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Effondrement de la France

Macron parle, mais la Commission européenne exige

Emmanuel Macron a pris la parole le soir du 23 juillet 2024, sur France 2. Un exercice d’une stupidité affligeante, avec deux pseudos journalistes, Thomas Sotto et Nathalie Iannetta, qui ont été d’une obséquiosité lamentable, doublé d’une fausse entente amicale.

Le président de la République, sans aucune dignité, a d’ailleurs joué avec satisfaction au bon copain. Il a dit trois choses : les Jeux Olympiques à Paris vont être un plaisir et tout le monde doit être derrière. Il faut une trêve politique jusqu’à la fin des jeux. Enfin, et par conséquent, pour la nomination du Premier ministre, on verra fin août.

C’est totalement inconséquent, infantile. Mais c’est conforme au sentiment de toute puissante qui caractérise à la fois Emmanuel Macron et la bourgeoisie « branchée », moderne, cosmopolite, totalement hors-sol.

Cependant, même cette bourgeoisie moderne a un souci. La France est sous le coup d’une procédure pour déficit excessif de la part de la Commission européenne depuis le 16 juillet 2024.

Car on le sait bien, la France vit au-dessus de ses moyens, elle est grillée, elle dépense plus qu’elle n’engrange de richesses, et depuis longtemps. Même si la fausse gauche prétend que les gens sont pauvres, etc., dans la pratique l’ensemble du pays profite de la société de consommation, en ayant l’un des meilleurs niveaux de vie du monde.

Seulement voilà, le capitalisme français n’est plus aussi performant. La France est minée par plus de 5 % de déficit quand l’Union européenne demande d’en rester à 3 %. Et le prix de tout cela, c’est son endettement massif avec une dépendance accrue envers des fonds d’investissements privé.

Qui pouvait vraiment croire qu’intégrer le trafic de drogue dans le PIB en 2018 soit une manière de relever les choses ? Qui pouvait croire que la création de start-up de coffrets cadeaux, que des auto-entrepreneurs en circuit court ou en livraison de mal-bouffe soient une perspective réelle pour tirer une croissance économique ?

On n’est pas loin en réalité d’une faillite structurelle. Soit le capitalisme devient très agressif et élève la productivité… Soit il faut que la Russie tombe et que la France la pille en partie. C’est aussi simple que cela.

C’est ce qui explique à la fois les non-dits et cette folie qu’il n’y a pas de gouvernement en France, alors qu’il faut établir une feuille de route budgétaire obligatoire avant le 20 septembre 2024!

On est vraiment en pleine crise de régime. Le pays se ratatine, les gens sont passifs pour éviter les soucis. Mais personne n’échappera à l’expression violente de la crise, personne.

Et là il faudra être prêt avec de l’idéologie, de la politique, de la culture, des valeurs.

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Emmanuel Macron tente désespérément de sauver le régime

Le pari perdant d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale contre toute attente en juin 2024 se retourne contre lui. Il a tout cassé, mais rien construit. Déjà que la France était en crise, très instable politiquement et économiquement, voilà que les contradictions sont maintenant sur la table, exposées à la lumière, sans aucune ouverture.

Impossible de ne pas voir une crise de régime dans une telle situation. Emmanuel Macron le voit très bien, forcément, mais il tente de maintenir la fiction en surjouant son rôle de Président de la République pour « garantir la plus grande stabilité institutionnelle possible ».

Au moyen d’une lettre aux Français, il s’imagine pouvoir rejeter la faute sur les autres en intimant à toutes les formations politiques hostiles au Rassemblement national de Marine Le Pen et Jordan Bardella de former une coalition de gouvernement. C’est en fait impossible, personne ne s’imaginant comment des gens allant du PCF aux Républicains en passant par le Modem pourraient se mettre d’accord pour voter le budget, le vote le plus important chaque année, qui détermine de fait tout le reste.

La lettre aux Français d’Emmanuel Macron est d’autant plus typique d’une situation de crise qu’elle renforce elle-même la crise qu’elle prétend surmonter. En effet, le cœur du propos du Président de la République est de prétendre que la dynamique politique française consisterait en le rejet du Rassemblement national.

C’est faux : seul le bricolage par en haut et anti-populaire des forces politiques en place a permis d’empêcher la réalité politique française de s’exprimer (le Rassemblement national est également en grande partie responsable de ses échecs, mais c’est un aspect secondaire). En racontant ce qu’il écrit dans sa lettre, il ne fait qu’ajouter de la rancœur à la rancœur et jeter de l’huile sur le feu.

Voici cette lettre, qui est sinon historique, en tous cas marquante de l’instabilité explosive de la France à l’été 2024.

« Lettre du Président Emmanuel Macron aux Français

Chères Françaises, chers Français,

Les 30 juin et 7 juillet derniers, vous vous êtes rendus aux urnes en nombre pour choisir vos députés. Je salue cette mobilisation, signe de la vitalité de notre République dont nous pouvons, me semble-t-il, tirer quelques conclusions.

D’abord, il existe dans le pays un besoin d’expression démocratique. Ensuite, si l’extrême-droite est arrivée en tête au premier tour avec près de 11 millions de voix, vous avez clairement refusé qu’elle accède au Gouvernement. Enfin, personne ne l’a emporté. Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires. Divisées au premier tour, unies par les désistements réciproques au second, élues grâce aux voix des électeurs de leurs anciens adversaires, seules les forces républicaines représentent une majorité absolue. La nature de ces élections, marquées par une demande claire de changement et de partage du pouvoir, les oblige à bâtir un large rassemblement.

Président de la République, je suis à la fois protecteur de l’intérêt supérieur de la Nation et garant des institutions et du respect de votre choix. 

C’est à ce titre que je demande à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’Etat de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays. Les idées et les programmes avant les postes et les personnalités : ce rassemblement devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible et prendre en compte les préoccupations que vous avez exprimées au moment des élections. Elle devra garantir la plus grande stabilité institutionnelle possible. Elle rassemblera des femmes et des hommes qui, dans la tradition de la Vème République, placent leur pays au-dessus de leur parti, la Nation au-dessus de leur ambition. Ce que les Français ont choisi par les urnes – le front républicain, les forces politiques doivent le concrétiser par leurs actes. 

C’est à la lumière de ces principes que je déciderai de la nomination du Premier ministre. Cela suppose de laisser un peu de temps aux forces politiques pour bâtir ces compromis avec sérénité et respect de chacun. D’ici là, le Gouvernement actuel continuera d’exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine.

Plaçons notre espérance dans la capacité de nos responsables politiques à faire preuve de sens de la concorde et de l’apaisement dans votre intérêt et dans celui du pays. Notre pays doit pouvoir faire vivre, comme le font tant de nos voisins européens, cet esprit de dépassement que j’ai toujours appelé de mes vœux.

Votre vote impose à tous d’être à la hauteur du moment. De travailler ensemble.

Dimanche dernier, vous avez appelé à l’invention d’une nouvelle culture politique française. Pour vous, j’y veillerai. En votre nom, j’en serai le garant.  

En confiance.

Emmanuel Macron »

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Une France bloquée, vers la crise de régime

Les élections législatives anticipées de juin et juillet 2024 ont été la conséquence de la vague Rassemblement national aux élections européennes de juin 2024, mais plus encore elles sont le produit de la crise ouverte en 2022, lors de la réélection d’Emmanuel Macron.

Il n’avait alors qu’une faible majorité parlementaire et celle-ci s’est ébranlée au fil du temps, avec notamment l’utilisation très controversée de l’article 49.3 de la Constitution pour forcer la main aux députés. Tout cela est le reflet d’une France malade, prise dans le tourbillon de la crise du capitalisme à l’échelle mondiale commencée en 2020.

Ce qui s’est passé électoralement en juin et juillet 2024 est de ce point de vue très simple à voir. L’aspect principal est que la France est devenue entièrement soumise à la superpuissance américaine, elle n’est pour ainsi dire plus qu’un satellite américain en Europe, comme le montre son soutien acharné à la guerre contre la Russie.

Les forces politiques en présence sont donc toutes les mêmes dans leur fondement : les nuances ne suffisent pas à produire une vague politique et donc une majorité pour gouverner. Mais il y a en même temps de trop fortes traditions politiques, qui font qu’un consensus à l’américaine, bi-partidaire et par en haut, est devenu pratiquement impossible. C’est donc une période de grande instabilité qui s’ouvre maintenant.

Regardons les choses un peu en détail.

La première, c’est que le camp présidentiel a été largement défait lors de l’élection, avec à chaque fois au premier et au second tour, environ 6,5 millions de voix.

Cela n’a permis que d’obtenir 150 sièges, dont 2 dès le premier tour. Ce n’est pas négligeable, mais, même avec des alliances de proximité, il est impossible de gouverner le pays car c’est bien trop loin de la majorité absolue de 289 sièges.

Le produit commercial « Emmanuel Macron » est donc périmé, il ne suffit plus à maintenir le régime en France. Il lui reste trois ans de mandat, et il ne pourra pas dissoudre l’Assemblée nationale avant un an. C’est là un premier blocage.

Ensuite, la force juste au dessus (et qui prend la première place) est la coalition électorale faite entre la fausse Gauche et les populistes de la France insoumise, qui récolte 7 millions de voix au second tour, contre 9 millions au premier tour.

Le fait qu’il y ait moins de voix aux second tour s’explique par le fait que beaucoup de députés ont été élus dès le premier tour, les voix en leur faveur n’ont donc pas eu à s’exprimer à nouveau.

Cette engouement électoral permet d’envoyer 178 députés à l’Assemblée nationale. C’est, en apparence, une victoire, car il s’agit du plus grand nombre de députés. Toutefois, c’est très loin d’une majorité pour gouverner, et surtout c’est en réalité un assemblage très bancal, pour ne pas dire un bricolage.

Dans les faits, il n’y aura pas nécessairement un seul groupe de députés et il y a des divergences énormes de ligne politique, ainsi qu’en réalité aucune structuration décisionnaire. Toutefois, c’est là un épiphénomène propre à la décadence du pays.

La troisième chose qu’il faut voir est en fait la plus importante. C’est l’incapacité du Rassemblement national à arriver à la tête du pays, malgré son hégémonie politique. C’est là un facteur de blocage essentiel pour la France.

Le Rassemblement national (en alliance avec Eric Ciotti de la Droite classique) a récolté 10 millions de voix au second tour (et un peu plus au premier tour). Il obtient pratiquement 40 députés dès le premier tour et les autres candidats font en général des scores très élevés.

Au premier tour, cela donne un peu moins de 34 % des suffrages exprimés, et au second tour c’est 37 % des suffrages exprimés. C’est énorme, largement de quoi obtenir naturellement une majorité et un gouvernement. Cela d’autant plus qu’il y a une hégémonie sur les thèmes qui sont mis en avant dans le débat public français : refus de l’immigration, inquiétude quand à l’insécurité, apathie culturelle, volonté de figer le capitalisme tel qu’il était au 20e siècle.

Seulement, le Rassemblement national se heurte à une France faible et fragile, incapable d’avoir un Jordan Bardella comme Premier ministre. Celui-ci est pourtant très consensuel et particulièrement peu radical, si on le compare aux différents leaders populistes à travers le monde. Ni dans ses propos, ni dans son attitude, il ne sort du cadre et il paraîtrait comme un modéré si on le mettait à côté de n’importe quelle figure de la Droite française des années 1980.

Mais c’est encore de trop pour une France devenue insignifiante. La petite bourgeoisie hystérique des centre-villes et des cités de banlieue a pu largement s’exprimer et inventer une menace « fasciste » et « raciste » pour exister et empêcher le Rassemblement National. Cela a été suivi par la bourgeoisie moderniste française, elle aussi des grandes villes, qui a espéré profiter de la situation pour se maintenir.

Dans ces conditions, le Rassemblement national et ses alliés n’a pu obtenir que 143 sièges : ce n’est même pas la moitié de ce qu’il lui faudrait pour gouverner ! Le décalage avec la situation politique réelle est donc gigantesque.

Et il faut bien noter cet aspect. Formellement, la France est entrée au cœur de la crise politique ouverte en réalité dès 2022 avec la faible majorité obtenue par Emmanuel Macron : la crise s’exprimant effectivement avec deux ans de retard, ont peut donc s’attendre à une énergie cinétique immense, notamment en termes de rancœurs accumulées.

Car il ne faut pas s’y tromper : la défaite politique du Rassemblement national, pour ne pas dire son échec, est une défaite populaire, et par bien des aspects, prolétarienne. Non pas que le parti de Marine Le Pen soit celui du prolétariat, seule la Gauche authentique peut le représenter et le Rassemblement national n’a rien de Gauche, n’étant qu’une forme moderne de Droite sociale et populiste. Mais il est évident que le prolétariat en France, faible, isolé, marginalisé culturellement et politiquement pendant des décennies, n’a pas pour l’instant pu trouver mieux que Jordan Bardella pour s’exprimer.

Et quand il l’a fait, il s’est pris une gifle monumentale, avec une absence de gouvernement malgré la dynamique politique et le nombre très important de suffrages. Jordan Bardella n’a pas pu faire la différence, car il est coincé par la situation elle-même : d’un côté il ne sort pas du cadre du capitalisme et de la soumission à la superpuissance américaine, donc il ne peut pas soulever de réelle vague populaire, d’un autre il assume beaucoup trop de choses, notamment des exigences d’ordre et de sécurité, pour que la France molle et décadente de 2024 soit capable de le mettre à sa tête.

Et ce qu’il se passe, c’est que personne n’est maintenant capable de gouverner. La seule option possible est une coalition de gouvernement, comme cela existe dans de nombreux pays. Mais c’est impossible en France, où il n’y a ni la rigueur, ni la discipline politique pour que cela fonctionne.

D’autant plus dans une situation de crise (économique notamment, avec une crise de la dette qui ne demande qu’à exploser à la figure du pays) et avec l’engagement militaire du pays contre la Russie.

Voici une projection faite par le Figaro, qui reste le grand journal le plus sérieux en France (ou disons, le moins décadent), avec une connaissance fine de la politique nationale. Cinq scénarios de coalitions sont envisagés, avec seulement un scénario comportant une réelle majorité.

On comprend tout de suite que cela est intenable. La France est en crise, au-delà de l’instabilité, c’est carrément une crise de régime qui se profile.

L’Histoire avance malgré les Français. Préparons-nous pour qu’elle avance avec eux, par la lutte de classes, pour le Socialisme!

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Victoire électorale et psychologique du Rassemblement national

Le parti de Marine Le Pen, emmené par son président Jordan Bardella en alliance avec Eric Ciotti, est arrivé en tête sur le plan national du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024. Ce sont 10 628 386 personnes qui ont voté pour les candidats présentés par le Rassemblement national et l’alliance avec Eric Ciotti.

Cela donne 33,15 % des suffrages exprimés (21,55 % des inscrits), ce qui est très marquant. Ce qui compte surtout est le choc psychologique crée par le Rassemblement national, qui arrive largement en tête des suffrages en faisant plus que doubler son nombre de voix par rapport au précédent scrutin en 2022 où il avait récolté 4 248 537 voix. Et par rapport aux élections européennes du début du mois de juin 2024, il augmente son nombre de voix de 37%.

Irrémédiablement, Marine Le Pen est parvenue à briser le plafond de verre qui enserrait son parti et l’empêchait de coller à la réalité politique du pays.

Derrière, l’alliance électorale entre la fausse Gauche vraiment électoraliste, les post-modernes et les populistes de la France insoumise, récolte 8 974 566 voix. Cela représente 27,99 % des suffrages exprimés (18,19 % des inscrits).

Quant aux nombre de sièges obtenus dès le premier tour (pour les candidats obtenant plus de 50% des voix), c’est le même rapport : le Rassemblement national et Eric Ciotti en gagne déjà 38 et le « Nouveau Front populaire » 32.

Loin derrière, la majorité présidentielle n’en obtient que 2 et la Droite traditionnelle des Républicains 1 (ainsi que 2 pour des élus classés divers droites).

En nombre de voix sur le plan national, cela donne :

6 425 568 pour la majorité présidentielle, soit 20,04 % des suffrages exprimés (13,02 % des inscrits) ;

2 104 981 pour Les Républicains soit 6,57 % des suffrages exprimés (4,27 % des inscrits).

Dans ces deux cas, c’est un véritable effondrement.

Il faut noter également la participation qui a été très importante, marquant la grande confiance existante en France envers le régime. Le taux d’abstention n’a été que de 33,29%, contre 52,49% en 2022 et 51,29% en 2017.

Il y a deux fois plus de personnes qui ont voté que de personnes qui se sont abstenues. Ce ne sont donc que 16 421 470 de personnes qui ont choisi de rester à l’écart des différentes dynamiques électorales. Par rapport au nombre de voix récoltées par le Rassemblement national et Eric Ciotti, cela fait tout de même un tiers de plus.

En ce qui concerne l’Assemblée nationale, le véritable enjeu de ce scrutin, il y a déjà 76 députés qui sont d’ores et déjà élus, ce qui exprime une grande vague, un engouement, dans certaines circonscriptions, soit pour le Rassemblement national, soit pour le « Nouveau Front populaire ». Il n’y avait que 5 élus au premier tour en 2022 et 4 en 2017.

La géographie électorale est très nette et mérite un commentaire. Il y a de manière flagrante un vote majoritaire soit pour le « Nouveau Front populaire », soit pour la majorité présidentielle, dans les circonscriptions des grandes métropoles, dont l’Île-de-France. A contrario, il y une vague Rassemblement national ailleurs.

C’est très visible avec les candidats élus au premier tour, dans le nord, l’est et une partie du sud pour le Rassemblement national, et en Région parisienne, à Rennes, Nantes, Marseille, Toulouse pour le « Nouveau Front populaire ».

Le choc psychologique produit par la domination du parti de Marine Le Pen conduit à un nombre extrêmement important de désistements au second tour (des candidats arrivés troisièmes et se retirant pour faire barrage au Rassemblement national). Lundi 1er juillet au soir, 155 désistements ont été recensés, dont 104 pour des candidats « Nouveau Front populaire » et 48 pour la majorité présidentielle.

Il faudra maintenant attendre le résultat du second tour dimanche 7 juillet pour bien saisir l’ampleur et la signification politique de ces élections. Notamment, il s’agira de savoir s’il y a une véritable vague populaire de contestation (ou plutôt d’aigreur contestatrice) faisant que le Rassemblement national obtient une majorité (et donc le gouvernement), ou bien si les partisans du turbocapitalisme et de la décadence culturelle postmoderne réussiront à garder l’hégémonie dans le pays.

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La vague Jordan Bardella (le marchand de tapis)

La politique, c’est autant le fond que la forme, c’est-à-dire que l’emballage compte autant que ce qu’il y a à proposer. Il ne s’agit pas simplement d’apparence ou de « communication », mais de quelque-chose de bien plus complexe et insaisissable : la dynamique.

Par exemple, la grande différence entre le Front populaire de 1936 et l’escroquerie électorale qui en reprend le nom en 2024 ne tient pas qu’au fond (où la différence est abyssale), mais surtout à la dynamique.

Pour changer le monde, il faut une dynamique, il faut un élan avec une réelle dimension, il faut que chaque mot prononcé percute dans la tête des gens et que chaque proposition face caisse de résonance aux autres. C’est la même chose quand il s’agit de ne surtout pas changer le monde.

Sur le fond, le programme du Rassemblement national est relativement mou, absolument consensuel, comme il a déjà été constaté.

Seulement voilà, Jordan Bardella se sent pousser des ailes à moins d’une semaine du scrutin. Tout ce qu’il dit percute et résonne. Il a une dynamique et il profite de l’effet d’emballement autour de l’idée qu’il soit Premier ministre en cas de majorité à l’Assemblée nationale pour renforcer cette vague.

D’où la conférence de presse du 24 juin 2024, avec la tentative de présenter un programme plus étoffé, ou plus exactement cherchant à avoir de l’envergure.

Bien sûr, il s’agit surtout de faire basculer les choses pour tout un tas de gens encore hésitants ou réfractaires. Jordan Bardella veut coller absolument à l’état d’esprit français du moment, qui consiste à ne surtout vouloir ni de politique, ni d’engagement, seulement à « rétablir » la société d’avant 2020.

Il y a une mesure proposée tout à fait anecdotique, mais qui est très significative : c’est la suppression de l’obligation des diagnostics de performance énergétique pour les logements. Jordan Bardella explique lors de sa conférence de presse :

« Ces contraintes environnementales excessives freinent non seulement le marché immobilier, la réindustrialisation et restreignent l’accès à la propriété ».

Tout est dit. Pour quelqu’un véritablement à Gauche comme nous, qui a une exigence de civilisation, cela est insupportable, car mesquin, complètement à côté de la plaque historiquement et culturellement, mais aussi (surtout) sur le plan de l’écologie. Et en plus Jordan Bardella se dit favorable à la continuation de l’artificialisation des sols!

Pour les Français de 2024 par contre, cela résonne. C’est libéral, c’est le refus des normes, c’est l’idée de tout relancer, et puis chacun fait ce qu’il veut. Surtout si c’est pour acquérir la propriété ou la maintenir.

Cela résonne très bien avec ses propositions sur le patrimoine. On a la suppression d’impôts sur les héritages directs pour « les familles modestes et les classes moyennes » et l’exonération pour les donations parentales jusqu’à 100 000 euros par enfant ou petit-enfant tous les dix ans.

Garantir le rêve petit-bourgeois de la propriété individuelle et de la transmission d’un capital à sa descendance : voilà ce qui fait la dynamique Jordan Bardella, exactement comme cela le faisait pour Emmanuel Macron.

Cela résonne d’autant plus que Jordan Bardella le marchand de tapis réussit à faire croire qu’il est radical, avec une sorte de mini-Frexit (Brexit à la française). On a ainsi la suspension des transpositions européennes (les normes européennes qui s’imposent aux normes françaises) et la dérogation aux règles européennes encadrant le marché de l’énergie.

N’en jetez plus ! La France molle et fatiguée qui voudrait bien tenter le repli sur soi sans trop l’oser, va être conquise par ce genre d’argumentation typiquement mesurée et rationnelle, à la française.

Si à cela on ajoute une prétention à ramener l’ordre, alors on ne voit pas comment il pourrait ne pas réussir son entreprise.

« L’urgence est aussi le rétablissement de l’ordre », dit-il en expliquant qu’il remettra l’autorité « au cœur de l’action publique ». Ici, il a tout un catalogue à présenter pour susciter le désir aux chalands qui auront envie d’y croire :

  • peines minimales et peines planchers ;
  • suspension des allocations familiales aux parents d’enfants récidivistes ;
  • fin à l’excuse de minorité ;
  • généralisation des centres éducatifs fermés.

L’accent est mis notamment sur l’école, avec au passage l’idée relancée de l’uniforme à l’école, sur le mode « c’était mieux avant » :

  • vouvoiment obligatoire ;
  • fin du collège unique ;
  • « big bang de l’autorité » dès la rentrée de septembre ;
  • interdiction réelle des téléphones portables y compris au Lycée ;
  • peines plancher dans les conseils disciplinaires ;
  • centres spécialisés pour les « élèves perturbateurs ou harceleurs » ;
  • suspension des allocations familiales et des bourses scolaires en cas de perturbations graves et répétées au sein des établissements scolaires.

De manière parallèle, il y a aussi l’immigration, sujet pour lequel Jordan Bardella a ce qu’il faut en stock pour vendre le rêve d’un électrochoc :

  • suppression du droit du sol ;
  • levée des obstacles à l’expulsion des délinquants et criminels étrangers ;
  • délit de séjour irrégulier ;
  • augmentation du délai de rétention en centre de rétention administrative ;
  • référendum sur l’immigration.

Cependant, rien de tout cela ne saurait marcher sans des promesses sur le « pouvoir d’achat », sa « première priorité ». Les Français doivent pouvoir consommer sans entrave. Jordan Bardella propose une baisse de la TVA pesant sur les carburants, ainsi que l’énergie, et puis des augmentations de salaires défiscalisées.

Rien de très violent, mais cela lui garantit une certaine popularité et fait concurrence à l’alliance électorale de la fausse gauche.

Cela d’autant plus qu’il lui est très facile de la critiquer comme étant irresponsable et manquant de sérieux.

« Pour être juste, il faut être réaliste » dit-il de manière très habile, avant de lancer une petite phrase politicienne typiquement française :

« voter LFI, c’est voter FMI ».

Le FMI, c’est le Fond monétaire international. Jordan Bardella vend l’idée que les propositions de Jean-Luc Mélenchon et ses alliés sont irréalistes et conduiraient le pays à la faillite, alors que lui par contre est généreux, mais raisonnable.

Comme nous sommes en France en 2024, c’est le « mais raisonnable » qui l’emporte. Et il le sait :

« Non seulement mes mesures sont chiffrées, en plus elles sont raisonnables ».

D’ailleurs, en homme raisonnable, en « bon père de famille », il compte conduire dès sa prise de fonction un « audit des comptes de la nation ». Tout sera la faute des autres, ses prédécesseurs, qui auront mal géré, alors que lui sait comment bien gérer.

L’audit doit déboucher sur une commission qu’il présente comme ayant pour but de montrer :

« comment l’État dépense son argent, comment Emmanuel Macron a organisé la mise en quasi-faillite des comptes publics depuis sept ans ».

Tout ceci est saupoudré de bien d’autres annonces à effets garantis : retour sur la réforme des retraites, suppression de niches fiscales coûteuses et abusives, industrialisation, mesure pour l’agriculture contre la concurrence internationale « déloyale », moratoire sur les éoliennes, moratoire sur la fermeture des structures de santé, incitation à l’installation dans les déserts médicaux, énergie nucléaire, etc.

La dynamique est totale pour une vague populiste déferlant sur la France. Peu importent les résultats, la politique c’est du style. Les États-Unis ont eu leur Donald Trump, le Royaume-Uni a eu son Boris Johnson, l’Italie sa Giorgia Meloni, le Brésil son Jair Bolsonaro, etc. La France va avoir son Jordan Bardella.

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Le programme mou de Jordan Bardella

La France n’a plus aucune envergure, ni aucun horizon, à part se ratatiner sur elle-même. Le programme présenté par Jordan Bardella pour les élections législatives de juin 2024 est à ce titre exemplaire.

Le Rassemblement national est censé représenter une alternative politique radicale, un grand chamboulement, attirant pour les uns et repoussant pour les autres : ce qu’il propose est en réalité d’une tiédeur consternante.

Son principal horizon ? Abroger la réforme des retraites qui avait mis en colères les syndicalistes et fonctionnaires français.

Il est expliqué que dès l’automne prochain, il sera permis à « ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans de partir à la retraite avec 40 annuités à un âge légal de départ de 60 ans ».

Pourquoi pas, mais cela n’emmène pas très loin en termes de chamboulement proposé, puisque cela ne consiste qu’en le fait de revenir à ce qui existait il y a encore quelques mois !

Mais ce qui compte surtout pour les Français, c’est leur capacité à pouvoir consommer sans entrave. Alors le Rassemblement national a ce qui faut à proposer : baisse de la TVA sur les énergies et le carburant, de 20 % à 5,5 %.

Cela est même censé entrer en vigueur dès l’été (si la majorité lui est acquise), avec un projet de loi de finances rectificatif lors d’une session parlementaire extraordinaire.

Dans un second temps, il est envisagé ni plus ni moins que la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité. C’est simple et efficace, bien racoleur comme il faut afin d’attirer le lambda ; peu importe que la TVA soit l’impôt qui rapporte le plus au Trésor public, les Français adorent quand on dépense sans compter. Le service public ? Oh oui ! Les impôts ? Oh non !

Toutefois, côté budget il faut bien quelques promesses, pour avoir l’air sérieux. Cela tombe bien, Jordan Bardella en avait deux en stock : supprimer certaines niches fiscales (qui sont des combinaisons pour éviter des impôts) et abaisser de 2 milliards d’euros la contribution de la France au budget de l’Union européenne.

Là encore, rien de transcendant. La promesse qui est faite est simplement de maintenir l’existant, en jurant de grandes largesses financières. C’est précisément l’inverse d’un chamboulement.

Là où Jordan Bardella prétendra avoir un peu de radicalité, c’est sur le thème de l’immigration et de l’insécurité, qui ne consistent pour lui d’ailleurs qu’en un seul et même thème. Ainsi, les choses sont très simples pour les Français qui n’ont pas à s’inquiéter de devoir changer leurs mentalité ou faire évoluer la civilisation : ils suffirait de virer les migrants pour que toute aille pour le mieux dans le meilleur des mondes!

Toutefois, là encore, il n’y a absolument aucune radicalité, ni aucune conflictualité sur le sujet. Voilà ce que met en avant Jordan Bardella en présentant son programme :

  • peines planchers pour les affaires de stupéfiants et d’atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ;
  • suspensions d’allocations familiales aux parents de mineurs délinquants récidivistes ;
  • suppression du droit du sol ;
  • remplacement de l’aide médicale d’État par un fonds limité aux urgences vitales.

Dans le programme officiel, il est ajouté également l’expulsion des délinquants étrangers.

C’est à peine un programme de Droite traditionnelle, et c’est le genre de choses tout à fait banales qui existent déjà largement dans tout un tas de pays occidentaux.

Jordan Bardella n’envisage évidemment aucunement de renvoyer les migrants dans leur pays. L’immigration en France, qui est absolument massive, est indispensable pour le capitalisme, afin de faire faire le sale boulot à des gens moins regardant que les Français, qui ont malgré tout acquis une conscience de classe et des exigences sociales.

L’immigration, essentiellement d’Afrique et d’Europe de l’Est, approvisionne massivement les chantiers, les hôtels, la restauration, les usines, les maraîchages, etc. Jordan Bardella n’en parle pas du tout, car il n’envisage aucunement de couper l’herbe sous le pied au capitalisme français.

Le Rassemblement national utilise des grandes phrases, en disant vouloir « réduire drastiquement l’immigration légale et illégale ». Mais il n’en parle jamais dans le détail et n’évoque jamais le sujet sur le fond.

Ce qu’il raconte est à chaque fois extrêmement mesuré. Politiquement, c’est surtout d’une extrême mollesse. Une mollesse de droite, exactement comme François Hollande incarnait une mollesse de gauche, puis Emmanuel Macron une mollesse centriste.

D’ailleurs, il suffit à Jordan Bardella de dire qu’il s’oppose à Emmanuel Macron, et voici que sa ligne politique est affirmé. Voici comment est officiellement présenté le programme du Rassemblement national (en deux phrases, nous ne mettons que la première) :

« Les élections législatives des 30 juin et du 7 juillet sont une chance historique d’engager le redressement de notre pays et de mettre fin à la politique toxique d’Emmanuel Macron qui vous fait tant souffrir. »

Pauvres Français, enfants pourris gâtés du capitalisme, qui ont « tant souffert » ! Cela est grotesque, mais tout à fait à l’image du pays : c’est la meilleure chose à dire pour quelqu’un souhaitant effectivement devenir Premier ministre de la France molle et larmoyante d’aujourd’hui.

C’est absolument répugnant, indigne de l’immensité culturelle et historique de la France. En vérité, seule la Gauche, la vraie, portée par le prolétariat et notamment les femmes du prolétariat, pourra réellement assurer la continuité historique de la France, être à la hauteur de son héritage.

Au contraire, le populisme nationaliste mou de Jordan Bardella est infâme, comme l’est la France aujourd’hui, fille malade de l’occident en perdition.

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Refus de l’hégémonie

L’atlantisme de Jordan Bardella

Atlantisme : l’expression vient du nom de l’Otan, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord. Un atlantiste en France est une personne qui prête allégeance à l’Otan, c’est-à-dire qui est soumise à la superpuissance américaine.

Tel est le cas de Jordan Bardella du Rassemblement national, au même titre qu’Emmanuel Macron. L’expression la plus flagrante de son atlantisme est bien entendu son soutien forcené au régime de Kiev et à la guerre contre la Russie.

Dès mars 2022 Jordan Bardella qualifiait Zelensky de « modèle de résistance » expliquant qu’il est « toujours admirable de voir un chef d’État résister ».

Un an plus tard, il l’applaudissait debout, malgré les consignes de sa formation politique. Il regrettait alors « une naïveté collective [dans son camp] à l’égard des ambitions de Vladimir Poutine ».

En avril 2024, pour se justifier dans le cadre du Parlement européen, il disait de la Russie qu’elle :

« représente une menace multidimensionnelle pour l’Europe et conteste les intérêts français, que ce soit en Europe ou en Afrique ».

Il n’hésitait pas à parler également, reprenant la propagande du régime français, des « ingérences russes » contre lesquelles il faut « lutter ». Il est à l’origine en 2023 (avec son collègue Jean-Philippe Tanguy du RN) d’une commission d’enquête parlementaire « relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères », dont l’objet était de dénoncer la Russie.

Il reprend souvent mot pour mot les positions américaines, par exemple à l’occasion de la mort d’Alexeï Navalny :

« Une nouvelle tragique pour tous les défenseurs des droits humains et des libertés fondamentales ».

Jamais Marine Le Pen n’aurait pu dire ça. Durant les années 2010, elle représentait une ligne néo-gaulliste, prônant une indépendance pour la puissance française sur la scène mondiale ; c’était un véritable nationalisme, représentant directement un danger de type fasciste. Il y avait une proximité avec la Russie, comme contre-poids à l’influence américaine.

Cette proposition a échoué en raison de la faiblesse de puissance française dans le cadre de la crise. L’élection présidentielle de 2017 a été un tournant, Marine Le Pen échouant en raison de son incapacité (historique) à rallier la haute bourgeoisie française, celle-ci étant incapable de porter la puissance française.

La crise qui s’est généralisé d’abord avec le Covid-19 puis la guerre en Ukraine, a finalement entièrement rebattu les cartes. La France n’avait plus aucune possibilité d’indépendance, elle s’est entièrement soumise et vassalisée à la superpuissance américaine.

Le néo-gaullisme de Marine Le Pen devint alors littéralement mort et enterré, nonobstant le fait que le populisme social et vaguement nationaliste qu’elle avait porté pendant dix ans restait utile pour le régime français. C’est là que Jordan Bardella intervient : il représente en apparence une ligne de rupture, tout en étant en fait totalement aligné sur le régime et donc, chose la plus importante, sa soumission à la superpuissance américaine.

Il suffit de voir cette chose très simple et ô combien représentative. Marine Le Pen prône depuis le début la sortie du commandement intégré de l’Otan. C’est, si on veut, le kit de base pour n’importe quel nationaliste cohérent : impossible de prétendre à quoi que ce soit en étant soumis aux États-Unis via l’Otan. La mesure figurait encore au programme du Rassemblement national en 2022, bien qu’elle était déjà relativement mise de côté.

Jordan Bardella est tout à fait en rupture avec cela. Il est contre la sortie du commandement intégré de l’Otan. Il l’a expliqué notamment dans un entretient avec l’organisme Europa Nova, qui est typiquement un réseau d’influence américain, prônant une ligne d’effacement des nations au profit de l’Union européenne.

C’est pour cela que Jordan Bardella préfère Giorgia Meloni (la dirigeante italienne) à Matteo Salvini (de la Ligue du Nord), qui est l’allié historique de Marine Le Pen. La première est furieusement pro-américaine et pour la soumission à l’Otan, tandis que le second est plutôt tourné vers la Russie.

Dans un entretien en avril 2023 à La Repubblica, l’un des principaux quotidien italien, Marine Le Pen a vainement tenté de mettre les point sur les i et maintenir sa ligne historique, en expliquant des choses qu’elle est absolument incapable de raconter en France depuis plusieurs années déjà :

« Je reste eurosceptique, et chaque jour qui passe, je le suis davantage. Je ne suis pas sceptique à propos de l’Europe, mais sur l’organisation politique de l’UE.

De plus, la France a un héritage politique et une indépendance sur le plan international. Meloni est favorable à l’OTAN parce qu’elle est italienne. Il y a des éléments de son projet que je ne partage pas. Politiquement, je me sens plus proche de Matteo Salvini et je n’adapte pas mon discours aux résultats des élections : je suis une personne loyale ».

De son côté, en mai 2023, Jordan Bardella se rendait à Budapest au rassemblement annuel en Europe de la CPAC (Conservative Political Action Conference) au côté de Marion Maréchal : il s’agit du courant américain ultra-conservateur qui a élaboré et fait triompher le populisme de Donald Trump.

En 2018, Marion Maréchal avait fait son grand retour à la vie politique en tenant un discours d’alliance devant ces personnes aux États-Unis ; Jordan Bardella est sur cette même ligne atlantiste et il est tout à fait logique de voir Marion Maréchal se rapprocher de lui dans le cadre des élections législatives de juin et juillet 2024.

La politique américaine s’impose en France, devenu simple protectorat américain. Dans la bataille pour le poste de governor de la province France, il y a Emmanuel Macron le Democrat lié à Joe Biden et il y a Jordan Bardella le Republican lié à Donald Trump.

Dans tous les cas, ils représentent la superpuissance américaine lancée agressivement dans la bataille pour le repartage du monde. C’est cela qu’il faut comprendre à Gauche avec la plus grande acuité : voilà l’ennemi, la superpuissance américaine et ses agents français, qui traînent la planète dans la 3e guerre mondiale !

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Effondrement de la France

Crise politique en France

Il y a deux ans pratiquement jour pour jour se formait la NUPES, une union de la Gauche gouvernementale qui a totalement échoué dans son entreprise. Et là on a une nouvelle unité PS, PCF, EELV et LFI.

Mais il est trop tard. Car ce qui ne s’était pas produit aux élections présidentielles et législatives précédentes a finalement eu lieu le 9 juin 2024. Le Rassemblement national mené par Jordan Bardella a raflé la mise aux élections européennes avec 31,37 % des suffrages (30 sièges).

C’est un courant de fond. Être de droite est porteur. D’ailleurs, le Rassemblement national a plus du double de la liste de la majorité présidentielle (14,6 % soit 13 sièges).

Pire encore, si on y ajoute les voix de la liste du parti d’Eric Zemmour conduite par Marion Maréchal (5,47 % soit 5 sièges), cela fait près de 37% pour le populisme à tendance nationaliste. Avec de surcroît un record de participation (51,49 %) depuis 1994.

La France est de droite, comme nous l’avons toujours souligné ici, à rebours des fictions et auto-intoxications, comme lors du mouvement contre la réforme des retraites.

La vérité, c’est que la France, moche et fanée, refuse fondamentalement de se tourner vers l’avenir. Elle s’arc-boute sur un passé fantasmé, celui des 30 glorieuses où la France était encore une puissance garantissant l’opulence capitaliste pour tous.

Le populisme à la fois national et social de Jordan Bardella est typique de cela, du « c’était mieux avant », du capitalisme en mode social mais mesuré. Même son « nationalisme » est très mesuré : il n’est pas vraiment contre l’immigration et l’islam, il n’est pas du tout contre l’Union européenne et il est même carrément pour les États-Unis et l’Otan. De surcroît, il est un farouche défenseur des institutions de la Ve République.

Toutefois, il représente quelque-chose qui tranche avec le libéralisme ultra-moderniste d’Emmanuel Macron, exactement comme le Républicain Donald Trump tranche avec le Démocrate Joe Biden aux États-Unis. Le résultat a donc été une claque pour Emmanuel Macron, surtout alors qu’il est censé avoir une légitimité gigantesque de part sa participation forcenée à la guerre américaine contre la Russie.

À situation de crise, réaction de crise : le Président français a donc décidé la dissolution immédiate de l’Assemblée nationale, ouvrant pour le pays une période de trois semaines (puis une semaine) de troubles et d’incertitudes politiques.

Les élections des députés auront lieu le 30 juin, puis le 7 juillet en cas de second tour. Dans les faits, le régime français vacille littéralement, car la France est une puissance en déclin devenue entièrement inféodé à la superpuissance américaine, mais qui ne l’assume pas encore suffisamment.

Emmanuel Macron, pour garantir la guerre qu’il compte mener à la Russie, a besoin d’une légitimité renforcée. Il joue donc carte sur table en imposant un retour aux urnes et en tentant si ce n’est de coincer le Rassemblement national, sinon de l’obliger à rentrer comme il faut dans l’orbite américaine. Il accusera le RN d’être pro-Russie, et celui-ci montrera en retour avec zèle sa loyauté à la superpuissance américaine, tout comme le fait la populiste Giorgia Meloni à la tête du gouvernement en Italie.

Beaucoup de choses vont être dites et entendues durant ces trois prochaines semaines, il faut s’attendre d’ailleurs à la plus grande hystérie de la part de la petite-bourgeoisie urbaine et des bobos. Il va y avoir dans toutes les bouches des raccourcis grotesques, des déformations, du mensonge, du hors-sujet.

Il n’y a qu’à voir l’édito grotesque de Libération qui invente littéralement une situation historique et politique :

« En route vers ces élections inattendues mais ô combien cruciales, la gauche française doit prendre conscience de son rôle historique : assurer aux Français, comme ses ancêtres républicains, que le fascisme ne passera pas. »

Les bourgeois gauche-caviar de « Libé » inventent, car non seulement il n’y a pas de menace fasciste avec le consensuel et républicain Jordan Bardella, mais surtout la Gauche ne ressemble plus à rien en France. Elle est plus que jamais coupée du peuple, prise en étau entre les populistes ultras de la France insoumises et les bourgeois atlantistes furieusement pour la guerre à la Russie comme Raphaël Glucksmann ; elle ne changera donc rien à rien en 2024.

C’est la même rengaine avec la CGT, le syndicat qui se mêle de politique et s’imagine le droit de faire référence au Front populaire « face à l’extrême-droite » dans un communiqué. Le syndicat, qui ne semble pas être au courant qu’il est totalement marginal chez les prolétaires, est « en colère » et s’imagine des grandes choses pour y remédier :

« Notre République et notre démocratie sont en danger. Pour empêcher la catastrophe organisée par Emmanuel Macron et Marine Le Pen d’advenir, l’unité de la gauche est indispensable. »

Bref, c’est le triomphe du populisme, y compris donc dans sa version « de gauche », qui sabote l’héritage historique et la puissance du Socialisme pour défendre une République bourgeoise qui n’est pas du tout en danger.

Pour y voir clair dans ce marasme, il va falloir garder bien en tête la boussole de notre époque : la guerre mondiale de repartage du monde, avec en arrière plan l’effondrement de l’occident sous les coups acerbes des capitalismes challenger menés par la Chine.

Ce qui compte en France, c’est de dénoncer l’Otan, c’est de refuser la guerre à la Russie. Là est l’aspect principal.

La situation de crise politique rend d’autant plus claire et évidente cette position pour qui veux réellement que le monde change de base. Il n’y a pas à tergiverser ni à ruer dans les brancards : la crise politique exprime l’effondrement du régime en France, alors il faut appuyer cet effondrement en sabotant son principal plan de survie : la guerre à la Russie!

Non aux populismes, qu’ils soient nationaux ou libéraux, ou prétendument de gauche, et surtout non à l’Otan et aux plans de la superpuissance américaine pour la France, guerre à la guerre!

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Refus de l’hégémonie

Zelensky à Paris réclame « d’en faire plus »

Cérémonie en son honneur à l’Hôtel national des Invalides (musée de l’Armée), discours devant l’Assemblée nationale, visite du quartier général des Forces armées françaises, visite d’une usine d’armement, entretien avec le Président américain Joe Biden également présent à Paris, puis réception à l’Élysée : la journée parisienne du Président ukrainien Zelensky vendredi 7 juin 2024 a été très intense.

Devant l’Assemblée nationale (où le Président français n’a légalement pas le droit de se rendre), il a déclaré :

« Emmanuel, je te remercie de ne pas avoir laissé l’Europe sans leader« .

En effet, la France assume pleinement son rôle de premier vassal pour emmener le continent européen dans la guerre américaine contre la Russie.

Le Président ukrainien est venu en personne assurer la propagande de guerre et favoriser l’escalade. C’est une machine à fabriquer une opinion pour la guerre qui tourne à plein régime.

« Il faut plus, ce n’est pas un reproche. Il faut faire plus pour vaincre le mal. »

Voilà ce qu’il a assené devant une assemblée conquise, bien qu’un peu clairsemée, et l’ayant ovationné. Cela a pris une tournure particulièrement odieuse, comme la veille lors des cérémonies du Débarquement, puisqu’il a fait référence à la résistance contre le nazisme, alors que le régime dont il est à la tête en est largement imprégné (et c’est d’ailleurs officiellement ce qui lui est reproché par la Russie).

« Sans ces victoires contre le nazisme, les nations libres n’existeraient pas. Il n’y aurait pas de liberté en Europe.

Notre Europe est le résultat du courage des hommes et des femmes, qui ont résisté contre le mal. Cette unité donne de la force à notre Europe. Aucune autre motivation à part celle de protéger notre foyer et d’être des hommes dotés de liberté. »

Mais peu importe le fond, car c’est ici la forme qui compte. Tout ce qui peut favoriser l’escalade guerrière est bon à prendre pour les faiseurs de guerre, peu importe l’Histoire, la réalité ou la Raison.

Le Président ukrainien n’y est donc pas allé par quatre chemins. Il appelle ouvertement et plus concrètement que jamais à l’escalade.

Sur le plan historique, il faudra bien remarquer qu’on a un chef d’État étranger qui est ovationné par les députés français, alors qu’il vient leur intimer de faire la guerre à un autre État.

C’est le genre de chose impensable a priori, mais en réalité tout à fait possible dans la France du 21e siècle, qui n’est plus qu’une succursale américaine, accueillant une autre succursale qu’est l’Ukraine… sous la supervision du Président américain présent à Paris!

C’est une chose qui aurait été impensable ne serait-ce qu’il y a dix ans. La pandémie a fait vaciller le capitalisme, désormais c’est l’affrontement généralisé qui se met en place, avec au coeur la bataille pour l’hégémonie entre les superpuissances américaine et chinoise. Tous les autres doivent donc, au fur et à mesure, se mettre au garde à vous.

Et la France s’est vassalisée à la superpuissance américaine. La scène du théâtre du 7 juin 2024 a donc servi à ce que le président russe Vladimir Poutine soit ouvertement désigné comme « ennemi commun » de l’Ukraine et de l’Europe (la France n’intéresse en fait que comme moyen d’entrainer toute l’Europe).

Et il n’y a aucune opposition politique à cela en France. Même les plus critiques sont en fait totalement soumis au soutien à l’Ukraine, donc aux intérêts américains, au-delà des différences de forme.

Marine Le Pen critique le calendrier présidentiel français, en prétendant que la visite de Zelensky est une diversion en vue des élections européennes (dont tout le monde se fiche en réalité). Mais elle prend bien soin de préciser sa soumission :

« Je suis ravie d’accueillir monsieur Zelensky à l’Assemblée. »

Il en est de même pour la France insoumise, ou encore le PCF, qui pourtant voit très bien la situation qui se dessine. Son premier représentant, Fabien Roussel, a tout à fait bien résumé la situation actuelle :

« J’entends les appels à entrer dans une 3è guerre mondiale. À revivre un DDay. Je vois mon pays s’enfoncer dans la guerre. Nous n’en voulons pas. Le peuple doit s’en mêler ! Dire non à cette escalade militaire dangereuse ! »

Sauf qu’il est démagogique, car inconséquent, puisqu’il ajoute en fait au préalable :

« Soutenir la résistance ukrainienne, 1000 fois oui ! »

Il n’y a pas de « résistance ukrainienne », il y a un régime nationaliste et furieusement anti-Gauche (toute la Gauche y est interdite), qui sert de proxy à la superpuissance américaine pour mener la guerre à la Russie (elle-même étant relativement un proxy chinois).

La seule position valable et utile, c’est celle du refus total du soutien au régime ukrainien et de la dénonciation de Zelensky. On ne combat pas la guerre mondiale en soutenant en même temps la constitution de la guerre mondiale.

Il suffit de lire régulièrement notre chronologie de l’escalade guerrière dans laquelle est rentrée la France depuis le mois de février 2024 pour comprendre à quel point il est urgent et vitale de dénoncer l’engrenage. De le saboter même.

Il faut dénoncer avec force ces propos de Zelensky qui vient réclamer ouvertement l’engagement direct de la France contre la Russie :

« Poutine peut-il gagner cette bataille? Non, parce que nous n’avons pas le droit de perdre. Nous pouvons certainement gagner cette bataille. L’Ukraine, et donc l’Europe. L’Europe, et donc la France. »

Sur le plans des annonces, il faut retenir essentiellement quatre choses de la journée :

  • des accords avec à la clé 650 millions de prêts ;
  • des accords entre KNDS (fabriquant notamment les canons Caesar) et des entreprises ukrainiennes pour un transfert de production ;
  • la prise en charge par la France de la formation et de l’équipement d’une brigade ukrainienne (plus de 4000 soldats);
  • la fourniture d’avions de chasse de type Mirage.

Le même jour, le groupe de défense Thales a annoncé qu’il allait fournir au régime ukrainien un deuxième système de défense aérienne de type Ground Master 200, qui est un radar de moyenne portée, transportable sur camion.

La France se prépare nettement à participer directement à la guerre en Ukraine, et elle y est largement déjà impliqué. Il faut s’y opposer, il faut dénoncer l’Otan et les plans de la superpuissance américaine, il faut la guerre à la guerre!

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Vie quotidienne

La Course de la Paix (cyclisme)

L’édition 2024 de la Course de la Paix démarre ce jeudi 30 mai en République tchèque. Elle se déroule jusqu’à dimanche 2 juin avec 4 étapes disputées par des coureurs de moins de 23 ans, en sélection nationale.

En voici une présentation à la fois générale et particulière.

Son nom officiel tchèque est Závod míru, mais son nom international officiel se dit en Français. Il faut d’ailleurs y ajouter Grand Prix Jeseníky, du nom de la ville et de la région montagneuse tchèque qui reçoit maintenant la course.

Il s’agit du plus haut niveau cycliste pour cette catégorie d’âge et c’est une manche de la Coupe des nations UCI. Parmi les récents vainqueurs, on retrouve pas moins que David Gaudu (2016) ou Tadej Pogačar (2018) ; c’est le jeune breton Antoine Huby qui a gagné l’édition précédente (2023).

Il ne s’agit que de la 11e édition de la course disputée sous cette forme depuis 2013 (il n’y a pas eu d’édition 2020), mais la course existe en fait depuis 1948 !

Prague, 1977.

C’est en effet une épreuve historique, typique du « bloc de l’Est » et de son esprit socialiste, avec une ouverture internationale très volontaire. Rien que le nom de la course, choisi en 1950 (« Course de la Paix »), est évocateur.

Voici comme était introduit le règlement de la course à l’époque :

« La course de la Paix exprime la volonté de tous les participants de défendre une paix durable, la sécurité et la coopération entre les peuples de tous les continents de notre planète. »

On retrouvait sur le maillot jaune de leader la fameuse colombe de la paix de Pablo Picasso, qu’il avait dessiné pour le premier Congrès mondial du Mouvement des Partisans de la Paix.

Ce sont les journaux quotidiens des partis communistes de Pologne (Trybuna Ludu) et de Tchécoslovaquie (Rudé Právo) qui l’ont créé. Elle se courrait à l’origine en reliant Prague à Varsovie, ou inversement. En 1952, le quotidien du Parti socialiste unifié d’Allemagne (Neues Deutschland) a rejoint l’organisation : la ville de Berlin a donc rejoint Prague et Varsovie !

En 1985 et 1986, le quotidien d’URSS La Pravda a rejoint l’organisation (avec des départs à Moscou puis à Kiev) avant de se retirer.

L’édition 1987 au départ de Berlin a réuni 156 coureurs venus de Pologne, du Portugal, d’URSS, des Pays-Bas, de République fédérale d’Allemagne, de République démocratique d’Allemagne, de Suisse, d’Espagne, de Tchécoslovaquie, de Suède, de Grande-Bretagne, de Finlande, d’Italie, de Bulgarie, de Belgique, de Roumanie, de Norvège, de Hongrie, de Yougoslavie, de France, de Chine, de Mongolie, de Syrie, des États-Unis, du Mexique, et de Cuba !

Au palmarès figurent de grands coureurs internationaux ayant fait des podiums sur les plus grandes courses professionnelles et amateurs du monde, dont le Tour de France.

La Course de la Paix a difficilement survécu à l’effondrement du bloc d’Europe de l’Est, devenant une course mineure, puis disparaissant en 2006.

C’est une réjouissance de la voir renaitre de ses cendres à travers une version dédiée à la jeunesse (il existe également une édition « junior » pour les coureurs de moins de 19 ans).

Bien sûr, il ne faut pas s’attendre à des miracles : l’héritage de la course est assumé pour le prestige, mais c’est marginal. Seule une version stylisée de la colombe de la paix figure dans le logo, ainsi qu’un bref rappel historique sur le site de l’organisation.

On remarquera d’ailleurs que le Président du comité d’organisation est Robert Kolář, une figure de la Droite tchèque dont le parti ODS est particulièrement atlantiste, et pas pacifiste. Il préside également le Tour de République tchèque (course professionnelle).

Malgré tout, c’est le patrimoine de la Gauche historique qui est vivant avec cette course, qui d’ailleurs est très moderne dans son approche.

Il est remarquable que le code de conduite est tourné vers la nature et la responsabilité vis-à-vis du changement climatique. Cela tranche avec les mentalités libérales et rétrogrades qui prédominent souvent dans le cyclisme.

« Nous protégeons la nature et respectons les principes de développement durable ».

Voici la présentation des étapes, pour les passionnés de cyclisme, et on sait qu’il y en a. Aucune diffusion en direct n’est prévue à notre connaissance. Il faudra suivre le live text ici et scruter les réseaux sociaux pour avoir des images.

Étape 1 : Krnov-Opava – 123 km / 1739 m D+ (départ fictif à 13h)
Étape 2 : Uničov-Rýmařov – 117 km / 1863 m D+ (départ fictif à 13h30)
Étape 3 : Bruntál-Dlouhé stráně – 99km / 2156 m D+ (départ fictif à 12h)
Étape 4 : Šumperk-Jeseník / 126 km / 2223 m D+ (départ fictif à 10h30)

La liste de départ est disponible sur Procyclingstat. Pour la petite histoire, nous pronostiquons une victoire finale du Danois Simon Dalby ! La sélection française sera toutefois très redoutée avec le triptyque Brieuc Rolland, Léo Bisiaux et Alexy Faure Prost qui devrait s’illustrer sur la très dure montée de Dlouhé stráne lors de l’étape reine samedi 1er juin. Ils devront composer notamment avec le Kazakh Ilkhan Dostiyev.

À surveiller pour les autres victoires d’étape, le Portugais António Morgado et le Français Paul Magnier.

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Refus de l’hégémonie

Importante visite d’État russe en Chine (« le thé au bord de l’eau »)

Il y avait de quoi se tordre de rire début mai 2024 en écoutant les journalistes et commentateurs français à l’occasion de la visite du Président chinois Xi Jinping en France.

Ceux-ci s’imaginaient que la France avec Emmanuel Macron avait l’occasion de peser sur la question du conflit en Ukraine, car la Chine pouvait être emmenée sur telle ou telle positon sous prétexte qu’il avait été dit ou sous-entendu ceci ou cela par Xi Jinping…

C’était tout bonnement ridicule. Cela fait déjà bien longtemps que les jeux sont faits. La Russie n’existe plus que dans l’orbite chinoise, tout comme la France n’existe plus que dans l’orbite américaine.

Il y a plus d’un an, en mars 2023, Xi Jinping effectuait une visite d’État en Russie, sa première visite à l’étranger depuis sa réélection, pour sceller sans aucune ambiguïté l’alliance sino-russe contre les États-Unis. La Chine parlait carrément d’une « ère nouvelle ».

Le jeudi 16 mai 2024, Vladimir Poutine a donc fait la même chose : il s’est rendu en République populaire de Chine pour son premier déplacement à l’étranger depuis sa réélection. C’était l’occasion de célébrer 75 années de relations diplomatiques (soit depuis la naissance de la République populaire de Chine en 1949).

Il faut savoir également que les deux présidents s’appellent souvent, notamment à l’occasion de leurs anniversaires respectifs, etc.

Voici comment la diplomatie chinoise présente la visite d’État russe, pour ceux qui auraient encore des doutes :

« Xi Jinping a indiqué que, comme le dit le proverbe chinois, « une montagne est formée par l’accumulation de sol et un océan est formé par l’accumulation d’eau ».

Après 75 ans d’accumulation solide, l’amitié durable et la coopération globale entre la Chine et la Russie donnent une forte impulsion aux deux pays pour aller de l’avant malgré le vent et la pluie.

Se trouvant à un nouveau point de départ, la Chine et la Russie s’en tiendront toujours à leur intention initiale et assumeront conjointement la responsabilité afin de créer davantage de bénéfices pour leurs peuples et de contribuer comme il se doit à la sécurité et à la stabilité mondiales. »

De son côté, Vladimir Poutine a largement prêté allégeance à la superpuissance chinoise, déclarant notamment :

« La Russie considère la Chine comme un partenaire fiable et à long terme et souhaite continuer à développer la coopération avec la Chine dans les domaines politique, économique, culturel, éducatif et sécuritaire, à organiser les « Années de la culture russo-chinoise » et à approfondir les échanges humains. »

La ligne officielle de la Russie est en effet que le pays est davantage asiatique qu’européen.

Voici le déroulé de la réception du Président russe jeudi 16 mai 2024, qui s’est faite avec les plus grands des honneurs. La question ukrainienne a officiellement été abordée, mais il a fallu attendre la toute fin de journée, au bord d’un lac et autour d’un thé…

Début de matinée.

Entretient en format restreint entre Vladimir Poutine et Xi Jinping au Grand Palais du Peuple à Beijing (Pékin).

Entretiens élargis avec des comités intergouvernementaux de coopération ; signature d’une série de documents de coopération bilatérale (économie et commerce, protection de la nature, inspection et quarantaine, médias et autres domaines).

Signature et publication d’un document intitulé Déclaration conjointe de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie sur l’approfondissement du partenariat stratégique global de coordination pour la nouvelle ère à l’occasion du 75e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques Chine-Russie.

Fin de matinée.

Grande cérémonie de bienvenue sur l’esplanade devant la porte est du Grand Palais du Peuple.

Salutation par la garde d’honneur et fanfare militaire jouant les hymnes nationaux ; salve de 21 coups de canon tirée sur la Place Tian’anmen.

Revue de la garde d’honneur de l’Armée populaire de Libération et défilé.

Acclamation par des enfants chinois et russes tenant des bouquets de fleurs et des drapeaux nationaux des deux pays.

Midi.

Banquet de bienvenue dans la salle dorée du Grand Palais du Peuple.

Après-midi.

Cérémonie d’ouverture des Années de la culture Chine-Russie et concert spécial de musiques folkloriques chinoise et russe célébrant le 75e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques (environs 1000 personnalités chinoises et russes présentes).

Soirée.

Réunion restreinte à Zhongnanhai, un immense parc bordé d’un lac au milieu de la capitale chinoise. La question ukrainienne est finalement ouvertement abordée, en apothéose de la journée.

Voici le long et épique récit officiel de ce moment par la diplomatie chinoise (en Français), qui est très significatif historiquement !

« Au milieu de l’été [commencé le 5 mai 2024], à Zhongnanhai, une brise légère souffle doucement et les reflets d’eau scintillent.

Xi Jinping reçoit Vladimir Poutine devant le pont Yingtai. Les deux chefs d’État se sont promenés et ont discuté, regardant les pavillons et admirant le beau paysage.

Les deux chefs d’État ont pris le thé au bord de l’eau et ont eu des échanges approfondis sur des questions stratégiques d’intérêt commun dans une atmosphère détendue.

Le monde d’aujourd’hui est confronté à des changements inédits depuis un siècle et entre dans une nouvelle période de perturbation et de transformation, a noté Xi Jinping, ajoutant que face au paysage mondial qui ne cesse d’évoluer avec volatilité et trouble, la Chine est restée ferme dans sa stratégie.

Il a déclaré que sous la direction du Parti communiste chinois, le peuple chinois avait surmonté de multiples difficultés et défis, et qu’il œuvrait à la promotion du développement de haute qualité et de la modernisation chinoise.

La Chine est disposée à travailler avec la Russie et d’autres pays afin de renforcer la solidarité et la coopération, d’orienter la gouvernance mondiale dans la bonne direction, de défendre conjointement l’équité et la justice internationales, et de promouvoir la paix du monde et le développement commun, a déclaré Xi Jinping.

Notant que le développement de la Chine est inéluctable et qu’aucune force ne peut contenir son développement et ses progrès, Vladimir Poutine a déclaré que la Russie souhaitait améliorer sa coopération avec la Chine et d’autres pays du « Sud global » afin de promouvoir l’équité et la justice internationales, et d’œuvrer vers un monde plus égalitaire et multipolaire.

Les deux chefs d’État ont eu un échange de vues approfondi sur la crise ukrainienne.

Xi Jinping a précisé la position cohérente de la Chine et ses efforts pour promouvoir un règlement politique de la crise ukrainienne, soulignant que pour résoudre toute question majeure, il était nécessaire de traiter à la fois les symptômes et les causes fondamentales, et de planifier autant pour le présent que pour le long terme.

Il a noté que l’essentiel de l’Initiative pour la sécurité mondiale était de préconiser une vision de sécurité commune, globale, coopérative et durable, et que la solution fondamentale à la crise ukrainienne était de promouvoir l’établissement d’une nouvelle architecture équilibrée, efficace et durable.

Xi Jinping a déclaré que la Chine soutenait la convocation d’une conférence internationale de paix reconnue par la Russie et l’Ukraine à un moment approprié avec une participation égale et une discussion franche de toutes les options, afin de promouvoir un règlement politique rapide de la question ukrainienne, et que la Chine était disposée à continuer à jouer un rôle constructif à cet égard.

Vladimir Poutine a introduit les idées et les positions concernées de la Russie, indiquant que la Russie appréciait la position objective, juste et équilibrée de la Chine en ce qui concerne la question ukrainienne et invitait la Chine à continuer à jouer un rôle important et constructif dans le règlement politique de la question.

La Russie est engagée à résoudre la question ukrainienne via les négociations politiques et souhaite démontrer sa sincérité et continuer à maintenir une communication étroite avec la Chine à cet égard, a-t-il noté.

La nuit tombait et les lumières étaient brillantes. 

Xi Jinping a serré la main de Vladimir Poutine et lui a dit au revoir. Xi Jinping a noté que ces dernières années, ils avaient eu plusieurs réunions avec des échanges francs, approfondis et fructueux.

Xi Jinping s’est dit disposé à maintenir un contact étroit avec le président Vladimir Poutine et à travailler ensemble pour orienter le développement des relations sino-russes dans la bonne direction, guider le partenariat de coordination stratégique global Chine-Russie pour une nouvelle ère à réaliser des progrès solides et durables, apporter davantage de bénéfices aux peuples des deux pays, et contribuer activement à la promotion de la sécurité et de la stabilité dans le monde.

Vladimir Poutine a remercié Xi Jinping pour son hospitalité chaleureuse et s’est dit heureux de chaque rencontre et de chaque entretien avec son homologue chinois Xi Jinping.

Leurs échanges ont été très approfondis et significatifs. Vladimir Poutine a exprimé son souhait de maintenir une communication étroite avec Xi Jinping, de mettre en œuvre le consensus important qu’ils ont atteint, et d’assurer un développement approfondi du partenariat stratégique global de coordination Russie-Chine pour une nouvelle ère. 

Difficile de faire plus clair. L’actualité mondiale est la guerre de repartage du monde, avec principalement l’affrontement entre la superpuissance américaine et sa rivale la superpuissance chinoise. La guerre en Ukraine est une expression de cette crise mondiale, elle est déjà la 3e guerre mondiale…

C’est là la réelle, la seule actualité.

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Culture & esthétique

« Les armées de l’Occident entrèrent en Russie, et la guerre éclata! »

Léon Tolstoï est un titan, car en plus d’être un artiste réaliste à la plume géniale, il était capable de la meilleure des philosophies. L’ensemble est lié, naturellement.

Ce passage qui introduit le Livre III de Guerre & Paix est absolument incontournable. C’est, précisément au milieu du roman, une réflexion matérialiste saisissante sur la guerre et la destinés des hommes.

C’est extrêmement bien exprimé, d’une intelligence rare ; cela reflète d’autant mieux notre actualité, qui est celle d’une nouvelle guerre entre l’Occident et la Russie, avec notre pays la France en première ligne contre la Russie.

Il faut lire Léon Tolstoï, pour comprendre et combattre cette marche terrible vers la guerre, faisant qu‘il arriva ainsi que des millions d’hommes, répudiant tout bon sens et tout sentiment humain, se mirent en marche de l’Ouest vers l’Est pour aller massacrer leurs semblables

Cultivons-nous et développons notre philosophie avec Léon Tolstoï pour être à la hauteur de l’époque ! Guerre à la guerre, à bas l’Otan, à bas les faiseurs de guerre Emmanuel Macron et Joe Biden, à bas le capitalisme ! Vive l’amitié universelle entre les peuples, vive la Gauche historique, vive le socialisme !

« À la fin de l’année 1811, les souverains de l’Europe occidentale renforcèrent leurs armements, et concentrèrent leurs troupes. En 1812, ces forces réunies, qui se composaient de millions d’hommes, y compris, et ceux qui les commandaient, et ceux qui devaient les approvisionner, se mettaient en marche vers les frontières de la Russie, qui, de son côté, dirigeait ses soldats vers le même but. Le 12 juin, les armées de l’Occident entrèrent en Russie, et la guerre éclata !…

C’est-à-dire qu’à ce moment eut lieu un événement en complet désaccord avec la raison et avec toutes les lois divines et humaines ! Ces millions d’êtres se livraient mutuellement aux crimes les plus odieux : meurtres, pillages, fraudes, trahisons, vols, incendies, fabrication de faux assignats… tous les forfaits étaient à l’ordre du jour, et en si grand nombre, que les annales judiciaires du monde entier n’auraient pu en fournir autant d’exemples pendant une longue suite de siècles !… Et cependant ceux qui les commettaient ne se regardaient pas comme criminels !

Où trouver les causes de ce fait aussi étrange que monstrueux ? Les historiens assurent naïvement qu’ils les ont découvertes dans l’insulte faite au duc d’Oldenbourg, dans la non observation du blocus continental, dans l’ambition effrénée de – 297 – Napoléon, dans la résistance de l’Empereur Alexandre, dans les fautes de la diplomatie, etc., etc.

Il aurait donc suffi, s’il fallait les en croire, que Metternich, Roumiantzow ou Talleyrand eussent rédigé, entre une réception de cour et un raout, une note bien tournée, ou que Napoléon eût adressé à Alexandre un : « Monsieur mon frère, je consens à restituer le duché d’Oldenbourg… », pour que la guerre n’eût pas lieu ! On conçoit aisément que tel devait être le point de vue des contemporains.

Ainsi qu’il l’a dit plus tard à Sainte-Hélène, Napoléon attribuait exclusivement la guerre aux intrigues de l’Angleterre, tandis que de leur côté les membres du Parlement anglais donnaient pour prétexte son ambition insatiable ; le duc d’Oldenbourg, l’insulte dont il avait été l’objet ; les marchands, le blocus continental qui ruinait l’Europe ; les vieux soldats et les généraux, l’absolue nécessité de les employer activement ; les légitimistes, le devoir sacré de soutenir les bons principes ; les diplomates, l’alliance austro-russe de 1809, que l’on n’avait pas su dissimuler au cabinet des Tuileries, et la difficulté que présenterait la rédaction d’un mémorandum, portant, par exemple, le n° 178.

Ces raisons, jointes à une foule d’autres, d’une nature plus infime et provenant de la diversité des points de vue personnels, ont pu sans doute satisfaire les contemporains, mais pour nous, pour nous qui sommes la postérité, et qui envisageons dans son ensemble la grandeur de l’événement et qui en approfondissons la vraie raison d’être dans sa terrible réalité, elles ne sauraient nous paraître suffisantes. Nous ne saurions comprendre que des millions de chrétiens se soient entretués parce que Napoléon était un ambitieux, parce qu’Alexandre avait montré de la fermeté, l’Angleterre de la ruse, ou parce que le duc d’Oldenbourg avait été insulté !

Où est donc le lien entre ces circonstances et le fait même du meurtre et de la violence ? Pourquoi les habitants des gouvernements de Smolensk et de Moscou ont-ils été, en conséquence de semblables motifs, égorgés et ruinés par des milliers d’hommes venus du bout opposé de l’Europe ?

Nous ne sommes pas des historiens, et nous ne nous laissons pas entraîner à la recherche, plus ou moins subtile, des causes premières : aussi, nous contentons-nous de juger les événements avec notre simple bon sens, et plus nous les étudions de près, plus, nous leur trouvons de motifs véritables. De quelque façon qu’on les envisage, ils nous paraissent également justes ou également faux, si l’on en compare l’infime valeur intrinsèque avec l’importance des faits qui en ont été la conséquence, et nous restons convaincus que leur ensemble seul peut en donner une explication plausible.

Pris isolément, le refus de Napoléon, qui ne veut pas rappeler ses troupes en deçà de la Vistule, ou rendre le grand-duché au grand-duc d’Oldenbourg, nous paraît aussi valable, comme argument, que si l’on disait : S’il avait plu à un caporal français de quitter le service, et si son exemple avait été suivi par un grand nombre de ses camarades, le nombre des soldats aurait été trop réduit, la guerre serait, en conséquence, devenue impossible.

Sans doute, si Napoléon ne s’était point offensé de ce qu’on exigeait de lui, si l’Angleterre et le duc dépossédé n’avaient pas intrigué, si l’Empereur Alexandre n’avait pas été profondément froissé, si la Russie n’avait pas été gouvernée par un pouvoir autocratique, si les raisons qui ont amené la révolution française, la dictature et l’Empire n’avaient point existé, il n’y aurait pas eu de guerre ; mais, de même aussi, qu’une de ces causes vînt à manquer, et rien de ce qui est arrivé n’aurait eu lieu!

C’est donc de leur ensemble, et non de l’une d’elles en particulier, que les événements ont été la conséquence fatale : ILS SE SONT ACCOMPLIS PARCE QU’ILS DEVAIENT S’ACCOMPLIR, et il arriva ainsi que des millions d’hommes, répudiant tout bon sens et tout sentiment humain, se mirent en marche de l’Ouest vers l’Est pour aller massacrer leurs semblables, comme, quelques siècles auparavant, des hordes innombrables s’étaient précipitées de l’Est vers l’Ouest, en tuant tout sur leur passage !

Considérés par rapport à leur libre arbitre, les actes de Napoléon et d’Alexandre étaient aussi étrangers à l’accomplissement de tel ou tel événement que ceux du simple soldat que le recrutement ou le tirage au sort obligeait à faire la campagne.

Comment d’ailleurs aurait-il pu en être autrement ? Pour que leur volonté, maîtresse en apparence de tout diriger à leur gré, se fût exécutée, il aurait fallu le concours d’une infinité de circonstances ; il aurait fallu que ces milliers d’individus entre les mains desquels se trouvait la force agissante, que tous ces soldats qui se battaient, ou qui transportaient les canons et les vivres, consentissent à faire ce que leur ordonnaient ces deux faibles unités, et que leur soumission unanime fût motivée par des raisons aussi compliquées que diverses.

Le fatalisme est inévitable dans l’histoire si l’on veut en comprendre les manifestations illogiques, ou, du moins celles dont nous n’entrevoyons pas le sens et dont l’illogisme grandit à nos yeux, à mesure que nous nous efforçons de nous en rendre compte.

Tout homme vit pour soi, et jouit du libre arbitre nécessaire pour atteindre le but qu’il se propose. Il a, et il sent en lui la faculté de faire ou de ne pas faire telle ou telle chose, mais, du moment qu’elle est faite, elle ne lui appartient plus, et elle devient la propriété de l’histoire, où elle trouve, en dehors du hasard, la place qui lui est assignée à l’avance.

La vie de l’homme est double : l’une, c’est la vie intime, individuelle, d’autant plus indépendante que les intérêts en seront plus élevés et plus abstraits ; l’autre, c’est la vie générale, la vie dans la fourmilière humaine, qui l’entoure de ses lois et l’oblige à s’y soumettre.

L’homme a beau avoir conscience de son existence personnelle, il est, quoi qu’il fasse, l’instrument inconscient du travail de l’histoire et de l’humanité. Plus il est placé haut sur l’échelle sociale, plus le nombre de ceux avec qui il est en rapport est considérable, plus il a de pouvoir, plus sont évidentes la prédestination et la nécessité inéluctable de chacun de ces actes :

LE CŒUR DES ROIS EST DANS LA MAIN DE DIEU !

LES ROIS SONT LES ESCLAVES DE L’HISTOIRE !

L’histoire, c’est-à-dire la vie collective de toutes les individualités, met à profit chaque minute de la vie des rois, et les fait concourir à son but particulier. Bien que Napoléon fût plus que jamais convaincu, en l’an de grâce 1812, qu’il dépendait de lui seul de verser ou de ne pas verser le sang de ses peuples, plus que jamais au contraire il était assujetti à ces ordres mystérieux de l’histoire qui le poussaient fatalement en avant, tout en lui laissant l’illusion de croire à son libre arbitre.

Ainsi donc, tout en obéissant, à leur insu, à la loi de la coïncidence des causes, ces hommes qui marchaient en foule vers l’Orient, pour tuer et massacrer leurs semblables, y étaient en même temps conduits par ces nombreuses et puériles raisons qui, aux yeux du vulgaire, motivaient cette terrible perturbation.

Ces raisons, on les connaît, c’étaient : la violation du blocus continental, le démêlé avec le duc d’Oldenbourg, l’entrée des troupes en Russie pour en obtenir, comme le croyait Napoléon, une neutralité armée, son goût effrénée pour la guerre, l’habitude qu’il en avait prise, jointe au caractère des Français, à l’entraînement général causé par le grandiose des préparatifs, aux dépenses qu’ils occasionnaient et à la nécessité par suite d’y trouver des compensations, aux honneurs enivrants qu’il avait reçus à Dresde, aux négociations diplomatiques qui, quoique animées, au dire des contemporains, d’un sincère désir de paix, n’avaient cependant abouti qu’à froisser les amours-propres de part et d’autre… et mille autres prétextes, plus ou moins bons, qui, tous réunis, n’avaient, en définitive, d’autre résultat que le fait qui devait fatalement s’accomplir.

Pourquoi une pomme tombe-t-elle quand elle est mûre ? Est-ce son poids qui l’entraîne ? Est-ce la queue du fruit qui meurt ? Est-ce le soleil qui la dessèche ? Est-ce le vent qui la détache, ou bien est-ce tout simplement que le gamin qui est au pied de l’arbre a une envie démesurée de la manger ?

Prise à part, aucune de ces raisons n’est la bonne. La chute de cette pomme est la résultante obligée de toutes les causes qui produisent l’acte le plus minime de la vie organique. Par conséquent le botaniste qui attribuera la chute de ce fruit à la décomposition du tissu cellulaire aura tout aussi raison que l’enfant qui l’attribuera à son désir de la croquer à belles dents et à la réalisation de son désir.

De même aura tort et raison à la fois celui qui dira que Napoléon a été à Moscou parce qu’il l’avait résolu, et qu’il y a trouvé sa perte parce que telle était la volonté d’Alexandre ; de même aura tort et raison celui qui assurera qu’une montagne pesant plusieurs millions de pouds (environ 20 kg, NDT) et sapée à sa base ne s’est écroulée qu’à la suite du dernier coup de pioche donné par le dernier terrassier !

Les prétendus grands hommes ne sont que les étiquettes de l’Histoire : ils donnent leurs noms aux événements, sans même avoir, comme les étiquettes, le moindre lien avec le fait lui-même. Aucun des actes de leur soi-disant libre arbitre n’est un acte volontaire : il est lié à priori à la marche générale de l’histoire et de l’humanité, et sa place y est fixée à l’avance de toute éternité. »

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Refus de l’hégémonie

États-Unis: 95 milliards de dollars pour la guerre

La Chambre des représentants, l’équivalent américain de l’Assemblée nationale en France, a voté samedi 20 avril 2024 un plan gigantesque de 95 milliards de dollars, dont 61 milliards présentés comme étant en faveur de l’Ukraine, par 311 voix pour et 112 voix contre.

Cela faisait des mois que la situation était bloquée par l’opposition républicaine, particulièrement par sa frange la plus radicale organisée autour de Mike Johnson, réputé proche de Donald Trump.

Il est le président de cette assemblée et prônait une ligne dure consistant en le fait de se focaliser uniquement sur l’affrontement contre la superpuissance chinoise (via Taïwan), en laissant de côté l’affrontement avec la Russie (via l’Ukraine).

Finalement, il a fait voter le plan de Joe Biden à propos de l’Ukraine en déclarant :

« Pour parler franchement, je préfère envoyer des munitions à l’Ukraine plutôt que des soldats américains. Mon fils va entrer à l’Académie navale cet automne. Pour moi comme pour de nombreuses familles américaines… ce n’est pas un jeu, ce n’est pas une plaisanterie ».

D’ici quelques jours, les formalités devraient être réglées après un passage du texte devant le Sénat, puis une validation par le Président Joe Biden lui-même.

En fait, les 61 milliards pour le régime ukrainien seraient ainsi répartis :

  • environ 10 milliards de dollars pour de l’assistance économique dédiée aux secteurs de l’énergie et des infrastructures, sous la forme d’un prêt ;
  • près de 14 milliards de dollars pour former, équiper et payer l’armée ukrainienne ;
  • le reste pour les usines d’armement américaines.

Par ailleurs, le plan d’aide autorise le Président Joe Biden à confisquer et à vendre des actifs financiers russes, pour qu’ils servent à financer la reconstruction de l’Ukraine.

Autrement dit, tout cela consiste essentiellement en deux choses : d’une part l’asservissement économique de l’Ukraine (ou de ce qu’il en restera) à l’issue de la guerre, d’autre part en la mise en branle de l’économie de guerre aux États-Unis en vue de l’affrontement avec la Chine.

Le plan consiste également en 13 milliards d’aide à Israël, qui profite du massacre du 7 octobre pour procéder à la destruction meurtrière de Gaza, et surtout en 8 milliards d’investissement dans des sous-marins pour venir en aide au régime de Taïwan contre la Chine.

À la manière d’une film hollywoodien (il faut imaginer ici une musique mièvre et lancinante pour accompagner la lecture), le président ukrainien Zelensky a immédiatement déclaré à l’issue du vote :

« Je remercie la Chambre des représentants des États-Unis, les deux partis, ainsi que le président Mike Johnson personnellement pour cette décision qui maintient l’histoire sur la bonne voie.

La démocratie et la liberté auront toujours une importance mondiale et n’échoueront jamais tant que les États-Unis contribueront à les protéger. Le projet de loi vital sur l’aide américaine adopté par la Chambre aujourd’hui empêchera la guerre de s’étendre, sauvera des milliers et des milliers de vies et aidera nos deux nations à devenir plus fortes.

Une paix et une sécurité justes ne peuvent être obtenues que par la force.

Nous espérons que ces projets de loi recevront le soutien du Sénat et seront envoyés au bureau du président Biden. Merci l’Amérique ! »

En plus d’être pathétiques, ces propos sont odieux, car bien évidemment ils n’aideront en rien à sauver des milliers de vies. Ce qui se prépare, concrètement et directement, c’est un emballement guerrier meurtrier avec les millions de victimes que fera la grande bataille pour le repartage du monde, qui ne fait que s’élargir, chaque jour.

L’Ukraine, la nation ukrainienne, n’est malheureusement qu’un prétexte à tout cela, son peuple servant de chair à canon pour ce qui n’est qu’un prologue à la troisième guerre mondiale.

Concrètement, le régime nationaliste et corrompu de Kiev va pouvoir, grâce à l’aide américaine, tenir tête encore quelques temps au rouleau compresseur russe. Mais l’Ukraine est déjà condamnée depuis longtemps, n’étant qu’un pion, une case, un passage sur le chemin historique du véritable conflit : l’affrontement entre la superpuissance américaine et son challenger, la superpuissance chinoise.

D’ailleurs, le président Joe Biden ne s’est pas trompé en expliquant très justement la nature de ce plan de 95 milliards :

« un message clair sur la puissance du leadership américain à travers le monde ».

Ce n’est pas pour rien que le même jour, le secrétaire d’État américain Antony Blinken (l’équivalent d’un ministre des Affaires étrangères) expliquait que selon lui la Chine alimente indirectement le conflit en Ukraine en fournissant des composants pour son industrie de défense, permettant ainsi à Moscou de « continuer son agression ». Un voyage en Chine est d’ailleurs annoncé de sa part.

C’est en effet de cela dont il s’agit en priorité pour les représentants américains : affronter indirectement la Chine et se préparer à affronter directement la Chine.

Tout le reste n’est que du cinéma, de la narration, pour légitimer le fait de faire tourner l’économie de guerre américaine. Personne n’en a rien à faire ni de l’Ukraine, ni des Ukrainiens.

Forcément, la Russie ne se prive pas de le dénoncer et c’est très habilement que le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov a déclaré :

« La décision de fournir une aide à l’Ukraine était attendue et prévisible. Elle enrichira davantage les États-Unis et ruinera encore plus l’Ukraine, en tuant encore plus d’Ukrainiens à cause du régime de Kiev ».

Il faut préciser également une chose très importante, qui pourrait paraître anecdotique au premier abord mais qui ne l’est pas du tout. Le plan voté ce samedi 20 avril 2024 contient également un texte prévoyant la possibilité de l’interdiction de l’application TikTok.

Cette application est directement liée au régime chinois, via sa maison-mère ByteDance, pour ce qu’il est convenu d’appeler à notre époque la guerre hybride.

TikTok est d’abord un gigantesque aspirateur à intelligence : sur le plan culturel et moral, l’application est un véritable désastre, abrutissant une génération entière de part son fonctionnement qui rend les cerveaux hostiles à tout effort, à toute réflexion. Il est évident que la Chine a intérêt à abrutir la jeunesse américaine (et la jeunesse occidentale en générale).

Mais il y a également le fait, plus concret et facile à voir, que l’application est accusée par les représentants américains d’être utilisée par la Chine pour espionner et manipuler ses 170 millions d’utilisateurs aux États-Unis.

Il y a là un enjeu immense, un affrontement de la plus haute importance, entre les deux puissances rivales. C’est la bataille pour le repartage du monde, c’est la 3e guerre mondiale comme perspective immédiate.

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Culture & esthétique

« Exalté par l’espoir du triomphe prochain »

« — Mais comment nous décider à faire la guerre à la France, prince ? demanda Rostoptchine. Comment nous lèverions-nous contre nos maîtres, contre nos dieux ? Voyez notre jeunesse, voyez nos dames ! Les Français sont leurs idoles, Paris est leur paradis ! »

La guerre est une chose d’autant plus abominable qu’elle exalte les esprits et fait puiser en les hommes ce qu’ils ont de plus profond, de plus total, pour leur faire perdre toute raison.

Pour gagner une guerre, il faut de la ferveur, il faut des gens ayant non pas seulement compris qu’ils allaient mourir, mais qui sont eux-mêmes d’accord pour mourir, même contre leurs frères, même contre leurs amis d’hier.

Si Guerre & Paix de Léon Tolstoï est un monument de la littérature, c’est en grande partie parce qu’il décrit cela avec une finesse et une précision extraordinaire.

Un extrait, seul, n’apportera jamais la même profondeur que la lecture de ce même passage au milieu de l’ouvrage, alors que l’on connait les personnages, alors que le décor est solidement implanté et que les événements ont été déjà minutieusement décrits depuis des pages.

Cela vaut toutefois la peine, et nous le faisons ici. Cela a d’autant plus de signification à notre époque en 2024 que la France est pratiquement en guerre avec la Russie, et que c’est de cela qu’il s’agit dans ce passage.

On y voit comment un jeune officier, initialement terrorisé par sa présence sur le front, s’en trouve finalement exalté, jusqu’à souhaiter mourir par ferveur.

Que cette ferveur soit patriotique, ou bien issue d’une loyauté pour l’empereur, ou n’importe quoi d’autre, cela ne change en réalité pas grand-chose, et c’est cela qu’à voulu montrer Léon Tolstoï.

La guerre est une abomination qui se suffit à elle-même, qui s’auto-alimente, qui broie les esprits et les cœurs, qui annihile la raison. Les gens qui sous-estiment la guerre, qui ne croient pas en la guerre, ont tort, et ils se rendent finalement coupables de laisser-faire.

Au contraire, nous dénonçons la guerre ! Opposez-vous à la guerre à la Russie et lisez Guerre & Paix de Tolstoï, voilà le mot d’ordre de gauche à notre époque en France !

Voici le chapitre 10 de la 3e partie du Livre 1, d’après la traduction de Boris Schloezer. Les passages en italique sont en français dans le texte original.

À l’aube du 16, l’escadron de Dénissov, auquel appartenait Nicolas Rostov et qui faisait partie du détachement du prince Bagration, quitta son bivouac pour entrer en action, à ce qu’on disait ; ayant parcouru près d’une verste à la suite d’autres colonnes, il reçut l’ordre de s’arrêter sur la grand-route. Rostov vit passer devant lui des cosaques, le 1er et le 2e escadron de hussards, des bataillons d’infanterie avec de l’artillerie et les généraux Bagration et Dolgoroukov avec leurs aides de camp.

La peur qu’il ressentait comme toujours avant l’action, la lutte intérieure grâce à laquelle il parvenait à dominer cette peur, sa résolution de se conduire en vrai hussard au cours de ce combat, tout cela se révéla vain : l’escadron resta en réserve et Nicolas Rostov passa une journée ennuyeuse et triste. 

Vers neuf heures du matin, il entendit une fusillade quelque part devant lui et des “hourras”, vit des blessés que l’on ramenait vers l’arrière (ils n’étaient pas nombreux) et enfin, au milieu d’un détachement de cosaques, un groupe de cavaliers français. 

Le combat évidemment était terminé, un combat peu important mais victorieux. Les soldats et les officiers qui en revenaient parlaient d’une éclatante victoire, de la prise de Wischau, de tout un escadron français fait prisonnier. Le temps était clair, ensoleillé, après la forte gelée nocturne, et la gaie lumière de cette journée d’automne était en accord avec la nouvelle de la victoire que répandaient non seulement ceux qui y avaient pris part, mais aussi les visages joyeux des soldats, des officiers, des généraux, des aides de camp qui passaient devant Rostov, se rendant aux lieux du combat ou en revenant. 

Il en avait le cœur serré, lui qui avait lutté douloureusement contre la peur précédant la bataille pour ensuite passer toute cette magnifique journée dans l’inaction. 

– Rostov ! Viens ici, buvons pour nous consoler ! cria Dénissov s’installant sur le rebord de la route devant une gourde et un casse-croûte.

Des officiers formaient cercle autour de la cantine de Dénissov, mangeant et bavardant.

– En voilà encore un, dit un des officiers en désignant un dragon français à pied entre deux cosaques. 

L’un d’eux conduisait par la bride la monture du prisonnier, un grand et beau cheval français. 

– Vends-moi le cheval ! cria Dénissov au cosaque. 

– Volontiers, Votre Noblesse…

Les officiers se levèrent et entourèrent les cosaques et le prisonnier. C’était un jeune Alsacien qui s’exprimait en français avec un accent allemand. Il était rouge et haletait d’émotion. Entendant parler français autour de lui, il se mit à expliquer aux officiers en toute hâte, s’adressant tantôt à l’un, tantôt à l’autre, qu’on n’aurait jamais réussi à le faire prisonnier, que ce n’était pas de sa faute s’il avait été pris, que la faute en était au caporal qui l’avait envoyé chercher des housses, qu’il lui avait dit pourtant que les Russes étaient là. 

Et à chaque phrase, il ajoutait : Mais qu’on ne fasse pas de mal à mon petit cheval, et il caressait sa bête. On voyait qu’il ne comprenait pas très bien où il se trouvait. Tantôt il s’excusait d’avoir été pris, tantôt, supposant qu’il se trouvait devant ses chefs, voulait prouver son zèle et sa ponctualité. Il apporta avec lui à notre arrière-garde, dans toute sa fraîcheur, l’atmosphère de l’armée française qui nous était si étrangère. Les cosaques cédèrent le cheval pour deux pièces d’or, et ce fut Rostov, maintenant le plus riche des officiers, qui l’acheta.

Mais qu’on ne fasse pas de mal à mon petit cheval, dit l’Alsacien avec bonhomie à Rostov, lorsque le cheval fut remis au hussard.

Rostov rassura en souriant la dragon et lui donna de l’argent.

– Allez, allez ! dit le cosaque en touchant le bras du prisonnier pour le faire avancer. 

– L’empereur ! l’empereur ! crièrent soudain des hussards. 

Tout le monde s’affaira, se mit à courir et Rostov s’étant retourné vit approcher des cavaliers empanachés. En une minute tous avaient gagné leur place et attendaient. Rostov s’était précipité et avait sauté en selle sans savoir ce qu’il faisait. Ses regrets de n’avoir pu participer au combat, l’humeur morose où l’avait plongée l’inaction au milieu de visages trop bien connus, tout cela s’évanouit instantanément. 

Complètement submergé par la vague de bonheur que soulevait en lui l’approche du souverain, il ne pouvait plus penser à lui-même. Cette seule approche suffisait à le dédommager de sa journée perdue. Il était heureux comme un amant qui obtient le rendez-vous tant désiré. N’osant se retourner dans les rangs et ne se retournant pas, il sentait son approche dans une sorte d’extase.

Il la sentait non seulement au bruit toujours plus distinct des sabots des chevaux, mais parce qu’à mesure que les cavaliers avançaient tout autour de lui, devenait plus clair, plus joyeux, acquérait un nouveau sens, prenait un air de fête. 

Il se rapproche de Rostov, ce soleil qui répand une lumière splendide. Et voilà que Rostov se sent plongé dans son rayonnement, il entend déjà sa voix, cette voix si douce, si calme, si majestueuse et si simple à la fois. Comme il se devait et comme le pressentait Rostov, un silence de mort tomba et dans ce silence retentit la voix de l’empereur.

Les huzards de Pavlograd ? dit-il d’un ton interrogateur.

La réserve, Sire, répondit une autre voix qui parut si humaine après celle, non humaine qui avait dit : les huzards de Pavlograd ? 

L’empereur arriva à la hauteur de Rostov et s’arrêta. Son visage était encore plus beau que trois jours auparavant, lors de la revue. Il rayonnait d’une telle gaieté, d’une telle jeunesse, d’une jeunesse si innocente qu’on songeait à sa vue à un enfant espiègle ; et c’était tout de même le visage empreint de majesté d’un empereur.

En parcourant des yeux l’escadron, le regard d’Alexandre rencontra par hasard celui de Rostov et s’arrêta sur lui deux, secondes, pas davantage. L’empereur comprit-il ce qui se passait dans l’âme de Rostov ? (Il avait tout compris, sembla-t-il à Rostov.) Toujours est-il que pendant deux secondes il fixa de ses yeux bleus (la lumière en coulait douce et pure) le visage de l’enseigne. Puis, soudain, il releva les sourcils, frappa brusquement son cheval du pied gauche et partit au galop.

Le jeune empereur n’avait pu résister au désir d’assister à la bataille et en dépit des objurgations des courtisans, à midi il avait dépassé la troisième colonne qu’il suivait et avait galopé vers l’avant- garde. Mais avant même qu’il eût rejoint les hussards, des aides de camp venus à sa rencontre lui avaient annoncé l’heureuse issue de la bataille.

Cette bataille s’était réduite en fait à la capture d’un escadron français, mais elle fut présentée comme une brillante victoire sur l’armée française. C’est pourquoi l’empereur et toute l’armée, surtout tant que la fumée ne se fut pas dissipée au-dessus du lieu du combat, s’imaginèrent que les Français étaient vaincus et reculaient contre leur gré.

Quelques minutes après le passage de l’empereur, la division à laquelle appartenaient les hussards de Pavlograd reçut l’ordre de se porter en avant. À Wischau même, petite ville allemande, Rostov revit encore une fois l’empereur. Sur la place de la ville où avait eu lieu une fusillade assez nourrie, gisaient quelques morts, quelques blessés qu’on n’avait pas eu le temps de relever. 

L’empereur accompagné d’une nombreuse suite civile et militaire montait encore une jument alezane demi-sang, mais ce n’était pas celle de la revue. Ayant porté à ses yeux d’un geste gracieux son face-à-main en or, il regardait, penché de côté, un soldat étendu sur le ventre, sans shako, la tête ensanglantée. 

Le soldat blessé était tellement crasseux, grossier, affreux, qu’à le voir si proche de l’empereur Rostov se sentit offusqué. Il vit les épaules légèrement voûtées d’Alexandre tressaillir comme parcourues d’un frisson glacé, il vit son pied gauche éperonner convulsivement le flanc du cheval qui, bien dressé, tourna la tête avec indifférence et ne bougea pas. Un aide de camp mit pied à terre, prit le blessé sous les bras et l’étendit sur une civière qu’on venait d’apporter. Le soldat gémit.

– Doucement, doucement ! ne peut-on faire plus doucement ? dit l’empereur qui apparemment souffrait plus que le soldat mourant, et il s’éloigna.

Rostov vit les larmes qui remplissaient ses yeux et il l’entendit dire en français à Czartoryski, tout en s’éloignant :

Quelle terrible chose que la guerre, quelle terrible chose !

Les troupes formant l’avant-garde s’établirent au-delà de Wischau, en vue des lignes de l’ennemi qui, au cours de toute cette journée, recula et céda du terrain à la moindre fusillade.

L’empereur remercia l’avant-garde, on annonça de prochaines récompenses et les hommes reçurent une double ration de vodka. Les feux des bivouacs crépitaient plus gaiement encore que la nuit précédente et les chants des soldats retentissaient. Denisov feta cette nuit-là sa promotion au grade de major, et Rostov, qui avait déjà pas mal bu, proposa à la fin du festin un toast à l’empereur, non pas “à Sa Majesté l’empereur, comme aux banquets officiels, dit-il, mais à la santé de l’homme bon, séduisant et grand. Buvons à la santé de l’empereur et à sa victoire certaine sur les Français !“.

– Si nous nous sommes bien battus jusqu’à présent, si, comme à Schængraben, nous ne nous sommes pas laissé faire par les Français, que ne ferons-nous pas maintenant qu’il est à notre tête ! Tous nous mourrons, nous mourrons pour lui avec bonheur ! Est-ce bien ainsi, messieurs ? Peut-être que je ne m’exprime pas comme il faut, j’ai beaucoup bu, mais c’est ce que je sens, et vous aussi. À la santé d’Alexandre Ier ! Hourra !

– Hourra ! crièrent les officiers enthousiasmés. 

Et le vieux capitaine Kirsten criait avec autant de ferveur et non moins sincèrement que le jeune Rostov. Quand les officiers eurent bu et cassé leurs verres, Kirsten en remplit d’autres et en manches de chemise et culotte de cheval, il s’approcha, le verre à la main, des feux de camp des soldats. Le bras levé, il se dressa majestueusement dans la lueur des feux avec sa longue moustache grise et sa poitrine blanche que laissait voir sa chemise entrouverte.

– À la santé de l’empereur, les enfants ! À notre victoire ! Hourra ! cria-t-il de sa voix martiale, la voix barytonnante d’un vieux hussard.

Les hussards attroupés autour de lui répondirent par de violentes acclamations.

Tard dans la nuit, quand tout le monde se fut dispersé, Dénissov tapota de sa courte main l’épaule de Rostov, son préféré.

– Voilà ce que c’est, dit-il. Personne de qui s’amouracher en campagne, et alors le voilà qui tombe amoureux de l’empereur !

– Dénissov, ne plaisante pas avec ça ! cria Rostov. C’est un sentiment si élevé, si admirable, si…

– Je te crois, je te crois, mon petit, et je partage, et j’approuve… 

– Non, tu ne comprends pas ! 

Et Rostov se leva et alla errer parmi les feux de camp, rêvant au bonheur de mourir non pas pour le salut de l’empereur (de cela il n’osait pas rêver), mais simplement de mourir sous ses yeux. Il était en effet amoureux du tsar, et de la gloire des armes russes, et exalté par l’espoir du triomphe prochain. 

Et il n’était pas le seul à éprouver de tels sentiments dans les jours mémorables qui précédèrent la bataille d’Austerlitz : les neuf dixièmes de l’armée russe, en ce temps-là, étaient amoureux, bien qu’avec moins de ferveur, et de leur empereur, et de la gloire des armes russes.

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Culture & esthétique

Comment lire Guerre & Paix de Tolstoï ?

C’est une œuvre majeure de la littérature mondiale, un joyau universel qu’on se doit d’avoir lu comme il faut avoir vu La flûte enchantée de Mozart.

Guerre & Paix, ou La guerre et la paix, consiste en un gigantesque tableau d’art littéraire, écrit avec une finesse marquante et beaucoup de profondeur, de relief. On en sort aussi satisfait que grandi et meilleur. Autrement dit, plus cultivé.

L’œuvre a une résonance toute particulière pour les Russes, car c’est l’une de leurs fiertés nationales, mais aussi pour les Français, car il y est beaucoup question de la France. D’ailleurs, il y a énormément de passages en français dans le texte original, les personnages étant des aristocrates parlant régulièrement le français, la langue des cours européennes de l’époque. Les éditions françaises impriment normalement ces passages en italique pour les différencier du reste qui est traduit.

Guerre & Paix est un roman historique, de type réaliste, dont le cœur de l’intrigue est la guerre de la France, à travers la figure de Napoléon, contre la Troisième coalition (l’Empire russe, l’Empire d’Autriche, le Royaume-Uni et la Suède).

On dit le cœur de l’intrigue, car c’est de cela dont il s’agit, mais on peut tout aussi bien considérer que ce n’est que prétexte ; en fin de compte, Lev Nikolaïevitch Tolstoï parle de bien plus que de cela dans son roman. Il y sonde l’âme russe, c’est bien connu, mais aussi l’Humanité en général, dans son rapport intime et particulier à la guerre, à cette horreur transcendante et bouleversante qu’est la guerre. Mais cela est fait de manière complexe, assumant toute la subtilité de la politique, jamais avec mièvrerie.

En 2024, alors que la France assume pratiquement ouvertement son intention de faire la guerre à la Russie, et que la Russie assume encore plus ouvertement de tuer en priorité tous les soldats français qui se dresseraient sur son chemin, le roman a une résonance encore plus particulière. Il faut lire ou relire Guerre & Paix de Tolstoï !

Seulement voilà, ce n’est pas une œuvre facile à aborder. D’abord quantitativement : pour une édition classique en français, c’est grosso modo deux milles pages ! Mais aussi qualitativement, car la lecture de ce livre demande un certain effort, particulièrement pour suivre la longue et précise suite de personnages qui se succèdent et s’entremêlent, tout cela au milieu de beaucoup d’autres qui ne font que passer.

Il faut donc trouver une méthode. La première chose, c’est d’assumer l’effort. Il faudra pour lire ce livre de la concentration. Le plus souvent, on sera porté par l’intrigue et les pages se succéderont avec délice. Mais parfois, on se retrouvera plusieurs minutes sur la même page, car il aura fallu réfléchir un peu plus en profondeur ou relire plusieurs fois, pour s’y retrouver, quitte à aller chercher ailleurs des informations, du vocabulaire.

Une fois cela su et assumé, c’est bien plus facile.

La seconde chose à faire, en tous cas pour la plupart des gens, c’est de dresser au fur et à mesure une liste précise et rigoureuse des protagonistes, d’autant plus qu’ils changent souvent d’appellation (qu’ils soient désignés avec ou sans le nom de famille, ou bien par un des nombreux diminutifs typiquement russes). Seuls les lecteurs les plus aguerris peuvent s’en dispenser. Nous allons proposer ici un exemple pour les premières pages.

Mais avant cela, une présentation de l’intrigue et du contexte historique est nécessaire.

En juin 1805, l’aristocratie mondaine de Saint-Pétersbourg (capitale de l’Empire) est obnubilée par Napoléon, devenu « Empereur ». La guerre est de toutes les conversations, avec en arrière plan la question de la révolution démocratique bourgeoise française qui chamboule l’élite russe et les émigrés français qui se sont réfugiés dans le pays.

Le monde change littéralement de base à cette époque, des centaines d’années d’Histoire féodale européenne étant renversées par la modernité bourgeoise.

On suivra d’abord quelques mondanités, dans la capitale puis à Moscou. La deuxième partie du Livre 1 (au bout d’un peu moins de 200 pages) sera ensuite consacrée au front, avec bientôt la fameuse bataille d’Austerlitz.

Les premières lignes servent à introduire quelques principaux protagonistes, au moyen d’une soirée organisée chez elle par Anna Pavlovna Schérer (favorite de l’impératrice).

Voici le début de la liste des personnages à connaître dans un premier temps, et à garder sous la main, par exemple sur une feuille cartonnée qui fera office de marque-page.

  • Le Prince Basile Kouraguine, très installé dans le monde. Il a trois enfants, jeunes adultes.
  • Anatole Kouraguine (fils du Prince Basile), intenable.
  • Hippolyte Kouraguine (fils du Prince Basile), mondain.
  • Hélène Kouraguine (fille du Prince Basile), mondaine et courtisée.
  • Pierre, fils illégitime du Comte Cyrille Vladimirovitch Bézoukhov (mourant), personnage principal du roman, souvent considéré comme la « voix » de Tolstoï lui-même. Il est hébergé par le Prince Basile à Saint-Pétersbourg.
  • André Bolkonski, proche de Pierre, s’apprête à partir au front comme aide du camp du Général Koutouzov (figure historique réelle).
  • Lise Meinen, femme d’André Bolkonski, enceinte.
  • Princesse Anna Mikhaïlovna Droubetskoï, ancienne du monde, cherche à placer son fils Boris.
  • Boris Droubetskoï, jeune adulte, se place habilement dans la société moscovite.
  • La famille Rostov avec le père le Comte Ilia, la mère la Comtesse Natalia Rostov, née Chinchine, les enfants Véra, Natacha et Nicolas, ainsi que leur cousine Sonia.

C’est normalement une très bonne base, pour appréhender l’œuvre confortablement, en mettant de côté beaucoup de personnages relativement secondaires. Cela dépendra de chacun, mais on peut considérer que cette liste suffira pour les deux cents premières pages.

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Refus de l’hégémonie

12 mars 2024, la question ukrainienne à l’Assemblée

Quelques jours après la convocation des chefs de groupes parlementaires à l’Élysée, les députés ont été invités par le gouvernement mardi 12 mars 2024 à donner leur avis sur l’accord de sécurité franco-ukrainien du 16 février 2024.

Ils ont donnés un avis largement positif sur cet accord militaire, même si ce vote n’a absolument aucune signification légale. C’était une simple consultation pour la forme, alors qu’en pratique tout a déjà été réglé par le Président depuis un mois, conformément à la nature de la Ve République.

Le Premier ministre Gabriel Attal, sur un ton monotone et lisse, carrément insipide, a donc récité par cœurs tous les éléments de langage occidentaux depuis deux ans à propos de l’Ukraine.

La Russie serait barbare et massacrerait volontairement des civils en mode génocide : « [ils] tuent femmes et enfants sans état d’âme ».

C’est là du bourrage de crâne digne de la guerre de 1914-1918. Et Gabriel Attal se sent donc « obligé » de faire la guerre à la Russie. Alors il vante ce que la France et l’Union européenne ont fait pour aider au massacre entre peuples frères d’Ukraine et de Russie :

« Dès les premiers moments de la guerre, nous avons livré des matériels déterminants. »

En détail, il a rappelé les canons César, les lance-roquettes, les missiles SCALP. Pour l’avenir, il prévoit des milliards et des milliards d’euros. Et plus concrètement : une livraison de 150 drones, 100 munitions téléopérées, 6 canons César, ainsi que la production de 3 000 obus par mois pour l’Ukraine.

Les volontés d’Emmanuel Macron sur la possibilité d’escalade ont bien évidemment été réitérés par Gabriel Attal :

« Nous n’excluons par principe aucune option. Nous ne nous fixons pas de limite face à une Russie qui elle n’en fixe aucune ».

« Nous n’abandonnerons pas l’Ukraine, et nous n’excluons par principe aucune option. »

La France veut et prépare la guerre contre la Russie, cela ne fait plus l’ombre d’un doute.

Gabriel Attal a été particulièrement outrancier également en expliquant que tous les maux de la France seraient la faute du méchant russe Vladimir Poutine.

Toute la politique intérieure du gouvernement tient ainsi en cette phrase : si les choses vont mal, c’est la faute à la Russie.

C’est grotesque, mais totalement assumé :

« Une victoire de la Russie,[…] c’est le danger constant des cyberattaques qui se multiplient. Une victoire de la Russie, c’est la plus grande vague migratoire de l’histoire sur le continent européen. »

« Une victoire de la Russie, c’est un danger direct pour notre sécurité alimentaire »

« Moscou serait libre de faire monter les prix comme bon lui semble. »

« Si elle se trouvait en position de force, la Russie serait en mesure de déstabiliser encore davantage le marché énergétique. Avec à la clef un cataclysme pour le pouvoir d’achat des Français, une explosion des prix de l’énergie puissance 10 »

Pour ce qui est des « oppositions », les choses sont très simples. Les libéraux à tendance conservatrice de Les Républicains sont d’accord avec le gouvernement, tout comme les pseudo « socialistes » de la fausse gauche (le PS), qui ont voté « POUR ».

Le centre et toutes les forces libérales gravitants de près ou de loin autour d’Emmanuel Macron ont aussi voté « POUR ».

De leur côtés, les nationalistes à tendance sociale du Rassemblement national n’ont pas été capable de voter « CONTRE », se contentant d’une abstention, tellement ils sont soumis à l’Otan et aux injonction de la superpuissance américaine pour soutenir l’Ukraine.

Seuls les populistes sociaux de la France insoumise et la Gauche républicaine (le PCF) ont été obligé de voter « CONTRE », tellement la tendance à la guerre est flagrante. Ils n’auraient jamais pu tenir par rapport à leur propre base.

Ils ont expliqué, en fin de compte, qu’ils ne veulent pas ajouter de l’huile sur le feu, qu’il faut être plus prudent, chercher une solution négociée, etc.

Mais c’est hypocrite, car tant les uns que les autres, malgré ce vote « CONTRE », ne se sont jamais opposés à l’envoi d’armes au régime ukrainien, ne dénoncent pas la marche à la guerre de la France.

En fait, La France insoumise et le PCF sont des forces conservatrices, représentant les intérêts du prolétaire syndicaliste propriétaire de son pavillon et qui ne veut surtout pas que quoi que ce soit change. Alors, pour les initiatives pro-guerre du capitalisme, il n’y a pas de soutien, mais pas d’opposition non plus.

Il suffit de regarder : ni La France Insoumise ni le PCF ne parlent jamais de la guerre en Ukraine (ni le NPA, ni l’Union Communiste Libertaire, ni les PCRF, UC, CDP, et tout ce qu’on voudra encore).

Arnaud Le Gall, député de La France Insoumise, a pris la parole pour rappeler que La France Insoumise avait soutenu la cession d’armes au régime ukrainien. Fabien Roussel, du PCF, a rappelé que « Oui, il faut donner les moyens à l’Ukraine de se défendre comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant ».

Comment peuvent-ils maintenant prétendre être contre l’escalade? C’est de la poudre aux yeux pour tromper leur base. Leur opposition est fictive et ils savant très bien qu’en agissant ainsi, cela ne change rien. Ils se placent dans le système capitaliste, qu’ils évitent soigneusement la confrontation.

En fin de compte, le vote a été un succès pour le régime, puisqu’il y a eu 372 voix pour, 101 abstentions et 99 voix contre, avec une opposition qui est pour le soutien militaire au régime ukrainien et exprime seulement ses craintes d’une « escalade ».

Le régime a les mains libres et va aller toujours plus loin.

Cela montre bien que la seule opposition possible, désormais, c’est celle qui fait face à la guerre. Ce qui est évident, si on est révolutionnaire, est que ce qui se joue, c’est la bataille contre la guerre, et que bien évidemment cela sera un combat rude, acharné, très difficile, avec un Etat pratiquant la répression.

C’est une réelle lutte de classes qui se profile, pas des négociations au sein d’un capitalisme français occidental riche et protégé, profitant de masses corrompues par le niveau de vie et le style de vie libéral.

Depuis le 26 février 2024, la ligne s’impose d’elle-même. C’est la révolution ou la guerre, et c’est le défaitisme révolutionnaire qu’il faut appliquer! C’est l’Histoire qui s’écrit!

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Refus de l’hégémonie

La convocation sur l’Ukraine à l’Elysée

Après avoir jeté un pavé dans la mare en assumant la possibilité de l’engagement militaire directe de la France contre la Russie, le Président Emmanuel Macron a reçu jeudi 7 mars 2024 les chefs de partis politiques représentés au Parlement.

Nonobstant le fait qu’il n’y a pas de réelle opposition parlementaire – l’alignement sur l’Otan – et la propagande anti-russe – est total en France-, le chef de l’État entend bien encadrer les choses. Le régime français a besoin d’une nouvelle Union sacrée pour faire la guerre à la Russie, alors il doit s’assurer d’un soutien sans faille des partis, et neutraliser toute possibilité d’opposition démocratique et populaire.

La convocation avait donc pour but de préparer les députés et sénateurs au débat et au vote du 12 mars à l’Assemblée nationale et du 13 mars au Sénat.

« Le Président de la République a demandé au gouvernement de faire devant le Parlement une déclaration en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à l’accord bilatéral de sécurité conclu avec l’Ukraine le 16 février 2024 et à la situation en Ukraine, suivie d’un débat et d’un vote ».

On ne saura rien précisément de cette réunion organisée par le président, qui aurait duré trois heures. Aucun article de fond, ni aucune présentation détaillée n’a été faite par qui que ce soit ; il n’y a absolument aucune transparence démocratique sur le sujet.

Les élus convoqués se sont contentés de descriptions vagues et générales sur le fait qu’il y aurait eu des cartes de montrées, un bilan de la situation militaire compliquée en Ukraine, avec l’idée que la France pourrait intervenir si la Russie approchait Odessa ou Kiev.

Le secret-défense a probablement été de mise. Mais ce qui compte, et qui est systématiquement relayé, c’est le fait qu’Emmanuel Macron n’envisage absolument aucune limite à l’intervention militaire, ni aucune « ligne rouge ».

C’est Fabien Roussel du PCF qui en a dit le plus, et surtout qui a dit l’essentiel. Selon lui, « toutes les forces politiques » sont d’accord sur l’objectif qui est « que nous ne voulons pas que la Russie gagne, que tout doit être fait ». Seulement, ajoute-t-il, « notre seul sujet de divergence, ce sont les moyens que nous y mettons ».

Voilà. Tout le monde est d’accord pour suivre les plans de la superpuissance américaine, qui sous-traite maintenant à l’Union européenne la guerre contre la Russie. La France est le nouveau chef de file de ce bellicisme, avec à sa tête Emmanuel Macron qui ne souffre d’aucune opposition réelle dans son pays.

La situation est d’autant plus idéale pour Emmanuel Macron que les fausses oppositions prétendent en toute hypocrisie avoir des divergences, des inquiétudes.

Fabien Roussel du PCF a dit :

« Je trouve ça extrêmement grave et extrêmement dangereux. C’est ce qui s’appelle l’escalade guerrière comme on en a connu en Europe. »

Jordan Bardella du Rassemblement national a dit :

« Nous sommes en faveur, sur le principe, d’un accord bilatéral avec l’Ukraine, mais il faut placer des lignes rouges. »

Eric Ciotti pour Les Républicains rappelle :

« le soutien total des Républicains à l’Ukraine, à une aide financière et à des équipements militaires. Nous le dirons mardi à l’Assemblée, mais en revanche, j’ai redit notre totale opposition à un engagement de troupes au sol. C’est une position inopportune, irresponsable. »

Pour la France insoumise, Manuel Bompard a joué un peu plus la comédie que les autres :

« Je suis arrivé inquiet, et je suis ressorti encore plus inquiet. »

La secrétaire nationale des « écologistes » Marine Tondelier a dit que :

« C’était une réunion utile et nécessaire. »

Du côté du Parti socialiste avec Olivier Faure, c’est un véritable plébiscite en faveur d’Emmanuel Macron :

« Nous avons besoin de maintenir une pression forte sur Vladimir Poutine, lui dire que nous sommes derrière la résistance ukrainienne et que nous ne la lâcherons pas ».

La bourgeoisie française maitrise parfaitement sa partition et encadre minutieusement la préparation de la guerre directe à la Russie, qui est maintenant l’objectif à l’horizon des prochaines années.

Les pseudo-inquiétudes des uns et des autres sont d’autant plus utiles à Emmanuel Macron qu’il peut s’en servir, inversement, pour se montrer lui « réaliste », ayant accès à telle ou telle information, voyant directement les choses, prenant les responsabilités qu’il faut, rejetant le bal des hypocrites, etc.

Face à la guerre mondiale pour le repartage du monde, il ne s’agit pas de faire dans la demi-mesure. Il n’y a que deux camps : celui du peuple, fermement contre l’Otan et contre la guerre mondiale, donc contre tout soutien au régime ukrainien, et celui de la superpuissance américaine qui utilise la question ukrainienne contre la Russie (et indirectement contre la superpuissance chinoise).

Cela n’a rien d’une nuance, c’est une ligne de démarcation très nette et très claire. Car la France est maintenant impliquée au plus haut point dans la guerre face à la Russie, en préparation d’un affrontement militaire direct.

En effet, le même jour la France organisait une nouvelle réunion de ministres des Affaires étrangères et de ministres de la Défense pour l’offensive contre la Russie.

Là encore, c’est très opaque, mais la presse relaie toutefois quelques informations pour assurer la propagande de guerre.

Vingt-huit pays auraient été représentés, dont l’Ukraine, des États membres de l’Union européenne, les États-Unis et le Canada.

Il y aurait été question de huit chantiers, aux contenus très explicites : munitions, principes de déstockage, cyber, protection de la frontière, protection des États vulnérables, déminage, production industrielle sur place en Ukraine et une « 9e coalition » sur les missiles.

Une « source diplomatique » a résumé la chose à la presse en évoquant un « sursaut collectif et un sentiment d’urgence qu’il faut faire plus, faire mieux, faire autrement pour l’Ukraine ».

Toujours via « source diplomatique », il est expliqué dans la presse une chose également très importante, même fondamentale. Il est question directement de l’opinion publique et du fait que nous sommes actuellement à « un moment de bascule » :

« Il y a un travail d’explication très important sur les conséquences que cela provoque en termes de sécurité, de conséquences en termes de marché agricole, de conséquences migratoires et autres… »

Il n’y a donc aucune « inquiétude » à avoir… on est déjà à l’étape d’après. La guerre à la Russie n’est plus une hypothèse, une « ligne rouge », une « escalade ». C’est une opération en préparation.

La France se prépare à la guerre à la Russie et mène en ce moment (pour le compte des États-Unis) une coalition mondiale contre la Russie.

La seule position à avoir est donc aussi claire que nette : il faut saboter les plans français de guerre à la Russie. Il faut dénoncer non pas l’escalade, mais la préparation concrète et pratique de la guerre contre la Russie.

Pour bien appuyer les choses, ont notera également cette tribune le même jour, jeudi 7 mars 2024, dans le journal Le Monde qui est un des principaux relais de propagande du régime français.

Elle est signée par Dmytro Kuleba, le ministre ukrainien des affaires étrangères, qui appelle à une multiplication de la production d’armes et surtout à la fourniture à l’Ukraine d’obus d’artillerie.

Il va extrêmement loin dans la propagande de guerre et l’appel à un engagement forcené contre la Russie.

« Si aujourd’hui l’Ukraine se trouve dans cette situation, c’est parce que nos alliés en Europe et aux États-Unis ont mis des mois à débattre avant de prendre la décision de nous fournir des munitions d’artillerie en quantité suffisante.

Parce qu’ils n’ont pas accéléré à temps leur production d’armement, qu’ils ont traîné les pieds avant de se procurer du matériel militaire auprès de pays tiers et qu’ils ont exporté des obus produits en Europe vers d’autres régions du monde. »

Il explique également, montrant l’importance du rôle de la France dans la nouvelle phase de la guerre :

« Toutes les capitales européennes doivent comprendre cette vérité simple et dure à la fois, que l’on semble déjà avoir comprise à Paris : soit nos alliés (…) aident pleinement les soldats ukrainiens dans leurs batailles pour défendre les villes et les villages d’Ukraine, soit, un jour, ce sera au tour de vos soldats de sacrifier leurs vies dans des batailles pour défendre les villes et les villages des pays d’Europe centrale d’abord et du reste de l’Europe ensuite ».

La population ukrainienne est donc tenue de tenir quelques années, comme chair à canon, en attendant que l’Europe (pour le compte des États-Unis), avec la France à sa tête, s’arme et se prépare militairement à l’affrontement à la Russie.

Il faut mettre à bas ce plan impérialiste : le socialisme doit renverser la 3e guerre mondiale. C’est cela, la réelle actualité historique !

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Refus de l’hégémonie

Zelensky à Paris pour l’accord France-Ukraine

Le 16 février 2024 après-midi, la France a signé un accord militaire historique avec le régime ukrainien, alors que le matin un accord du même type a été signé entre l’Ukraine et l’Allemagne. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a tout fait dans la journée.

Cela est décidé en toute opacité, sans que le Parlement français ne s’en émeuve d’ailleurs. Tout le monde est aligné sur la superpuissance américaine.

Si la France était déjà largement engagée dans l’hostilité à la Russie, elle est maintenant officiellement liée au régime nationaliste ukrainien, et surtout à un accord militaire ouvertement dirigé contre la Russie.

Il s’agit ni plus ni moins que d’une préparation politique et juridico-pratique à un engagement militaire direct de la France contre la Russie.

Cet engagement se produira très certainement en partenariat avec la Roumanie (des accords étant déjà signés), alors que l’Allemagne s’engagera au niveau de la Pologne. Un accord pour un « corridor » militaire entre l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne, facilitant le passage des troupes et du matériel, a déjà été signé le 30 janvier 2024 (l’armée néerlandaise est également déjà un satellite de l’armée allemande).

Lors du discours qui a suivi immédiatement cette signature, Emmanuel Macron a eu des mots très forts contre la Russie, racontant au passage n’importe quoi sur la situation de ce pays (catastrophe économique, émigration massive, absence de crédibilité internationale, volonté d’agresser d’autres pays, etc.).

Il a en tous cas affirmé plusieurs choses, aux conséquences très graves diplomatiquement, indiquant un changement radical de posture de la part de la France.

La première (nous soulignons) :

« La Russie a durci ses postures agressives pas seulement contre l’Ukraine mais contre nous tous.

Aujourd’hui, c’est une nouvelle phase.

La Russie de Vladimir Poutine est devenue un acteur méthodique de la déstabilisation du monde ».

La seconde :

« Ces derniers mois des manœuvres de désinformation, de manipulation de l’information et des attaques cyber se sont systématisées et intensifiées.

La Russie a franchi plusieurs seuils à l’égard des démocraties européennes.

Ce changement de posture marque une volonté d’agression à notre endroit.

L’intensification des agressions, leur changement de nature et les seuils franchis exigent un sursaut collectif. »

Emmanuel Macron affirme donc que la Russie agresse la France. C’est là le discours d’un dirigeant préparant une guerre, c’est typiquement ce que disent tous les dirigeant avant de lancer une guerre.

Plus loin dans son discours, d’ailleurs très court, il a évoqué ouvertement le sujet de l’engagement militaire français (sous l’égide de l’Europe et de l’Otan, car la France n’est qu’une colonie américaine bien entendu).

« Si on voit les choses advenir, une nouvelle phase s’ouvrir, il faut avoir la lucidité d’ouvrir une phase de réflexion stratégique et opérationnelle. »

Une réflexion « opérationnelle », cela signifie la guerre.

Et comme pour souligner cette possibilité tout à fait concrète de la guerre française contre la Russie, Emmanuel Macron a cru bon de préciser que ce n’est actuellement pas le cas, sous-entendant que ça pourrait devenir le cas.

« Que les choses soient claires, la France n’est pas en guerre contre la Russie, ni le peuple russe ».

Toutefois, il a précisé après des engagements très fermes contre la Russie. Il a eu cette phrase particulièrement hostile, mais qui ne consiste en rien de nouveau depuis 2022 :

« Nous sommes décidés à faire échec à la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine ».

Par contre, radicalisant sa position, il a dit que la France est maintenant prête à « bousculer les habitudes », à « en faire davantage », appelant à un « effort de réarmement ».

Dans cette optique, 3 milliards d’euros doivent donc officiellement être distribués à l’Ukraine en 2024, après 1,7 milliards en 2022 et 2,1 milliards en 2023 d’après le Président français.

Précision ici une chose très importante. Cette prise de position française (qui est la même que celle des deux autres grands vassaux américains que sont le Royaume-Uni et l’Allemagne), intervient à un moment très particulier où l’Ukraine connaît une situation très difficile sur le plan militaire.

L’annonce le 17 février 2024 de la prise d’Avdiïvka par la Russie (l’Ukraine parle de son côté d’un retrait volontaire et sans conséquence…) est un moment marquant. C’était une position stratégique de l’armée ukrainienne depuis 2014, contre les régions séparatistes. La stratégie russe d’attrition, d’encerclement minutieux et de pilonnages de cibles très précises porte ses fruits, alors que le matériel occidental offert à l’Ukraine ne permet pas de faire de différence.

Il ne peut maintenant plus y avoir que deux solutions : soit l’Ukraine périclite rapidement, et il y aura des négociations, soit ce sera l’escalade, avec un engagement militaire directe de l’occident.

C’est précisément ici qu’intervient l’accord militaire signé entre la France et l’Ukraine, avec ses conséquences immenses. Pour dire les choses très simplement, cet accord consiste à faire comme si l’Ukraine était membre de l’Otan, tout autant qu’elle prépare son adhésion.

On l’aura compris, cela engage mutuellement les deux pays en cas de conflit futur, ou d’escalade. C’est plus qu’une alliance, c’est la formation d’un bloc militaire. On sait ici très bien qu’il s’agit du bloc occidental, dirigé par la superpuissance américaine, avec en ligne de mire la superpuissance chinoise.

L’Allemagne et le Royaume-Uni ont signé le même type d’accord avec l’Ukraine.

Toujours est-il que cela est maintenant très concret, avec des engagements signés noir sur blanc. De manière générale, il est question du soutien militaire mutuel entre les deux pays, dans la perspective de l’Otan, ainsi que d’une dénonciation aussi forte que systématique de la Russie.

Ce passage est typique :

« Le Participant français contribuera au développement des capacités de protection des infrastructures critiques de l’Ukraine, y compris par des moyens militaires, en donnant la priorité, sans s’y limiter, aux capacités modernes de défense aérienne.

Les Participants envisageront des programmes conjoints d’enseignement et de formation pour les spécialistes de la protection des infrastructures critiques. »

Surtout, l’alliance militaire totale pour l’avenir est gravée dans le marbre, obligeant pratiquement l’engagement directes des deux partie en cas de nouveau conflit :

« En cas de future agression armée russe contre l’Ukraine, à la demande de l’un ou l’autre des Participants, les Participants mèneront des consultations dans les 24 heures pour déterminer les mesures nécessaires pour contrer ou dissuader l’agression.

Dans ces circonstances, et conformément à ses obligations légales et constitutionnelles, le Participant français fournira à l’Ukraine une assistance rapide et soutenue en matière de sécurité, des équipements militaires modernes dans tous les domaines, selon les besoins, et une assistance économique ; il imposera des coûts, économiques notamment, à la Russie et consultera l’Ukraine sur ses besoins dans le cadre de l’exercice de son droit à la légitime défense consacré par l’article 51 de la Charte des Nations unies. »

Forcément, il n’est pas précisé en quoi consisterait une « nouvelle agression armée russe contre l’Ukraine »… Au passage, il est bien préciser que l’assistance doit se faire dans les deux sens.

« Les Participants s’efforceront de faire en sorte que les capacités militaires de l’Ukraine soient d’un niveau tel qu’en cas d’agression militaire extérieure contre la France, l’Ukraine soit en mesure de fournir une assistance militaire efficace. Les modalités, le format et la portée de cette assistance seront déterminés par les Participants. »

Enfin, ou surtout, l’accord interdit de faire à l’Ukraine toute négociation de paix. L’Ukraine est entièrement vassalisées par la France (qui est elle-même un vassal américain) pour servir de chair à canon contre la Russie.

Il s’agit du point 14, intitulé « Redevabilité ».

« Les Participants réaffirment leur engagement à tenir la Fédération de Russie pour responsable des pertes ou des dommages causés à des personnes et à des entités, ainsi qu’à l’État ukrainien, du fait des actes internationalement illicites qu’elle a commis en Ukraine ou contre l’Ukraine, y compris son agression en violation de la Charte des Nations Unies.

Les Participants réaffirment qu’il ne doit pas y avoir d’impunité pour les crimes de guerre et autres atrocités et que la Fédération de Russie doit en assumer la responsabilité juridique, notamment en réparant tout dommage causé par de tels actes, ce qui contribuera également à dissuader de futures agressions et à soutenir la résilience de l’Ukraine. 

Les Participants s’efforceront de demander des comptes aux responsables de crimes de guerre et d’autres crimes internationaux, commis en Ukraine ou contre l’Ukraine dans le contexte de la guerre d’agression de la Russie, conformément au droit international, notamment en soutenant les travaux du bureau du procureur général de l’Ukraine et de la Cour pénale internationale afin de garantir que les allégations de crimes de guerre fassent l’objet d’enquêtes complètes et équitables menées par des mécanismes juridiques indépendants, efficaces et robustes.

Les Participants poursuivront leur engagement au sein du « Groupe sur les options pour la création d’un tribunal sur le crime d’agression contre l’Ukraine ». »

Nous sommes à l’aube d’une troisième guerre mondiale, et la France, notre pays, participe activement à l’escalade menant à ce conflit. Il faut dénoncer l’escalade militaire, il faut dénoncer l’Otan, il faut saboter les plans militaire français de guerre contre la Russie !

Telle est l’actualité réelle, principale, essentielle de notre époque. Tout se définit par rapport à ça !

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Refus de l’hégémonie

Vaste opération de censure sur Telegram en France

La guerre, c’est aussi une guerre de l’opinion, donc de l’information. La France est ouvertement opposée à la Russie depuis maintenant pratiquement deux ans, alors elle censure massivement les sources d’informations russes, ou pro-russes, ou considérées comme tel. Rien ne doit s’opposer au déferlement de propagande de la part de l’Otan qui entraîne l’occident dans l’abîme de la guerre contre la Russie.

Du jour au lendemain en 2022, beaucoup de gens se sont rendu compte qu’internet n’avait rien de « libre » et que la France pouvait tout autant que la Chine décider de ce que les gens ont le droit de lire, voir ou écouter en ligne. Il y avait eu une première vague de censure à l’époque, avec notamment le bannissement de la chaîne d’État russe destinée à l’international : RT (et donc RT-France).

Il reste toutefois assez facile de contourner cela pour qui le veut, avec tout simplement un VPN (qui permet de simuler une connexion depuis un autre pays qui ne censure pas).

Un autre canal très efficace pour les gens soutenant la Russie (ou en tous cas ne soutenant pas l’Otan) est Telegram, où l’on peut poster des messages. De nombreuses chaînes ont été ouvertes, avec une optique très sérieuse et un contenu très dense. De manière générale, ces chaînes sont alignées sur le régime russe, mais pas toujours, ou pas directement et avec des nuances.

Il y a eu en tous cas pendant deux ans un réseau très solide et massif d’informations quotidiennes sur la guerre et son actualité, largement relayé par la fraction des nationalistes français non aligné sur l’Otan (une toute petite minorité donc).

Cela est fait sur un mode « géopolitique », avec une forte inclination pour la théorie sino-russe du monde multipolaire et une large dénonciation de l’occident et de sa décadence. Ce milieu consiste, si on veut, en l’équivalent de la gauche « tiersmondiste » du 20e siècle, mais cette fois en version de droite, avec une approche politico-culturelle très conservatrice et libérale.

Jeudi 15 février 2024, tout cela a volé en éclat avec une vaste opération de la part du ministère français des Affaires étrangères de censure de ces chaînes.

Elles sont inaccessibles pour les personnes ayant un compte Telegram fonctionnant avec un numéro français, en « +33 » (c’est probablement le cas pour tous les numéros européens). Les VPN ne servent ici à rien. Et comme il est relativement fastidieux de contourner cela avec un numéro virtuel pour créer un nouveau compte, cette vague de censure va s’avérer très efficace.

Officiellement, il y a toute une communication avec la mise en avant du service « VIGINUM » qui aurait mené une vaste enquête et découvert un réseau russe de diffusion de fausses informations. Le rapport d’enquête, qui est public, est d’un ridicule sans nom, avec pour titre :

« PORTAL KOMBAT, un réseau structuré et coordonné de propagande prorusse »

C’est une allusion au jeu vidéo « Mortal Kombat ». L’enquête, montée de toute pièce pour la communication du gouvernement français, fait comme s’il existait un énorme bot (un robot, ou programme automatisé) de diffusion massive d’informations directement pilotée par la Russie.

Il s’agit alors de le dénoncer et de le débrancher, en prétendant qu’il ne s’agit pas de censure, mais simplement d’une défense technique, contre un dispositif technique.

Le ministre Sébastien Séjourné y va d’ailleurs franco sur ce mode, se moquant littéralement du monde :

« Je m’adresse directement à vous car nous avons découvert hier une nouvelle opération de manipulation de l’information en ligne (…).

 Nous sommes un pays libre et la liberté en ligne est un principe essentiel. La censure n’a pas sa place chez nous. »

Ben voyons !

En réalité, ce sont de véritables personnes, dont beaucoup de Français, avec des véritables opinions, qui sont censurées.

Que ces opinions soient largement alignés sur la Russie, c’est une chose. Néanmoins, leur expression ne relève pas directement d’une opération russe.

La fermeture des chaînes Telegram francophone « pro-russe » est une censure contre l’opinion public français, dans le cadre de la guerre. Il s’agit clairement et directement d’une censure de type fasciste, de la part d’un État français en pleine décrépitude, devenu l’instrument de la superpuissance américaine.

En fait, « l’astuce » gouvernemental française pour censurer ces chaînes a été de censurer une liste de 20 chaînes Telegram utilisée par le site pravda-fr[.]com (le fameux bot russe, version française) comme source d’information ! Sont donc censurées non pas les chaînes dépendantes de ce prétendu programme russe, mais au contraires celles qu’il citerait le plus comme source !

C’est absolument anti-démocratique, ne reposant sur aucune base légale ; c’est un acte relevant d’un régime français ne reposant plus sur le droit, mais sur les besoins de l’Armée. Et dire qu’il n’y a pratiquement personne à gauche pour dénoncer cela, ni aucun parlementaire prétendument de gauche qui s’y intéressera…

L’Union sacrée pour la guerre de l’Otan contre la Russie est totale en France.

Voici une partie des chaînes censurées. On notera au passage que beaucoup de ces chaînes ont participé à relever l’identité des deux prétendus humanitaires français morts récemment en Ukraine, ou encore la liste de mercenaires français également tués en Ukraine.

  • Erwan Kastel
  • Chroniques conflit Ukraine
  • Kompromatmedia
  • Ukr leaks fr
  • Dombass insider
  • Russosphere
  • Actualité Fr
  • Info Defense France
  • Russie en live
  • Tass fr
  • Géopolitique profonde

Voici la version officielle, présentée dans un communiqué gouvernemental :

« Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, M. Stéphane Séjourné, a dénoncé publiquement le 12 février un réseau de propagande pro-russe, baptisé « Portal Kombat », détecté suite à l’enquête menée par le service VIGINUM. 

L’objectif de sa dénonciation est d’alerter, à titre préventif, l’opinion publique française sur les menaces informationnelles posées par des acteurs russes, notamment dans la perspective des élections européennes.

En poursuivant ses investigations sur ce réseau, VIGINUM a mis en évidence le rôle majeur joué par une entreprise russe domiciliée en Crimée, TigerWeb, dans la création et l’administration des sites du réseau « Portal Kombat ».

Créée en 2015, TigerWeb est une entreprise de développement web dont l’un des fondateurs, Evgueni Chevtchenko, développe et maintient des sites web depuis au moins 2013. VIGINUM a également noté que certains modes opératoires ou contenus diffusés présentaient de fortes similarités avec ceux du réseau Inforos, mis sous sanctions européennes en juillet 2023, permettant ainsi de formuler l’hypothèse selon laquelle la société TigerWeb servirait de prestataire de services au dispositif d’influence russe.

Ces nouveaux éléments techniques sont disponibles dans le rapport publié par VIGINUM hier soir : https://www.sgdsn.gouv.fr/publications/portal-kombat-suite-des-investigations-sur-le-reseau-structure-et-coordonne-de

La France réitère sa condamnation ferme de ces pratiques et partage ces informations avec ses partenaires et les acteurs de la société civile pour analyser et caractériser ces opérations d’ingérences étrangères et ces manipulations de l’information. Les rapports de VIGINUM ont pour objet de partager des données de manière transparente pour nourrir un débat démocratique sur ces menaces.

Aucune de ces manœuvres n’est de nature à entamer le soutien de la France à l’Ukraine dans la défense de son intégrité territoriale. »

C’est une étape dans le verrouillage généralisé en vue de la guerre contre la Russie. Sabotez cette guerre américaine ! Pour la défaite de l’Otan et la déroute de l’occident !

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Événements significatifs

La contestation agricole de janvier 2024

Il n’y a plus de paysans en France. Il n’existe au 21e siècle plus que des entrepreneurs travaillant dans le domaine agricole, systématiquement au service de l’agro-industrie. Si les paysans ont été le pilier du pays, en tous cas numériquement, pendant des siècles, le capitalisme a tout changé au 20e siècle.

Il y a eu l’exode rural, c’est-à-dire de la main-d’œuvre devenant ouvrière allant massivement vers les villes. Puis il y a eu l’industrialisation des campagnes et plus récemment la tertiarisation des campagnes, alors que dans le même temps les aires urbaines se sont étendues loin à la campagne.

En 2020, la France métropolitaine comptait 389 800 exploitations agricoles, environ 100 000 de moins qu’en 2010. Cinquante ans auparavant, en 1970, il y en avait encore 1,6 millions, alors qu’en 1900, près d’un Français sur deux travaillait encore dans les champs…

Les agriculteurs d’aujourd’hui sont ceux qui ont racheté petit à petit les terres des autres, arrachant au passage les haies et utilisant allégrement tout ce que l’industrie leur a vendu comme produits chimiques et engins agricoles. Il y a bien sûr des exceptions, mais c’est à la marge. Et il ne s’agit pas de paysans, mais plutôt de petits entrepreneurs en mode artisanal, avec souvent initialement une vie urbaine ou intellectuelle.

L’aspect positif, c’est que dans un pays comme la France, la population est sortie de la précarité alimentaire. Les risques de maladies végétales et animales, les intempéries, les crises économiques sont relativement maîtrisés et en tous cas ils sont couverts par la quantité de production (concentrée à l’échelle nationale avec des interactions mondiales).

L’aspect négatif, c’est que l’agriculture ne sert plus à nourrir la population, mais à fournir de la matière première pour que l’agro-industrie fabrique des marchandises alimentaires. Ces marchandises sont généralement de très mauvaise qualité nutritives, voire franchement nocives, en plus d’être le plus souvent issue d’une souffrance animale abominable.

Les agriculteurs d’aujourd’hui n’ont pas subi ce système : ils sont dans leur très grandes majorité de droite, c’est-à-dire qu’ils sont réactionnaires sur le plan des mœurs et libéraux économiquement. Ils ont allègrement participé à ce système tout autant qu’ils l’ont promu. Le salon de l’Agriculture de Paris exprime parfaitement cette mentalité.

Les plus mesquins d’entre eux s’en sont très bien sortis financièrement et sont devenus de riches entrepreneurs, roulant en 4×4 flambant neuf et employant une myriade de petites-mains, souvent étrangères pour mieux les exploiter. On imaginera ici un riche viticulteur prenant régulièrement l’avion pour négocier de nouveau marchés à l’export.

Les plus naïfs d’entre eux travaillent sans merci chaque jour de la semaine, ne prennent jamais de vacances et sont l’otage des banques, pour un bénéfice commercial très maigre, offrant une vie à la limite de la précarité. On imaginera ici un éleveur de vaches laitières complètement asphyxié par la multinationale Lactalis à qui il vend tant bien que mal sa marchandise.

Bien entendu, ce sont les premiers qui dirigent les organismes représentatifs des agriculteurs, mais ce sont les seconds qui sont mis en avant pour faire pleurer dans les chaumières.

C’est exactement ce qui se passe en janvier 2024 avec les différents mouvements de contestations et de blocages/manifestations. Deux organisations portent le mouvement, plus ou moins en concurrence.

Il y a la FNSEA (et sa succursale Les jeunes agriculteurs), l’organisation majoritaire qui a recueilli plus de 55 % des voix lors des dernières élections des chambres d’agriculture et qui revendique 212 000 membres. Elle est libérale sur un mode moderniste et turbo-capitaliste, avec une intégration totale à la politique agricole de l’Union européenne.

Et puis il y a la Coordination rurale, qui a recueilli environ 20 % des voix lors des dernières élections des chambres d’agriculture et qui revendique 15 000 membres. Elle est libérale aussi, mais sur un mode plus traditionnel et conservateur ; elle puise son origine dans la critique de la politique agricole de l’Union européenne, avec une tendance au nationalisme.

La 3e organisation est la Confédération paysanne, qui a recueilli un peu moins de 20 % des voix lors des dernières élections des chambres d’agriculture et qui revendique 10 000 membres, mais elle est en retrait de l’origine du mouvement en janvier 2024. Elle est aussi libérale, mais avec une prétention sociale et écologiste, et surtout un conservatisme romantique (d’où l’utilisation abusive du terme « paysan » dans son nom).

La FNSEA est depuis plusieurs semaines à l’origine de la mise à l’envers des panneaux d’entrées d’agglomérations dans les campagnes. La coordination rurale est plutôt à l’origine de blocages importants dans le sud de la France. Tout ce petit monde converge maintenant dans l’idée de bloquer Paris et le marché international de Rungis.

De manière générale, ils dénoncent des charges en hausse, des normes contraignantes (en général des normes écologiques, parfois quelques normes sanitaires), des prix bas, une pression de l’agro-industrie, une concurrence européenne ou mondiale inéquitable ainsi que des négociations insatisfaisantes avec la grande distribution.

Il y a ici forcément les effets de la crise du capitalisme, qui touche tous les secteurs et impose une pression toujours plus forte sur les petites et moyennes entreprises de la part des monopoles, les grands groupes internationaux. Les entreprises agricoles même les plus importantes restent en fait des PME, elles ne pèsent que très peu face aux monopoles.

C’est pour cela qu’il y a une crise dans ce domaine, une crise propre au capitalisme, qui nécessite une analyse approfondie.

Néanmoins, la question se pose aujourd’hui pour la Gauche de savoir s’il faut soutenir ce mouvement, en tous cas les plus petits agriculteurs subissant une pression accrue. Ceux-ci sont l’équivalent rural des immigrés livreurs Uber dans les villes : ils sont indépendants sur le papier, mais sont totalement soumis à un grand groupe en pratique ; leur indépendance ne signifie que précarité, sans aucune garantie propre au salariat.

Le problème réside précisément ici : les petits agriculteurs s’imaginent pouvoir maintenir leur indépendance, ils croient en la fiction d’une meilleure négociation des prix agricoles pour assumer leur rémunération de chef d’entreprise. Ils nient totalement la crise du capitalisme. Ils n’imaginent aucunement s’émanciper des plus gros capitalistes agricoles, ni s’affronter aux monopoles de l’agro-industrie.

S’il y avait des agriculteurs voulant produire une nourriture saine et de qualité, avec une perspective démocratique, avec l’ambition de respecter mieux l’environnement et les animaux… Mais il y a là des gens déversant du lisier, brûlant des pneus, revendiquant de manière racoleuse et outrancière.

Il y a des agriculteurs qui n’en ont en réalité pas grand-chose à faire de ce qu’ils vendent, du moment qu’ils peuvent le vendre sans trop de contraintes administratives, ni de normes écologiques et sanitaires. Et puis, voire surtout, il y a en fait là-dedans énormément de gens qui sont des éleveurs ayant mis en place un système carcéral pour exploiter des animaux servant de matière première à l’agro-industrie.

La Gauche ne peut certainement pas apprécier cela. La contestation agricole de janvier 2024 est clairement et largement de droite. L’image d’Épinal de l’agriculteur qui serait un paysan aimant nourrir les gens est une escroquerie digne des pires films publicitaires. L’agriculture en France en 2024 est monstrueuse, entièrement soumise à une agro-industrie destructrice.

À notre époque, c’est tout ou rien. Soit on change tout en faisant table rase du passé, soit rien ne change en bien, seulement en pire. La crise est bien trop profonde.

Le problème, c’est que personne ne voit ça, ou plutôt ne veut voir ça. Les sondages ne sont pas du tout étonnants : ce serait près de 90 % des Français qui soutiennent la contestation des entrepreneurs agricoles. Avec un tel panorama, la France est mûre pour une victoire de l’extrême-Droite, cela ne fait aucun doute. Nous aurons bientôt notre Donald Trump, notre Jair Bolsonaro, notre Javier Milei.

Des gilets jaunes aux agriculteurs en passant par le mouvement contre la réforme des retraites, les Français veulent simplement maintenir leur niveau de vie et rien d’autre. Ils n’ont ni conscience, ni envergure ; ils se ratatinent à l’image de l’occident.