour rétablir le courant après une tempête.

Ces ouvriers sont bien loin de la CGT et de son style gueulard, merguez-saucisse et sa pratique odieuse des coupures volontaires de courant en cas de protestation.

La CGT chez EDF est maintenant clairement une relique du passé, un passé d’autant plus proche qu’il est fui à tout prix. C’est vraiment un contre-exemple sur le plan moral et culturel, et un véritable exemple de comment le capitalisme a une incroyable force de corruption.

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Rapport entre les classes

Le «ticket resto» comme moyen de baisser les salaires

Initialement, les titres restaurant, sont une aide au repas du midi de la part d’entreprises qui ne fournissent pas un service de restauration, mais qui veulent proposer quelque chose aux employés. Il était donc prévu de les dépenser dans un restaurant, ou bien un snack ou une boulangerie, lors d’une pause repas.

Le principe est que l’entreprise paie la plus grosse partie du titre et l’employé n’en paie qu’une petite partie. Ainsi se fait l’aide, mais donc directement pour le repas de la pause lors des jours travaillés. Les « tickets resto » ne peuvent être octroyés que pour les jours effectivement travaillés et avec une pause repas (pas seulement une coupure) ; il n’y a donc pas de titres restaurant délivrés pour les jours de congé ou d’arrêt maladie.

Les restaurateurs ont beaucoup apprécié ce principe. En effet, les détenteurs de ces « tickets resto » y voyaient une sorte de bons gratuit pour le restaurant et se permettaient des repas qu’ils n’auraient pas pris avec leur propre salaire. D’ailleurs, il y avait parfois l’idée de devoir liquider ses « tickets resto » avant qu’ils ne périment, et donc encore plus l’idée d’un repas pas cher, qui n’aurait pas été pris autrement. Cela a largement profité aux petits restaurants surtout, c’est-à-dire des fast-food et autres kebab.

On peut dire déjà qu’à l’origine, ces titres restaurants ont été un cadeau empoisonné, car encourageant la malbouffe.

En raison de la crise et particulièrement de l’inflation, il y a eu toutefois un grand changement. En 2022, une loi a permis l’utilisation de ces titres restaurant pour l’ensemble des courses alimentaires. En fait, il y avait déjà l’habitude prise par certains de payer une partie de ses courses avec ces titres, mais cela pouvait s’avérer très aléatoire en raison du fait que seuls les produits prêts à manger étaient pris en compte.

Avec cette loi, cela devenait beaucoup plus facile et cohérent de se servir de ces titres lors de ses courses, car tout l’alimentaire est devenu directement éligible. Par exemple, le sel et le poivre, l’huile d’olive, le beurre de cacahuète, la farine, etc.

Parallèlement se sont développés les cartes à puce (type carte bancaire) en remplacement des tickets classiques, détachables dans un carnet type chéquier.

Ces derniers avaient en effet le grand inconvénient d’être plafonnés par en haut et par en bas. C’est-à-dire qu’avec un ticket d’une valeur de 9 euros, il fallait forcément avoir une note supérieure, au risque de perdre la différence. Et inversement, il fallait faire le complément directement pour une somme supérieure. Cela était peu pratique à la caisse, alors que cela restait acceptable au restaurant (avec cette idée d’un ticket de réduction).

Avec les cartes de titres restaurant, c’est beaucoup plus simple : le plafond maximal est de 25 euros par jour (sauf jours fériés) et on utilise directement le crédit utile.

Si on fait 14 euros et 22 centimes de courses, on paie directement avec sa carte « tickets resto », et ce sans contact qui plus est. Si l’on fait 74 euros de courses, on paie d’abord 25 euros avec la première carte (sans contact) puis 49 euros avec la carte bancaire habituelle (toujours sans contact). C’est simple et rapide.

Ainsi, les titres restaurant ont largement changé de nature. D’une aide, tel un service concernant les pauses repas au travail, ils sont devenus directement un élément de rémunération.

En 2023, plus de la moitié des sommes titres restaurant sont utilisées ainsi.

La dérogation pour l’éligibilité de l’ensemble des produits alimentaires aux titres restaurant devait prendre fin en janvier 2024, mais cela a été repoussé. Il a donc été officiellement et durablement entériné cette utilisation détournée des titres restaurant, qui va se généraliser.

Maintenant, venons-en à la question des salaires et de leur baisse. C’est très simple : avec une rémunération normale, il y a un salaire dit brut, qui est le vrai salaire, ainsi qu’un salaire net, qui correspond à la somme que l’on reçoit sur son compte en banque.

Avant, jusqu’au début des années 2000 peut-être, les ouvriers et les employés avaient une conscience sociale élevée en France. Ils connaissaient très bien le salaire brut et considéraient que la différence avec leur salaire « net » leur revenait, comme salaire socialisé, différé. Les cotisations et contributions salariales obligatoires étaient considérés comme un acquis et une chose à défendre.

Après les années 2000, le capitalisme s’est tellement développé, il est tellement devenu un rouleau compresseur faisant que tout est marchandise et consommation, que cette conscience du salaire brut a disparu. Seul compte donc le « net », que l’on peut dépenser soi-même en tant que consommateur. Le salaire « brut » est quant à lui considéré comme une chose étrange, à laquelle on ne s’intéresse pas, si ce n’est pour critiquer « l’État » qui « se sert ».

Si on faisait un référendum en 2023 pour demander aux salariés s’ils veulent la disparition du salaire brut en le transformant en net à payer, pratiquement tout le monde serait pour ! Ce serait bien sûr une grande catastrophe sociale, mais personne n’en aurait conscience et il serait très dure de convaincre du contraire.

Eh bien c’est exactement ce qu’il se passe avec les titres restaurant. Puisqu’ils servent maintenant à faire ses courses, il sont devenus directement un élément de rémunération. Et c’est une rémunération brute, sans cotisation sociale ni prélevèrent obligatoire.

Il ne faut pas regarder que du côté du salarié. Pour l’employeur également, cela change la donne : il y a des charges à payer à côté d’un salaire brut, pas pour des titres restaurant (ou très peu) !

On ne parle pas ici de sommes anecdotiques, mais de 150 euros à 250 euros par mois. C’est extrêmement conséquent dans la rémunération.

Les titres restaurants sont donc du salaire défiscalisé, échappant largement aux cotisations sociales. C’est un moyen pour le capitalisme de baisser directement les salaires (en n’augmentant pas suffisamment en raison de l’inflation) tout en le cachant à court terme avec une rémunération nette qui semble faire l’affaire.

Même s’ils ne servent plus à aller au kebab ou au tacos, c’est encore un cadeau empoisonné !

Ainsi, les titres restaurants sont un moyen de la grande restructuration économique dans le cadre de la crise du capitalisme. Il s’agit d’augmenter la pression sur les ouvriers et les employés, pour garantir les bénéfices capitalistes ; la baisse des salaires est une forme incontournable de cette pression.

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Vie quotidienne

Non au sac à dos à vélo!

Partir se balader ou faire du sport à vélo demande quelques équipements. Par facilité, par manque d’autres solutions, il est parfois opté pour le sac à dos afin de tout emporter. C’est dommage, car cela n’est pas agréable, surtout à cause de la transpiration. Il existe vraiment beaucoup d’autres solutions !

1/ La boite à outil

On y met une chambre à air, un jeu de démonte-pneu, une petite pompe, un jeu de clef Allen.

On peut en acheter dans le commerce, pas cher, étanche et résistant. On peut aussi la fabriquer avec un vieux bidon que l’on découpe. Mais c’est moins étanche !

Inconvénient : il faut mobiliser un des deux porte bidon, ce qui est dommage si on a besoin de beaucoup boire.

Sur les vélos type gravel ou randonnée, il existe souvent la possibilité de fixer un 3e porte bidon sous le tube oblique du vélo. Contrairement aux apparences, ça ne risque pas de frotter au sol, même lors d’une sortie sportive en chemin !

Le Z Box de la marque française Zéfal coûte environ 5 euros.

2/ La sacoche à outil

Il existe de nombreux modèles, souvent pas chers, qui se fixent sous la selle. C’est pratique et on y met l’essentiel.

Attention, il faut de la bonne qualité, car c’est sujet à secousses et frottement ; le risque est d’abîmer vite une sacoche de mauvaise qualité ou qui se fixe mal.

Pour environ 15 euros, la marque allemande de chambre à air Schwalbe propose une sacoche déjà équipée !

3/ Le maillot cycliste

Outre qu’il soit doté d’une matière idéale pour évacuer la transpiration et qu’il permet d’être très à son aise en roulant, le maillot cycliste a un autre avantage très grand : il dispose de grandes poches à l’arrière !

Il faut éviter les modèles deux poches. Celles-ci sont trop larges et les affaires ont tendance à se balader. L’idéal sont les modèles avec trois poches. Certains ont même une quatrième petite poche avec fermeture éclair pour les clefs.

Toutefois, si l’on glisse bien ses clefs au fond d’une des poches, elles ne risquent pas de partir !

On met typiquement dans ses poches une compote en tube, un barre de céréale, une banane et pourquoi pas une chambre à air !

La marque espagnole Siroko propose des modèles esthétiques à un très bon rapport qualité/prix. Par exemple ce modèle manche longue de bonne qualité est vendu environ 50 euros.

4/ La veste de pluie

De nombreuses marques proposent des vestes de pluie spécifiques pour le cyclisme. Elles sont légères et compactes, ce qui permet de les ranger en boule dans une poche arrière.

Astuce : avec un maillot cycliste bien ajusté, on peut tout à fait glisser dans son dos, sous son maillot, une veste non pliée dont on veut se débarrasser tout en roulant. Celle-ci ne risque pas de tomber et on oublie sa présence en quelques minutes.

Le problème des vestes de pluie par contre est qu’elles sont très peu ventilées. Si elles protègent de la pluie, elles donnent souvent très chaud. Évitez de vous encombrer avec si c’est pour quelques gouttes probables ! Mieux vaut la pluie ! Par contre, si les averses sont menaçantes, c’est un accessoire indispensable.

On en trouve à tous les prix, plus ou moins résistantes, plus ou moins imperméables, plus ou moins ventilées.

Si on veut et peut y mettre le prix, on peut se tourner vers du haut de gamme comme la marque italien Ale qui propose un modèle Guscio Clever de très bonne qualité, que l’on ne trouve pas à moins de 80 euros.

5/ Les manchettes et le chasuble (gilet)

Pour se prémunir contre la fraîcheur éventuelle lors d’une sortie, pas besoin de s’encombrer d’un gros sweat shirt dans son sac à dos ! On peut emmener une paire de manchette ainsi qu’un chasuble (gilet) ajusté. La combinaison des deux accessoires est très efficace, et surtout cela ne prend pas de place et se glisse facilement dans une poche de maillot cycliste ou une sacoche.

La marque italienne Castelli propose en général des produit à un bon rapport qualité/prix, comme ce gilet (environ 35 euros) et ces manchettes (environ 25 euros).

6/ La mini sacoche de tube de cadre

Très pratique, il existe différentes tailles et formes. Les petits modèles sont idéales pour mettre un téléphone (sauf s’il est trop gros comme beaucoup de smartphone de nos jours) et des clefs ainsi qu’une barre de céréale.

Encore une fois, la marque française Zéfal propose de la qualité à des prix très abordables. Voici quelques modèles de différentes tailles, tous à environ 20 euros.

Le Z FRAME PACK (1,5 litres) :

Le Z Aero (0,4 litre) :

Le Z ADVENTURE (1 litre) :

7/ La pochette étanche

Si l’on met son téléphone dans la poche arrière d’un maillot cycliste, gare à l’humidité avec la transpiration ou la pluie ! Il vaut mieux une pochette étanche. On peut également y mettre ses papiers, sa carte de crédit, ses clefs !

La marque anglaise Muc-Off en propose toute une gamme d’excellente qualité, parfaitement étanche, pour environ 20 euros.

8/ La petite et grande bagagerie

Pour les expéditions plus importantes, ou bien si l’on veut pouvoir s’arrêter et donc disposer par exemple de son appareil photo, d’un sweat, d’un cadenas, etc., il existe toute une gamme de bagagerie. Même sans porte bagage !

Il faudrait un article à part entière, tellement il existe de possibilités et de produits. On retiendra ici la marque anglaise Restrap qui propose une gamme très intéressante et inspirante. Tout est fait main au Royaume-Uni et la plupart des produits (probablement tous) sont certifiés vegan.

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Refus de l’hégémonie

Ni Hamas, ni Israël : ni Pékin, ni Washington

On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels : c’est une vérité qu’on sait bien vraie, lorsqu’on est loin des nationalismes et de l’aveuglement causé par le sang versé. L’affrontement entre le Hamas et Israël le montre bien ; plus on est loin de tout ça, plus on se dit que c’est de la folie, de la folie furieuse, de la folie sanglante.

Oui mais, diront avec justesse les soutiens d’Israël, le Hamas a causé des massacres dont le caractère ignoble dépasse l’entendement. Impossible de ne pas vouloir venger des femmes et des enfants coupés en morceaux et assassinés, et encore est-ce là un euphémisme pour ne pas décrire les horreurs commises.

Oui mais, diront en étant dans le vrai les amis des Palestiniens, en quoi la population de Gaza bombardée serait-elle responsable des agissements du Hamas ? En quoi les enfants, qui forment une bonne proportion des 10 000 morts (au moins) à Gaza, sont-ils coupables ? En quoi la destruction de Gaza rattrape-t-elle les 1300 morts israéliens et ramène-t-elle les 300 otages pris par le Hamas ?

Eh oui, tout cela est vrai, et les Russes et les Ukrainiens pourraient dire des choses tout à fait similaires. Et tout cela est irrattrapable, car c’est l’engrenage, un engrenage qui dépasse bien les Palestiniens et les Israéliens, les Ukrainiens et les Russes.

Car les Palestiniens sont sous la coupe du Hamas, le Hamas est financé par le Qatar et armé par l’Iran, deux pays en pleine logique expansionniste et en phase avec la Chine qui veut remettre en cause l’ordre mondial, à son profit bien sûr. Quant aux Israéliens, ils servent de jouet à la politique américaine dans la région, d’où viendraient sinon tout cet argent et cet armement fournis ?

Nikolay Beliaïev, Les heureux. 1949

L’Ukraine est de son côté devenue une colonie américaine pour mener la guerre à la Russie, et cette dernière est passée sous la coupe chinoise. Même si l’Ukraine et la Russie voulaient s’arrêter, ils ne le pourraient pas, pris dans l’élan d’une mécanique inexorable happant les pays les uns après les autres. Il faut d’ailleurs s’attendre à ce que le Venezuela soit le prochain foyer de tension ?

En vérité, l’affrontement Hamas-Israël, celui Ukraine-Russie, et tous ceux à venir, ne sont rien d’autre, dans leur substance, qu’un aspect du grand affrontement mondial entre la superpuissance américaine et son challenger, la superpuissance chinoise.

Croire qu’on défend les Palestiniens en parlant de la Palestine ou qu’on défend les Israéliens en parlant d’Israël est une fiction : dans les faits, on rentre dans un agenda, celui des superpuissances.

Il n’est bien entendu pas facile de se séparer d’un tel agenda, d’agir en toute indépendance. Mais c’est un préalable, qui doit être conscient, assumé, affirmé. Sans cela, on meurt pour bien autre chose que ce pour quoi on croit mourir. Comme les paroles d’Anatole France, écrites dans L’Humanité en 1922, sonnent justes un siècle après !

« Ceux qui moururent dans cette guerre [de 1914-1918] ne surent pas pourquoi ils mouraient.

Il en est de même dans toutes les guerres. Mais non pas au même degré.

Ceux qui tombèrent à Jemmapes [dans les rangs de la République française en 1792 contre l’invasion de la monarchie autrichienne] ne se trompaient pas à ce point sur la cause à laquelle ils se dévouaient. Cette fois, l’ignorance des victimes est tragique. On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels. »

Heureusement, on peut être certain que la majorité des Français a compris cela et voit d’un très mauvais œil les agitations des uns et des autres afin d’embrigader dans une démarche nihiliste. On reproche souvent aux Français d’être passifs, avec raison, mais cette passivité fondé sur le scepticisme rationaliste à la française a parfois son bon.

Il ne faut pas se laisser piéger par les romantismes irrationalistes faisant qu’on se retrouve à la traîne d’aventures nationalistes dont la seule issue est la catastrophe. Le nationalisme, c’est la guerre.

Et il faut lui opposer le romantisme du Socialisme, le romantisme de la paix correspondant avec le progrès, le collectivisme avec l’épanouissement personnel… L’objectif véritable, c’est la République socialiste mondiale, c’est le phare qui doit guider toute action et tout ce qui ne s’accorde pas avec ça doit être rejeté !

Alexandre Samokhvalov, Sergueï Kirov revoit la parade athlétique, 1935
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Vie quotidienne

Les fast-foods ont entièrement conquis la France

Le succès de McDonald’s a accompagné la généralisation de l’industrie de la viande. McDonald’s est une entreprise qui a des milliards de dettes, et qui peut se le permettre, car elle achète des locaux. Ceux-ci sont loués pour une somme élevée à des franchisés vendant des burgers. McDonald’s est ainsi une entreprise immobilière qui a accompagné la disponibilité de la viande.

Le capitalisme des fast-foods des années 1989-2021 est relativement différent, car il procède lui d’un petit capitalisme profitant de l’expansion massive de l’industrie de la viande. En vingt ans, le nombre de fast-food est passé de 13 000 à 52 500 en France.

Ce qui souligne bien l’expansion du capitalisme dans ce domaine, c’est que ce ne sont pas simplement les très grandes villes qui sont visées. On n’est pas dans une consommation conviviale superflue, allant avec un style de vie urbain. On est dans la vie quotidienne, dans le 24 heures sur 24 du capitalisme.

Prenons Dole dans le Jura. On y trouve 27 fast-foods. La plupart des Français ne savent pas où est Dole. Pareil pour Blagnac, avec 28 fast-foods, Givors avec 26. Et si on touche à des villes plus connues, mais de dimension très restreinte, on a 53 fast-foods à Tarbes, 63 à Valenciennes, 45 à Bourg-en-Bresse, 43 à Melun, 56 à Narbonne.

Et que dire pour les 175 fast-foods à Saint-Étienne, les 236 à Lille, les 178 à Grenoble, les 136 à Perpignan, les 122 à Nancy, les 138 à Rouen ?

Rouen, c’est… 110 000 habitants. On y trouve 147 médecins généralistes libéraux. Il y a à Rouen autant de médecins que de fast-foods. Rien qu’avec cela, vous avez un constat de débâcle civilisationnel.

Conformément au style de cette débâcle, les fast-foods se divisent en trois tiers.

Le premier consiste en les vendeurs de burgers ; grosso modo, plus il y a des fast-foods, plus la part des burgers est grande en proportion, mais ce n’est pas une règle absolue. On est ici dans la malbouffe rassurante, conventionnelle, d’orientation familiale.

Un autre tiers tient les vendeurs des kebabs. On est ici dans le pseudo exotisme et parfois le vrai communautaire, avec en vue un empiffrage à visée amicale.

Le dernier, ce sont les vendeurs de tacos, avec à l’arrière-plan le « French tacos », qui n’est pas du tout un tacos mexicain d’ailleurs. On parle ici d’une bombe calorique (trois fois un burger!), une sorte de monstre de Frankenstein de la malbouffe mêlant le wrap, le kebab, le panini, le burrito, avec des variantes allant jusqu’à 800 grammes, pleines de matières grasses, acides gras saturés, sucre, sel…

Pas étonnant que la chaîne O’Tacos ne diffuse aucune information nutritionnelle ; on parle ici d’un monstre capitaliste, avec pratiquement 300 restaurants, dont toutes les viandes sont halal, contrairement au KFC par exemple. C’est un point important, car les fast-foods visent toujours un public bien délimité, à part McDonald’s qui vise tout le monde (« venez comme vous êtes »).

Les fast-foods jouent une fonction sociale, ils sont en un certain sens parallèle aux réseaux sociaux. Les lieux de socialisation ont toujours existé bien sûr, tel le fameux café français, avec son comptoir en zinc. Mais les fast-foods sont un lieu de passage, de refuge, où les gens ont les mêmes attitudes individualistes et de repli sur soi qu’avec les réseaux sociaux.

C’est le même esprit turbocapitaliste de pseudo-convivialité, ici bien entendu sur le dos en particulier des animaux car les prix des fast-foods reposent ni plus ni moins que sur la tyrannie industrielle pratiquée sur les animaux d’élevage.

Il est évident qu’aucun changement n’aura lieu en France tant que l’idéologie des fast-foods ne sera pas brisée, et ce tant pour les burgers, les French tacos que les kebabs. En un sens, on peut dire que le panorama politique tient aux partisans des burgers (les pro-Américains), des French tacos (les nationalistes), des kebabs (les « post-modernes »). Qu’ils aillent tous au diable !

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Refus de l’hégémonie

Automne 2023 : la mort du Karabagh arménien

L’agonie tragique du Karabagh arménien a pris fin le 20 septembre 2023, presque 9 mois jour pour jour après la mise en place d’un blocus militaire total du régime azerbaïdjanais sur ce qui restait de territoire aux mains des séparatistes. Selon les autorités arméniennes du Karabagh, unilatéralement appelé « République d’Artsakh », ce blocus criminel a causé la mort de 213 personnes, majoritairement des civils, dont notamment des enfants, morts des suites de l’affaiblissement ou de manques de soin, comme conséquence directe du blocus.

Durant 9 mois, l’armée azerbaïdjanaise a entretenu un état de siège meurtrier, en verrouillant la seule route d’accès encore ouverte vers l’Arménie, dans l’indifférence totale de l’armée russe censée la garantir, en asséchant le réservoir qui alimentait la principale centrale électrique, fonctionnant de part une turbine hydroélectrique, et en restreignant à leur strict minimum les entrées de marchandises dans le Karabagh arménien.

Les pénuries se sont très rapidement installées et durant des mois et des mois la population civile a subi un effondrement des services publics, notamment d’éducation et de soin, et un rationnement très strict de sa consommation alimentaire et énergétique.

Le sentiment d’abandon et d’étranglement a progressivement gagné la population, alors que jour après jour, les provocations militaires de l’armée azerbaïdjanaise se multipliaient de manière toujours plus menaçante.

La partie était en fait perdue depuis l’écrasante défaite arménienne en novembre 2020. Depuis lors, les autorités arméniennes n’ont fait que se précipiter toujours plus loin dans une suicidaire fuite en avant, prises au piège dans l’étau de la bataille pour le repartage du monde, dont le peuple arménien est ici une victime malheureuse.

Pour le régime azerbaïdjanais, cela n’est pas encore suffisant toutefois : sa seule issue, de par sa nature même, est nécessairement la fuite en avant génocidaire : tout le régime d’Ilham Alyiev s’est littéralement construit sur la promotion d’un nationalisme raciste anti-arménien tourné vers la « reconquête du Karabagh (Qarabagh en turc azéri) et sur l’écrasement de l’État arménien.

Devant ses partenaires internationaux, le régime peut se payer le luxe de promettre officiellement d’intégrer pacifiquement les Arméniens du Karabagh à « l’État multinational » azerbaïdjanais. Mais il le fait en affirmant qu’il poursuivra et condamnera tous les « terroristes » ayant eu maille à partir avec les autorités séparatistes. C’est-à-dire en soi potentiellement l’ensemble de la population arménienne du Karabagh.

De toute façon, il suffit de suivre, ne serait-ce que quelques minutes, n’importe quelle chaîne ou média d’information lié au régime pour se faire une idée de ce que valent ces engagements, au vu de la propagande nationaliste, brutalement militariste, jouant sur la fibre du pantouranisme, pour subjuguer les masses azerbaïdjanaise dans la nasse d’une haine délirante contre les Arméniens.

De leur côté, les autorités arméniennes du Karabagh comme de l’État arménien en tant que tel n’ont rien été capable de faire en direction des masses turques, d’Azerbaïdjan ou même de Turquie. Tenues à bout de bras par la Russie, elles ont même encore jugé bon de jeter leurs dernières maigres forces pour tenter de se dégager de l’emprise de Moscou en se jetant aux pieds de l’Occident.

Il a été par exemple hallucinant de voir au début du mois de septembre le gouvernement arménien annoncer la programmation de manœuvres avec (mais c’est-à-dire sous le commandement de) l’armée des États-Unis, impliquant 175 militaires arméniens et 85 militaires américains, dans le cadre d’une opération de 10 jours, modeste mais significative, appelée Eagle Partner.

Cela au même moment où l’épouse de Nikol Pashinyan, Premier ministre arménien, a été vue à Kiev, où elle a participé a une rencontre des « premières dames et premiers gentlemen » soutenant l’Ukraine, organisées par la femme du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, alors que son mari prononçait un discours inédit déclarant très ouvertement que l’Arménie devait diversifier ses partenaires stratégiques et mettre fin à la dépendance envers Moscou

Ce rapprochement avec l’Occident, et notamment les États-Unis, est un alignement complet sur les « conseils » de American Armenian National Security Institute (AANSI), dirigé par le général, à la retraite, MacCarley et Appo Jabarian, dirigeant de médias arméniens à Los Angeles, qui a été très actif auprès des autorités dirigeantes de l’État arménien depuis le début du blocus azerbaïdjanais.

C’est d’ailleurs en plein déroulement de l’opération Eagle Partner que l’Azerbaïdjan a déclenché son attaque finale, forcément avec le feu vert de Moscou, qui n’a pas levé le petit doigt bien sûr. Exactement comme en 2020, c’est par le Karabagh que Moscou puni les autorités arméniennes.

C’est ainsi que meurt tragiquement la nation arménienne d’Azerbaïdjan, dont le Karabagh arménien était le dernier noyau. Nous avons été les seuls à documenter ce conflit, sur la base d’une juste compréhension de la période soviétique, et en particulier celle de la Grande Révolution, puis celle de l’URSS conduite par Joseph Staline, comme ayant été la seule expérience démocratique et unitaire, malgré des insuffisances, qui a permis l’existence et le développement de la nation arménienne d’Azerbaïdjan.

Il est en soi significatif que la clique des Alyev s’est installé au pouvoir dès les années 1960, profitant du révisionnisme pour tisser sa toile empoisonnée du nationalisme pantouranien et étrangler implacablement les Arméniens, jusqu’aux massacres génocidaires de Soumgaït et de Bakou, et jusqu’à la guerre de 2020 et la fin définitive de la nation arménienne d’Azerbaïdjan en septembre 2023.

On ne peut que sentir le cœur se soulever de voir l’immonde Ilham Alyiev, ce traitre à l’Azerbaïdjan démocratique, à genou embraser le drapeau des nationalistes azerbaïdjanais dans la ville de Stepanakert, débaptisée « Xanxendi » selon une fantaisiste toponymie raciste.

Rien que cet acte résume à quel point l’Azerbaïdjan est offensé dans son histoire par les pantouraniens comme Alyev : comme nous l’avons dit et répété, Stepanakert porte le nom du plus grand révolutionnaire d’Azerbaïdjan, Stepan Chahoumian, le « Lénine du Caucase », héros de la Commune de Bakou (1917-1918), que le réalisateur soviétique de nationalité géorgienne, Nikolaï Chenguelaia (1903-1943), a notamment célébré dans un film qui a fait sa notoriété : Les 26 commissaires.

On se demande qui peut parler sérieusement des peuples la Transcaucasie sans connaître justement les œuvres de ce réalisateur, dont les films illustrent si puissamment toute la charge démocratique de cette époque. Le film Elisso par exemple, aborde très justement la tragédie de la déportation meurtrière des Tcherkesses du Caucase en 1864, événement dont la brutalité ouvre dans le Caucase l’ère des impérialismes, dont le génocide des Arméniens en 1915 sera le paroxysme, mais non la fin.

En effet, sorti de la période révolutionnaire et stalinienne de l’URSS, l’histoire de la Transcaucasie comme proie des impérialismes se poursuit à nouveau, et se poursuivra aussi longtemps que ne se lèvera pas une nouvelle étoile rouge de la Révolution, balayant les magouilles impérialistes et les régimes nationalistes de la Caspienne à la mer Noire.

Et cela, il sera impossible de le faire sans les femmes. Qui connaît les Arméniens et leur mobilisation sait à quel point, y compris en France, l’engagement des femmes est déterminant, structurant, à la base même de toute organisation. En France, les mobilisations sont très largement organisées, structurées, élancées par des femmes, qui vont ensuite chercher des hommes pour exprimer, se mettre en avant, parler ou prononcer les discours.

De même, en Arménie et spécifiquement au Karabagh, les femmes ont tenu le pays. Pour prendre un exemple, n’importe qui connaissant Stepanakert et son marché a forcément discuté avec les femmes qui préparaient les succulents Jingalov hats, cette spécialité typique des Arméniens du Karabagh, dont les recettes sont l’objet de discussion effrénée et d’échanges enjouée entre familles, les femmes tenant les ficelles et le haut de la scène sur le sujet. On avait là un aspect significatif dont le pittoresque exprimait de manière touchante les ressorts de la psychologie des Arméniens du Karabagh en tant que peuple.

Ce sont aussi largement les femmes qui se sont impliquées dans la pacification du pays après la guerre de séparation avec l’Azerbaïdjan, s’occupant des enfants et des nombreux mutilés de guerre et surtout des innombrables blessés par les mines, très souvent encore les enfants. Le Karabagh reste un des endroits les plus minés au monde, et ce sont des femmes qui se sont formées pour identifier les zones dangereuses, les isoler et désamorcer petit à petit les engins une fois ceux-ci prudemment localisés.

Le Karabagh arménien a existé et tenu de manière objective par les femmes et leur engagement. Mais celles-ci n’étaient pas au poste de commande, leur vision du monde n’a jamais pu affronter celles des nationalistes qui tenaient les institutions et le pouvoir, et qui ont perdu le pays au bout du compte.

Sans participation des masses au pouvoir, sans femmes au poste de commande, rien ne tient, rien ne peut exister. Le Karabagh arménien est mort sous les coups des nationalistes pan-turcs criminels, qui paieront pour leurs crimes devant l’Histoire. Mais il est mort aussi de ne pas avoir su exister comme nation authentiquement populaire et démocratique. Il est mort de s’être laissé intoxiqué à ses propres illusions nationalistes, il est mort de s’être vendu aux uniformes bellicistes des nationalistes, qui ont infesté son imaginaire et sa culture en le coupant de ses autres peuples-frères du Caucase au lieu de cultiver les gigantesques acquis de l’expérience soviétique et le doux sourire de Nina (jouée par l’actrice Natalia Varleï) dans le film La prisonnière du Caucase, à la valeur si suggestive pour qui regarde le Caucase et ses peuples avec le cœur.

Voici donc la situation maintenant que la nation arménienne d’Azerbaïdjan a été liquidée :

  • La Russie a envoyé un message clair aux autorités arméniennes : l’Arménie sera écrasée par l’Azerbaïdjan sans que Moscou ne bouge si les Arméniens ne reviennent pas immédiatement et complètement dans l’orbite russe. Tout rapprochement avec l’Occident, et notamment avec les États-Unis sera vu comme une provocation, avec l’idée aussi que l’Occident n’interviendra pas de toute façon en faveur de l’Arménie.
  • L’Azerbaïdjan a satisfait une partie importante de ses objectifs, profitant du rapprochement de l’Arménie avec l’Occident pour intervenir de manière écrasante avec l’assentiment de Moscou au Karabagh, et cela avant que l’hiver ne transforme le blocus arménien en catastrophe humanitaire. Car c’est là ce sur quoi l’Arménie comptait pour prendre prétexte à une intervention humanitaire de l’Union européenne, et notamment de la France, avec la bénédiction de Washington, qui se serait ainsi implantée dans la région au détriment de Moscou. Le coup est stratégiquement une leçon d’opportunisme, puisque Bakou réussi à occuper un Karabagh vidé sans violence directe de sa population civile, en se débarrassant de Moscou et en empêchant les Occidentaux éventuellement d’y prendre pied, tout en étant soutenu militairement et économiquement par l’Occident et ses alliés, notamment l’État d’Israël.
  • L’Occident échoue a prendre pied dans la région, à l’exception relative des États-Unis, mais continue à entretenir une pression sur l’Azerbaïdjan et indirectement sur la Turquie afin de clarifier de manière conflictuelle les divergences d’intérêts entre ces États et l’Occident sous hégémonie américaine, dans la perspective du conflit gréco-turc qui est la ligne de mire occidentale dans le secteur. La seule place de l’Arménie dans ce dispositif est de ne pas être un complet satellite de Moscou et de rester au maximum possible un coin dans l’expansion turco-azérie, au moindre coût pour les Occidentaux.
  • L’Iran dévolue à l’Arménie finalement le même rôle stratégique de coin à l’expansion turco-azérie, à laquelle elle s’oppose pour d’autres raisons. Pour l’Iran, la ligne rouge est la question du Syunik, qui s’ouvre directement désormais, c’est-à-dire la revendication de l’Azerbaïdjan à ouvrir a minima un corridor à travers cette région arménienne vers son enclave du Nakhitchevan, afin de se relier quasiment directement à la Turquie, voire à annexer cette région, peuplée de 100 000 habitants, selon un scénario de l’étranglement identique à celui du Karabagh. Toutefois, l’Iran a décidé d’ouvrir en octobre 2022 un consulat général, inauguré par Hossein Amir-Abdollahian, le ministre des affaires étrangères en personne, à Kapan exactement sur la route imaginée de ce futur « corridor » par le régime d’Azerbaïdjan. En alternative à celle-ci, l’Iran a même proposée que le « corridor » soit construit sous son contrôle, en passant par le territoire de l’Iran et non de l’Arménie, ce qui permettrait à l’Iran à la fois de garantir le rôle de glacis sacrificiel à l’Arménie, tout en contrôlant directement les échanges turco-azéris.

Pour ce qui est de la France, à part s’aligner sur les États-Unis en soutenant l’Arménie de par son propre appareil de propagande orientaliste, autant dire qu’elle est inexistante. Le régime arménien compte, ou comptait, un peu quand même sur son engagement, dans le cadre de l’Union européenne, au moins pour une intervention humanitaire au Karabagh, qui n’aura pas lieu désormais.

Mais de toute façon, l’empressement français est très relatif. On n’a même pas vu ne serait-ce que quelques propositions d’accueil ou d’envoi d’une aide humanitaire sérieuse pour les plus de 100 000 réfugiés du Karabagh. On se dit tout de même qu’il est bien loin le temps du romantisme du Moussa Dag.

Mais qui, même dans la Gauche française, comprend sérieusement cette question ? Qui l’a sérieusement étudié, et publié des analyses démocratiques sur ce sujet ?

Par contre, la France a promis une aide militaire, dans l’opacité la plus totale, puisque le conflit gréco-turc, que le régime de France a clairement en ligne de mire, n’est pas encore ouvert. À ce stade, il s’agit encore de poser des jalons, mais des jalons dans l’escalade. L’Arménie est écrasée au Karabagh pour les intérêts de la Russie ? Préparons la à un nouvel écrasement, cette fois pour les intérêts de l’Occident.

Voilà la proposition de l’appareil militaro-industriel de l’État bourgeois en France à l’Arménie.

La tâche de la Gauche en France est d’organiser la vengeance des masses arméniennes du Karabagh, en organisant les masses françaises, notamment turques et arméniennes, sur une base démocratique dénonçant l’étau des haines nationalistes, terreau des guerres impérialistes de repartage du monde qui embrassent le Caucase et étranglent les peuples, en Ukraine, en Arménie, en Palestine… et bientôt encore ailleurs aussi longtemps que les masses ne lèveront pas le drapeau rouge.

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Rapport entre les classes

L’inflation comme moyen de pression capitaliste

La grande actualité économique de l’année 2023 est évidemment l’inflation. Celle-ci est gigantesque, particulièrement si l’on regarde en détail les postes de dépenses majeurs des familles : logement, énergie, alimentation, carburant.

L’indice des prix à la consommation de l’INSEE en France donne environ 5 % d’inflation sur un an en septembre 2023. Mais ces chiffres sont donnés de manière statistique et pondérée, en incluant une grande variété de choses. Cela ne donne qu’une idée vague de la réalité et cela minimise en général la pression financière réelle pour les familles les plus modestes, et même celles au niveau de vie moyen.

Il faut donc regarder plus en détail pour voir apparaître la réalité. Celle-ci est brutale, marquant un changement évidemment d’époque et de situation.

En septembre 2023, les prix des produits de grande consommation vendus dans la grande distribution augmentent de 10,2 % sur un an. C’est une pression constante : +14,6 % en mai, +10,9 % en août, +12,5 % en juillet, +13,8 % en juin…

En considérant l’ensemble des points de vente (pas uniquement la grande distribution), les prix des produits de grande consommation en septembre 2023 sont en hausse de 10,3 % sur un an, après +11,2 % en août.

En ce qui concerne les loyers pour le logement, les augmentations sont plafonnées par la loi à 3,5 % (ce qui est déjà beaucoup) ; sans ça, ce serait la catastrophe pour les locataires. Dans une ville comme Paris, un ouvrier ne peut tout simplement pas se loger, à moins d’accéder à un HLM.

Il en est de même pour le carburant, dont l’augmentation à été plafonnée par l’État en dessous des deux euros par litre, pour éviter des envolées stratosphériques, qui se produiront quand même à un moment.

En ce qui concerne l’électricité (la plupart des familles en France se chauffent et chauffent leur eau chaude à l’électricité), la facture va être salée pour l’hiver : les prix ont augmenté de 10 % en août 2023.

Mais pour les familles qui se chauffent au gaz, la situation n’est pas meilleure : l’augmentation est de 15 %, et encore cela est-il freiné par l’État.

Il est souvent expliqué que tout cela est la faute des Russes avec la guerre en Ukraine, ou encore de la pandémie de Covid-19. En réalité, ce sont les grandes entreprises, qui sont des conglomérats monopolisant leur secteur d’activité, qui mettent une pression gigantesque sur les prix.

Il y a une pression pour maintenir ou développer des marges immenses et garantir un niveau de vie très élevé à toute une armée de cadres dirigeants. On parle ici de millions de gens vivant dans des grandes appartements et des grandes maisons, roulant dans de grosses voitures, dépensant sans compter dans le luxe, les restaurants, les voyages, etc.

Il ne s’agit pas ici de faire dans la caricature et le populisme anti-riche de bas étage, mais bien de décrire la réalité. C’est de cela qu’il s’agit : la pression sur les prix pour les familles est inversement la possibilité de revenus immenses pour tout un tas de gens déjà riches.

Pour comprendre les choses plus en détail, on peut aller lire du côté des communistes du PCF (mlm) une analyse poussée et scientifique de la question, avec la nouvelle série d’articles « Karl Marx et l’inflation ». Il est expliqué comment les monopoles exercent et maintiennent une pression artificielle sur les prix.

« L’exemple le plus fameux de hausse artificielle est naturellement Apple, dont les produits voient leur prix ne cesser de croître, sous prétexte d’améliorations plus ou moins fictives. L’inflation s’appuie clairement sur un marché captif et la mode sert de masque pour un « progrès » provoqué artificiellement.

Ce phénomène est présenté par certains philosophes, dont Martin Heidegger est le plus connu, comme une conquête du monde par la technique. La technique envahirait la société humaine et la déformerait. En réalité, c’est l’idéologie de la technique qui est à l’œuvre, avec des modifications artificielles ou relevant de la mode pour « justifier » une inflation.

Et il y a une dimension commerciale dans la démarche qui consiste très clairement en une régression. Ce jeu sur la hausse des prix reflète une tendance au monopole associé à une logique commerciale, ce dont tout le monde s’aperçoit bien – et cela montre que d’un côté on est arrivé au monopole, et qu’en même temps le capitalisme ramène en arrière, à une logique féodale d’arrachage forcé.

Le capitalisme est mûr pour l’effondrement, à un tel stade. »

En 2023, les Français sont loin d’être pauvres. Ils ont une marge gigantesque avant de se soucier réellement de devoir se nourrir et se chauffer. Il n’en reste pas moins que le niveau de vie baisse et va baisser drastiquement. La grande promesse capitaliste de la consommation à outrance pour tous s’effrite très clairement.

On ne va pas regretter le vieux monde. Qu’il s’effondre ! Tant mieux ! Mais soyons clairs : ce sont les prolétaires ayant cru en les mirages capitalistes, avec leur pavillon de banlieue (ou de campagne devenue banlieue), leur deux voire trois voitures par foyer… qui vont payer l’addition. Et plus ils seront dans l’amertume, pour ils se tourneront vers le nationalisme et les fausses promesses populistes (de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen), et moins ils s’en sortiront.

C’est tout qui est à revoir, et pas seulement les salaires pour compenser l’inflation. Il faut chambouler la vie quotidienne, il faut renverser les grands monopoles du capitalisme. Pour cela, il faut des mentalités nouvelles, assumant ouvertement le Socialisme. Et c’est historiquement inévitable !

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Refus de l’hégémonie

Joe Biden en Israël contre Vladimir Poutine en Chine

L’actualité mondiale est la conquête de l’hégémonie de la part des grandes puissances. Cela donne en pratique une guerre larvée, d’influence, en plus des théâtres strictement militaires en Ukraine, en Arménie ou en Palestine. Le 18 octobre 2023 était un jour particulièrement marquant pour la grande bataille pour le repartage du monde, avec le dessin toujours plus net de deux grands blocs opposés.

Le premier, celui mené par la superpuissance américaine, tente de maintenir à tout prix ses acquis et ses positions. C’est pour cela que le président américain Joe Biden était en Israël, afin d’y affirmer son autorité au Conseil de guerre israélien.

Pour la forme, il est fait comprendre que les États-Unis soutiennent fermement Israël… et que ce dernier lui est soumis stratégiquement. Joe Biden a dit :

« À la suite de l’attaque terroriste du Hamas, qui était brutale, inhumaine, inimaginable, ce conseil s’est rassemblé, solide et uni. Je veux que vous sachiez que vous n’êtes pas seuls. Comme je l’ai déjà souligné, nous continuerons de soutenir Israël, alors que vous travaillez à la défense de votre peuple. Nous continuerons de travailler avec vous et les partenaires régionaux pour protéger des civils innocents d’autres tragédies. »

Israël est concrètement une base américaine au Proche-Orient, une base militaire, mais aussi politique et culturelle. Tout doit se définir par là. Alors Israël est prié de ne pas trop faire de vague, pour assurer les intérêts américains.

En début de semaine, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken avait déjà assisté à l’intégralité du Conseil de sécurité israélien… qui s’était déroulé en bonne partie en anglais, et pas en hébreu moderne. Jamais un pays réellement indépendant ne pourrait accepter une telle supervision, bien entendu.

Et mercredi 18 octobre, pour affirmer sa main-mise, Joe Biden a expliqué notamment qu’il fallait l’entrée d’une aide humanitaire dans la bande de Gaza « au plus vite ». Il veut surtout limiter au maximum la portée politique néfaste mondialement d’un massacre de masse de la part d’Israël à Gaza.

L’armée américaine, qui a fait de grosses livraisons d’armes et de systèmes militaires à Israël, est donc sur le qui-vive dans la région pour faire en sorte que tout reste sous contrôle… et assumer l’escalade au besoin, mais selon les intérêts américains.

Après s’être rendu à Tel-Aviv, Joe Biden devait se rendre à Amman, en Jordanie pour y rencontrer le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ainsi que le roi Abdallah de Jordanie et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.

Il s’agit là de pays et d’une entité largement alignés en pratique sur les États-Unis, mais qui peuvent vite vaciller dans le contexte international. Et que s’est-il passé justement ? La visite a été annulée au dernier moment, officiellement en raison de l’explosion meurtrière survenue l’avant-veille sur le parking de l’hôpital al-Ahli, à Gaza. Il y a eu plusieurs centaines de morts et blessés graves selon le Hamas, quelques dizaines selon l’Union européenne.

Il y a eu tout un battage médiatique mondial pour accuser Israël, alors qu’en pratique l’attaque dans ces conditions d’une telle cible n’était pas cohérente. Israël explique de son côté qu’il s’agirait d’un tir de roquettes (ciblé ou manqué) de la part des brigades al-Qods, c’est-à-dire la branche armée du Djihad islamique palestinien (JIP), une organisation plus ou moins concurrente du Hamas (et liée à l’Iran, bien que sunnite).

Ce qu’il se passe en tous cas, c’est que les forces réactionnaires du monde arabe poussent de manière forcenée pour provoquer coûte que coûte un embrasement et se servent allégrement de cette tragédie autour d’un hôpital. Il y a notamment d’importants remous à Ramallah en Cisjordanie.

Pendant ce temps, la Chine assumait toujours plus clairement et ouvertement sa concurrence au bloc américain. Le 18 octobre 2023, elle recevait encore une fois Vladimir Poutine, le président russe. En l’occurrence pour des questions économiques, mais il a été rabâché à quel point les deux pays sont alignés, s’entendent sur les questions mondiales et veulent continuer leurs coopérations internationales.

Le président chinois a particulièrement insisté sur le « partenariat stratégique global de coordination sino-russe », expliquant que celui-ci est fondé sur un bon voisinage durable et une coopération mutuellement bénéfique, avec un engagement à long terme.

Le président russe a expliqué de son côté que :

« l’évolution du paysage international prouve pleinement le jugement stratégique du président Xi selon lequel le monde subit des changements sans précédent depuis un siècle. La Russie est prête à travailler avec la Chine pour renforcer la communication et la coordination au sein des BRICS et d’autres mécanismes multilatéraux, défendre le système international fondé sur le droit international et promouvoir la construction d’un système de gouvernance mondiale plus juste et équitable. »

Bien entendu, il a été question de la situation palestino-israélienne. Vladimir Poutine n’y est pas allé de main morte pour critiquer indirectement les États-Unis soutenant Israël, en leur opposant la création d’un État palestinien totalement « souverain et indépendant » et « avec Jérusalem comme capitale ».

Le même jour, mercredi 18 octobre 2023, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov arrivait à Pyongyang en Corée du Nord pour deux jours et la Chine recevait les présidents du Kenya, du Nigeria et de l’Indonésie. La veille, elle recevait les dirigeants de Hongrie, du Chili, d’Éthiopie et du Kazakhstan.

La situation mondiale se tend clairement drastiquement, la guerre mondiale se dessine toujours plus nettement avec la concurrence pour l’hégémonie des deux grandes superpuissances que sont les États-Unis et la Chine (et son premier allié la Russie).

Rien n’échappe à la satellisation par les deux superpuissances à moins d’une ligne d’indépendance, fondée sur les principes de la Gauche historique. On n’y est pas, nulle part, et il le faut pourtant à tout prix pour indiquer le vrai chemin à suivre !

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Événements significatifs

Hamas, Arras: la spirale négative et comment s’en protéger

La France était sous le choc à la suite des événement à Gaza, à la suite de l’offensive du Hamas contre Israël qui a tourné au massacre de civils (en filmant et en diffusant les vidéos sur les réseaux sociaux, y compris des assassinés). Et voilà que le 13 octobre 2023, un jeune d’origine tchétchène se rend dans son ancien lycée d’Arras pour poignarder des enseignants en criant « Allah Akbar », en tuant un, en blessant grièvement deux.

C’est un événement marquant de plus, qui est de la même ampleur que « Je suis Charlie » et que le massacre au Bataclan. La société française est touchée dans toute sa profondeur, en raison de son histoire. La lutte de 2023 contre la réforme des retraites n’avait par exemple qu’effleuré la surface de la société ; pour les gens, c’était important, et pourtant une anecdote historiquement.

Là, avec tout ce qui se passe, c’est très différent. C’est une question de civilisation et les masses savent très bien que ce n’est pas une question de religion. C’est une question d’effondrement des valeurs. Le capitalisme triomphant fait se dissoudre tout principe dans le relativisme et partout les monstres s’infiltrent, pratiquant le cannibalisme social. Monopoles d’un côté, éléments anti-sociaux de l’autre : le peuple subit les coups des uns et des autres.

L’arrière-plan du meurtrier est d’ailleurs sans ambiguïtés : on est typiquement dans l’effondrement moral, administratif, politique français. Voici comment Europe 1 présente la chose :

« Fiché S, âgé de 20 ans, d’origine tchétchène et arrivé en France en 2008… Plusieurs heures après l’attaque au couteau dans un lycée d’Arras, qui a tué un professeur et blessé trois autres personnes, le profil de l’assaillant et de son entourage se dessine. Et alors que son frère avait été interpellé à l’été 2019 dans le cadre d’un projet d’attentat déjoué, sa famille, alors assignée à résidence, aurait même pu être expulsée en 2014.

Selon un document qu’Europe 1 s’est procuré, le cabinet de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, avait décidé d’annuler la rétention de la famille Mogouchkov. Cette dernière, composée d’un couple et de cinq enfants, était assignée à résidence dans un foyer de La Guerche-de-Bretagne, au sud de Rennes. La police aux frontières s’y était rendue le 18 février 2014 à 6h du matin pour les conduire à l’aéroport de Saint-Jacques-de-la-Lande, près de Rennes, où un avion spécialement affrété attendait la famille, direction la Tchétchénie.

Mais la procédure avait suscité un tollé dans les rangs de plusieurs associations de défense des sans-papiers. Le parti communiste français (PCF) s’était également fendu d’un communiqué de soutien à la famille Mogouchkov. « Que de moyens gaspillés pour saboter la vie d’une famille ! »

Tout cela fournit des points à la Droite, mais la Droite n’est plus la Droite : la France est devenue un satellite américain et il n’y a même plus de bourgeoisie française à prétention gaulliste. La seule chose qui compte politiquement en France, c’est de savoir comment gérer une population occidentale cherchant à garder ses privilèges, y compris à travers le social-impérialisme. Tous les partis et dirigeants, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, soutiennent l’armée française dans son intégration à l’Otan, assument l’Union européenne comme vaste satellite américain, acceptent la guerre de conquête contre la Russie (et demain la Chine).

Il n’y a donc aucun espoir politique à attendre. La société française va continuer à péricliter. Le mélange LGBT cosmopolite et repli nationaliste-communautaire va perdurer, exactement comme aux États-Unis.

Et là n’est pas le vrai enjeu. La vraie alternative, c’est Socialisme ou barbarie. Ce dont on a besoin, c’est de porteurs de civilisation, de gens annonçant le futur inévitable qu’est le Socialisme. Il faut laisser le passé au passé. Ce passé est tellement passé qu’il s’entre-dévore, afin d’empêcher qu’on arrive au futur !

On ne peut pas comprendre autrement le Hamas qui massacre un festival techno. On aurait dû voir une offensive portée par la Gauche palestinienne, unifiant sur une base démocratique les masses travailleuses ; au lieu de cela, on a la fuite en avant dans le massacre et la folie fondamentaliste.

Telle est la division : entre le passé et le futur. Et il ne faut pas se faire piéger par ce passé qui s’entre-dévore ! C’est le seul moyen de se protéger de la spirale négative du capitalisme en crise !

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Événements significatifs

L’opération du Hamas du 7 octobre 2023

Étant donné que la crise est mondiale, aucune zone de la planète n’est à l’abri, et tous les points brûlants cèdent en premier. Il y a eu l’Ukraine, dans un conflit militaire annoncé ici plus de six mois avant son déclenchement. Il y a eu l’affrontement entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, dont nous avons parlé de manière approfondie, et qui est loin d’être terminé d’ailleurs. Il y aura Taïwan demain.

L’évènement du 7 octobre 2023, c’est l’offensive du Hamas depuis la bande de Gaza. L’État israélien a été pris par surprise, perdant un prestige déjà largement entamé. En fait, le monde entier a été pris par surprise, comme il le sera encore à l’avenir, alors que craquent toujours plus de zones.

Car plus rien ne tient. Il faudrait être bien fou justement pour croire que ce qui se passe, c’est une révolte armée palestinienne contre une occupation sioniste. Il y a bien entendu des gens en France pour imaginer une telle fiction, parce que cela correspond au film qu’ils se font. Mais ce qui se passe, c’est un craquage généralisé de tout ce qui existe, parce que les fondements de ce qui existe sont sapés par la crise.

Le Hamas est en effet un véritable reste du passé. C’est une organisation islamiste à l’ancienne, avec un style datant des années 1980-1990, qui a été portée par les forces féodales palestiniennes et du Moyen-Orient en général, avec l’appui tacite de l’État israélien qui voyait d’un bon œil l’affaiblissement de la Gauche palestinienne, si puissante dans les années 1970.

Le résultat pour les années 2000, c’est une OLP disposant en Cisjordanie d’une « autorité » bureaucratique vendue à l’Occident, alors que le Hamas s’installait en 2007 dans la bande de Gaza.

Gaza, c’est une bande de terre isolé du monde, 365 km² avec deux millions de personnes, dont une partie significative dans des camps de réfugiés. L’État israélien pratique un blocus et mène des frappes répressives quand il l’entend. Le Hamas brise toute valeur progressiste avec sa dimension féodale.

Tout le monde s’attendait donc à ce que le Hamas végète sur ce territoire. Et voilà qu’il lance une vaste opération le 7 octobre 2023, avec au moins 2000 roquettes lancées sur le territoire israélien et de multiples commandos d’infiltration. L’État israélien, qui se la joue si assuré et invincible, a été débordé et voyant au moins une centaine de personnes tuées de son côté, des soldats enlevés, des bases attaquées. Il a déclaré l’état d’urgence civile et commencé des représailles militaires.

Pourquoi tout cela, réellement ?

Parce que l’État israélien est décadent. La société israélienne n’a jamais été unifiée, le sionisme a disparu comme idéologie pour devenir le support d’un nationalisme religieux.

Parce que le Hamas, une force en perdition, précipite les choses exactement comme la Russie l’a fait, afin de sauver sa peau pour la suite des événements.

Il faut être d’une naïveté confondante pour croire le Hamas qui parle de moment décisif pour la libération de la Palestine, appelant tout le monde (c’est-à-dire uniquement les hommes) à prendre les armes, tous les Palestiniens à se lancer dans la bataille générale, etc.

C’est de la fiction, une mobilisation artificielle qui a comme but de faire que « tout change pour que rien ne change ». Exactement comme la Russie lorsqu’elle parle de défense de la civilisation pour l’avenir dans sa guerre avec l’Ukraine, alors que son objectif est simplement de maintenir le statu quo dans un monde en transformation.

En ce sens, l’initiative du Hamas est réactionnaire et pour cette raison elle n’aboutira à rien. C’est tout sauf une guerre du peuple. Si au moins on pouvait penser que cela aiderait les masses palestiniennes dans leur existence, mais celles-ci sont uniquement de la matière première pour que le Hamas perpétue son existence.

L’État israélien va d’ailleurs lui-même être obligé de précipiter les choses afin de sauver sa propre peau pour l’avenir. Les réactionnaires sont obligés de prendre l’initiative – et tout va être de pire en pire, il ne faut pas se leurrer !

On paie ici l’énorme retard historique des masses mondiales par rapport aux exigences historiques, et ce sont elles qui vont en payer l’horrible prix. Quel enfer, en 2023, de voir que les opposants sont la superpuissance américaine et la superpuissance chinoise, la Russie et l’Ukraine, le Hamas et l’État israélien !

Le vieux monde s’entre-déchire pour se maintenir dans la prochaine phase, alors que l’actualité devrait être la révolution mondiale !

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Rapport entre les classes

La France bientôt en faillite

L’heure est particulièrement grave pour les finances françaises, malgré l’incroyable silence médiatique. Non seulement la dette publique est abyssale (3 000 milliards d’euros au 31 mars 2023, selon l’Insee), non seulement la France produit moins de richesses que ce qu’elle doit à ses créanciers (la dette représente 112,5 % du PIB), mais en plus la France va avoir de plus en plus de mal à emprunter de l’argent pour faire face à ses dépenses.

Plus précisément, emprunter de l’argent coûte de plus en plus cher à l’État français. On parle de taux d’intérêt, dont la référence est l’obligation (OAT) à 10 ans (l’État emprunte une somme qu’il doit rembourser dans 10 ans). Jusque récemment, encore en 2021, il était systématiquement mis en avant des taux d’intérêt négatifs (une bizarrerie technique du système financier moderne) pour justifier tout et n’importe quoi. C’est maintenant de l’histoire ancienne.

En septembre 2023, le taux d’intérêt des obligations de l’État français à dix ans est de 3,3%, alors qu’il était de – 0,4% en janvier 2021. En deux ans et demi, cela fait une augmentation de 3,7 points. C’est littéralement un krach qui se dessine sous nos yeux. Il ne faudrait surtout pas s’imaginer pouvoir se rassurer en comparant avec les taux d’intérêt au 20e siècle (qui étaient plus élevés) : à l’époque, la France (et le capitalisme en général) ne vivait pas autant à crédit. La France n’a jamais été aussi dépendante que maintenant des marchés financiers.

Cela d’autant plus que la France n’est pas seule : elle est empêtrée dans la zone euro avec certains voisins tout aussi en difficulté, notamment en Italie, où le taux d’intérêt à 10 ans est de 4,5 %. Même en Allemagne, dont les comptes publics sont bien plus stables (et positifs), l’heure n’est plus à la fête au crédit. Finis les taux d’intérêt négatifs, l’Allemagne emprunte maintenant à 10 ans à 2,75 %.

Il faut bien se souvenir qu’il y a encore quelques mois, il a été rabâché qu’il n’y avait pas de crise, que les dettes des États européens n’étaient pas un problème, que ceux-ci étaient suffisaient solides pour emprunter de l’argent indéfiniment, et que d’ailleurs emprunter de l’argent ne leur coûtait rien. Mensonge !

La situation ne va faire que s’aggraver durant les prochains mois. L’inflation, qui plombe littéralement le capitalisme, est immense : proche de 6 % en France (et encore plus si l’on regarde uniquement l’alimentaire, qui est le véritable étalon). Cela n’aide en rien, et surtout cela empêche la Banque centrale européenne d’intervenir en trafiquant l’économie.

Jusqu’à présent, elle intervenait en baissant ses taux directeurs (les taux auxquelles les banques lui empruntent de l’argent, qui définissent ensuite directement tous les autres taux). Sauf qu’avec l’inflation, la Banque centrale européenne est piégée : si elle continue d’intervenir comme avant (avec des taux bas ou négatifs), elle fabrique encore plus d’inflation (en inventant de l’argent magique). Alors elle maintient et va maintenir des taux directeurs hauts (en tous cas plus élevés que ces dernières années), ce qui va continuer à pénaliser les États dans leur capacité de financement sur les marchés.

Le taux directeur de la BCE est supérieur à 4 % en septembre 2023, alors qu’il était encore à zéro il y a un peu plus d’un an. Personne n’imaginait une telle évolution il y a un an, alors que la BCE prétendait encore que l’inflation se stabiliserait. Fumisterie ou incompétence ? Toujours est-il que l’heure est grave pour le capitalisme, avec un risque de faillite généralisée de plus en plus évident.

La plus grande menace d’ailleurs vient de la contradiction existant au sein de la zone euro, avec d’un côté des pays en crise, mais avec des finances maîtrisées (l’Allemagne surtout), de l’autre des pays en crise et avec des finances totalement dans le rouge. Cet écart, qui se reflète surtout dans la capacité des États à emprunter de l’argent, crée un déséquilibre mortel pour la zone euro. On parle de spreads pour mesurer l’écart entre les différents pays : ceux-ci sont scrutés de près par les économistes (et surtout par les acteurs du marché financiers), car ils indiquent la cohérence économique, la stabilité, de la zone euro. Les spreads, notamment entre l’Allemagne et l’Italie, mais aussi entre l’Allemagne et la France (qui sont le moteur de l’Union européenne) montrent une zone malade et incohérente, avec un mélange de pays encore riches et relativement solides, et d’autres de plus en plus faibles, avec une économie (donc ici une capacité d’emprunt) relevant de plus en plus clairement du tiers monde.

De manière tout à fait pragmatique, les investisseurs, dont dépendent les États, se demandent maintenant jusqu’où les pays “sérieux” de la zone euro vont continuer à soutenir les pays malades. A l’époque de la crise de la dette de l’État grec, quand le pays avait été littéralement sauvé de la faillite par l’Union européenne (au prix d’une exploitation aggravée pour les travailleurs grecs), il s’agissait simplement de trouver 350 milliards d’euros. Aujourd’hui la dette publique italienne, c’est 2 800 milliards d’euros. La dette publique française, c’est 3 000 milliards d’euros. La donne n’est clairement pas la même.

Si la France était une entreprise, elle serait déjà en faillite. Elle va avoir de plus en plus de mal à trouver de l’argent pour assurer son train de vie monumental. Il suffit maintenant d’un rien pour que la machine déraille, comme nous l’avions vu depuis le début de la crise amorcée par la crise sanitaire de 2020. Les milliards d’euros tirés du chapeau pour sauver le capitalisme ne sont pas sans conséquence ; le système se retourne maintenant contre lui-même et est prêt à exploser.

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Vie quotidienne

Trois signalisations peu connues du Code de la route

Les « Zones de rencontre » sont de plus en plus présentes dans les villes, petites ou grandes. Elles sont censées permettre des zones de circulation « apaisées », selon la terminologie politique à la mode, sans pour autant devoir créer des zones strictement piétonnes.

Le décret d’application date de 2008, mais ces zones ont été très peu utilisées durant les années 2010. Elles ne se répandent que depuis les années 2020, mais très peu de gens en connaissent le sens, ainsi que le panneau assigné.

Il est pourtant facile à comprendre. De forme carrée, avec un fond bleu, il représente un piéton, puis un cycliste plus petit, puis une automobile plus petite, ainsi qu’une indication de limitation à 20 km/h. En général ce panneau est assez discret, de taille petite, placé en hauteur, ce qui fait qu’il est totalement ignoré par la plupart des usagers de la route.

Il indique pourtant quelque-chose d’essentiel, à savoir que dans la zone désignée, les cyclistes et les automobilistes doivent rouler à allure modérée et céder la priorité absolue aux piétons, qui sont littéralement autorisés à déambuler sur la voie. En principe, les cyclistes ont le droit de circuler dans tous les sens, du moment qu’ils cèdent la priorité aux piétons et ne roulent pas à plus de 20 km/h.

En principe également, les automobilistes doivent la priorité absolue aux cyclistes dans ces zones. En pratique, il est plus intelligent de s’en tenir à la règle habituelle de la priorité à droite, étant donné que tout le monde est censé rouler globalement à la même allure, de manière prudente.

Seul le tramway fait exception : lorsqu’il circule dans ces zones, il est prioritaire sur tout le monde, y compris les piétons.

Beaucoup de municipalités utilisent ce panneau avec une grande légèreté, c’est-à-dire sans mettre les moyens pour faire respecter en pratique les zones concernées, ni adapter les aménagements. Pire, il arrive bien souvent que ces zones ne soient pas strictement délimitées : les panneaux d’entrée ou de sorties peuvent manquer sur des voies adjacentes…

Refuser la priorité à un piéton dans une zone de rencontre expose un automobiliste à une contravention de 4e catégorie donnant lieu à une amende forfaitaire de 135€ et au retrait de 6 points sur le permis de conduire.

Une autre signalisation de plus en plus courante dans les villes, mais assez méconnue, est le « Panonceaux d’autorisation conditionnelle de franchissement
pour cycles (M12) ».

Il s’agit d’un triangle encadré en rouge, représentant en jaune un vélo et au moins une flèche directionnelle. On trouve ce panneau attenant à un bloc de feu de signalisation.

Sa signification générale est très simple à comprendre : lorsqu’il y a un feu rouge, les cyclistes ont l’autorisation de passer.

Toutefois, il faut connaitre ce panneau et sa signification plus en détail, pour en respecter l’esprit et ne pas se mettre en danger, ni mettre en danger autrui.

Premièrement, ce n’est pas un « laisser-passer » : les cyclistes ont le droit de s’affranchir du feu rouge du moment qu’ils cèdent le passage en respectant la priorité accordée aux autres usagers. Par exemple les automobiles qui arrivent de la gauche avec un feu vert, ou encore les piétons à un passage piéton.

Deuxièmement, il faut regarder les flèches présentes sur le panneau, qui désignent ce qu’il est possible de faire.

Avec une flèche à droite, le cycliste à le droit de s’engager sur la voie de droite, mais pas de traverser l’intersection.

S’il y a une flèche vers l’avant, alors seulement le cycliste est autorisé à franchir l’intersection sans respecter le feu rouge.

Voici les différentes variantes.

Depuis août 2020, un nouveau panneau existe afin de réserver une voie au covoiturage automobile. Il s’agit d’un petit losange blanc sur fond bleu.

C’est très simple à comprendre : lorsqu’il y a ce panneau, il est interdit d’emprunter la voie désigner si l’on est seul à bord de sa voiture.

Il est possible qu’il soit indiqué qu’il faille être au moins trois personnes à bord pour emprunter la voie.

L’interdiction peut être permanente ou intermittente. Dans ce cas, il y a soit un panneau activable et désactivable selon les moments, soit une tranche horaire et hebdomadaire clairement indiquée avec le panneau.

Ne pas respecter cette règle expose les conducteurs à une amende de 135 euros. 

Voici un extrait du Journal officiel présentant différentes variantes et forme de cette signalisation.

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Culture & esthétique

Les origines guerrières du sport

Le sport est une forme développée des jeux populaires traditionnels et des affrontements aristocratiques codifiés à l’époque féodale. Il existe de nombreuses continuités entre les sports d’aujourd’hui et ces activités, rien n’étant jamais créé ex nihilo

Une grande partie des sports actuels étaient d’abord des arts martiaux. Ils étaient liés à l’activité militaire, mais ont développé petit-à-petit une existence autonome avec une finalité propre, devenant des activités de délassement physique et morale raffinées, strictement codifiées et censées ne plus être dangereuses. 

L’escrime, sport français par excellence, a d’abord été enseigné pour la guerre. Il est devenu ensuite un art martial à mesure que son utilité militaire disparaissait avec le développement de la poudre pour les armes. Il était alors enseigné par des maîtres d’arme et pratiqué en duels.

À la fin du 16e siècle, le Roi Charles IX autorisa les « Maistres Joueurs et Escrimeurs d’Épée de Paris » à former l’Académie des Maistres en faits d’armes de l’Académie du Roy, ce qui va permettre à l’escrime de se structurer en France. Il deviendra un sport au 19e siècle avec la fin des duels et l’utilisation de protections dont le masque à grille ou encore l’utilisation du fleuret en combat (alors qu’il était réservé à l’entraînement). 

Les duels étaient des affrontements à l’épée devant témoin, convoqués par une personne s’estimant offensée. Les motifs pouvaient-être parfois futiles, parfois plus importants, mais les combats étaient normalement très codifiés. Ils pouvaient avoir lieu jusqu’au « premier sang » (le premier qui saigne perd) ou même jusqu’à la mort. Cette pratique était très courante au 16e siècle et a perduré en France jusqu’au 19e siècle, avec encore des centaines de morts par an en duel à cette époque. 

La pratique des duels était déjà une forme plus moderne et plus raffinés des joutes ou pas d’armes de la fin du Moyen-Âge. Ces derniers étaient eux-mêmes des combats issus des tournois de chevaliers.

Les tournois de chevaliers au Moyen-Âge donnaient lieu à de véritables épreuves physiques, se déroulant parfois sur plusieurs jours devant de nombreux spectateurs et avec des acteurs appréciés et ovationnés de manière assez proche des sportifs d’aujourd’hui.  

La savate, ou boxe française, se développe au 19e siècle également sur la base des duels, mais dans une forme plus raffinée et plus codifiée. C’est en quelque sorte l’escrime des pieds et des poings et cela permet des duels sans armes (donc plus discrets et moins risqués). L’intérêt est aussi de se défendre à tout moment, alors que l’usage du port de l’épée a disparu.

La boxe française est également devenue au fur et à mesure un sport, tout en continuant d’être un moyen de défense utile. Elle s’est cependant beaucoup effacée en France du fait de l’arrivée massive d’arts martiaux en provenance d’autres pays, notamment asiatiques. 

La savate, ou boxe française, développe pourtant un caractère national dans sa forme et ses usages. Elle se distingue par exemple fortement de la boxe anglaise, plus rude, moins fine. 

En France, l’armée a joué un rôle important pour le développement et la diffusion des techniques de combat et de la gymnastique, ce qui servira ensuite le développement et la diffusion du sport. 

L’intérêt des techniques de combat et de la gymnastique pour la préparation physique des soldats était évident pour le régime de Louis-Napoléon Bonaparte qui en 1852 ouvra l’École Normale Militaire de Gymnastique de Joinville, dans le bois de Vincennes à Paris.

Y furent mises au point des techniques d’assaut particulières, notamment de canne ou de bâton dont certaines sont toujours enseignées aujourd’hui dans les clubs de savate, ou boxe française, ainsi que dans les écoles de police. 

Après la défaite de 1870 face à l’armée prussienne, l’école se restructura et devint l’École Normale de Gymnastique et d’Escrime. En 1925 elle devint École Supérieure d’Éducation Physique puis s’émancipa des autorités militaires à partir des années 1930.

Elle changea plusieurs fois de nom avant devenir en 1975 l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance), toujours en activité, mais coupée de ses origines militaires. 

Parallèlement, pour garder une affiliation militaire au sport, fût formé dès 1956 le Bataillon de Joinville, célèbre pour avoir accueilli jusqu’à la fin du 20e siècle des milliers de sportifs de haut niveau pendant leur service militaire. Y sont passé des figures du sport français telles que Michel Platini, Alain Prost, Laurent Fignon, Henri Leconte, etc. 

Le bataillon de Joinville a été dissous avec la suspension du service militaire en 2003. L’armée française continue néanmoins d’accueillir des sportifs de haut niveau sous le statut de Sportifs de Haut Niveau de la Défense (SHND) sous l’égide du Centre national des sports de la Défense (CNSD) (qui est maintenant appelé « bataillon de Joinville » en référence à l’ancien bataillon, bien qu’il n’en soit plus un au sens strict). 

Il est parlé de « l’armée des champions ». Ces engagés doivent participer à quelques stages militaires mais disposent de l’essentiel de leur temps pour leur sport et sont rémunérés pour cela.

Ces sportifs ont surtout un rôle de représentation pour l’Armée, ils n’ont plus vocation à être des militaires au sens strict. Ils sont environs 200 sous contrat chaque année.

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Refus de l’hégémonie

La nature des Brics et le rôle central de la Chine

Le nom Brics vient de l’acronyme BRICS formé par les initiales du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud (South Africa) ; c’est une alliance informelle entre ces 5 pays, élargie à partir de 2024 à l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Argentine, l’Iran et l’Éthiopie.

C’est la Fédération de Russie qui est à l’origine de ce regroupement, en 2006, en marge d’une assemblée générale de l’ONU. Il y a eu ensuite différents jalons en vue des coopérations multilatérales entre ces pays se considérant au même niveau dans l’échiquier mondial : trop faible pour peser directement face aux puissances occidentales historiques, trop forts pour se contenter d’appartenir au tiers-monde.

Le premier véritable « sommet » des Brics n’eut lieu toutefois qu’en 2009, le 16 juin à Iekaterinbourg en Sibérie occidentale (et quatrième plus grande ville de Russie). La déclaration commune à l’issue disait avoir comme but de :

« promouvoir le dialogue et la coopération entre nos pays de manière progressive, proactive, pragmatique, ouverte et transparente.

Le dialogue et la coopération des pays BRIC sont propices non seulement à servir les intérêts communs des économies de marché émergentes et des pays en développement, mais également à construire un monde harmonieux de paix durable et de prospérité commune.

Le document expose une perception commune des moyens de faire face à la crise financière et économique mondiale. »

Cela ne souffre d’aucune ambiguïté : la volonté des Brics est d’exister de manière alternative à l’hégémonie de la superpuissance américaine. De par leur développement économique respectif, l’importance de leur population (plus de 40 % de la population mondiale) et la primauté de leurs ressources naturelles, ces pays entendent exister mondialement sans avoir à se soumettre aux États-Unis, mais tout en s’intégrant parfaitement dans la mondialisation capitaliste.

C’est pour cela que les Brics ne formaient pas, jusqu’au début des années 2020, une alliance formelle, de type militaire ou encore avec une intégration économique commune d’envergure. Il s’agissait normalement surtout d’une alliance de circonstance, pour peser et faire valoir leur puissance économique qui représentait en 2013 environ 27 % du PIB mondial.

La donne a toutefois changé depuis 2020. D’abord, il y a eu la crise sanitaire, qui s’est généralisée sur le plan économique, a changé la face du monde et chamboulé tous les rapports. Ensuite, il y a le conflit militaire en Ukraine, qui a accéléré la contradiction entre l’occident (sous domination américaine) et la Russie, créant un gigantesque clivage politico-diplomatique planétaire.

L’expansion potentielle des Brics

Surtout, la Chine s’est énormément développée durant les années 2010, devenant ouvertement une superpuissance challenger à l’hégémonie de la superpuissance américaine. Impossible dorénavant de considérer les Brics sans prendre en compte l’importance et le rôle de la superpuissance chinoise.

En fait, il faut même dire que l’existence des Brics, sa forme, ses discours, ses prétentions, intègrent totalement la stratégie chinoise d’hégémonie « alternative ». Voici le titre de l’allocution du président chinois Xi Jinping lors du 15e sommet des Brics à Johannesbourg en août 2023, où a été annoncée l’élargissement de l’alliance :

« Rechercher le développement par la solidarité et la coopération et assumer les responsabilités pour la paix. »

Ces mots choisis de manière très précise résonnent très fort dans tous les pays du tiers-monde, qui comprennent qui leur est proposé de suivre une autre voie que celle de la domination habituelle de la superpuissance américaine.

La Chine, particulièrement en Afrique, passe son temps à faire des accords économiques, acheter des terres, vendre des marchandises, proposer des appuis militaires, tout en prétendant ne pas du tout reproduire le schéma américain de domination.

Les Brics consistent essentiellement en ce support à la Chine dorénavant ; c’est une force d’appui à l’hégémonie « alternative » de la superpuissance chinoise. Voici ce qu’expliquait le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois à Johannesbourg le 24 août 2023, expliquant les propos de son président durant le sommet :

« Les pays des BRICS sont une force importante pour façonner l’échiquier international, a déclaré Xi Jinping.

Le fait que nous choisissons en toute indépendance nos voies de développement, défendons ensemble notre droit au développement et avançons ensemble vers la modernisation représente l’orientation du progrès de l’humanité et influencera certainement en profondeur le cours du monde, a-t-il affirmé.

La coopération des BRICS se trouve à un moment crucial pour ouvrir de nouvelles perspectives sur la base des accomplissements réalisés, a souligné le président chinois.

Suivant la tendance du développement mondial et répondant aux aspirations des peuples du monde entier, le président Xi Jinping a fait une proposition en quatre points sur la coopération des BRICS dans divers secteurs, traçant la voie à suivre pour une croissance saine et substantielle de la coopération des BRICS.

Nous devons approfondir la coopération commerciale et financière pour stimuler la croissance économique.

Nous, pays des BRICS, devons être des compagnons de route sur le chemin du développement et de la revitalisation, et nous opposer au découplage et à la rupture des chaînes d’approvisionnement, ainsi qu’à la coercition économique, a déclaré XI Jinping.

Nous devons étendre la coopération politique et sécuritaire pour maintenir la paix et la tranquillité, a-t-il ajouté.

Les pays du BRICS doivent maintenir le cap du développement pacifique, se soutenir sur les questions relatives à leurs intérêts fondamentaux respectifs et renforcer la coordination sur les grandes questions internationales et régionales.

Nous devons proposer nos bons offices sur les questions brûlantes, en encourageant un règlement politique, a affirmé Xi Jinping. Nous devons intensifier les échanges entre les peuples, promouvoir l’apprentissage mutuel entre les civilisations et préconiser la coexistence pacifique et l’harmonie entre les civilisations, a-t-il proposé.

Nous devons promouvoir le respect de tous les pays dans le choix indépendant de leur voie de modernisation, a ajouté Xi Jinping.

Nous devons défendre l’équité et la justice et améliorer la gouvernance mondiale, a-t-il noté. Les pays du BRICS doivent pratiquer un véritable multilatéralisme, défendre le système international centré sur les Nations Unies, soutenir et renforcer le système commercial multilatéral centré sur l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), et rejeter les tentatives de création de « petits cercles » ou de « blocs exclusifs ».

Nous devons faire avancer la réforme des systèmes financiers et monétaires internationaux et augmenter la représentation et le droit à la parole des pays en développement, a déclaré Xi Jinping. »

Les États-Unis, ainsi que tout le bloc occidental aligné sur la superpuissance américaine, sont directement visés. Il est fait allusion de manière très claire à la guerre en Ukraine entre l’Otan et la Russie ainsi qu’à la domination économique américaine au moyen du dollar et des embargos ou sanctions économiques. La République populaire de Chine prépare également très clairement le terrain en vue d’un affrontement direct avec les États-Unis sur la question de Taïwan.

Mais cela va plus loin que cela, car la Chine s’imagine pouvoir peser durablement et mise particulièrement sur le développement de l’Afrique au 21e siècle.

« En se concentrant sur le thème du sommet « Les BRICS et l’Afrique : Partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif », les dirigeants des cinq pays BRICS ont eu un échange de vues approfondi et sont parvenus à un large consensus sur la coopération entre les BRICS et les questions majeures internationales d’intérêt commun.

Les parties sont d’avis que les BRICS doivent renforcer leur solidarité, continuer à embrasser l’esprit d’ouverture, d’inclusion et de coopération gagnant-gagnant, accélérer l’expansion des BRICS, rendre le système de gouvernance mondiale plus inclusif, plus juste et plus équitable, et promouvoir la multipolarité dans le monde.

Les BRICS doivent se soutenir sur les questions concernant les intérêts fondamentaux de chacun et respecter les voies de développement choisies indépendamment par les pays et adaptées à leurs réalités nationales.

Les BRICS doivent contribuer à accélérer la réforme du système financier et monétaire international, augmenter la représentation et le droit à la parole des marchés émergents et des pays en développement, faire progresser le développement durable et promouvoir une croissance inclusive. »

Depuis Johannesbourg, avec l’élargissement à d’autres pays, il devient évident que l’alliance des Brics n’est plus un regroupement informel, secondaire et de circonstance ; c’est un outil de développement pour l’hégémonie de la superpuissance chinoise en concurrence avec la superpuissance américaine.

C’est aussi, voire surtout en ce qui nous concerne en France, le marqueur de la dégringolade de la puissance américaine et de la fin de l’occident ! Non pas qu’il faille croire en l’hégémonie chinoise qui serait « meilleure » (si tant est qu’elle puisse se réaliser d’ailleurs), mais il faut se réjouir et appuyer l’effondrement occidental ; ce sera là le salut de la Gauche, la vraie, pour un monde qui doit changer de base!

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Culture & esthétique

Le train du passé doit nous inspirer

Il faut absolument en finir avec l’ère de l’automobile. Les voitures détruisent tout : la santé, la vie, le climat, les animaux, mais aussi les villes et les campagnes, qui ont été entièrement remodelées à la fin du 20e siècle et au début du 21e siècle pour correspondre au modèle de la circulation individuelle anarchique voulu par le capitalisme.

L’été, avec ses épisodes réguliers de surcharge des routes le samedi, où cumulent facilement les 1000 km de bouchons sur tout le territoire, est à chaque fois un désastre. Cela sans compter les surcharges abominables des routes et des parkings dans les zones touristiques elles-mêmes. Il faut penser ici à la bande littorale du Pays-Basque, littéralement prise d’assaut par les flux automobiles.

Il est évident que le modèle de développement par le chemin de fer dans la première moitié du 20e siècle, jusque dans les années 1960, était bien plus efficace, correspondant à un niveau de civilisation plus élevé. Bien entendu, ce n’était pas un choix : c’était une conséquence de la réalité et de la pratique, et de l’élan industriel du 19e siècle. Cependant, il y avait une dynamique de fond.

Pendant l’été 1958 par exemple, rien que pour la région parisienne, la SNCF transportait 1,6 millions de jeunes pour les colonies de vacances partout dans le pays. C’était une véritable organisation de masse, planifiée et efficace. Cette dimension de masse est à la fois présente encore, et a totalement disparu.

En 2022, la SNCF a ainsi connu une année historique avec un bénéfice record de 2,2 milliards d’euros, dépassant celui de 2017 avec 1,5 milliards d’euros. C’est l’augmentation du nombre de billets vendus, permettant donc un meilleur remplissage des trains, qui en serait la cause. La SNCF affirme avoir transporté 14 millions de voyageurs durant l’été 2022.

Ce chiffre important, reste sans commune mesure avec le nombre de voyageurs par la route. De plus, il ne reflète pas du tout la qualité de service qui en vérité s’est dégradée. La SNCF profite essentiellement de voyageurs sur ses grandes lignes TGV, entre les grandes métropoles et les points touristiques les plus denses. Mais elle ne dessert pas du tout uniformément et efficacement le territoire.

Même depuis les grandes métropoles vers des villes touristiques intermédiaires, il est en fait difficile de se déplacer. Par exemple, les liaisons entre Nantes et Vannes sont très faibles, et très chères, alors que par contre la route départementale (deux fois deux voies) entre les deux villes est absolument bondée. Pareillement, passer une semaine estivale de randonnée dans les Alpes en se déplaçant uniquement en train découragera vite la plupart des gens qui préféreront la voiture individuelle, quitte à en louer une pour l’occasion.

Tel n’était pas le cas jusque dans les années 1950/1960 où l’offre ferroviaire était beaucoup plus importante, et surtout plus systématique, pour une population bien moins grande (45 millions d’habitants en 1960 contre 68 millions en 2023).

Il y a donc lieu de connaître et reconnaître l’héritage ferroviaire du pays, qui certes ne s’est pas évaporé, mais n’est pas devenu à la hauteur de ce qu’il devrait être. Et de ce qu’il sera !

Il existe justement parfois sur YouTube, dans les méandres des vidéos insipides et sans valeurs, des productions de qualité, mettant en valeurs des aspects en particulier. C’est le cas des vidéos de la chaîne de modélisme ferroviaire de Renaud Yver. Seulement 23 000 abonnés pour cette chaîne, alors que les pires imbéciles égocentriques et futiles en ont des millions…

Cette chaîne est très instructive et incontournable si l’on s’intéresse aux chemins de fers français au 20e siècle. Pour résumer, il profite d’un réseau d’un réalisme exceptionnel, autour de la gare fictive de Luzy, pour montrer le quotidien ferroviaire de l’époque. C’est ludique et inspirant.

Et c’est là qu’on se dit, en voyant ses vidéos : que de temps perdu en France, que de compétences perdues, avec toutes ces petites gares fermées, avec toutes ces petites lignes qui ne fonctionnent plus !

La vidéo « De l’Atlantique à Luzy », réalisé sur plusieurs réseaux ferroviaires amis, est très marquante à cet égard.

Si on réfléchi intelligemment, on comprend tout de suite que la combinaison du transport voyageur et de fret, pour relier des petites villes, est une solution d’avenir ! Que de temps (et de vie, et de nature) perdu avec le fret routier !

Mais c’est que le fret ferroviaire demande du temps, avec surtout une planification à grande échelle en amont. Ce n’est pas du tout le rythme du capitalisme, qui fonctionne à flux tendu, avec des acteurs atomisés et perdus au milieu de la concurrence.

Voici la vidéo « Luzy marchandises » qui montre très bien le rythme qu’est celui du fret ferroviaire. Tout ce qui est expliqué est réaliste et n’a en vérité pas beaucoup changé, notamment dans les termes utilisés.

Pour comprendre le fonctionnement du chemin de fer, il est indispensable aussi de regarder cette vidéo : « Le 505 est en détresse ».

On y apprend en détail, et de manière réaliste, comment il faut s’organiser pour secourir en toute sécurité une machine en panne. Là encore, la procédure n’a pas vraiment changé à notre époque.

Pour la culture historique, il faut également regarder la vidéo « Sabotage à Marhodieu ». Le chemin de fer était économiquement incontournable dans les années 1940 et le travail de sabotage du réseau par la Résistance contre l’occupant nazi a été très importante en France ; la vidéo en est un témoignage intéressant.

Pour se rendre compte de l’importance et de la qualité du travail nécessaire à la réalisation d’un réseau ferroviaire de ce niveau, on trouve également sur la chaîne de nombreuses vidéos explicatives, en mode « tuto ».

Même quand on n’est pas intéressé par la construction d’un tel réseau, cela est plaisant à regarder. Il s’agit surtout d’ingéniosité et de simplicité, qui donnent avec application de grands résultats !

Se tourner le train est vraiment important. Le train façonne un pays. Et si l’on veut un contre-exemple le montrant bien, il suffit de prendre le Mexique et la Colombie avec leurs narco-trafiquants. Dans ces deux pays, il n’y a pas de trains de voyageurs. C’est donc le règne de la voiture (et des cars), avec les embouteillages et l’esprit individualiste qui va avec.

Il y a une véritable réflexion à avoir à ce sujet : un pays sans maillage ferroviaire peut-il réellement être organisé, planifié? Dans quelle mesure le train est-il un vecteur essentiel de la civilisation?

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Nouvel ordre

L’avenir de la circulation passera par le train

C’est une question de civilisation.

Dans l’avenir, on peut gager sans risque, et tout particulièrement en France qui a déjà une certaine tradition en la matière, que le train aura une place centrale dans la circulation des personnes et des marchandises.

A grande échelle, il n’y a pas de moyens de transport terrestre aussi efficace que le train. Il a joué un rôle historique pour le développement de la société, par le capitalisme. Mais le capitalisme l’a relativement mis de côté, au profit des voitures et des camions, bien plus conformes finalement aux exigences du capital (pas de planification, fonctionnement en flux tendu, atomisations des acteurs économiques, privatisation des intérêts, aucune considération pour la planète et la santé de la population, etc.).

C’est tout le problème du capitalisme, qui favorise des solutions individuelles, alors qu’il faut en réalité des moyens collectifs. Il est plus naturel pour lui de se tourner vers la circulation routière, qui laisse les gens seuls face à leur besoin de se mouvoir.

Besoin d’ailleurs accru par l’existence d’une contradiction entre la ville et la campagne, qui force beaucoup de personnes plus éloignées des cœurs économiques que sont les villes à faire de longs trajets pour aller travailler. C’est ce qui explique pourquoi la voiture et le camion sont bien plus choyés par le capitalisme que les transports collectifs.

Mais le train jouera un rôle capital à l’avenir, tant sa capacité à réduire la taille du monde est importante. Les masses ont et auront besoin d’un réseau ferroviaire développé pour ne plus rouler en voiture…

Les Français de demain devront organiser démocratiquement le secteur des transports, ce qui n’est pas une mince affaire tant la situation actuelle est critique. Cette réorganisation de la société, et donc par extension de la façon de se déplacer, devra absolument avoir l’écologie comme horizon. Cela exigera de se battre contre l’étendue toujours plus vaste du réseau routier et ses millions de voitures et de camions dégazant en permanence au rythme imposé par un capitalisme qui exige que chacun s’organise à sa manière de son côté, dans un flux ininterrompu, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Le train est plus rapide que la voiture. Il est aussi moins polluant et incommensurablement moins dangereux. Il permet de faire déplacer un très grand nombre de personnes en un temps record, avec une dépense énergétique moindre, là où les autoroutes connaissent des bouchons, un rendement énergétique catastrophique, des accidents au quotidien, avec des chauffards qui font trop souvent la loi…

Les masses ont besoin de trains plus performants, en plus grand nombre, plus confortables ! Il faudra rouvrir des lignes, en créer de nouvelles, procéder à la mise en place du train et ses dérivés comme le tramway comme moyens de transports principaux de la population. Tout cela bien sûr doit être couplé avec les autres moyens de transport que sont le vélo, l’avion ou encore le bateau. Il faut ajouter évidemment à cela la marche à pied, qui dans des villes et des campagnes correctement aménagées selon les besoins du peuples, et non ceux du capitalisme, sera un moyen de déplacement privilégié.

La voiture et les camions quand à eux devront se contenter d’une place limitée, là où ils sont vraiment utiles : pour le déplacement des personnes très isolées à la campagne, pour les transports urgents de proximité (police, ambulance, travaux, etc.), pour les derniers kilomètres du transport de marchandise tant dans les villes que les campagnes.

Le mot d’ordre sera simple : aucune proposition s’appuyant sur les responsabilités d’individus coincés dans le statu quo ne saurait être considérée comme une solution aux problèmes qui se poseront à l’avenir. Quelques soient les problématiques, il devra toujours y avoir une réponse à l’échelle de la société elle-même, et le train en fera partie.

Sortir de la civilisation de l’automobile pour fonder une nouvelle civilisation du train, tel doit être le programme de la Gauche !

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Nouvel ordre

Le nouvel ordre relancera l’opéra

L’opéra est l’expression puissante de la grandeur de la civilisation. C’est un art d’un grand raffinement, produit du travail immense de la part d’artistes forcément de très haut niveau, formés avec minutie pendant de nombreuses années depuis le plus jeune âge et bénéficiant d’un cadre de travail hors-norme. Qu’un orchestre symphonique s’accorde avec une scène où le chant et le théâtre doivent se mêler harmonieusement n’est pas une mince affaire. Qu’il en faut du travail pour jouer La flûte enchantée de Mozart !

Le jeu en vaut largement la chandelle quand on sait à quel point cela peut littéralement soulever une salle, bouleversant profondément chaque spectateur dans ce qu’il a de plus intime, le grandissant culturellement et moralement. Historiquement, la bourgeoisie, particulièrement en France, a très bien compris cela et elle a largement porté l’opéra. Cela pour asseoir son prestige et sa stature de classe dominante, mais aussi car elle se développait elle-même réellement à travers la culture classique.

Pourtant, le rythme, à la fois lent et puissant, et la profondeur des œuvres, qui sont l’inverse de la superficialité, ont fait que l’opéra a de moins en moins correspondu culturellement au capitalisme. L’art lyrique est bien trop raffiné pour le capitalisme avalant tout sur son passage et lissant tous les rapports pour en faire des marchandises consommables et jetables.

Alors, l’opéra est devenu totalement marginal, existant seulement grâce à un financement public gigantesque. Globalement, l’opéra en France, c’est 80 % de subvention et 20 % de recettes de billetterie ! Absolument aucun autre secteur culturel ne connaît un tel privilège. Mais le monde a changé, c’est la crise et même l’opéra, pourtant si prestigieux, ne résiste pas à la grande lessiveuse capitaliste.

Le constat est très simple : de moins en moins de public, de plus en plus de coûts fixes. L’opéra passe donc à la trappe.

L’offuscation des directeurs des opéras de Lyon, Montpellier, Toulouse ou Bordeaux fait l’actualité en 2023, alors que ceux-ci dénoncent le désengagement de l’État. C’est que l’heure est grave, tellement la société française est décadente et incapable d’assumer le meilleur de la civilisation. Comme le disait déjà en 2021 Jean-Philippe Thiellay, ancien directeur adjoint de l’Opéra de Paris, dans son livre L’Opéra s’il vous plaît :

« L’art lyrique peut disparaître corps et biens, c’est une certitude. »

Le ministère de la Culture est formel lui aussi. L’opéra, ainsi que la musique classique, n’intéressent plus personne, encore moins parmi les 15-28 ans qui désertent ; la bourgeoisie française n’éduque plus sa propre jeunesse !

Les cris d’alarme se multiplient. Le directeur de l’opéra de Rouen, responsables du syndicat regroupant la plupart des maisons lyriques, n’y va pas par quatre chemins :

« Nous allons connaître une hécatombe, à bas bruit »

Il faut dire que l’Opéra de Rouen Normandie a fermé exceptionnellement pendant six semaines entre avril et mai 2023 pour raisons budgétaires…

L’annonce la plus marquante a probablement été celle de l’opéra de Lyon annonçant au mois d’avril 2023 l’annulation pure et simple de plusieurs représentations estivales, pour limiter la casse et préserver la saison 2023-2024.

Il y a eu aussi l’Opéra National du Rhin annonçant l’annulation de deux représentations du Conte du tsar Saltane en mai à Mulhouse… remplacé par une seule représentation, mais en version concertante, c’est-à-dire seulement la musique. Les masses de subventions de Strasbourg, Mulhouse et Colmar, ainsi que de la région Grand-Est et de l’État, ne suffisent plus.

En tout en 2023 en France, ce serait 26 productions d’opéras annulées et plus de 120 représentations déprogrammées. L’équivalent de la saison de deux maisons lyriques. C’est une véritable débandade, une catastrophe nationale, qui est surtout un effondrement culturel. Car il ne faut pas s’y tromper : le problème n’est pas celui des subventions, mais du public.

S’il y a du public, il y a de l’opéra. S’il n’y a plus de public, la bourgeoisie peut faire semblant un temps avec des subventions massives, mais cela ne tient pas éternellement.

Il n’y a décidément plus rien à sauver de ce vieux monde. Ce qui se jouera, c’est donc une grande révolution culturelle, pour imposer un nouvel ordre, qui sera capable d’assumer et de porter la civilisation. Ce dont la bourgeoisie décadente n’est plus capable, submergée qu’elle est par le capitalisme en crise.

Forcément, l’opéra tiendra une place de choix dans le nouvel ordre, car il sera porté par les masses, éduquées et développées culturellement, moralement, cherchant encore plus à se développer culturellement et moralement par l’opéra ! Il en sera de même pour la culture classique en général, qu’il faudra réhabiliter et développer à nouveau après la grande hécatombe de notre époque décadente.

Le socialisme, ce sera le retour à l’opéra et à la célébration des orchestres symphoniques ! Ce sera la production de nouvelles œuvres lyriques, populaires, réalistes, célébrant la nature. Ces œuvres seront des expressions puissantes de la grandeur de la civilisation.

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Vie quotidienne

Le jeu de paume, « sport » avant les sports

Le jeu de paume est l’ancêtre direct du tennis, ce mot étant à l’époque la traduction anglaise pour jeu de paume. « Tennis » est une déformation du mot français « tenez » (« tenetz » en vieux français) prononcé avant un service au jeu de paume. 

De par sa forme, sa nature, son rôle social et culturel, le jeu de paume peut clairement être considéré comme une forme de sport, avant l’apparition des autres sports et du sport en général en Angleterre

Les humanistes ont largement contribué à le valoriser, notamment contre les jeux de hasard. Il fût mis en avant comme un amusement constructif, non décadent, partie intégrante d’une vie équilibrée et raffinée.  

En 1592, les Ordonnances du royal et honorable jeu de la paume édictaient des règles morales :

« Messieurs qui désirez vous ébattre et jouer à la paume, faut jouer, afin de récréer le corps et délecter les esprits, sans jurer ni blasphémer le nom de Dieu ». 

Comme dans le sport moderne, il existait des concours donnant droit à des prix, et même des championnats établissant un champion. Ceux-ci pouvaient être conditionnés au respect de la bonne conduite :

« Toutes personnes qui désirent jouer audit prix y seront honnêtement reçues, à la charge de ne jurer ni blasphémer le nom de Dieu, sous peine, pour chacune fois, de cinq sols d’amende. »

L’historien Jean-Jules Jusserand (que l’on retrouvera aux côtés de Pierre de Coubertin en 1892, et qui fut plus tard ambassadeur de France à Whashington de 1902 à 1925) cite un document de 1668 allant dans ce sens moral et hygiéniste, reflétant une approche très moderne, très avancée culturellement, annonçant l’émergence du sport au 19e siècle :

« L’exercice du jeu, dûment fait, échauffe le corps et les membres, purge les humeurs superflues et étrangères en les faisant évaporer, fortifie les facultés naturelles, éclaircit et réjouit l’esprit; en telle manière que l’homme qui sait choisir certain jeu d’exercice honnête et en user sagement, en vaut beaucoup mieux tant pour sa santé corporelle que pour la vivacité de son esprit. »

Le jeu de paume a largement décliné au 18e siècle sans que les historiens ne soient encore capables d’en comprendre les raisons. L’Académie royale tentait pourtant encore d’en valoriser la pratique, expliquant que le jeu de paume permet à la jeunesse « d’acquérir une santé robuste et une agilité si nécessaire dans le cours de la vie ». 

La célèbre salle ayant donné lieu au Serment du jeu de paume par les révolutionnaires en 1789 était une des très rares salles encore existante en France.

Le tennis aujourd’hui est une forme remaniée et surtout simplifiée du jeu de paume. Ce dernier était très complexe, notamment par le principe des chasses, c’est-à-dire la possibilité avec un second rebond de balle de passer ou non une des lignes (nombreuses) tracées au sol. Les personnes désireuses de connaître ces règles pourront consulter ce document de la Fédération Française de Tennis :

http://www.fft.fr/sites/default/files/pdf/regles_jeu_courte_paume_2014.pdf

Le tennis d’aujourd’hui a d’abord été appelé lawn-tennis, qui signifie tout simplement « paume sur gazon », bien que très vite le jeu ne s’est plus joué systématiquement sur du gazon. Il fut mis au point et diffusé à partir de 1874, le Major Walter Clopton Wingfield ayant tout simplement commercialisé un « kit » avec raquettes, balles et filets, qui connu un immense succès. 

Ce jeu s’appelait Sphairistike (inventé depuis le grec ancien) et était sous-titré Lawn-tennis. Son inventeur l’a défini comme :

« Cour transportable, nouvelle et perfectionnée, pour jouer l’ancien jeu de paume. « 

Les règles du tennis ont été unifiées en Angleterre en 1877,  notamment en ce qui concerne la taille des terrains, l’organisation des parties, etc.

Le comptage des points au tennis par 15, 30, 40 puis « avantage » provient directement du jeu de paume. Il s’agissait, après avoir remporté l’échange en fonction du système de chasse, d’avancer de 15 pieds, puis encore de 15 pieds soit 30 pieds, et ensuite seulement de 10 pieds, donc 40 pieds, pour ne pas s’approcher trop du filet.

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Vie quotidienne

Les sans-attaches et les ligotés du capitalisme

Dans la vie quotidienne du capitalisme, on peut distinguer deux types d’attitudes majeures. Il y a ceux qui vivent les choses de manière consommable, sans jamais vouloir s’engager durablement. Et il y a ceux qui suivent ce qu’on peut appeler un modèle de vie d’adulte, au sens petit-bourgeois et bourgeois du terme. Les deux camps cohabitent dans le capitalisme, mais vivent à part. Leurs mentalités peuvent se rejoindre, pas pour les mêmes raisons cependant.

Car ce qu’il faut bien saisir, c’est que ces deux attitudes majeures, ces deux styles de vie si on veut, ne dépendent pas des classes. Elles dépendent du rapport à la ville et aux campagnes. Cela ne veut pas dire qu’on soit dans un capitalisme qui se soit débarrassé des classes. Cependant, la fracture villes-campagnes sans cesse élargie par le capitalisme aboutit à une situation en développement.

Prenons par exemple la contestation « très à gauche » et celle « très à droite ». Dans les deux cas, on trouve ensemble les sans-attaches et les ligotés du capitalisme. Mais pas les mêmes ! Dans la version de « gauche », on trouvera des gens changeant d’emploi facilement ou étudiant, surtout jeunes, qui sont hyperactifs sur les réseaux sociaux, s’agitent d’autant plus qu’ils n’ont pas de responsabilités : pas de famille, pas de propriété. Ils profitent de la ville où ils s’activent d’autant plus qu’ils ont peut-être moyen de faire carrière par cette agitation. L’étudiant sans succès sait bien que plus il ira loin par exemple dans les délires LGBT, plus il va socialiser avec le turbocapitalisme et pouvoir trouver une place.

On trouve aux côtés de ces sans-attaches des ligotés du capitalisme, dans leur variante bourgeois de gauche. C’est le public de l’Observateur, le « nouvel obs » historique où les discours de « gauche » accompagnent des articles sur des montres à 2000 euros et des appartements pour CSP++. Ces gens veulent un capitalisme moderne, qui se renouvelle, qui soit social pour atténuer les chocs. Le Parti démocrate aux États-Unis est l’équivalent de tout cela.

« Très à droite », on a aussi des sans-attaches et des ligotés du capitalisme. Sauf que ces derniers ne sont pas des bourgeois : ils sont populaires. Ils ont acquis la propriété, et maintenant il ne faut plus que ça bouge. Le vote Le Pen, c’est historiquement cela. Les gilets jaunes sont également une expression de ces ouvriers et employés, artisans et commerçants ultra-conservateurs. Parvenus à un certain niveau d’accumulation de capital, ces gens aimeraient geler la situation. Tout ce qui est nouveau les dérange. Et le nouveau, voilà ce qui dérange aussi des sans-attaches… pour le coup bourgeois et grand-bourgeois. Car il y a des bourgeois restés au capitalisme à la papa.

Les agités de « l’ultra-droite » française relèvent totalement de cela et à ce titre ils ne sont même plus d’extrême-Droite. Ils assument de « réagir » au capitalisme accéléré, avec un style provocateur et brutal qui relève totalement des codes du capitalisme accéléré. Ils n’ont aucune cohérence sur le plan des idées et l’assument. Pour preuve, tous soutiennent le régime ukrainien pourtant totalement au service de l’Otan et de la superpuissance américaine. Cela ne les dérange pas, car ils voient que le régime ukrainien a une idéologie nationaliste et que les nazis y ont un immense espace en théorie et en pratique. Alors ils foncent : ils assument d’être simplement en réaction.

Il n’est pas difficile de voir ici que plus on est lié aux villes, plus on est influencé par le turbocapitalisme, alors que plus on est lié aux campagnes, plus on est marqué par la contestation « en réaction ». Ce qui ne veut pas dire qu’on soit concrètement en ville ou à la campagne. On peut en effet idéaliser la ville et la campagne. Tel urbain va avoir une image idyllique de la campagne, par l’intermédiaire de la chasse, tel habitant des campagnes va rêver d’une vie pleine de fantasmes en mode LGBT urbain. Et il y a bien entendu en France toute une série de degrés entre la campagne « absolue » et le centre de Paris.

Il est évident que tant que cette mauvaise dialectique des sans-attaches et des ligotés du capitalisme se maintient, il n’y a pas de place pour la Gauche historique. Et y en aura-t-il ? Car en France, pays occidental s’effondrant, tout a l’air coincé, tout en parvenant à se maintenir, et on peut penser qu’il y en aura pour un certain temps avant que tout cela ne soit remis en cause. Cela semble même être pareil pour tous les pays occidentaux. Dans tous, l’idéologie LGBT est assumée officiellement par les États, par l’Union européenne encore plus, et c’est pourtant toujours présenté comme une « cause » d’une portée « rebelle ». Que les gens acceptent une telle mystification, même passivement, en dit long.

De toutes manières, un pays qui finit par accepter l’idée qu’être homme ou femme, c’est dans la tête que ça se décide… a atteint un relativisme absolu. Plus rien ne peut vraiment tenir quand on a atteint un tel niveau de remise en cause de la dialectique de la réalité, avec ses oppositions bien-mal, passé-futur, positif-négatif, prolétariat-bourgeois. Tout se voit réduit à de l’individuel, à du choix de consommation. Encore faut-il pouvoir consommer… et c’est là la faiblesse du capitalisme. Si la superpuissance américaine n’arrive pas à torpiller la Russie puis la superpuissance chinoise… ce sera l’instabilité.

Là les sans-attaches et les ligotés du capitalisme cesseront d’être un obstacle à la recomposition du prolétariat dans la métropole occidentale.

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Culture & esthétique

Le jeu de paume, « roi des jeux et jeu des rois » 

Le jeu de paume était extrêmement populaire dans la France des 15e et 16e siècles. Il s’agit d’un jeu de balle autour d’un filet. On l’appelle le jeu de paume car la balle était à l’origine frappée avec la paume de la main. Les raquettes avec un cordage en chanvre ou en boyau se sont développées dans les années 1510. 

Le jeu existait bien avant cette époque. On recensait à Paris en 1292 treize artisans paumiers, c’est-à-dire des personnes vivant de la fabrication des balles. 

Une ordonnance du Prévôt de Paris du 22 janvier 1397 constate que « plusieurs gens de métier et autres du petit peuple quittent leur ouvrage et leurs familles pendant les jours ouvrables pour aller jouer à la paume », à tel point qu’il est prévu d’en interdire la pratique sauf le dimanche, sous peine d’amende, voir de prison.

« Le Jeu Royal de la Paulme », Paris, 1632.

Dans The view of Fraunce : Un aperçu de la France telle qu’elle était vers l’an 1598, l’écrivain anglais Robert Dallington décrit l’importance de ce phénomène au 16e siècle. Ce passage est très intéressant :

« Quant à l’exercice du jeu de paume dont j’ai déjà parlé, il est plus en usage ici [en France] que dans toute la chrétienté réunie ; ce dont peut témoigner le nombre de places de paume dans tout le pays, en si grande quantité que vous ne pouvez trouver la plus petite bourgade ou ville en France, qui n’en ait une ou plusieurs. 

Il y en a, comme vous voyez, soixante dans Orléans, et je ne sais combien de centaines dans Paris ; mais ce dont je suis sûr, c’est que s’il y en avait la même proportion dans les autres villes, nous aurions deux places de paume pour une église en toute la France. 

Il me semble étrange qu’ils [les Français] soient tellement aptes à bien jouer que vous pourriez penser qu’ils sont nés avec une raquette à la main ; les enfants eux-mêmes et quelques-unes de leurs femmes jouent très bien, ainsi que vous l’avez observé à Blois. 

[…]

Et chez cette sorte de pauvre peuple [chez les pauvres], je puis vous assurer qu’il y a plus de joueurs de paume en France, que de buveurs d’ale ou d’ivrognes (comme on les appelle) chez nous [en Angleterre]. » 

Nombreux sont les rois de France à avoir tant joué que légiféré sur le jeu de paume, d’où le surnom « roi des jeux et jeu des rois ».

Louis X est connu pour être mort après une partie de paume au bois de Vincennes en 1316. Louis XI a édicté des règles de sécurité précises quant à la fabrication des balles (esteufs). François Ier, lui-même joueur régulier, a en quelque sorte instauré le professionnalisme autorisant à ce que « tout ce qui se jouera au jeu de paume sera payé à celui qui gagnera, comme une dette raisonnable et acquise par son travail. »

Henri II a fait construire au Louvre une salle pour le jeu de paume et était aussi connu comme un joueur régulier, tout comme Charles IX ou Henri IV.

Dans un long article historique consacré à ce jeu, l’historien Jean-Jules Jusserand (que l’on retrouvera aux côtés de Pierre de Coubertin en 1892, et qui fut plus tard ambassadeur de France à Whashington de 1902 à 1925) raconte à propos d’Henri IV :

« Dès le lendemain de son entrée dans Paris, on le trouve au jeu de la Sphère. L’entrée eut lieu, rapporte Lestoile, le 15 septembre 1594 ; le roi, fort riant… avait presque toujours son chapeau au poing, principalement pour saluer les dames et demoiselles qui étaient aux fenêtres.

Le vendredi 16, le roi joua à la paume tout du long de l’après-dînée, dans le jeu de paume de la Sphère.

Le samedi 24, le roi joua à la paume dans le jeu de la Sphère. Il était tout en chemise, encore était-elle déchirée sur le dos, et avait des chausses grises, à jambes de chien, qu’on appelle.

Le 27 octobre, le roi ayant gagné, ce jour, quatre cents écus à la paume, qui étaient sous la corde, les fit ramasser par des naquets et mettre dans un chapeau, puis dit tout haut: — Je tiens bien ceux-ci; on ne me les dérobera pas, car ils ne passeront point par les mains de mes trésoriers.

En 1597, au milieu des affaires les plus graves, il passait son temps à jouer à la paume et c’était d’ordinaire à la Sphère, où les dames venaient le voir et en particulier madame de Monsseaux, autrement dit Gabrielle d’Estrées. Et ne laissait pour cela Sa Majesté de veiller et donner ordre à tout ce qui était nécessaire au siège d’Amiens pour le mois suivant; lequel étant venu, il donna congé au jeu et à l’amour, et y marcha en personne, faisant office de roi, de capitaine et de soldat, tout ensemble, et reprit la ville aux Espagnols. »

Louis XIV était également un joueur. Il avait un paumier-raquetier en titre et les princes, un maître de paume qui leur donnait des leçons ; il était « porte-raquette du roi ».

Joueurs de paume parisiens au 16e siècle.

Le jeu de paume se pratiquait soit dehors, la longue paume, plus populaire, soit en salles couvertes (les tripots), la courte paume.

Dans son article, Jean-Jules Jusserand explique l’immense influence que ce jeu a pu avoir sur la vie culturelle française de par ses salles couvertes. Molière n’aurait pas été Molière sans les salles de jeu de paume partout en France !

« L’existence de ces salles quadrangulaires, offrant un espace libre et couvert, eut, dans notre pays, une influence considérable, non pas seulement au point de vue du développement physique de la nation, mais, ce qui était imprévu, au point de vue littéraire.

Par toute la France, en province comme dans la capitale, elles servirent de théâtre. Les troupes errantes, que ce fussent celle du Roman comique ou celle de Molière, sûres de savoir où jouer, pouvaient multiplier leurs tournées.

Le nombre de ces édifices contribua à répandre chez nous le goût de l’art dramatique, si bien que, par là, le jeu rendit avec usure aux belles-lettres ce que les battoirs de parchemin lui avaient fait perdre.

Le seul inconvénient fut qu’on s’habitua tellement à voir théâtres et jeux de paume se confondre, que très tard, par habitude, on conserva aux premiers la forme des seconds, et Mercier, au dix-huitième siècle, poussait des cris d’indignation en voyant encore telle scène, bâtie de son temps, conserver la «précieuse» forme d’un jeu de paume.

Il est certain que, partout ailleurs, dès le seizième siècle, en Italie avec les théâtres de Vicence et de Sabbioneta, en Angleterre avec la série des théâtres de Southwark, la forme semi-circulaire avait prévalu. Nous fîmes exception: effet inattendu de l’extraordinaire popularité d’un jeu d’exercice en France. »

Plusieurs expressions imagées du langage courant français sont issues du jeu de paume.

  • « Jeu de main, jeu de vilain » : à l’origine, seules les personnes les plus aisées possédaient une raquette, les personnes les plus pauvres, les vilains, jouaient encore à main-nue. 
  • « Qui va à la chasse perd sa place » : le système des chasses définissait le changement de côté, donc le changement de place.
  • « Tomber à pic » : cela désignait une sorte de chasse, lorsque la balle tombait au pied du mur du fond. Elle n’était valable qu’à certain moment du jeu, d’où le sens de l’expression aujourd’hui qui désigne quelque chose intervenant au bon moment. 
  • « Prendre la balle au bond » : frapper la balle à la volée, avant le rebond.
  • « Rester sur le carreau » : désignant le fait de perdre, le carreau étant le sol du jeu. 
  • « Épater la galerie » : Les spectateurs assistaient au jeu depuis la galerie, un couloir fermé situé le long d’un terrain.