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Le “football moderne” ne sanctionne pas Sergio Ramos pour son agression sur Mohamed Salah

Le football est un sport extrêmement populaire. Cela signifie qu’il est considéré de manière très sérieuse par une grande partie de la population, particulièrement chez les hommes d’origine ouvrière.

C’est ainsi que la blessure de Mohamed Salah, attaquant égyptien du Liverpool FC, provoquée par le capitaine du Real de Madrid, Sergio Ramos en finale de la Ligue des Champions de l’UEFA 2018, a suscité beaucoup d’indignation.

Lors d’un contact physique pendant une phase de jeu, le défenseur espagnol a en effet volontairement accroché le bras du numéro 11 de Liverpool pour le faire tomber de manière violente. Une pétition qui recueille à l’heure actuelle plus de 500 000 signatures réclame que l’UEFA s’appuie sur l’enregistrement vidéo pour le sanctionner a posteri.

Au vue des images, l’intention de faire mal est évidente.

Cela a d’ailleurs été souligné par un “tweet” de la fédération européenne de judo qui explique que cette technique est tellement dangereuse qu’elle est interdite dans leur sport !

Cela n’a pas manqué, Mohamed Salah a dû quitter le terrain quelques minutes après pour se rendre en urgence à l’hôpital. Il manquera très probablement le premier match de la Coupe du Monde avec la sélection égyptienne, dont il est la figure de proue.

Quand bien même le football n’est qu’un jeu, il représente quelque chose d’immense sur le plan culturel. Doit-il alors véhiculer des valeurs positives et morales, à travers le respect du jeu et de l’engagement ? Ou bien n’est-il, finalement, qu’un divertissement reflétant la société capitaliste, c’est-à-dire la concurrence exacerbée, la promotion du cynisme le plus vil pour arriver à ses fins ?

Manifestement, le football à notre époque correspond bien plus à la seconde description qu’à la première. C’est ce qui est désigné de manière critique comme étant le “football moderne”, ou le “football business”.

La faute de Sergio Ramos contre Mohamed Salah donne lieu à une confrontation typique entre les partisans du football tel qu’il existe actuellement, et ceux qui critiquent le “football moderne”.

Christophe Dugarry a défendu de manière on ne peut plus claire ce “football moderne” dans l’une des émissions de football les plus suivie en France :

“C’est un génie absolu, Ramos ! C’est le défenseur qui te fait gagner des titres, qui te fait gagner les compétitions. Ok, il est malin, il est vicieux. Mais tu ne dois avoir aucune retenue sur l’engagement ! »

Dans un autre genre se voulant plus intellectuel, mais tout aussi cynique et bourgeois, il y a eu un article du journal “Le Monde” qui affirme que Sergio Ramos est indispensable au football, expliquant que :

“il réalise une redoutable synthèse de vice et de brutalité”.

Au contraire, il y a eu toute une vague de colère face à ce geste, réclamant des sanctions. Cela d’autant plus que Sergio Ramos est connu pour avoir souvent une telle attitude immorale.

Rien que durant ce match, il a simulé une faute de manière odieuse face à Sadio Mané (ce qui a donné lieu à un carton jaune à son adversaire innocent) et a donné discrètement un coup de coude au gardien de but adverse Loris Karius (ce qui a probablement contribué à le déstabiliser puisqu’il commet juste après une bourde monumentale lui coûtant un but).

Le sentiment pour beaucoup d’amateurs de football est que la victoire du Real de Madrid est entachée par ces faits ayant empêché le Liverpool FC de s’exprimer réellement sur le plan sportif.

Cela n’est pas nécessairement vrai, ou du moins cela ne l’est qu’en partie puisqu’il faut considérer aussi que l’équipe anglaise ne peut pas ignorer la réalité du football à notre époque. Elle a donc failli par manque d’expérience, ce qui d’ailleurs se reflètent dans son jeu puisque Liverpool a littéralement foncé tête baissé dès le début du match, se jetant corps et âme dans la partie, “au talent”, en relativisant des considérations tactiques plus élaborées.

Toujours est-il que l’attitude de Sergio Ramos est injustifiable et qu’il devrait être sanctionné pour cela. La pétition réclamant une sanction par l’UEFA représente une exigence morale indéniable, une volonté de justice populaire positive.

Ajoutons également que la popularité de Mohamed Salah a largement contribué à déchaîner les passions. Ce joueurs s’est révélé durant cette saison, remportant les titres de meilleur buteur et de meilleur joueur de Premier League, le championnat anglais. Il est cependant une figure nationale en Égypte et dans le monde arabe depuis déjà quelques années. Il était déjà un joueur réputé lorsqu’il évoluait au FC Bâle puis à l’AS Roma, en passant par Chelsea FC et l’AC Fiorentina.

Le chef de l’Etat égyptien Abdel Fattah al-Sissi l’a qualifié de “symbole de l’Égypte ». Le mot clef “Ramos le chien” ( راموس_الكلب# ) – une insulte absurde pour les chiens – s’est répandue de manière virale sur Twitter, avec de multiples réactions sur différents médias.

Mohamed Salah représente en effet une certaine fierté dans le monde arabe. C’est un symbole de réussite, mais aussi une figure morale (largement liée à l’Islam) différente des autres stars du “football moderne”. L’Égyptien ne fait jamais parler de lui dans la presse, son attitude est toujours pudique et respectueuse, voire affectueuse notamment avec les jeunes. Il finance de nombreux projets dans son village natale, n’expose pas outrageusement ses richesses, signe toujours avec plaisir les autographes, accepte les selfies, ne célèbre pas ses buts contre ses anciennes équipes, etc.

Il est également très apprécié par la base des supporters de Liverpool, dont la ferveur populaire, voire ouvertement ouvrière, est connu mondialement. “The Egyptian King” dispose déjà de plusieurs chants, dont un qui dit, de manière affectueuse et subtile au vue de la situation politique anglaise :

Mohamed Sa-la-la-la-lah, Mohamed Sa-la-la-la-lah,
s’il est assez bon pour toi, il est assez bon pour moi,
s’il en marque quelques autres, alors je serai musulman aussi.

s’il est assez bon pour toi, il est assez bon pour moi,
Assis dans une mosquée, voilà où je veux être !

Voici la traduction du texte de la pétition appelant à sanctionner Sergio Ramos :

L’UEFA et la FIFA devraient punir Sergio Ramos pour avoir blessé intentionnellement Mohamed Salah

Sergio Ramos a intentionnellement gardé le bras de Mohamed Salah sous son aisselle, provoquant une luxation de son épaule. Non seulement il a manqué le reste du match, mais il manquera aussi la Coupe du Monde de la FIFA 2018.

En outre, il a continué à agir de manière à ce que les joueurs de Liverpool commettent des fautes, ce qui a amené l’arbitre à donner à Mané un carton jaune qu’il ne méritait pas.

Sergio Ramos représente un exemple terrible pour les futures générations de footballeurs. Au lieu de gagner des matchs équitablement, il utilise des tours qui défient l’esprit du jeu et le fair-play.

L’UEFA et la FIFA devraient prendre des mesures contre Ramos et des joueurs similaires, en utilisant les enregistrements vidéo des matches pour garder l’esprit du match.

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La mort de Naomi Musenga : un drame, un crime et non une tragédie

Le 29 décembre 2017, Naomi Musenga, jeune mère apparemment célibataire d’une petite fille de 2 ans, habitant dans un quartier populaire de Strasbourg, est morte selon toute vraisemblance d’une défaillance multiviscérale sur choc hémorragique, selon l’autopsie pratiquée quelques jours après son décès au CHU de Strasbourg.

Le pronostic d’une telle affection, généralement causée par un syndrome d’infection générale de l’organisme est malheureusement très souvent mortel, dans 30% à 100% des cas, en raison de sa brutalité qui nécessite une intervention médicale d’urgence pour rétablir l’homéostasie (soit l’équilibre général de l’organisme).

Le 9 mai, s’est ouvert l’enquête préliminaire devant éventuellement conduire à un procès sur demande du Parquet de Strasbourg suite à une plainte de la famille.

L’émoi national provoqué par cette affaire est la suite de la publication le 27 avril des échanges entre Naomi Musenga et les services de secours par un magazine local au contenu racoleur et suintant la culture « beauf » qui parait sous le titre de l’Heb’di.

Passons sur ce journal, qui a donc publié le contenu des échanges téléphoniques de Naomi Musenga et le SAMU, que celle-ci contacte après avoir eu en ligne les pompiers.

L’opératrice qui la reçoit adopte un ton distant voir franchement moqueur, dans la suite de celui des pompiers qui l’ont reçu en premiers.

Elle finit, contre tout le protocole, et contre tout principe d’humanité par l’abandonner à son sort en lui demandant de contacter elle-même SOS médecins, qui la prend immédiatement en charge. Mais au vu de son état critique, Naomi Musenga décède malheureusement 6 heures après son appel.

Voici l’enregistrement du dialogue (commençant à 1:42). Ce qu’on entend est d’un cynisme froid, glacial. On ne peut qu’imaginer avec terreur ce qu’a dû ressentir la famille de Naomi Musenga à ces mots assassins, cette indifférence immonde.

C’est un drame, et non pas une tragédie. Le destin n’a rien à voir avec cela : la société n’a pas fait son devoir. Cette affaire suscite donc une indignation méritée.

Déjà, il est évident de dire qu’il y a dans cette affaire une part reflétant la culture patriarcale et même raciste qui pourrit les services de secours comme les pompiers, dans une situation de confrontation de plus en plus violente avec des conditions sociales en plein effondrement, notamment dans les campagnes éloignées des centres de secours, de plus en plus concentrés dans les villes, et même au sein de celles-ci, dans les zones dégradées où s’entasse un lumpen-prolétariat rongé par la précarité, les valeurs réactionnaires religieuses, en particulier de l’islam, et la criminalité.

Dans ce contexte, cet appel d’une jeune femme noire, s’est bien entendu heurté immédiatement à une somme de préjugés immondes hantant l’esprit des services de secours, qui ont empêché le pompier qui a reçu l’appel comme ensuite l’opératrice du SAMU de saisir sérieusement l’état de détresse de Naomi Musenga.

Cela est vrai bien entendu, mais il est erroné et injuste que s’en tenir à ce constat. L’opératrice en question est une femme expérimentée, qui a fait déjà une dense carrière au sein des services d’urgence et elle est actuellement effondrée et dépassée par les suites de cette terrible affaire.

Que cette femme puisse avoir été fautive de par ces préjugés ne signifie pas que ceux-ci soit constitutif de sa personne ou de son engagement, en un mot, il est peu probable et c’est peu dire, que cette femme soit une raciste acharnée ayant délibérément abandonné à son sort Naomi Musenga en raison du fait qu’elle fut une habitante noire d’un quartier populaire. Les préjugés racistes de cette femme sont en réalité le fruit de son expérience mal comprise.

N’importe quelle personne travaillant dans les services d’urgence à Strasbourg comme dans les autres métropoles de notre pays fait souvent quotidiennement l’expérience de la confrontation dure et parfois violente avec des personnes précaires, mais pas seulement puisque l’esprit vulgaire et agressif de la bourgeoisie décadente suinte de tout les pores de notre société, lors de leur admission ou de leur arrivée aux urgences.

Ces personnes sont aussi quotidiennement confrontée à une détresse sociale qu’ils perçoivent justement en augmentation et contre laquelle ils ne peuvent pas grand chose, mais aussi diverses magouilles et abus qui usent leur sensibilité.

En un mot, le développement de leurs préjugés sociaux et parfois racistes sont le fruit même de la politique libérale, à l’échelle de la société et même plus directement de l’hôpital en lui-même.

Depuis les années 1980, les services hospitaliers n’ont cessé de faire l’objet d’une offensive prolongée du capital sous l’aspect de réformes libérales prônant la privatisation, la concurrence, la réduction des moyens, la concentration des services et des équipements, le management à la performance et donc l’atomisation des formes du travail.

Aujourd’hui, même l’Etat ne peut plus masquer le terrible constat de l’effondrement général non seulement des urgences mais de l’ensemble du système hospitalier, du moins dans sa capacité à rendre un service public aux masses, étant donné que dans le même temps, on ne peut pas dire que l’accès au soin se soit effondré pour tout le monde.

L’hôpital, comme l’école d’ailleurs, reflète simplement et implacablement la ségrégation croissante produite par le libéralisme. Et bien entendu, cette ségrégation est perçu souvent sous l’angle du racisme. En réalité, il s’agit là de saisir que si cet aspect peut être réel, il n’est pas l’aspect principal de la question.

Naomi Musenga n’est pas morte du racisme à précisément parler, elle est morte du libéralisme. Tous les personnels de la santé, tout les patients des services hospitaliers, connaissent nombres d’anecdotes reflétant de telles « erreurs », avérées ou parfois évitées heureusement de justesse.

Mais cette situation n’est pas uniquement une « faute professionnelle », c’est un état général. Comment penser qu’un opérateur, quel qu’il soit, quelle que puisse être son expérience ou sa conscience professionnelle, puisse gérer parfois jusqu’à 1000 ou même 2000 appels de détresse par jour ? Soit entre 2 et 4 appels par minute en non-stop sur 8 heures de travail!

Et cela sans s’épuiser, sans finir par commettre une erreur ? Sans céder au découragement, sans céder à la perception erronée et superficielle d’une situation aliénante ou presque constamment, on se voit confronter à la misère et à son cortège décadent de comportements, que l’ignominie du racisme, dont l’expression est généralisée dans les services publics, permet d’expliquer en apparence?

Il est bien entendu hors de question de dédouaner cette personne de ces fautes et de ses préjugés, mais la justice bourgeoise n’a rien à dire à cette personne, ni aucune justice à rendre à la famille de Naomi Musenga et aux masses indignées.

L’enquête ouverte par le Parquet en effet s’est fait sur le motif de non-assistance à personne en péril, même si les média ont relayé le fait qu’il y avait une perspective d’ensemble, systémique, à l’attitude coupable de l’opératrice, rien bien entendu ne sera fait pour enrayer la logique libérale.

Le gouvernement, en la personne d’Agnès Buzyn, a convoqué les médecins urgentistes, ce qui est déjà le témoignage d’une vision faussée et bornée du problème, les appels n’étant pas traités par les médecins, et ceux-ci font trop souvent preuve de mépris à l’égard des personnels médicaux, professions souvent plus fémininisées, comme les infirmières, les opératrices ou les aides-soignantes, encore plus exposées qu’eux à la précarité générée par le libéralisme.

Le ministère ne parle que de « dysfonctionnement », de « procédures », de « professionnalisme ».

Bien sûr que cela compte, mais le libéralisme assumé du gouvernement Macron et plus généralement les évolutions de l’Etat bourgeois n’a de leçon à donner à personne, il est le premier responsable de la situation produite par ce terrible incident et de toute façon, tout sera fait pour faire peser sur l’opératrice, voire sur le pompier qui a reçu avant elle l’appel, l’entièreté de la responsabilité de la mort de Naomi Musenga et dans le meilleur des cas, les opératrices bénéficieront de quelques heures de formation bidon à l’« éthique », de quelques recrutements non significatifs.

Mais rien ne sera fait pour changer les conditions inacceptables du travail des services d’urgence. Et nécessairement, implacablement, un tel drame se reproduira. Les faits sont têtus.

Les personnes de Gauche exigent que personne ne soit délaissé, surtout pas et jamais une personne appelant à l’aide, exigent de chaque personne un haut niveau de culture et ne pardonnent donc pas le racisme et les préjugés assassins, mais elles savent identifier et ordonner les problèmes, que la lutte est avant tout politique, systématique et que le pouvoir est la question principale.

L’indignation populaire doit se saisir de cette affaire et se soulever contre Agnès Buzyn, contre le Ministère de la Santé et sa politique libérale meurtrière qui est coupable de la mort de Naomi Musenga et de tant d’autres fautes.

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 » Usul, mon violeur avait le même discours que toi »

Usul est un homme se disant de gauche qui doit sa popularité à ses activités sur internet. Après avoir été chroniqueur de jeux vidéos sur youtube, il a décidé de se lancer dans l’analyse politique, tout en se présentant comme marxiste.

En février 2018, avec sa compagne Olly Plum (« hardeuse » et « camgirl »), il diffuse une vidéo de leurs ébats sexuels, en accord avec sa partenaire. Usul se dit féministe et dans plusieurs de ses vidéos parle du consentement avec l’intervention de Olly Plum.

C’est sur ces points qu’un collectif de cinq femmes : Barbara, Hélène, Léa, Marie et Lucia, qui se décrivent comme « survivantes de la prostitution, du porno et du BDSM (le sado-masochisme) et victimes du discours  »sexe-positif » », interpellent Usul.

Sur leur blog de médiapart « Elles aiment ça », ces féministes de gauches », comme elles se qualifient, accusent Usul de relever d’une démarche inacceptable.

Elles tirent des conclusions en partant de leurs expériences et en viennent à faire une critique du féminisme néo-libéral. Elles considèrent qu’Usul s’appuie sur le féminisme néo-libéral pour justifier son comportement tout à fait représentatif de ceux qui attaquent les femmes en prétendant établir une « libération sexuelle ».

C’est là que réside la polémique entre elles et Usul. Voici le document, qui réaffirme enfin certaines choses élémentaires.

En participant récemment à une vidéo porno tournée par sa compagne camgirl OllyPlum, le youtubeur Usul s’est prononcé en faveur de l’industrie du sexe. L’idée est de nous présenter la “libération sexuelle” comme vecteur d’émancipation des femmes. Le sentiment de trahison est intense pour nous, féministes de gauche, survivantes de la prostitution, du porno et du BDSM.

Une “libération sexuelle”, vraiment ?

Depuis quelques dizaines d’années, l’expression “libération sexuelle” est liée à l’affranchissement du tabou : c’est l’idée qu’une personne pourrait avoir n’importe quelles pratiques sexuelles, notamment sans éprouver d’amour pour son/sa partenaire, l’idée qu’on peut dissocier la sexualité des sentiments et qu’elle n’est pas sacrée, et qu’il n’y a pas à avoir de jugements moraux sur les pratiques sexuelles.

Ces idées sont séduisantes pour les femmes : elles nous évoquent l’espoir de ne plus être traitées de salopes si on aime tel ou tel truc, de ne plus être cantonnées à la sentimentalité et enfermées dans le mythe amoureux, d’être suffisamment à l’aise avec la sexualité pour qu’elle devienne une activité comme une autre, à laquelle ne serait plus rattaché de préjugé social.

Pourtant, dans notre expérience, la réalité que cache la “libération sexuelle” est toute autre :
Là où en tant que femme nous voyions une dissociation libératrice du sexe et des sentiments, nous avons fait face à des hommes qui dissocient sexe et respect de l’Autre.

Là où nous espérions enlever le stigma de la sexualité comme un service, nous avons eu affaire à des hommes qui voyaient l’argent comme une manière de compenser la violence et la dégradation.

Là où nous espérions que l’absence de jugement moral nous protégerait du slut-shaming, il nous a surtout empêché d’avoir un jugement moral sur la violence criminelle qui nous a été infligée.

Si tu veux bien, nous allons te parler un peu de nous

Nous sommes 5 femmes qui avons été victimes des discours du féminisme néolibéral. Quand nous avions 25 ans, chacune d’entre nous tenait publiquement les propos “sexe-positifs” qu’OllyPlum et toi tenez à l’heure actuelle.

On se sent tellement cool à 25 ans à avoir lu Despentes, à lire les discours du STRASS, et à se dire qu’on réussira, nous, à sortir du piège de la sainte et de la pute, qu’on a le droit au plaisir, qu’on est assez forte pour surpasser tout ça.

Aujourd’hui, nous avons la trentaine. Nous souffrons de syndromes post-traumatiques après avoir été violentées, dégradées, frappées, et violées par des mecs de gauche qui défendent ces théories. Et nous prenons soin de femmes qui ont été frappées et violées, sans arriver à se défendre, à cause de ces théories.

Pour nous toutes, les discours que tu défends à l’heure actuelle ont été un piège tendu par les prédateurs, et le bouclier qui leur sert à se défendre.

Pour Marie, Hélène et Léa, le discours sexe-positive a été la tentative inconsciente de “transformer” la violence et le viol conjugaux, en se disant “puisque ce qui excite les hommes c’est la violence et la domination, autant le faire dans un cadre où j’aurais du contrôle dessus” :

“Je m’appelle Léa et j’ai bientôt 25 ans, et jusqu’à il y a quelques mois, je tenais le même discours qu’OllyPlum. Je me suis toujours considérée féministe.

Pourtant, de mes 16 à mes 23 ans, je vivais des actes de violence sexuelle de la part de mon conjoint. J’ai subi des coups, des pressions, des chantages, des pratiques très extrêmes. Il est allé jusqu’à m’“offrir” à ses amis. Le tout sous prétexte de liberté sexuelle.

Pour encaisser tout ça, je me suis réfugiée derrière le discours “ sexe-positif ”, en me disant que j’étais libre parce que j’expérimentais beaucoup de choses sexuellement. Je disais publiquement que j’aimais ça.
A certains moments où nous avions des difficultés financières, j’avais pensé à devenir call girl, ou à faire de la cam. Il avait dit que ça l’exciterait.

Aujourd’hui j’ai pris conscience de ce que j’ai vécu et je me rends compte tous les jours de l’impact néfaste que cela a dans ma vie amoureuse et sexuelle. Je pleure beaucoup, je culpabilise beaucoup, et ma vie sexuelle est une réflexion permanente pour essayer de ne pas reproduire ce schéma de violence auquel j’ai été conditionnée.”

“Je m’appelle Marie et j’ai 28 ans. A 21 ans, alors que je sortais d’une relation violente, marquée par le viol conjugal, je suis tombée amoureuse d’un homme “féministe”. Pourtant, au quotidien, il me rabaissait intellectuellement. Au lit, il m’insultait et me dévalorisait en permanence. Il fait des conférences sur le consentement : il présente le BDSM comme une sexualité libérée et épanouie.

Comme beaucoup, je pensais que j’étais un être totalement libre, et voulais me croire entièrement responsable de mes désirs et de mes choix : j’ai adopté le discours “ sexe-positif ” en clamant que je me soumettais par choix.

Marquée par ces deux relations violentes, aujourd’hui, je peine à avoir des rapports sexuels. J’éprouve du dégoût et de l’angoisse, je pleure presqu’à chaque fois.”

Pour Lucia et Barbara, le discours “sexe-positif” traduisait la volonté d’être “plus fortes” que les blessures laissées par l’inceste et les viols, et la volonté de se sortir de la précarité:

“ Je m’appelle Barbara et j’ai 36 ans. Quand j’avais 24 ans et que je n’arrivais pas à payer mes factures, j’ai décidé de me prostituer. Je clamais que c’était mon choix. Que j’en avais le droit. Je savais que ce n’allait pas me faire plaisir mais je me disais que mieux valait être payée pour être violée vu que de toute façon j’étais sans cesse violentée en soirées alcoolisées… A cette époque je ne compte même plus le nombre de viols subis…

Bref, après deux clients, je me dégoûtais tellement que j’ai vomi deux jours sans arrêter. Non ça n’est pas un job comme un autre. Est-ce que j’aurais pensé à faire ce ”métier » si depuis enfant je ne servais pas de trou à bite ? J’en doute.

Evidemment, quand depuis vos six ans vous vivez l’inceste, vous avez intégré que votre corps appartient aux hommes et pas à vous. J’ai fini en grave dépression avec tentative de suicide. Et j’ai arrêté de faire ça. Je préfère être pauvre que finir le travail de destruction entamé par mes agresseurs.”

Était-ce une libération sexuelle lorsque Hélène s’est prit des coups de poings dans le ventre et que Marie s’est fait traiter de chienne par leurs conjoints sous prétexte de BDSM ? Que Léa a été “prêtée” à des hommes et qu’elle s’est fait uriner dessus sous prétexte de jeux ?

Qu’ Hélène s’est entendu dire par un client cynique – riche PDG parisien qui payait tout son “personnel domestique” pour qu’elles travaillent nues et subissent des actes sexuels quand il lui en prenait l’envie – “tu ne peux pas te plaindre des tarifs ! En tant que blanche, je te paye déjà bien mieux que les asiatiques, les noires et les filles de l’est… que veux-tu, c’est la loi de l’offre et de la demande !” ?

Certaines d’entre nous ont mis plus ou moins de temps à sortir de la maltraitance. Toutes, nous avons acquis lors de violences sexuelles cette capacité – dont parlent Catherine Millet1, et OllyPlum2 – à dissocier nos corps et nos esprits. Un état bien particulier, nécessaire à monnayer le sexe. Sais-tu que cet état porte un nom ?Ça s’appelle la dissociation traumatique.

C’est une “capacité” que l’on acquiert lorsqu’on est victime de violences.Nous t’encourageons à lire les travaux de la docteure Muriel Salmona3 : elle explique très bien comment les femmes qui ont été victimes de violence cherchent à reproduire cette état de dissociation, par le biais de conduites à risque, notamment la prise de drogue, l’automutilation et … la reproduction d’actes sexuels dégradants ou violents (rémunérés ou pas).Le problème avec cette dissociation, c’est que si elle permet de se protéger (et même parfois de donner l’impression de “bien vivre” les choses4) sur le moment, elle a en général des conséquences extrêmement graves sur le corps et l’esprit des femmes, par le biais de symptômes traumatiques.

Plusieurs d’entre nous en souffrons, et nous pouvons t’assurer que ce n’est pas une partie de rigolade : insomnies, cauchemars, flash-backs, somatisations de toutes sortes (vertiges, migraines, maux de ventre ou de dos), sentiments de déréalisation et/ou de mort imminente, psychopathophobie5, pulsions d’autodestruction, hypervigilance, palpitations, crises d’angoisse, attaques de panique, épisodes dépressifs, etc.

Tu vas dire que nous ne sommes que 5 individues à te parler aujourd’hui. Mais sais-tu que 70% 6 des travailleuses du sexe souffrent de syndrome de stress post-traumatique ?


Un “féminisme néolibéral”, au service des prédateurs

Voilà nos réalités, bien sagement cachées derrière le discours du féminisme néolibéral dont tu te fais porte-parole. Cela paraît bien loin des licornes et des paillettes, du discours glamour et libertaire ? C’est vrai qu’il y a de quoi être déçu quand on voit à quel point le féminisme néolibéral est un pro du marketing.

Pour commencer il se fait appeler “pro-sexe”, ou “sexe-positif”. Comme s’il existait un féminisme anti-sexe ou sexe-négatif !

De la même manière que les entreprises font le rebranding du travail (pensons à Emmanuel Macron qui vend la casse des droits sociaux sous le terme de “flexibilité du travail”!), le féminisme néolibéral est devenu expert du rebranding de la soumission et de la maltraitance des femmes :
Un prédateur veut attacher une femme ? Bondage et shibari !
L’insulter et l’humilier ? Jeu de domination !
La battre ? BDSM
La forcer ou la violer ? Jeu de non consentement !
La dissociation traumatique est rebrandée en “subspace”, et tout roule pour les violeurs.

Comme son nom l’indique, le discours sexe-positif tend à rendre positive toute pratique sexuelle, à la rendre valable et acceptable, quel qu’en soit le degré de violence ou de perversion. Pour la justifier, ça ne coûte pas grand-chose aux agresseurs : “ Il y a des pratiques qui peuvent être un peu dures, mais avec un baiser avant ou après, ce n’est pas pareil.7

C’est vrai : avec un baiser avant ou après, on a plus de mal à identifier la violence et à s’en sortir. Léa pourrait te raconter comment l’homme qui a abusé d’elle pendant des années l’embrassait et lui disait “je t’aime” après l’avoir humiliée, étranglée et violentée.


Stratégie de l’agresseur

As-tu déjà entendu parler de “la stratégie de l’agresseur”, cette méthode mise au jour par le Collectif Féministe Contre le Viol8 ?
Grâce à 40 ans d’écoute et d’expertise sur la question des violences sexuelles, les militantes du CFCV ont pu déterminer 5 éléments stratégiques permettant aux agresseurs d’enfermer leurs victimes dans une emprise, afin de les empêcher de se défendre : isoler, dévaloriser, inverser la culpabilité, instaurer la peur, et garantir son impunité.
Si tu veux bien, examinons cette stratégie de l’agresseur à la lumière du féminisme néolibéral :

  1. Isoler : le féminisme néolibéral laisse à chacune la responsabilité de déterminer ce qui est une violence sexuelle et individualise la problématique de la domination
  2. Dévaloriser : il permet aux prédateurs de frapper, humilier, forcer les femmes + les monnayer de manière précaire
  3. Inverser la culpabilité : il dit que ce sont les femmes qui “aiment ça” (les coups, l’humiliation, le travail du sexe), en se gardant de parler de l’excitation traumatique9, ceci donnant aux femmes un profond sentiment de complicité aux violences qui leur sont infligées
  4. Instaurer la peur : outre la peur instaurée par les violences sexuelles, les personnes posant des limites ou des critiques sont par ailleurs mises dans la position d’oppresseurs puritains. Le jugement, dont on pourrait se servir pour se protéger, est présenté comme une pratique dangereuse et réactionnaire.
  5. Garantir son impunité : quoi de mieux pour un prédateur que de pouvoir se dire “féministe” ? Il peut même se positionner en progressiste libertaire (“ je suis si féministe que je pense qu’une femme peut être dégradée sans que cela l’atteigne ! ”)

En fin de compte, le marketing du féminisme néolibéral fournit sans doute le meilleur mode d’emploi jamais créé pour permettre aux prédateurs sexuels d’abuser des femmes sans aller en prison.


Comprendre le consentement à l’oppression, grâce… à tes propres arguments

Dans ta vidéo “L’économiste (Frédéric Lordon)” tu fais une démonstration plutôt développée, que nous avions grandement appréciée, de la pensée matérialiste.

Tu y analyses le prétendu « consentement » au travail salarié, et le mythe du salarié épanoui de sa propre exploitation capitaliste. Tu démontes assez brillamment l’idée de « libre arbitre » promue par les exploiteurs, dans un monde en réalité déterminé par un conditionnement inconscient extrême, par tout un tas de facteurs socio-économiques et par la propagande.

Tu évoques entre autres la notion d’“Angle Alpha”, et le concept marxiste d’aliénation, qui expliquent bien comment nos désirs sont “toujours produits par l’extérieur”, c’est à dire par nos structures sociales10. Enfin, tu cites Lordon disant


Usul, comment se fait-il que tu n’arrives pas à appliquer tes propres développements philosophiques à la question de la sexualité et de l’oppression masculine ?Pourtant, l’exploitation des femmes par les hommes fonctionne de la même manière que l’exploitation des pauvres par les riches : elle se fait passer pour naturelle, méritée et, lorsqu’elle est critiquée, se couvre des apparats du choix personnel et du fun.

Ou pour reprendre encore une fois littéralement tes propres arguments : les femmes deviendront dociles et les hommes pourront régner par “l’amour” plutôt que par la crainte, l’ordre patriarcal a réenchanté l’exploitation des femmes en l’enrichissant d’affects joyeux, et le néolibéralisme patriarcal a réussi à insuffler aux femmes “l’amour” de la situation de travail sexuel et de la soumission.11

Les femmes – comme n’importe quel groupe opprimé – peuvent consentir à leur propre oppression. Et, en fin sociologue, tu le sais très bien : en ne cherchant pas les raisons du consentement, en ramenant la lutte à la question du choix individuel, on dépolitise, et on prive une classe opprimée de sa capacité de lutte. Mettre l’accent sur le consentement (une femme “consent” à être frappée) et jamais sur les nuisances (une femme a reçu des coups) est un pain béni pour les prédateurs.

Ou comme l’explique Catharine MacKinnon “Quand vous dites qu’un homme qui frappe, gifle, étouffe, et blesse une femme a tort seulement parce qu’elle n’a pas « consenti », vous dites que le seul problème de la violence masculine est que les femmes n’ont pas encore appris à l’apprécier.”


Le consentement des victimes est l’ultime bouclier de l’oppresseur

A droite, cela fait des centaines d’années que les prédateurs font porter leurs voix par leurs femmes : elles ont d’abord défilé contre le droit de vote, puis contre le droit à l’IVG, puis contre le mariage pour tous. Elles déclarent à grands cris qu’elles ont choisi, libres de toute contrainte, de penser que c’est à leur mari d’être « chef de famille ».

A gauche, il y a aussi désormais les prédateurs qui font porter leurs voix par leurs femmes : partout, nous allons dire que nous nous “libérons” en couchant sans désir, en nous faisant fouetter, attacher et taper dessus, et en vendant nos culs.

Partout nous propageons le même discours : “libération”, “violence consentie”, “empowerment par la soumission”, « plus je m’approprie et revendique ma soumission au désir des hommes, plus cela fait de moi une femme empowerée libre et forte »12.

Quelle stratégie brillante de la domination masculine ! Depuis des millénaires, diviser les femmes en deux catégories – femmes respectables d’un côté, putes de l’autre – et les laisser servir l’une à l’autre d’épouvantails.

Et nous, toutes occupées à se détester les unes les autres – celles de gauche terrorisées à l’idée de finir murées dans une cuisine et un mariage violent, et celles de droite terrorisées par l’idée de se faire abuser par toutes une série d’hommes objectifiants – nous continuons bien sagement à défendre vos intérêts à nous traiter comme de la merde13.

Le féminisme ”sexe-positif” est vraiment très fort dans son utilisation des femmes pour la défense de leur propre oppression : il a même adopté comme discours officiel « on doit écouter les concernées ». En réalité, ce que nous y avons constaté est qu’on y « écoute les concernées » uniquement quand elles valident la domination.

Dès qu’elles la dénoncent, on les renvoie soudain à des problèmes personnels ou interpersonnels. Pourtant, face au nombre de femmes ayant vécu des traumas et abus sous cette couverture, il est évident qu’on fait face à un schéma systémique et qu’on ne peut pas parler d’exceptions.

La vérité, c’est qu’en quelques années seulement, les arguments du féminisme « sexe-positif » sont devenus une des principales armes des “porcs” : ils ont fait de la rhétorique de l’empowerment un terrible outil au détriment des femmes.


Check ton privilège

Face à Hélène, qui – après avoir été dégradée, violée et battue par des hommes se disant féministes, sous prétexte de travail du sexe, de liberté sexuelle et de soumission BDSM – ne supporte plus qu’un homme la touche, et se réveille en sueur la nuit après avoir cauchemardé de viols et de tortures ; face à Léa et Marie qui explosent en sanglots pendant leurs rapports sexuels et dont les pratiques qu’elles ont subies pourrissent encore aujourd’hui leurs vies sexuelles ; face à Lucia qui nous confie comment la reconstruction d’une sexualité saine avec son petit ami lui est difficile ; face à notre lutte de classe pour sortir de la soumission et de l’exploitation, sous quels termes viens-tu nous parler de sexe ?

“Je suis habituellement dans la polémique permanente, dans le militantisme, les revendications, c’est assez épuisant. J’aime bien avoir cette oasis à côté, c’est du plaisir, du laisser-aller, on n’est pas dans le conflit, c’est juste de l’amour, du partage. Des choses positives. Normalement, le cul, ça ne devrait pas être un terrain sur lequel on s’envoie des fions, de mauvaises ondes. C’était ma petite oasis avec Plum et on va continuer à la cultiver, même dans l’adversité. Je pense que l’agitation va retomber. Ça me fait du bien.14

“oasis”, “amour”, “laisser-aller”, “se faire du bien”, “mauvaises ondes”… MAIS MEC, DANS QUEL MONDE TU VIS ? Faire du travail du sexe, pour toi, c’est juste “du plaisir, du laisser-aller, de l’amour, du partage” ?

À quel point es-tu inconscient de ton immense privilège masculin pour prononcer des phrases pareilles ? Pour ne pas réaliser que là où le sexe et le porno sont pour toi un espace de paix boostant ton estime de toi et ton ego, un “repos du guerrier”, ils sont pour nous un champ de bataille ?

Le privé est politique. Ne plus vivre de violences sexistes et sexuelles est un enjeu politique de la classe des femmes. Marketer cette violence et cette exploitation pour les vendre comme acceptables ou épanouissantes est une stratégie au service des hommes, classe dominante dont tu fais partie.

Toi qui passes ton temps à analyser les schémas de domination, quels degrés de naïveté, de déni, ou d’hypocrisie te sont-ils nécessaires pour ne pas appliquer tes propres raisonnements politiques dans un domaine où tu n’es pas directement en statut d’opprimé15?


Fuck ta libéralisation sexuelle et ta fausse “subversion” : nous voulons une vraie libération

À une heure où, depuis les femmes de chambre jusqu’aux actrices les plus célébrées, il est encore si difficile pour une femme de ne pas vendre son cul et/ou sa dignité (à un mari, un patron, un collègue, une audience) pour réussir, ou juste s’en sortir, Usul, sache-le, qu’un homme vienne nous parler de “subversion” par le travail du sexe, c’est dégueulasse.

Ce que tu défends, Usul, ce n’est pas une “libération sexuelle”, mais une “libéralisation sexuelle” au profit de la classe masculine.

Avec le mouvement #Metoo et #Balancetonporc, nous avons dénoncé les viols et les agressions sexuelles qui se basent sur l’absence de consentement. Mais, si le consentement est un préalable indiscutable, on ne peut aborder les questions du consentement et du désir sans prendre en compte les conditionnements forgés par des siècles de domination et de traumatismes vécus par les femmes, et qui jouent un rôle crucial dans leur soit disant consentement/désir/choix de la violence.

Nous ne condamnons pas les stratégies de survie des femmes, ni leurs désirs : nous dénonçons ceux des hommes.

Quelle que soit la forme qu’elle prend (mariage ou prostitution ; enjolivée par un discours “sexe-positif” ou non), toute forme de sexualité basée sur la dissociation traumatique nous révolte.

Des hommes vraiment intéressés par la défense de nos droits ne se baseraient pas sur notre vulnérabilité, créée par des traumas, pour obtenir des actes sexuels.

Des hommes respectueux de leurs partenaires ne banderaient pas à l’idée de les frapper, de les insulter, ou à l’idée d’une interaction sexuelle consentie contre de l’argent. Nous voulons mettre les hommes face à la violence qu’ils continuent d’exercer, sous le bouclier du marketing “sexe-positif”.

De notre côté, nous rêvons d’une véritable “libération sexuelle” des femmes. Une libération sexuelle qui nous délivrerait du trauma et de la violence. Où le sexe ne serait plus pour les femmes une monnaie d’échange, que ce soit contre de l’argent, de la sécurité, de la visibilité, de l’affection ou même de la gentillesse.

 

Barbara, Hélène, Léa, Marie et Lucia,
survivantes de la prostitution, du porno et du BDSM,
victimes du discours « sexe-positif »

 

(1) https://twitter.com/anti_sexism/status/964179483136806913
(2) Dans sa vidéo “Peut-on monnayer son cul et être féministe ?”, disponible sur Youtube, OllyPlum s’exprime en ces termes : “C’est toute cette violence, notamment sexuelle, qui m’a amenée à travailler dans les milieux du sexe (….). Le viol il est là, quand on s’est fait violée, on peut pas se faire dévioler. Alors oui forcément ça provoque une dissociation entre le corps et l’esprit et après on va investir son corps différemment émotionnellement et du coup, tout un tas d’utilisations du corps qui n’étaient pas disponibles avant, quand le corps était un temple, deviennent envisageables.”
(3) https://www.memoiretraumatique.org/psychotraumatismes/mecanismes.html  

(4) https://www.mumsnet.com/Talk/guest_posts/2799410-Guest-post-I-didnt-think-of-my-prostitution-as-traumatic-but-it-left-me-with-PTSD
(5) Peur de devenir fou/folle
(6) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/9698636 et https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2615337/“68% des 827 prostitué.e.s interrogé.e.s dans 9 pays remplissaient les critères du diagnostic de Syndrome de Stress Post-Traumatique (SSPT). La sévérité des symptômes de SSPT des participant.e.s à l’étude était équivalente à celle de vétérans de guerre cherchant un traitement, des résidentes de refuges pour femmes battues, et des réfugié.e.s. Une étude faite en Corée trouva que 81% des femmes ayant un passif de prostitution avaient des symptômes de SSPT.”

(7) “Ollyplum et Usul, l’interview décomplexée ”, le Tag Parfait
(8) 0800 05 95 95

(9) L’excitation traumatique désigne la confusion entre violence et sexualité qui imprègne l’imaginaire sexuel des anciennes victimes de violences. Leurs réactions corporelles d’excitation, d’origine traumatique, peuvent les amener à croire que les fantasmes de violence de leurs agresseurs sont en réalité les leurs. Lire le chapitre “La sexualité n’est-elle pas violente par nature?” dans “Les violences sexuelles : 40 questions-réponses incontournables”, de Muriel Salmona
(10) Sur le désir comme construit social et pas uniquement psychologique, voir les travaux de Mélanie Gourarier
(11) Nous avons ici repris les citations que tu as choisies dans ta vidéo sur le consentement, en nous contentant de remplacer “hommes” par “femmes”, et “capitalisme”, par “patriarcat”
(12) Toutes les femmes ne se sont pas laissées berner par un tel discours marketing. Cela est particulièrement vrai pour certaines travailleuses du sexe, qui n’ont pas recours à la rhétorique de la “pute heureuse”, se contentant de mettre en avant la précarité économique qui les amène à se prostituer. D’autres reviennent de ce discours, comme Ovidie, qui a pourtant été longtemps une figure de proue du féminisme pro-sexe : http://brain-page-q.fr/article/page-q/35922-Le-POV-d-Ovidie-le-feminisme-pro-sexe-est-il-mort
(13) Sur le continuum de la violence faite aux femmes et de la monétarisation du sexe que ce soit par le biais du mariage ou de la prostitution, voir le travail de l’anthropologue italienne Paola Tabet

(14) Ollyplum et Usul, l’interview décomplexée ”, le Tag Parfait
(15) Et non seulement tu défends ton privilège de classe masculine mais tu défends ton privilège de classe sociale : en critiquant les techniques oppressives des “pick-up artists”, tu ne faisais en réalité que revaloriser ta propre masculinité ! Voir les travaux de Mélanie Gourarier sur les compétitions entre modèles de masculinité

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Société

L’alcoolisme : d’un petit verre à la dépendance.

Socialement, l’alcool est un problème. Il faut avoir des œillères pour ne pas le reconnaître. Pourtant, les boissons alcoolisées sont accessibles partout, à toute heure : il s’agit probablement du type de produit qu’il est le plus simple d’acheter peu importe le lieu et l’heure de la journée.

Tout le monde en vend, tout le monde en achète. La plupart en consomme toute leur vie avec au pire des lendemains difficiles, mais ce n’est pas toujours le cas. Certaines personnes deviennent dépendantes et se retrouvent dans une situation catastrophique.

On commence à boire adolescent, on commence par « tremper ses lèvres », puis « juste un verre » avec ses parents et sa famille. On continue avec ses amis à l’adolescence lors de soirée. Les premières cuites, les premières gueules de bois. On continue les fêtes, les sorties, les soirées, toujours avec de l’alcool. Avant et pendant. Certaines personnes lèvent le pied, d’autres sont sur le fil du rasoir et enfin d’autres plongent.

Les boissons alcoolisées sont au coeur des toute la vie sociale : on « prend un verre » dans un lieu qui vend des litres et des litres d’alcools par soirée, on « va à une soirée » qui se fait des bénéfices notoires sur la vente d’alcool, etc. Ne parlons même pas des écoles de commerce et d’ingénieurs et de leurs week-ends d’intégration (voire de « désintégration ») où les étudiants sont loin d’être sobres. Et tout est pris avec tant de légèreté.

L’alcoolisme est une vraie maladie. Beaucoup trop de personnes s’amusent à se qualifier d’alcooliques parce qu’elles boivent beaucoup en soirée. C’est irrespectueux envers les personnes qui le sont vraiment et leurs proches. Se retourner le tête trois fois par semaine ce n’est pas être alcoolique.

L’alcoolique est celui qui a toujours de un verre d’alcool à la main, celui qui a commencé l’air de rien à 14h, celui qui se verse un verre de vin le midi parce que c’est devenu normal : l’alcoolique est celui dont la vie tourne autour de l’alcool. L’alcoolique est celui qui est devenu dépendant. L’étudiant en école de commerce qui est saoul tous les vendredis soirs n’est pas alcoolique, même s’il trouve drôle de se qualifier ainsi – c’est un crétin voilà tout.

Le problème est d’autant plus difficile à combattre lorsqu’il s’immisce aussi profondément dans la vie quotidienne : tout le monde fait la fête pendant sa vingtaine, et petit à petit tout le monde se met en couple et se pose. Et l’alcool est masqué derrière la vie de couple, du moins en apparence.

Quand les amis refusaient de voir qu’un des leurs prenaient une pente glissante sous prétexte que tout le monde faisaient la fête, le conjoint se retrouve à présent avec une personne en train de dévaler la pente à toute vitesse : à l’image de la société, l’entourage ferme les yeux.

Comment gérer la maladie d’une personne que l’on aime ? Difficilement. On fait des erreurs, des choses qui auraient dû être faites ne l’ont peut-être pas été. Parfois le couple tient, parfois le couple craque.

Parfois le malade a l’air tout ce qu’il y a de plus normal, à une bouteille de whisky par jour près, parfois le maladie est difficile à cacher. Parfois le malade arrête, parfois il replonge. Souvent la dépendance est physique, elle est parfois psychologique.

Mais dans tous les cas les ravages continuent années après années. On n’est plus la même personne lorsque l’on absorbe de telles quantités d’alcool au cours de la journée. Si l’effet n’est pas visible directement, l’organisme, lui, encaisse les coups.

Quelle image renvoie-t-on à ses enfants lorsqu’on est alcoolique ? Quelle image a-t-on de soi lorsque replonge ? Comment arrêter lorsque l’on est isolé socialement ?

Contrairement à d’autres drogues, une personne qui a développé une dépendance physique à l’alcool l’aura toute sa vie.

Il n’y a pas de machine arrière, il faudra faire avec toute sa vie : passer devant les rayons interminables d’alcools pendant les courses, les verres de vins pour les « pots de départs » au travail, les réunions familiales plus ou moins arrosées, etc.

On pourra toujours débattre des siècles sur la question du goût, du plaisir procuré par les boissons alcoolisées. Mais le fait est là, très concret, sous nos yeux : l’alcool brise des vies.

Par respect pour les personnes alcooliques et pour tous leurs proches, il faut avoir une position ferme à ce sujet : l’alcool doit disparaître. Être de gauche, ce n’est pas faire des campagne de prévention d’un côté et la vente de poison de l’autre.Être de gauche, c’est : personne sur le côté de la route !

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Lichess, le jeu d’échecs en ligne

Entièrement gratuit, Lichess.org est incontournable pour qui apprécie de jouer aux échecs. Il est d’une accessibilité complète, puisqu’une inscription n’est pas nécessaire. Celle-ci permet cependant de conserver l’historique de ses parties, parties qui sont d’ailleurs évaluées au moyen du puissant logiciel stockfish permettant une évaluation de ce qu’on a fait, afin de progresser.

Les parties peuvent être classées ou non, on peut décider contre quel niveau on veut jouer et de très nombreux exercices d’entraînement sont disponibles, on a les statistiques sur ses parties. C’est une excellente occasion de se mettre ou de se remettre à un jeu intellectuellement très intéressant et qui malheureusement dispose dans notre pays d’une mauvaise image.

Les échecs ne sont pas vus comme un jeu élaboré et populaire, comme dans l’Est de l’Europe, mais comme un exercice intellectuel stérile pour intellectuels. C’est fondamentalement dommage.

Lichess.org, de par sa gratuité et son accessibilité complète (depuis tous les smartphones) avec des gens de tous les continents – on passe aisément d’une partie contre une personne en Iran à elle contre une vivant au Brésil ou en Ukraine – est un vrai témoignage qu’un produit de consommation de masse peut permettre la rencontre de gens de tous les pays, des échanges internationaux, bref un esprit qui va à l’encontre de tout nationalisme.

Lichess, développé par un Français par ailleurs, Thibault Duplessis, est d’ailleurs open source de bout en bout.

Il y a cependant deux défauts majeurs, très secondaires il est vrai. Le premier est qu’en plus de périodes classiques de jeu (5, 10, 15+15 mn, ou davantage), il y a cette fascination anti-jeu pour les parties ultra-rapides ou bien les formes baroques.

Parmi celles-ci, qu’on n’est nullement obligé de choisir, il y a la victoire obtenue en faisant trois fois échec, celle obtenue en amenant le roi sur une des quatre cases centrales, celle en amenant le roi sur la dernière ligne, celle où les blancs disposent de 32 pions au lieu des pièces normales, celle où les pièces capturées vont au camp adverse pouvant les replacer à n’importe quel moment, celle où les pièces sont placées au départ selon le hasard, la version atomique où une capture provoque une « explosion » détruisant les pièces alentour, etc.

Ces variantes sont insipides et reflètent une course à la victoire qui pollue l’effort de réflexion. Des gens contournent les vrais échecs avec des variantes et ce type d’approche produit une plaie bien connue des jeux d’échecs en ligne : la triche.

Depuis le départ des jeux en ligne et déjà sur l’interface très rudimentaire proposé par Yahoo en ligne, il y a des gens ouvrant un programme pour jouer ce que joue l’adversaire en ligne, eux refaisant ce que fait l’ordinateur calculant les meilleurs coups.

Leur victoire, pleine de vanité et absurde, est alors assurée. Lichess surveille ce genre de choses, en écoutant attentivement les réclamations faites. Mais on ne peut pas toujours le prouver, ni même le voir ou le deviner et cela nuit forcément à l’esprit sympathique du fait de vouloir jouer simplement une partie.

C’est que la population jouant aux échecs est elle-même corrompue par l’esprit de compétition, de victoire à tout prix, de vanité, etc. Comment en serait-il autrement ? On peut toutefois éviter ces désagréments en se mettant ami avec des partenaires sympathiques avec qui on aura joué.

En se rappelant que, de toutes façons, aux échecs, c’est la partie qui compte, sa beauté, la victoire ou la défaite étant indifférente. On doit savoir s’émerveiller d’un beau coup adverse, décisif, autant que de son propre coup victorieux.

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L’abolitionnisme comme théorie libérale de justification du cannabis

Depuis les années 1970 et à un rythme accru depuis les années 1990, la question de la légalité de l’usage des drogues travaille la gauche.

Le vieux débat sur la dépénalisation du cannabis prend un tour nouveau ces derniers jours avec l’annonce d’un prochain débat parlementaire portant sur des peines d’amende se substituant à la prison pour les consommateurs de drogues illégales.

En fait, loin de constituer un débat démocratique ouvert, cette question est influencée par un courant dominant : l’abolitionnisme. Il s’agit d’un mouvement universitaire à la base, animé par des juristes, des politologues, des sociologues, des gestionnaires, des psychologues, des philosophes, etc.

Ce courant de la pensée libérale est influant aux plus hauts niveaux de pouvoirs, ceux des Etats et au delà, dans des instances interétatiques, comme le Conseil de l’Europe.

L’abolitionnisme propose de substituer la justice civile, c’est-à-dire celle des contrats, à la justice pénale chargée des crimes et des délits, chaque fois que cela est jugé possible.

S’appuyant sur une critique soi-disant radicale de la société dans les pays industrialisés, l’abolitionnisme apparait avant tout comme une critique de la prison, mais va en réalité bien au delà.

En premier lieu, il s’agit de dénoncer la souffrance produite par le système pénal. Privé de liberté de mouvement, le délinquant condamné serait placé dans une situation de dépendance mêlée de domination. Déresponsabilisé, le détenu serait alors privé de dignité et de tout espoir de progrès.

La victime éventuelle serait quant à elle -en même temps que le coupable- dépossédée du conflit qui lui échappe puisque la procédure pénale relève d’un monopole de l’Etat.

Alors apparaît le coeur de la pensée abolitionniste qui réside dans le rejet de la toute puissance de l’Etat. L’Etat, comme concept erroné, masquerait la réalité de la société humaine vue comme un ensemble de relations interpersonnelles fondamentales. L’Etat serait une menace permanente d’étouffement des groupes intermédiaires, les communautés informelles d’individus se formant de manière spontanée en vue de la satisfaction des intérêts personnels.

Contre l’Etat soupçonné de dérives autoritaires incessantes de par sa nature même, l’abolitionnisme propose de soumettre le règlement des conflits apparaissant entre les personnes à des procédures jugées non-répressives (des arbitrages) et de substituer le dédommagement des préjudices individuels à la peine privation de liberté.

Au travers de ces considérations, c’est l’existence même d’infraction qui est remise en cause. Les notions de crimes et de délits sont regardées comme relevant de la morale et par là déconsidérées. On leur préfère la notion de « situation-problème », dont l’occurrence sera évitée par des mesures de prévention et solutionnées au besoin en évitant l’instance répressive, par principe.

Chaque fois que l’occasion est donnée, en fonction des intérêts sociaux et politiques, la criminalité étant une construction sociale, l’abolitionnisme recommande aux gouvernements de faire basculer des pans entiers du droit pénal dans le droit civil.

Pour cela, Louk Hulsmann, qui doit être considéré comme le grand théoricien du courant, donne une grille de références.

Il affirme que le système pénal doit être écarté quand deux conditions sont remplies. D’une part, quand le comportement considéré n’est pas souhaitable, mais que l’Etat n’est pas compétent dans le domaine. D’autre part, quant les coûts de la criminalisation sont supérieurs aux profits de la mesure punitive sur la société.

Dans le débat technique qui concernent la consommation du cannabis, l’Etat recule ainsi.

Sans aller jusqu’à se déclarer incompétent, il renonce néanmoins à encadrer physiquement les toxicomanes. Le bilan comptable « coûts-profits » étant jugé défavorable au droit actuellement applicable, l’Etat s’apprête à renoncer à la prison et au lieu de cela, guidé par les libéraux, il s’apprête à prononcer des peines d’amende contre les drogués et ainsi à gagner de l’argent en sanctionnant les fumeurs de joints.

Sans considérer que la prison soit une solution, il n’en reste pas moins que le refus de toutes les drogues devrait être le b-a-BA des gens de gauche, à moins de considérer que le bonheur soit impossible ou résolument individuel, comme le pensent justement les libéraux, jusqu’à la fuite dans les paradis artificiels.

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Le ski alpin aujourd’hui en France

Le ski alpin est de moins en moins un sport, c’est-à-dire avec des entraînements réguliers, encadrés et planifiés en vu de compétitions. Il est surtout un loisir et une activité de détente peu structurée.

Bien que la France connaisse encore des champions de niveau international tels Tessa Worley ou Alexis Pinturault, les compétitions de ski sont rares et globalement réservées aux jeunes locaux.

Le modèle de l’École du Ski Français (de loin la plus grande école de ski au monde) reste néanmoins d’inspiration largement sportive. Celle-ci dispose d’un quasi-monopole sur l’enseignement du ski en France.

Son activité est organisée autour d’épreuves à passer en fonction d’un temps de référence établie par un moniteur, les fameux « flèche », « chamois » et « fusée ». Pour les débutants il existe également des items techniques à valider, les étoiles pour les enfants et les degrés pour les adultes.

De plus en plus cependant les stations de ski développent des activités annexes au ski alpin. Il y a par exemple des « snow-park », des coussins d’air géants pour faire des sauts sans prendre la peine d’apprendre à réceptionner correctement, des DJ organisent des « soirées » alcoolisées en pleine journée au milieu des pistes et certaines stations valorisent officiellement la pratique du hors-piste!

Souvent le sport n’est plus la raison première des séjours. Le ski devient de plus en plus un à côté servant de prétexte à des séjours de débauche valorisant des pratiques décadentes et la recherche de « sensations fortes » (c’est-à-dire des sensations contre-nature).

Les animations dans les bars la nuit sont sur-abondantes. Les séjours à des prix spéciaux pour des groupes d’étudiants sont récurrents : les corporations étudiantes possèdent ici une grande tradition dans ce domaine.

Les domaines skiables les plus imposants ne cessent de s’agrandir et de développer de la neige artificielle, ce qui est par ailleurs extrêmement néfaste sur le plan environnemental. Certaines stations font même parvenir de la neige par camion ou hélicoptères.

Ces grands domaines monopolisent la clientèle malgré des tarifs toujours plus élevées et inaccessibles même pour les masses les moins défavorisées, et alors que beaucoup de petites stations ferment ou peinent à équilibrer leurs comptes.

La France est la première destination mondiale pour le ski avec le plus grand nombre de kilomètres de piste, le plus grand nombre de remontées mécaniques, etc.

Ce secteur est d’ailleurs extrêmement concentré avec deux monopoles se partageant la fabrication des équipements : Doppelmayr – Garaventa (d’origine autrichienne et Suisse) et Poma – Leitner (d’origine française et italienne).

De son côté, la grande bourgeoisie sombre elle aussi dans la décadence et ne s’intéresse plus depuis longtemps à la montagne ni même véritablement au ski. Ses stations ne servent que de décor à un entre-soi ultra élitiste et cosmopolite, avec des logements toujours plus démesurés, des galeries d’art contemporain, de la prostitution de luxe imposée par de riches oligarques russes, ou même un aéroport sur les pistes comme à Courchevel.

Aucune société réellement démocratique ne pourrait tolérer une telle insulte à la morale et à l’idée même de civilisation que sont ces stations de ski huppées, bien loin de l’esprit initiale ayant conduit la bourgeoisie à inventer le ski alpin.

> Lire également : Le développement du ski alpin en France

Il en est de même des autres grandes stations de ski qui sont surtout des « usines » à loisirs extrêmement polluantes et dramatiques d’un point de vue culturel.

Le recul du ski alpin en tant que sport et l’accroissement sans précédent de la taille des domaines skiables de moins en moins accessibles aux masses populaires est une manifestation de la décadence de notre société.

C’est le produit de la pression toujours plus grande que font subir les plus riches, les monopoles à la société tout entière ainsi qu’aux derniers espaces naturels relativement préservés en France.

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Le serment d’Hippocrate

Le serment d’Hippocrate, écrit par ce médecin de l’antiquité grecque, précise les exigences morales relatives à l’activité de médecin.

Voici le texte original et celui modifié par l’ordre national des médecins en France. On peut voir une grande différence : le serment d’Hippocrate est à l’origine exigeant avec les comportements du médecin, qui doit se subordonner à la médecine en tant que discipline.

La version modernisée, quant à elle, souligne le rapport à autrui, dans sa démarche contractuelle, pour ne pas dire commerciale, et appelle simplement le médecin à ne pas sombrer dans la démesure, même s’il cherche le gain et la gloire.

Le texte original est le suivant.

Je jure par Apollon médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin, de remplir, selon ma capacité et mon jugement, ce serment et ce contrat; de considérer d’abord mon maître en cet art à l’égal de mes propres parents; de mettre à sa disposition des subsides et, s’il est dans le besoin, de lui transmettre une part de mes biens; de considérer sa descendance à l’égal de mes frères, et de leur enseigner cet art, s’ils désirent l’apprendre, sans salaire ni contrat; de transmettre, les préceptes, des leçons orales et le reste de l’enseignement à mes fils, à ceux de mon maître, et aux disciples liés par un contrat et un serment, suivant la loi médicale, mais à nul autre.

J’utiliserai le régime pour l’utilité des malades, suivant mon pouvoir et mon jugement; mais si c’est pour leur perte ou pour une injustice à leur égard, je jure d’y faire obstacle.

Je ne remettrai à personne une drogue mortelle si on me la demande, ni ne prendrai l’initiative d’une telle suggestion.

De même, je ne remettrai pas non plus à une femme un pessaire abortif.

C’est dans la pureté et la piété que je passerai ma vie et exercerai mon art. Je n’inciserai pas non plus les malades atteints de lithiase [les calculs], mais je laisserai cela aux hommes spécialistes de cette intervention.

Dans toutes les maisons où je dois entrer, je pénétrerai pour l’utilité des malades, me tenant à l’écart de toute injustice volontaire, de tout acte corrupteur en général, et en particulier des relations amoureuses avec les femmes ou les hommes, libres ou esclaves.

Tout ce que je verrai ou entendrai au cours du traitement, ou même en dehors du traitement, concernant la vie des gens, si cela ne doit jamais être répété au-dehors, je le tairai, considérant que de telles choses sont secrètes.

Eh bien donc, si j’exécute ce serment et ne l’enfreins pas, qu’il me soit donné de jouir de ma vie et de mon art, honoré de tous les hommes pour l’éternité. En revanche, si je le viole et que je me parjure, que ce soit le contraire.

Voici celui de l’ordre national des médecins en France.

Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.

Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.

Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité.

Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.

J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.

Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.

Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les moeurs.

Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.

Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services  qui me seront demandés.

J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.

Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque.

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Le développement du ski alpin en France

Le ski alpin est traditionnellement un sport pratiqué par la bourgeoisie intellectuelle des grandes villes, notamment celle des professions libérales médicales (médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes, etc.). Ce sont ces personnes, souvent jeunes, françaises ou anglaises, qui l’ont introduit au début du XXe siècle.

C’était un prolongement de l’activité des clubs alpins (qui ont inventé l’alpinisme), au moment de l’avènement du tourisme et du sport.

L’attrait pour la montagne exprimait le besoin de se tourner vers la nature alors que les villes étaient déjà saturées et les campagnes largement façonnées par l’agriculture et considérées comme seulement arriérées culturellement. Le Club Alpin français a par la suite largement contribué à la création de parcs nationaux sur les grands massifs de montagne, les plus connus étant ceux de la Vanoise (créé en 1963) et des Écrins (crée en 1973).

Encore aujourd’hui, les massifs montagneux sont très peu façonnés par l’humanité. La neige, la végétation, la hauteur des sommets et la rudesse des pentes, la vivacité des cours d’eau, fascinaient et fascinent largement.

La question de l’eau est d’ailleurs primordiale. Le tourisme est d’abord parvenu dans les massifs montagneux via les stations thermales (avec une fascination parfois irrationnelle pour les eaux minérales et leurs propriétés curatives prétendues). La neige est elle-même une forme particulière d’organisation de l’eau.

Le ski alpin est directement le produit de cet engouement pour la montagne par la bourgeoisie intellectuelle des grandes villes voulant se tourner vers la nature et les sensations.

C’est une manifestation évidente de la contradiction ville-campagne, mais aussi de la contradiction entre le travail intellectuel et le travail manuel : les travailleurs intellectuels voulant avoir une activité manuelle, utiliser et maîtriser leur corps, mais de manière agréable.

Tant la neige que la forte inclinaison des pentes attenantes à certaines stations thermales étaient justement propices à l’expression de sensations et à la maîtrise de son corps dans des conditions particulières que permet le ski alpin. L’attrait étant bien sûr renforcé par le plaisir d’être au « grand-air » dans un environnement inhabituel, grandiose, etc.

La naissance du ski alpin n’a été possible bien sûr qu’avec l’appuie des masses les plus avancées des populations locales connaissant la montagne et ses dangers. Elles y voyaient la possibilité d’un développement économique et culturel.

Nombres de jeunes se sont rapidement intéressé eux-mêmes au ski – la plupart des champions de ski étant par la suite essentiellement des locaux. Pour autant, c’est d’abord et surtout avec des codes culturels bourgeois et un style urbain, voir même parisien, que s’est développé le ski.

Le premier concours international de ski alpin eu lieu à Chamonix en 1907, organisé par le Club Alpin Français. La seconde édition en 1908 attira largement le « Tout-Paris » pour qui le sport était depuis plusieurs dizaines d’années une mondanité incontournable, et même un style de vie pour les éléments aristocratiques ayant une bonne condition physique et s’impliquant dans le sport.

La ville de Chamonix n’est ainsi pas tant une ville savoyarde qu’une sorte de prolongement de Paris et des grandes villes françaises, avec une architecture de type haussmannienne pour de nombreux bâtiments. C’est le cas également pour la ville de Cauterets dans les Pyrénées, autre berceau du ski en France où furent organisés les championnats de France en 1910.

Durant les années 1920 et 1930, les concours de ski étaient nombreux. Les premiers Jeux Olympiques d’hiver organisés en 1924 à Chamonix (avec 300 coureurs issus de 16 nations) eurent un retentissement considérable. La France était au cœur d’un mouvement culturel et sportif de développement des sports d’hiver, à tel point que fut développé dans les années 1930 un style proprement français : une méthode de ski français.

Cette technique de ski était d’abord une recherche d’efficacité qui permit à son initiateur Émile Allais de devenir un des plus grands champions de sa génération. Il est né à Megève en 1912, c’est-à-dire avant même que le village devienne une station de ski. Ses parents y tenaient une boulangerie et lui-même était porteur de bagages à ski pour les premiers touristes dans sa jeunesse.

Sa méthode sera ensuite popularisée avec l’appuie de la fédération française de ski et la publication d’un livre, puis d’un livre illustré. L’École Nationale du Ski Français qui a vu le jour à la même époque sous l’impulsion de Léo Lagrange, ministre du Front Populaire des Loisirs et des Sports, reprendra directement cette méthode française. Elle sera ensuite diffusée après la guerre via les moniteurs de l’ESF (Ecole de Ski Français), connus pour leurs « pulls rouges ».

S’est alors développée une attitude autour du ski, non forcément liée à la compétition mais en tout cas avec la volonté d’avoir une technique maîtrisée et efficace, en plus d’un style sophistiqué, élégant « à la française », urbain.

Nul hasard au fait que cette méthode française trouve son origine à Megève puisqu’il s’agit là d’une station créée de toutes pièces autour du village initial par la famille Rothschild avec l’ambition d’en faire une station française.

Il lui fallait les codes culturels de l’aristocratie et de la haute-bourgeoisie française qui ne souhaitait pas être mélangée avec l’aristocratie allemande dans les stations suisses. On a là la rencontre entre les masses habiles et connaissant la montagne et les hautes sphères de la société française véhiculant un style français qu’elle appelle « art de vivre à la française ».

A partir des années 1950/1960 le ski et les stations de sport d’hiver se sont largement développées en France, sous l’impulsion de l’État qui a mis en place un « plan-neige » à partir de 1964 jusqu’à la fin des années 1970. Émile Allais a d’ailleurs beaucoup œuvré pour cela. Via des classes de neiges, des colonies de vacances, des possibilités par les comités d’entreprises, une partie des masses a alors eu accès au ski, ne serait-ce que sporadiquement.

Durant les années 1970, les vacances en famille au ski sont devenues accessibles pour la petite-bourgeoisie et les parties les moins pauvres des masses populaires. Cela a largement contribué à faire des vacances au ski non pas un plaisir sportif en tant que tel mais surtout un faire-valoir, une sorte de « must have » petit-bourgeois afin de s’imaginer riche, de s’imaginer appartenir à la bourgeoisie.

Ce genre d’attitude est très bien illustrée dans le film Les Bronzés font du Ski de 1979. Les médias avec leurs reportages redondants chaque année lors des vacances d’hiver relaient largement cet état d’esprit aisément détestable de par sa dimension régressive.

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La remise en cause du principe d’un baccalauréat universel

C’est une ironie comme l’histoire les connaît qu’Alain Devaquet soit décédé quelques jours avant la remise hier d’un dossier au ministre de l’Éducation nationale afin de réformer le baccalauréat. Car le projet d’Alain Devaquet en tant justement que ministre de l’Éducation nationale en 1986 avait provoqué une mobilisation énorme de la part des étudiants et des lycéens.

Ceux-ci avaient compris que le projet d’Alain Devaquet était la sélection, un parcours universitaire à multiple vitesses. Ils ont été d’une grande combativité par conséquent, la répression étant elle brutale, comme en témoigne la mort de l’étudiant Malik Oussekine.

Celui-ci avait été tué par des policiers du peloton de voltigeurs motoportés, c’est-à-dire deux policiers à moto, l’un conduisant, l’autre frappant avec sa matraque. Malik Oussekine a été tué peu après minuit, alors qu’il sortait d’un club de jazz et que la police traquait des « casseurs ». Ils l’ont massacré dans un hall d’immeuble.

Cet événement, combiné à la vague contestataire contre le projet d’Alain Devaquet, a marqué toute une génération. Cela a été un marqueur de la contestation du capitalisme.

Mais en trente années, le libéralisme a largement conquis les masses. La fausse gauche célèbre le libéralisme de mœurs sans voir – ou plutôt sans prétendre voir – qu’il va de pair avec le libéralisme économique.

Aussi, cette fois, le projet de sélection passe comme une lettre à la poste chez les lycéens et les étudiants. Pire encore, il va commencer au lycée.

On connaît ici le principe : l’État laisse pourrir une situation, pour après reconnaître la nécessité d’un changement. La plupart des privatisations ont connu ce justificatif de « l’efficacité ».

Et en l’absence de connaissances politiques, de traditions de gauche, les lycéens et les étudiants tombent dans le panneau. Chacun s’imagine « sortir du lot » pour les plus carriéristes, quant aux autres, ils voient juste avec plaisir le principe d’un « bac à la carte ».

Car le baccalauréat, pour ce qui ressort du rapport remis hier au ministre concerné, supprime les séries L, ES et S. Il y aura un tronc commun et des options à choisir.

Dans le tronc commun, on trouve l’histoire-géographie, les mathématiques, deux langues vivantes, l’EPS, le français et de philosophie. Puis, en option, il y aura les mathématiques-sciences de la vie et de la Terre, lettres-langue vivante, sciences économiques et sociales / mathématiques.

En apparence, aucune différence. En pratique, pour les classes de seconde, de première, de terminale, il faudra à chaque fois re-sélectionner une de ces options. C’est la fin d’un bac universel.

De plus, les notes seront en continu, ce qui va renforcer la valeur très différente des lycées. Un bac dans tel lycée n’aura clairement pas la même valeur qu’un autre bac dans un autre lycée.

Évidemment, les options à choisir dépendront du « marché du travail ». A la soumission aux professeurs pour avoir les bonnes notes – on connaît la dimension subjective dans les matières littéraires ou les langues – s’ajoute celle aux entreprises.

Pour préserver la fiction du « bac », le projet prévoit également que la moitié de la note finale dépende de quatre examens de fin d’année, avec deux majeures au printemps, la philosophie et un oral en juin.

Enfin, pour clouer la dépendance, il n’y aura plus d’oral de rattrapage, mais l’étude du livret scolaire de première et de terminale.

C’est la négation de l’épreuve universelle et le renforcement de la soumission à la concurrence, à la compétition, aux intérêts des entreprises, et cela de manière totalement unilatérale.

Cela ne veut pas dire que le baccalauréat ait été idéal dans sa forme passée. Tous les gens de gauche savent ce que signifie l’épreuve comme mise sous pression, bachotage sans contenu, illusion sur la vie adulte qu’il y a après, etc.

Cependant, l’idée d’une épreuve universelle, pour une société reconnaissant être une collectivité transcendant les individus, ne peut être que l’exigence de base de toute personne de gauche.

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GPA : « Non au marché de la personne humaine »

 

Cette tribune est initialement parue sur le site du Le Monde, dans une version malheureusement payante.

En un temps où l’on s’insurge contre les violences faites aux femmes, où l’on traque les stéréotypes de genre et où l’on revendique l’égalité des sexes, il serait opportun que l’usage commercial de leur corps dans l’industrie procréative mobilise davantage l’opinion publique et les médias.

Au lieu de cela, on observe une étrange complaisance à l’égard de ce que l’on nomme abusivement une « technique », alors que la maternité de substitution est une « pratique sociale » qui consiste à louer la vie d’une femme, jour et nuit, pendant neuf mois.

Pour lui donner un aspect altruiste, on appelle gestation pour autrui (GPA) la convention par laquelle une femme s’engage à devenir enceinte (par insémination artificielle ou transfert d’embryon) et à accoucher d’un enfant qu’elle remettra dès sa naissance, et moyennant paiement, à ses « parents contractuels ».

Personne ne peut ignorer que cette pratique fait partie d’un marché procréatif mondialisé en pleine expansion, qui inclut, comme en Californie, la vente du sperme et des ovocytes. Là où il existe, ce marché constitue une forme nouvelle d’appropriation du corps féminin.

L’enjeu des choix législatifs nationaux et internationaux en ce domaine est considérable, face à la pression de tous ceux qui trouvent un intérêt financier important dans cette affaire : cliniques, médecins, avocats, agences de « mères porteuses », auquel s’ajoute l’intérêt subjectif de ceux que les agences appellent sans vergogne les « clients » et qui désirent obtenir un enfant à tout prix.

L’objet d’un tel commerce n’est pas seulement la grossesse et l’accouchement, c’est aussi l’enfant lui-même, dont la personne et la filiation maternelle sont cédées à ses commanditaires.

On convient à l’avance du prix du « service »

Dans son principe, une telle transaction commerciale (elle l’est toujours, même si l’on déguise le paiement en indemnité ou dédommagement) est contraire aux droits de la personne humaine et s’apparente à une forme de corruption.

De corruption en effet, puisqu’elle attribue une valeur marchande et à l’enfant et à la vie organique de la mère de substitution. Car l’un et l’autre sont des personnes, sujets de droits, et il existe une différence, capitale en droit, entre les personnes et les biens. De plus, depuis l’abolition de l’esclavage, nul ne peut exercer sur une personne humaine les attributs du droit de propriété.

C’est pourquoi, en matière d’adoption, la Convention de La Haye interdit tout arrangement programmant à l’avance l’abandon d’un enfant par sa mère de naissance et tout paiement de l’enfant par les parents adoptifs.

Or c’est un tel arrangement préalable qui est en cause avec la maternité de substitution : on convient à l’avance du prix du « service » rendu par la mère et donc du prix de l’enfant à naître. Et celle qui accouche est bien la mère biologique, même lorsque l’enfant n’hérite pas de ses gènes, car un embryon n’a aucune chance de devenir un enfant sans un corps féminin qui lui assure son lent développement biologique. On ne fait pas un enfant seulement avec des gènes.

« DEPUIS L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE, NUL NE PEUT EXERCER SUR UNE PERSONNE HUMAINE LES ATTRIBUTS DU DROIT DE PROPRIÉTÉ »

La GPA est ainsi une façon de falsifier la filiation maternelle de l’enfant en substituant une mère « intentionnelle » à sa mère de naissance. Certains demandent à la France de transcrire tels quels les actes d’état civil établis à l’étranger sur la base d’une GPA, sachant que cette transcription légitimerait la GPA et mettrait immédiatement en cause notre législation.

Or, en dépit de mensonges réitérés sans relâche, ces enfants ont heureusement des papiers, par exemple des passeports américains, ou délivrés par d’autres pays, et si l’un de leurs parents est français ils obtiennent un certificat de nationalité. Dans son arrêt du 26 juin 2014, la Cour européenne des droits de l’homme elle-même a reconnu que la famille Mennesson vivait en France « dans des conditions globalement comparables à celles dans lesquelles vivent les autres familles ».

Certains soulignent que des femmes « consentent », en connaissance de cause, à servir de mères porteuses, et donc qu’elles acceptent leur propre aliénation et leur propre marchandisation. Sans doute : mais l’inégalité économique entre la femme et ses clients explique assez ce genre de consentement.

Et surtout, dans une société où il y a des lois protectrices des droits fondamentaux, il n’appartient pas aux individus de passer entre eux des contrats contraires à ces droits. C’est pourquoi, en France, nul ne peut consentir légalement à vendre un de ses reins, ni s’engager à devenir esclave.

Résister au « marché total »

Dans cette affaire, débattue dans notre pays depuis presque trente ans, il s’agit de comprendre que la demande d’enfant est déjà un effet de l’offre médicale, dès lors que la médecine, oubliant l’impératif de ne pas nuire, collabore avec les marchés du corps humain au nom de la liberté des contrats.

Dans certains pays, des médecins ne voient pas non plus d’inconvénient à greffer sur leurs patients des reins achetés à des « donneurs » vivants, ou même extorqués par des trafiquants aux populations les plus déshéritées, comme les réfugiés.

Le corps médical doit ainsi s’inquiéter de savoir s’il veut sacrifier son éthique à une idéologie ultralibérale qui tend à réduire la personne humaine à une ressource biologique disponible sur le marché. Dans le passé, ne l’oublions pas, des médecins éminents se sont compromis avec des idéologies encore plus redoutables : la bioéthique est née à partir des procès de Nuremberg.

La responsabilité du législateur est ici immense, car le respect des droits de la personne humaine et de son corps est l’un des principaux critères susceptibles de définir une société civilisée.

Les Etats doivent-ils renoncer à la protection des personnes en les abandonnant aux lois du marché ? L’enfant doit-il être conçu comme un produit dont le prix fluctue selon l’offre et la demande ?

Il s’agit de savoir dans quelle société nous voulons vivre et d’avoir le courage de résister au « marché total », comme c’est encore le cas de la plupart des pays européens. L’honneur de notre pays serait, avec d’autres, de travailler à l’abolition universelle d’une pratique qui touche aujourd’hui, dans le monde, les femmes les plus vulnérables.

Eliette Abécassis, écrivaine ;Sylviane Agacinski, philosophe ; Marie Balmary, psychanalyste ;
Pilar Aguilar Carrasco, représentante du groupe espagnol No somos vasijas ; Marie-Jo Bonnet, historienne des femmes ; José Bové, député européen ; Lise Bouvet, philosophe, politiste et traductrice féministe ; Didier Cahen, écrivain ; Laure Caille, présidente de l’association Libres Mariannes ; Geneviève Couraud, présidente de l’association l’Assemblée des femmes ; Michèle Dayras, médecin, présidente de SOS Sexisme ; Maria De Koninck, professeure émerite à la faculté de médecine de l’Université Laval ; Anne Desauge, secrétaire générale d’Elus locaux contre l’enfance maltraitée (Elcem) ; Ana-Luana Stoicea-Deram, présidente du Collectif pour le respect de la personne ; Laurence Dumont, députée, initiatrice des Assises pour l’abolition universelle de la GPA ; Alice Ferney, écrivaine ; Eric Fiat, professeur de philosophie morale et d’éthique médicale, à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée ; René Frydman, gynécologue obstétricien ; Cristina Gramolini, présidente de l’association nationale Arcilesbica, Italie ; Florence Gruat, cadre hospitalière sup, docteure en éthique ; Diane Guilbault, présidente du groupe pour les droits des femmes du Québec ; Béatrice Joyeux-Prunel, historienne de l’art contemporain ; Frédérique Kuttenn, professeure émérite d’endocrinologie de la reproduction ; Catherine Labrusse-Riou, ­professeure de droit à l’université Paris-I ; Anne-Yvonne Le Dain, géologue, agronome, ancienne députée ; Manuel Maidenberg, pédiatre ; Christine Mame, présidente d’Elus locaux contre l’enfance maltraitée (Elcem) ; Francesca Marinaro, représentante de l’association italienne Se non ora quando – Libere ; Yaël Mellul, ancienne avocate, présidente de l’association Femme & libre ; Florence Montreynaud, historienne et féministe ; Françoise Morvan, présidente de la coordination française pour le lobby européen des femmes, membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes ; Isabelle Moulins, présidente du Centre évolutif Lilith de Marseille ; Nicole Péry, ancienne secrétaire d’Etat aux droits des femmes et vice-présidente du Parlement européen ; Yvette Roudy, ancienne ministre des droits des femmes ; Dominique Schnapper, directrice d’études à l’EHESS, ancienne membre du Conseil constitutionnel ; Martine Segalen, ethnologue, professeure émérite des universités ; Didier Sicard, professeur émérite de médecine et ancien président du Comité consultatif national d’éthique ; Myriam Szejer, pédopsychiatre et psychanalyste, présidente de l’association La Cause des bébés ; Jacques Testart, biologiste de la procréation ; Henri Vacquin, sociologue ; Monette Vacquin, psychanalyste ; Jean-Louis Vildé, professeur émérite pour les maladies infectieuses ; Jean-Pierre Winter, psychanalyste.

Associations et collectifs : Association nationale Arcilesbica, Italie ; Assemblée des femmes ; Collectif pour le respect de la personne (CoRP) ; CQFD Lesbiennes Féministes ; Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (Cadac) ; Elus locaux contre l’enfance maltraitée ; Femme & Libre ; groupe No somos vasijas ; Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec) ; association Se non ora quando – Libere ! (Espagne) ; Libres Mariannes ; collectif Ressources prostitution ; SOS Sexisme

 

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Les footballs et la nécessité de l’esprit du jeu

Le football et le rugby sont d’après les historiens des variations de la soule (ou choule), un jeu de balle assez brutal. Une certaine forme de ce jeu serait toujours pratiquée traditionnellement dans certaines régions en France.

Depuis 1850 environ, les institutions sportives ont fait beaucoup d’efforts pour séparer football et rugby de la soule d’une part, et pour les distinguer l’un de l’autre d’autre part, par le développement de règlements spécifiques.

Le règlement officiel du football (Laws of the Game en anglais) comprend dix-sept règles écrites augmentées de quelques annexes. Néanmoins, il est dit de manière très officielle qu’une Law 18, la dix-huitième règle, supplante toutes les autres.

Selon cette règle non-écrite, le bon sens doit être de mise dans l’interprétation des règles du jeu afin de ne jamais aller contre l’esprit du jeu. Ce « Spirit Of The Game » constitue donc l’essence du football.

D’après les commentateurs, l’esprit du jeu réside dans une certaine justice naturelle, une fluidité dans la partie et dans le fait que l’issue du match doit être le produit de l’action des joueurs. Il semble donc que pour les juristes du football, l’essentiel réside dans la satisfaction qu’éprouve les joueurs à disputer une partie entre eux.

Jouer collectivement avec un ballon est une activité sportive très populaire. On se retrouve entre amis, entre deux cours, après l’école ou le travail, pour jouer.

Dans la pratique, on s’écarte des règlements du sport tel qu’il est imposé dans les stades. Entre plaisir et contraintes matérielles, les joueurs créent de nouveaux jeux. C’est ainsi que les fédérations sportives courent après les sports « de rue » pour tenter de référencer et de fixer ces jeux populaires : five-a-side football et « rugby à toucher » sont des exemples.

Les équipes mixtes de 5 ou 6 joueurs se rencontrent dans des lieux du quotidien, sur des terrains plus ou moins improvisés. Même si chacun cherche à faire triompher son équipe, pas besoin d’arbitre et encore moins d’arbitrage-vidéo. Il s’agit d’interpréter les règles afin que tous s’accordent au final sur le fait que la justice règne durant la partie.

Ignorant le conservatisme des institutions sportives, les joueurs et les joueuses ont ainsi pu imposer la mixité dans leur pratique du football et du rugby. L’interdiction des placages, des tacles et de tout contact violent, la réduction de la durée des parties et la simplification des règles permettent un jeu fluide et rapide.

Dans ces football populaires, c’est bien l’esprit du jeu qui domine.

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L’auto-cuiseur Cocotte-minute

L’autocuiseur est un ustensile de cuisine commun à beaucoup de foyers. Le premier « digesteur d’aliments » doit son innovation à l’inventeur de la machine à vapeur, Denis Papin, en 1679.

Après le Salon des Arts Ménagers de 1926, c’est l’Auto-thermos des usines de Boulogne qui est mis en avant pour une cuisine rapide et peu coûteuse en combustible. Mais son système de fermeture compliqué n’assure pas son succès.

Ce mode de cuisson est promu dans les écoles des filles et les livres de conseil. « Les marmites ou cuiseurs sous pression peuvent rendre des services, grâce à l’économie de combustible qu’ils font réaliser, grâce aussi à la rapidité de cuisson ; précieuse pour les femmes qui travaillent au dehors » peut-on lire en 1935 dans La parfaite ménagère par Mmes Jumau et Herbet, aux éditions Librairie Larousse.

En 1948, Roland Devedjian commercialise sous le nom de Cocotte-minute® un autocuiseur en fonte d’aluminium, à fermeture à baïonnette. Mais c’est la faillite à cause du prix de vente exorbitant.

En 1953, Frédérique Lescure fondateur avec son frère de la Société d’Emboutissage de Bourgogne (SEB) rachète le brevet de Devedjian. En dépit du refus du Salon des arts ménagers de 1954, les frères Lescure commercialise leur premier autocuiseur.

Ce qui assure le succès de l’autocuiseur SEB c’est son faible coût d’achat, sa solidité, sa maniabilité et sa sécurité d’utilisation. Chaque marmite est vendue avec un livre de recettes.

Avec un faible coût d’achat, la femme peut désormais réaliser en toute sécurité des plats plus rapidement (le temps de cuisson est divisé par trois) tout en diminuant sa consommation de combustible de 70%.

C’est le succès assuré, de 130 000 en 1954, le nombre d’exemplaires commercialisés passe à 800 000 en 1965. C’est également l’année où l’autocuiseur devient la Cocotte-minute® SEB.

Pourtant c’est en 1975 que le pic de vente est atteint (1 727 733 exemplaires) avec la sortie de la Super-Cocotte® laquée rouge ou ornée de motifs floraux rouge-orangé.

SEB n’a cessé depuis d’innover pour suivre le mode de consommation alimentaire des gens.

Ainsi dans les années 1980, c’est le modèle SENSOR® pour une rapidité encore plus efficace et une sécurité renforcée ; dans les années 1990, c’est le modèle CLIPSO® avec un système d’ouverture automatique à pression, une vitesse turbo pour la décongélation des aliments et une soupape plus silencieuse.

Jusque-là le maintien de la qualité des aliments n’est pas pris en compte. Pourtant la cuisson à 120° détériore les qualités nutritives des aliments. Les vitamines A et D sont oxydées.

Les vitamines B, C et en grande partie E ainsi que les enzymes sont détruites. SEB commercialise alors le NUTRICOOK® CONNECT, en 2014, avec 4 programmes, deux temps de cuisson pour la préservation des optimales des nutriments et vitamines. Il est relié à une application Smartphone « Mon autocuiseur » qui remplace le livre de recettes traditionnel.

Les innovations techniques et leur commercialisation ont permis aux femmes qui devaient travailler en dehors de la maison, de continuer à cuisiner des plats demandant de long temps de cuisson tout en faisant des économies.

Avec un salaire en plus et le même pot-au-feu dans l’assiette, la famille ne sent pas lésée.

Mais c’est encore souvent la femme qui épluche les légumes et écoute le chuchotement de la soupape.

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278 recettes de cuisine végétalienne

278 recettes de cuisine végétalienne, dans le document au format PDF ci-dessous (cliquer sur l’image).

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Société libérale et déserts médicaux

Le propre de la société libérale est de faire primer le choix individuel sur le besoin collectif en postulant que la somme de choix individuels débridés revient au bien être collectif.

C’est bien évidemment erroné, la mauvaise répartition de l’accès aux soins en est un bon exemple.

Les personnes qui ont la possibilité de faire des études partent de leur région d’origine pour rejoindre les villes et ce, pendant trois à dix ans. C’est le temps qu’il faut pour avoir un cercle d’amis, des habitudes, une vie en somme.

Les villes sont des espaces où l’on peut se faire très vite absorber par le rythme, le choix des activités. Elle concentre la culture et du même temps, aspire la vie des zones rurales et péri-urbaines.

Donc d’un point de vue strictement individuel, qui voudrait quitter la ville après y avoir construit quelque chose ? Peu de gens. L’individualisme prime alors sur la morale, la conscience collective.

Le cas de la médecine est particulièrement révélateur de la capacité d’absorption des villes, car c’est un corps de métier que l’on choisit, si on est sincère dans la démarche, avec un sentiment d’altruisme et de nécessité d’être utile, vital même, à la collectivité.

Pourtant, les jeunes diplômés en médecine ont tendance à suivre la même trajectoire individualiste libérale que le reste de la petite bourgeoisie intellectuelle, qui cherche à valoriser ses diplômes dans le cadre de la ville.

Ce problème est visible dans les campagnes et les zones péri-urbaines et particulièrement les quartiers populaires, où beaucoup de médecins généralistes ne prennent plus de nouveaux patients. Au phénomène qui oppose les villes aux campagnes, s’ajoute donc l’ostracisme, voire le racisme.

La moyenne d’âge des médecins en activité augmente, les départs en retraite sont non renouvelés.

Certains praticiens sacrifient énormément de leur temps pour tenter de ne laisser personne sans soins, comme l’exige le code de déontologie de la médecine et conformément à leurs aspirations.

Malheureusement cela ne suffit pas et il devient très compliqué d’obtenir des rendez-vous.

Dans le même temps, avec l’écocide généralisé, de plus en plus de maladies chroniques se déclarent. Il y a notamment des problèmes respiratoires chez les jeunes enfants une multiplication des cancers ou des problèmes de thyroïdes.

Il y a donc un besoin croissant de professionnels de la santé, pour soigner, mais aussi pour alerter et rendre publiques les vagues de pathologies liées à la destruction de la planète, de la biosphère.

Il est également courant de devoir travailler plusieurs jours ou semaines avec des traumatismes causés par l’activité professionnelle, faute de pouvoir consulter rapidement et être arrêté. Cela peut avoir des conséquences graves sur l’usure du corps, déjà éprouvé par les tâches répétitives.

Du fait qui plus est de rapports inégaux entre les pays et d’un esprit d’hégémonie, les déserts médicaux français tendent à se combler à l’aide de diplômés venant de Roumanie où les études de médecines sont de bonne qualité, mais sans ressource matérielle pour une réelle implantation locale.

Ainsi, on pare au plus urgent en renforçant un déséquilibre ailleurs, et sous prétexte que c’est dans un autre pays, on s’en moque.

Le cas des déserts médicaux n’est qu’un exemple parmi tant d’autres du dysfonctionnement profond du modèle actuel. La seule issue est de placer réellement le collectif au centre des préoccupations de la société, pour le bien des individus.

Ces questions se résolvent au moyen de la planification démocratique, en soutenant des projets relevant d’un héritage authentique de gauche.

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Le Brownie Flash et la révolution Kodak

Le Brownie Flash est un appareil photo de la firme Kodak, connu sous le nom de Brownie hawkeye flash aux Etats Unis. Il est historiquement un produit marqué par une grande accessibilité.

Le Brownie flash est d’ailleurs fabriqué en France avec les pièces américaines dès 1955. La vente est un succès de par sa facilité d’utilisation et son prix peu élevé : 2 400 francs pour l’appareil seul et 1 398 francs pour le flash, soit le cinquième d’un salaire de faible niveau, en comptant que durant les trente glorieuses, il y a une forte montée du niveau de vie.

George Eastman, fondateur de la firme Kodak, a toujours eu à souhait la démocratisation de la photographie, dans le sens bien entendu où il s’agissait pour lui de vendre davantage de produits.

Le slogan de Kodak était d’ailleurs  «  You press the button, we do the rest » (Vous appuyez sur le bouton et nous faisons le reste). C’est un principe de simplification et avec les ventes en masse, c’est ce que l’on a appelé plus tard « la révolution Kodak ».

De 1951 à 1961, le Brownie Flash est ainsi un cadeau commun à beaucoup de jeunes français. C’est un appareil photo idéal pour les néophytes et de bonne fabrication pour accompagner toute une vie.

Sur le plan technique, le Brownie Flash se présente sous la forme d’un boîtier noir en bakélite. L’objectif en verre se situe devant. Il est fixe et a pour focale f/15. Deux vitesses d’obturation sont possibles : 1/50s et la pose longue en appuyant sur le bouton pose B.

Une broche pour flash Kodak est visible sur le boîtier. Les pellicules utilisées sont du 620, donnant donc un format carré 6×6. Un coffret est également commercialisé, au prix de 5 036 francs durant cette période. Il comprenait : un appareil photo, un flash modèle B, deux pellicules, deux piles pour le flash, deux ampoules flash, un dépliant publicitaire, un livret humoristique Kodak, le mode d’emploi de l’appareil et le mode d’emploi du flash.

Encore aujourd’hui, le Brownie Flash est un appareil photo que l’on trouve couramment dans les vides greniers ou dans les familles françaises, se transmettant de génération en génération. Même si les pellicules 620 n’existent plus, on peut trouver des astuces pour y insérer des pellicules 120.

Des photographes s’amusent même avec la double exposition. 70 ans après sa commercialisation française, Brownie Flash reste l’appareil photo synonyme de photographie accessible à tous.

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Drame de Millas : « Mais toi continu de danser et danser encore là haut »

La collision le 14 décembre 2017 entre un car scolaire et un TER au passage à niveau de Millas dans les Pyrénées-Orientales, causant six morts et six blessés graves, a profondément traumatisé une large partie de la société.

La question de savoir si le passage à niveau était fermé ou non lors du passage du bus est ainsi devenue un thème d’actualité dans la vie populaire. Plus de 50 000 personnes ont signé une pétition en faveur de la conductrice du bus, considérant qu’aucune personne n’aurait sciemment défoncé une barrière abaissée et qu’elle est accusée car la SNCF cherche à se dédouaner de toute responsabilité.

On oscille ici entre critique de l’opacité et de la mauvaise foi de l’Etat, de son mépris des gens, et complotisme. Il y a beaucoup d’aspects dans ces sentiments et ressentiments.

Un message écrit par la mère d’un enfant tué a également beaucoup marqué les esprits. Le voici, les lignes ont été sautées, le message étant normalement publié d’un bloc sur facebook.

Mon Teddy Dlple

💔Ce jour là, nous devions fêter mon anniversaire à ton retour. Je t’ai déposé comme chaque matin à l’arrêt de bus pour partir au Collège.

Tu m’as fais un grand sourire et signe de la main et nous avons passé notre journée chacun de notre côté. Puis……..tu n’es jamais revenu.

Je devais te récupérer à l’arrêt du bus. Tu finissais à 16h. J’ai attendu. Pensant qu’il y avait du retard j’ai attendu encore puisque c’était déjà arrivé. Inquiète ensuite ne voyant pas le bus arriver, j’ai téléphoné au Collège pour savoir s’il y avait du retard et ils m’ont répondu que le bus avait eu un accident et qu’il fallait que je rejoigne.

Arrivée à mi chemin la gendarmerie avait bloquée l’accès et ils m’ont demandé de me ranger sur le côté. Je leur ai dit que tu devais prendre ce bus.

Ils ont commencé à prendre toutes les coordonnées mais je ne savais pas encore ce qu’il se passait. Lorsque j’ai voulu prévenir ton frère, je suis tombé sur un article disant qu’un train avait percuté un bus scolaire et la photo montrait cette scène du bus éventré.

J’ai entendu les hélicoptères (tu étais dans l’un d’eux…je ne le savais pas encore) et toutes sortes de sirènes et là j’ai compris.

L’horreur, l’impensable, l’inimaginable. Puis tout s’est enchaîné…………et lorsque j’ai pu te retrouver enfin très tôt le lendemain, tu étais méconnaissable, tellement abîmé.

Comment un petit corp aurait pu supporter un tel choc. C’est horrible. Mais tu t’es battu. Arrêt cardiaque. Tu étais dans un coma profond et ton cerveau était littéralement endommagé.

Ton corps meurtri de coupures et erraflures, les tibias cassés, la mâchoire fracturée…je n’ose imaginer l’impact. Et cette image du bus dans ma tête….comment supporter ça.

Apparemment tu n’as pas souffert. Mais ce n’est pas dans l’ordre des choses. Tu n’avais que 11 ans.

Ta vie était bien remplie mais elle ne faisait que commencer. Tu aimais aller au Collège, tu travaillais bien, tu avais beaucoup d’amis. Toujours souriant, les yeux pétillants, joyeux, farçeur, plein de vie.

Et ta passion pour la Danse. Tu aimais tellement, tellement danser, rejoindre cette autre famille, ta partenaire, les pistes et les compétitions.

Tu voulais aller loin dans la danse, tu étais toujours partant, tu disais souvent en rigolant que tu voulais beaucoup d’enfants et qu’il fallait profiter de la vie. Comment profiter de la vie maintenant que je t’ai perdu?!

Tout s’est écroulé alors que tu sortais de Collège pour rentrer à la maison à 4km de chez nous.

Je suis restée avec toi et je t’ai vu te battre jusqu’à ton dernier souffle. Maintenant la vie n’a plus de sens sans toi. Je suis dévastée. Perdre son enfant c’est tragique mais dans de telles conditions c’est insoutenable. Je suis dévastée. La vie n’a plus de sens.

Mais je dois moi aussi me battre car ton frère est détruit par ce qu’il t’ai arrivé. Pourquoi toi? Ce jour là? A ce moment là? De cette façon?

Noël aussi n’a plus de sens. Il te tardait tant. Il n’y a pas pire souffrance que de vivre une telle épreuve. Je t’aime fort mon coeur, de tout mon coeur. Je souffre à un point si tu savais…

Mais toi continu de danser et danser encore là haut. De rire et t’amuser.

Ne t’arrêtes surtout pas. Rien ne te ramènera je sais mais on connaitra un jour la vérité. Cette vérité. Je me battrais pour ça. Le destin a frappé ce jour là. Comment vivre après ça?

Bisoux mon coeur, mon titi d’amour. Je t’aime fort. On t’aime tous et on pense à toi et à tous tes copains.💫💕

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Emmanuel Macron et le coup de fil en direct de Cyril Hanouna

L’émission Touche pas à mon poste! de Cyril Hanouna est connue des gens disposant d’une conscience culturelle pour être un monument de stupidité, de vacuité, de destruction de l’intelligence. Emmanuel Macron qui se veut si moderne a pourtant participé à la mascarade que représente cette émission, en acceptant d’être appelé en direct pendant l’émission le 20 décembre 2017.

Jouant la carte de l’humour et n’hésitant pas à saluer Cyril Hanouna, Emmanuel Macron s’est révélé excellent dans ce petit exercice de négation de la pensée. Quatre jours plus tard, il rééditait une telle opération en accordant une interview au pathétique site Konbini, un « site d’infodivertissement ».

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Prendre conscience des suicides et des tentatives de suicide

Selon les différentes études officielles, il y aurait environ 12,3 suicides pour 100 000 habitants en France (chiffres de l’OMS pour l’année 2015), soit environ 10 000 suicides par an.

Ce chiffre ne doit pas en cacher un autre, les tentatives de suicide : environ huit fois plus d’hospitalisations suite à une tentative de suicide. Ils sont difficiles à établir précisément mais il ressort que la France est en tête parmi les pays d’Europe, encore un triste record.

Comment en arrive-t-on là ? Comment la société en arrive-t-elle à pousser des personnes à se donner la mort ?

Le suicide tue plus que les accidents de la route. Il existe des campagnes de prévention de la sécurité routière : vidéos, affiches, sites… Qu’en est-il des actions pour prévenir le suicide ?

Et contrairement à certaines idées reçues, les plus jeunes ne sont pas la tranche d’âge la plus touchée : les adultes de la trentaine à soixante ans le sont. Il n’y a pas de « club des 27 » pour eux, pas de « vivre à fond, mourir jeune » non plus : juste le silence et l’oubli de la part de la société.

Pour les proches il y a la douleur et le deuil. Et il y a une différence avec les autres morts, bien connue : on a plus de chances de se suicider, et d’avoir des idées suicidaires, lorsqu’une personne de notre entourage est disparue de la sorte. Il est donc d’autant plus difficile d’enrayer ce phénomène qui se nourrit lui-même.

Nous ne parlons pas ici d’un virus inconnu, d’une épidémie dont ne connaissons ni traitement ni vaccin. Nous parlons ici de la vie d’une société, des personnes qui la composent et la font vivre.
Ces morts ne sont pas des statistiques regrettables, elles sont l’expression d’une société morbide qui en arrive à insuffler l’idée de mettre un terme à son existence à une partie de ses membres.

Au-delà de la dépression, de la souffrance de l’impression que plus rien n’a de sens… il y a l’idée que la seule chose à faire est de se pendre, de se couper les veines, etc.

Nous pourrons toujours nous acharner à dire qu’il faut s’accrocher, mais tant que la vie quotidienne est façonnée par la lutte de tous contre tous, le mensonge et la tromperie comment lutter ? Quelle alternative proposer ?

La gauche française a renié son héritage et préfère les calculs politiciens. Il n’y a plus ni morale ni universalisme, ce qui revient ici à laisser des personnes sur le bord de la route. C’est une faute morale impardonnable. Il est temps de redresser la barre et d’offrir de véritables perspectives de progrès.

Qu’en est-il de la gauche française aujourd’hui ? Toute cette gauche qui n’a d’yeux que pour les questions économiques lorsqu’il s’agit d’avoir une vue d’ensemble, et pour le libéralisme présenté comme « progressiste » lorsqu’il s’agit de redescendre au niveau des personnes.

Se donner la mort n’a rien de naturel, ce n’est pas une fatalité. Il faut changer la vie, il faut changer le monde. Il faut que la vie ait un sens, car elle en a toujours un et il s’agit de le redécouvrir.

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Logiciel libre : le manifeste GNU de Richard Stallman

Le manifeste GNU

Le manifeste GNU, reproduit ci-dessous, a été écrit par Richard Stallman en 1985 pour demander un soutien au développement du système d’exploitation GNU.

Une part du texte provient de l’annonce originelle de 1983. Jusqu’en 1987, il y a eu quelques petites mises à jour pour tenir compte de l’évolution du projet, mais il nous semble maintenant plus judicieux de le laisser inchangé.

Nous avons appris depuis que certains passages étaient souvent mal interprétés ; ceci peut être corrigé en changeant quelques mots. Des notes ajoutées depuis 1993 aident à clarifier ces points.

Si vous voulez installer le système GNU/Linux, nous vous recommandons d’utiliser l’une des distributions GNU/Linux 100% libres. Pour savoir comment contribuer, voir http://www.gnu.org/help.

Le projet GNU fait partie du mouvement du logiciel libre, une campagne pour la liberté des utilisateurs de logiciels. Associer GNU avec le terme « open source » est une erreur dans la mesure où ce terme fut inventé en 1998 par des gens en désaccord avec les valeurs éthiques du mouvement du logiciel libre. Ils l’utilisent pour promouvoir une approche amorale du même domaine.

Qu’est ce que GNU ? GNU N’est pas Unix !

GNU, l’acronyme de GNU’s Not Unix (GNU N’est pas Unix), est le nom du système complet de logiciels, compatible avec Unix, que je suis en train d’écrire pour pouvoir le donner [give away free] à qui en aura l’usage (1). J’ai l’aide de plusieurs autres bénévoles. Les contributions en temps, en argent, en logiciel et en équipement nous sont indispensables.

Pour l’instant, nous avons un éditeur de texte, Emacs, utilisant le Lisp pour écrire des commandes d’édition, un débogueur, un générateur d’analyseurs syntaxiquesa compatible avec YACC, un éditeur de liens, et environ trente-cinq autres utilitaires.

Un shell (un interprète de commandes) est presque terminé. Un nouveau compilateur C portable et capable d’optimisation s’est compilé lui-même et devrait être disponible cette année. Un noyau initial existe, mais nécessite des fonctionnalités supplémentaires pour émuler Unix. Quand le noyau et le compilateur seront terminés, il sera possible de distribuer un système GNU approprié au développement.

Nous utiliserons TeX comme formateur de texte, mais un nroff est en cours de développement. Nous utiliserons aussi le système libre et portable X Window System.

Par la suite, nous ajouterons un Common Lisp portable, le jeu Empire, un tableur et des centaines d’autres choses, plus une documentation en ligne. À terme, nous espérons fournir toutes les choses utiles qui sont normalement incluses dans un système Unix, et plus encore.

GNU pourra exécuter des programmes Unix mais ne sera pas identique à Unix. Nous ferons toutes les améliorations dont notre expérience avec d’autres systèmes d’exploitation nous suggère l’utilité.

En particulier, nous prévoyons d’avoir des fichiers avec des noms longs, des numéros de version de fichier, un système de fichiers à tolérance de panne, éventuellement un système de complétion des noms de fichiers, un dispositif d’affichage indépendant du terminal, et peut-être, à terme, un système de fenêtrage fondé sur Lisp, au travers duquel plusieurs programmes Lisp et des programmes Unix ordinaires pourront partager un écran.

Deux langages de programmation système seront disponibles, C et Lisp. Enfin nous essayerons de gérer les protocoles de communication UUCP, Chaosnet (protocole du MIT), et Internet.

Initialement, GNU vise les machines de classe 68000/16000 avec de la mémoire virtuelle, car ce sont les machines sur lesquelles il est le plus simple de le faire fonctionner. Libre à celui qui voudra s’en servir sur des machines moins puissantes de poursuivre notre travail pour l’adapter à cet usage.

Pour éviter d’horribles confusions, merci de prononcer distinctement le g de « GNU » quand vous parlez de ce projet.

Pourquoi je dois écrire GNU

Si j’apprécie un programme, j’estime que la Règle d’orb m’oblige à le partager avec ceux qui l’apprécient également. Les éditeurs de logiciel cherchent à diviser et à conquérir les utilisateurs en forçant chacun à accepter de ne pas partager avec les autres.

Je refuse de rompre la solidarité avec les autres utilisateurs de cette manière. Je ne peux pas, en mon âme et conscience, signer un accord de non-divulgation ou de licence pour un logiciel. Pendant des années, j’ai œuvré au sein du laboratoire d’intelligence artificielle du MIT pour résister à ces tendances et à d’autres manquements à l’hospitalité, mais finalement ils sont allés trop loin : je ne pouvais pas rester dans une institution où ce genre de choses étaient faites en mon nom contre ma volonté.

Afin de pouvoir continuer à utiliser les ordinateurs en accord avec ma conscience, j’ai décidé de réunir un ensemble de logiciels libres avec lequel je pourrai me débrouiller sans aucun logiciel non libre. J’ai démissionné du labo d’intelligence artificielle pour que le MIT ne puisse invoquer aucune excuse juridique pour m’empêcher de distribuer GNU gratuitement (2).

Pourquoi GNU sera compatible avec Unix

Unix n’est pas pour moi le système parfait, mais il n’est pas trop mauvais. Ses fonctionnalités essentielles semble être les bonnes, et je pense pouvoir ajouter ce qui lui manque sans les dégrader.

De plus, il est probable que beaucoup de gens trouveront pratique d’adopter une système compatible avec Unix.

Comment GNU sera distribué

GNU n’est pas dans le domaine public. Tout le monde aura le droit de modifier et redistribuer GNU, mais aucun distributeur ne pourra restreindre ces futures redistributions. C’est-à-dire que les modifications propriétairesc seront interdites. Je veux m’assurer que toutes les versions de GNU resteront libres.

Pourquoi de nombreux programmeurs veulent m’aider

J’ai rencontré nombre de programmeurs que GNU passionne et qui souhaitent apporter leur aide.

Beaucoup d’entre eux sont insatisfaits de la commercialisation de logiciels système. Il se peut que cela leur permette de gagner plus d’argent, mais cela les oblige en général à regarder les autres programmeurs comme des ennemis plutôt que des camarades.

La base d’une amitié entre programmeurs est le partage de logiciel. Or les dispositions commerciales typiquement en usage de nos jours leur interdisent de considérer les autres comme des amis.

L’acheteur de logiciel doit donc choisir entre l’amitié et l’obéissance à la loi. Naturellement, beaucoup décident que l’amitié est plus importante. Mais ceux qui respectent la loi se sentent souvent mal à l’aise avec les deux termes de l’alternative. Ils deviennent cyniques au point de penser que programmer n’est qu’une façon de gagner de l’argent.

En développant et en utilisant GNU, plutôt que des programmes propriétaires, nous pouvons nous montrer accueillants envers tout le monde, tout en respectant la loi. De plus, GNU est une source d’inspiration et une bannière sous laquelle d’autres peuvent nous rejoindre dans le partage.

Ceci peut nous procurer un sentiment d’harmonie, impossible à atteindre avec des logiciels qui ne sont pas libres. Pour environ la moitié des programmeurs avec lesquels j’ai discuté, c’est une satisfaction importante que l’argent ne peut pas remplacer.

Comment vous pouvez contribuer

(Actuellement, si vous voulez nous aider dans le domaine du logiciel, regardez la liste des projets hautement prioritaires [en] et la page des appels à contribution de GNU, qui liste les tâches générales ayant rapport avec les paquets GNU. Pour aider dans d’autres domaines, regardez le guide pour aider le projet GNU.)

Je demande aux fabricants d’ordinateurs de faire don de machines et d’argent. Je demande aux particuliers de faire don de programmes et de travail.

Ce à quoi vous pouvez vous attendre si vous nous donnez des machines, c’est que GNU tournera dessus à brève échéance. Les machines doivent être complètes et prêtes à l’emploi ; leur utilisation doit être autorisée en zone résidentielle, et ne doit pas avoir de besoins sortant de l’ordinaire en climatisation ni en alimentation.

J’ai trouvé un grand nombre de programmeurs impatients de collaborer à GNU à temps partiel. Pour la plupart des projets, un tel travail distribué à temps partiel serait très difficile à coordonner ; les diverses parties codées indépendamment ne fonctionneraient pas ensemble.

Mais puisqu’il s’agit de remplacer Unix, ce problème n’existe pas. Un système Unix complet contient des centaines d’utilitaires, ayant chacun leur propre documentation.

La plupart des spécifications des interfaces sont déterminées par la compatibilité avec Unix. Si chaque collaborateur peut écrire un programme compatible remplaçant un seul utilitaire Unix et le faire fonctionner convenablement sur un système Unix à la place de l’original, il s’ensuit que ces nouveaux utilitaires fonctionneront ensemble sans problème.

Même en tenant compte des quelques problèmes inattendus que la loi de Murphy ne manquera pas de créer, l’assemblage de ces composants sera une tâche réalisable (le noyau demandera quand même une communication plus soutenue et sera développé par un petit groupe structuré).

Si je reçois des dons en argent, je pourrai embaucher quelques personnes à temps plein ou à temps partiel. Le salaire ne sera peut-être pas très élevé par rapport au marché, mais je cherche des personnes pour lesquelles l’esprit de communauté est aussi important que l’appât du gain.

Je considère que c’est une façon de permettre à quelques personnes dévouées de consacrer toutes leurs ressources au projet GNU, en leur évitant d’avoir à gagner leur vie autrement.

Pourquoi tous les utilisateurs en bénéficieront

Une fois GNU achevé, tout le monde pourra se procurer de bons logiciels système, gratuits comme l’air qui nous entoure (3).

Cela représente beaucoup plus que l’économie d’une licence Unix. Cela veut dire qu’on va éviter de perdre beaucoup d’énergie à faire de la programmation système en double, et qu’on pourra rediriger ces efforts vers le progrès méthodologique.

Le code source complet du système sera disponible pour tous. Et cela aura pour résultat qu’un utilisateur ayant besoin de modifier un composant aura toujours la liberté de le faire lui-même, ou d’en passer commande à n’importe quel programmeur ou entreprise disponible.

Les utilisateurs ne seront plus à la merci d’une personne ou entreprise particulière, seule à pouvoir effectuer les modifications car elle possède le code source.

Les écoles pourront offrir un environnement beaucoup plus pédagogique en encourageant tous les étudiants à étudier et à améliorer le code du système.

Le laboratoire informatique d’Harvard avait comme politique de n’installer aucun programme sur le système si ses sources n’étaient pas affichées publiquement, et ils faisaient respecter cette politique en refusant carrément d’installer certains programmes. Cela m’a beaucoup inspiré.

Enfin, les frais engendrés par les questions de propriété et de limites d’utilisation des logiciels système ne seront plus d’actualité.

Les mesures mises en œuvre pour faire payer l’utilisation d’un programme, y compris la délivrance d’une licence pour chaque exemplaire, génèrent toujours un coût important pour la société en général, à cause des mécanismes nécessaires pour calculer combien (c’est-à-dire quels programmes) chacun doit payer. Et il faudrait un État policier pour appliquer parfaitement ces mesures.

Prenons une station orbitale, où l’air doit être fabriqué à un coût important : facturer chaque litre inspiré peut être justifié, mais porter un masque-compteur toute la journée et toute la nuit est intolérable même si l’on a de quoi payer la facture.

Et les caméras de surveillance placées partout pour vérifier que vous ne retirez jamais le masque-compteur seraient inacceptables. Il vaut mieux financer la fabrication de l’air par un impôt de capitation et se débarrasser des masques.

Copier tout ou partie d’un logiciel semble aussi naturel à un programmeur que de respirer, tout aussi productif. Cela aussi devrait être libre.

Quelques objections facilement contrées aux objectifs de GNU

« Personne ne s’en servira si c’est gratuit, car cela veut dire que l’on ne peut compter sur aucun support technique. »

« Il faut faire payer le logiciel pour financer le service après-vente. »

Si les gens préfèrent acheter GNU avec du service après-vente, plutôt que d’obtenir GNU gratuitement sans service, une entreprise qui proposera uniquement du service à ceux qui auront obtenu GNU gratuitement devrait être rentable (4).

Nous devons faire la distinction entre le support en termes de réel travail de programmation et la simple assistance. On ne peut pas compter sur le premier de la part d’un fournisseur de logiciel. Si votre problème n’est pas suffisamment répandu, le fournisseur vous enverra balader.

Si votre société a besoin d’un support fiable, la seule solution est d’avoir toutes les sources et tous les outils nécessaires. À partir de là, vous pouvez engager n’importe quelle personne disponible pour régler votre problème ; vous n’êtes pas à la merci de quiconque.

Avec Unix, le prix des sources rend cette solution inabordable pour la plupart des sociétés. Avec GNU ce sera facile. Il serait éventuellement concevable que personne ne soit disponible, mais les modalités de distribution ne sont pas responsables de ce problème. GNU ne résout pas tous les problèmes de la planète, mais seulement quelques-uns.

En attendant, les utilisateurs qui n’y connaissent rien en informatique ont besoin d’assistance, besoin qu’on fasse à leur place ce qu’ils pourraient facilement faire eux-mêmes si seulement ils s’y connaissaient.

De tels services pourraient être proposés par des sociétés qui ne font que de l’assistance et du dépannage. S’il est vrai que les utilisateurs préfèrent dépenser de l’argent pour un logiciel intégrant un service après-vente, ils seront aussi d’accord pour payer simplement le service, ayant obtenu le logiciel gratuitement.

Les sociétés de service se feront concurrence sur la qualité et le prix de leurs prestations ; les utilisateurs ne seront pas tributaires d’une société particulière. En même temps, ceux d’entre nous qui n’ont pas besoin du service devront être en mesure d’utiliser le logiciel sans payer le service.

« On ne peut pas être connu sans publicité et il faut faire payer le logiciel pour la financer. »

« Ça ne sert à rien de faire de la publicité pour un programme que l’on peut obtenir gratuitement. »

Il existe divers canaux d’information gratuits ou presque pour faire connaître une chose comme GNU à de nombreux informaticiens. Cependant, il est peut-être vrai que l’on peut atteindre plus d’utilisateurs de microordinateurs avec de la publicité.

Si c’est le cas, une entreprise qui fait une campagne publicitaire pour un service payant de copie et d’envoi de GNU par la poste devrait être suffisamment rentable pour financer cette campagne et bien davantage. Ainsi, seuls les utilisateurs qui tirent avantage de la publicité la payent.

En revanche, si de nombreuses personnes obtiennent GNU par leurs relations, et que de telles entreprises ne sont pas rentables, cela démontrera que la publicité n’était pas vraiment nécessaire pour répandre GNU.

Pourquoi les partisans de l’économie libérale ne veulent-ils pas laisser cette décision au marché libre (5) ?

« Ma société a besoin d’un système d’exploitation propriétaire pour être compétitive. »

GNU va retirer les systèmes d’exploitation du champ de la concurrence. Vous ne pourrez pas vous assurer un avantage dans ce domaine, mais votre concurrent non plus. Vous pourrez rivaliser dans d’autres domaines, tout en profitant d’avantages mutuels dans celui-ci.

Si votre commerce est la vente de systèmes d’exploitation, vous n’aimerez pas GNU, et c’est tant pis pour vous. Si votre commerce est différent, GNU peut vous éviter d’être poussé vers le domaine onéreux de la vente de systèmes d’exploitation.

J’aimerais bien voir le développement de GNU financé par des dons de fabricants et d’utilisateurs, réduisant ainsi les coûts pour chacun (6).

« Les programmeurs ne méritent-ils pas d’être récompensés pour leur créativité ? »

Si quelque chose mérite récompense, c’est bien la contribution au bien commun. La créativité peut en faire partie, mais seulement dans la mesure où la société est libre de profiter de ses résultats. Si les programmeurs méritent d’être récompensés pour la création de logiciels innovants, de même ils méritent d’être punis s’ils limitent l’utilisation de leurs programmes.

« Un programmeur ne doit-il pas avoir le droit de demander une récompense pour sa créativité ? »

Il n’y a rien de mal à vouloir être payé pour son travail, ou à chercher à augmenter ses revenus, tant que l’on n’utilise pas de moyens destructeurs. Mais dans le secteur du logiciel de nos jours, les moyens habituels sont fondées sur la destruction.

Soutirer de l’argent aux utilisateurs d’un programme en restreignant son usage est destructeur, car cela a pour effet de réduire le nombre et la variété des utilisations de ce programme, ce qui à son tour fait diminuer la richesse qu’il apporte à l’humanité. Quand on choisit délibérément d’imposer des limites, les conséquences néfastes qui en découlent sont de la destruction délibérée.

Un bon citoyen n’utilise pas de telles méthodes destructrices pour augmenter sa richesse personnelle car, si tout le monde faisait de même, il y aurait un appauvrissement général dû à la destruction mutuelle.

C’est ce que l’on appelle la morale kantienne, ou Règle d’or : puisque je n’apprécie pas les conséquences qui adviennent si tout le monde fait de la rétention d’information, je dois considérer comme inacceptable un tel comportement. Plus précisément, le désir d’être récompensé pour sa création ne justifie pas que l’on prive le monde entier de tout ou partie de cette créativité.

« Les programmeurs ne vont-ils pas mourir de faim ? »

Je pourrais répondre qu’on ne force personne à être programmeur. La plupart d’entre nous n’arriveraient pas à se faire payer pour faire des grimaces sur le champ de foire. Mais nous ne sommes pas pour autant condamnés à passer notre vie sur le champ de foire à faire des grimaces et à mourir de faim. Nous faisons autre chose.

Mais c’est une mauvaise réponse, car elle accepte l’a-priori de la question, à savoir que, sans la propriété du logiciel, les programmeurs ne pourraient pas recevoir le moindre sou. C’est, soi-disant, tout ou rien.

La vraie raison pour laquelle les programmeurs ne vont pas mourir de faim, c’est qu’il leur sera tout de même possible d’être payés pour programmer ; seulement, pas aussi bien qu’aujourd’hui.

Restreindre la copie n’est pas la seule base du commerce des logiciels. C’est la base la plus commune (7), car la plus rentable. Mais si ces restrictions étaient interdites ou rejetées par le client, les éditeurs passeraient à d’autres formes d’organisation qui sont actuellement moins utilisées. Il y a de nombreuses façons d’organiser une entreprise.

Il est probable qu’avec ce nouveau système, la programmation sera moins rentable qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais ce n’est pas un argument valable contre le changement. Il n’est pas considéré comme injuste que les vendeuses gagnent ce qu’elles gagnent actuellement. Si les programmeurs gagnaient la même chose, ce ne serait pas non plus une injustice (en pratique, ils gagneraient quand même beaucoup plus).

« Les gens n’ont-ils pas le droit de contrôler l’usage qui est fait de leur créativité ? »

« Contrôler l’usage qui est fait de ses idées » revient à contrôler la vie des autres ; et c’est souvent utilisé pour leur rendre la vie plus difficile.

Ceux qui ont étudié la question des droits de propriété intellectuelle (8) à fond (les avocats, les juristes, etc.) soutiennent qu’il n’existe aucun droit intrinsèque à la propriété intellectuelle. Les différents droits de soi-disant propriété intellectuelle reconnus par les pouvoirs publics ont été créés par des actes législatifs précis dans des buts bien précis.

Par exemple, le système de brevets a été établi pour encourager les inventeurs à divulguer les détails de leurs inventions. Sa raison d’être était d’aider la société plutôt que les inventeurs. À l’époque, la durée de vie de 17 ans pour un brevet était courte par rapport à la cadence des évolutions technologiques.

Puisque les brevets ne concernent que les fabricants, pour lesquels le coût et l’effort d’établir une licence sont minimes comparés à la mise en production, les brevets ne font souvent pas trop de tort. Ils ne gênent pas la plupart des particuliers qui utilisent des produits brevetés.

Le concept de copyright (droit d’auteur) n’existait pas dans l’Antiquité ; les auteurs copiaient souvent de longs extraits des ouvrages de documentation écrits par d’autres. Cette pratique était utile, et c’est de cette seule façon que les travaux de nombreux auteurs ont survécu, ne serait-ce qu’en partie.

Le système du copyright a été créé expressément pour encourager les auteurs. Dans le domaine pour lequel ce système a été inventé – les livres, qui ne pouvaient être copiés économiquement qu’en imprimerie – ce système ne causait pas beaucoup de tort, et ne gênait pas la plupart des lecteurs.

Les droits de propriété intellectuelle ne sont tous que des licences accordées par la société en se basant sur l’idée, juste ou fausse, que globalement elle en bénéficierait. Mais dans chaque situation précise, nous devons nous demander : avons-nous vraiment intérêt à accorder cette licence ? Quels actes autorisons-nous avec cette licence ?

Le cas des logiciels aujourd’hui est très différent de celui des livres il y a un siècle.

Le fait que la manière la plus facile de copier un programme soit entre voisins, le fait qu’un programme ait à la fois un code source et un code objet, bien distincts, et le fait qu’un programme soit utilisé plutôt que lu pour le plaisir, concourent à créer une situation dans laquelle celui qui fait appliquer un copyright fait du tort à la société, matériellement et spirituellement ; une situation dans laquelle personne ne doit agir ainsi, que ce soit ou non autorisé par la loi.

« La concurrence permet de mieux faire les choses. »

Le paradigme de la concurrence est une course : en récompensant le vainqueur, nous encourageons tout le monde à courir plus vite. Quand le capitalisme fonctionne réellement de cette façon, tout marche bien ; mais ses partisans ont tort s’ils pensent que c’est toujours de cette façon qu’il fonctionne.

Si les coureurs oublient le pourquoi de la récompense au point d’être obsédés par la victoire, à n’importe quel prix, ils risquent de trouver d’autres stratégies comme d’agresser les autres concurrents. Si les coureurs en viennent aux mains, ils finiront tous en retard.

Les logiciels propriétaires et secrets sont l’équivalent moral de coureurs qui en viennent aux mains. C’est triste à dire, mais le seul arbitre que nous ayons ne semble pas s’opposer aux combats ; il se contente de les réguler : « Pour dix mètres parcourus, vous avez le droit de tirer un coup de feu. » Ce qu’il devrait faire, c’est séparer les combattants et pénaliser les coureurs dès qu’ils font mine de se battre.

« Les gens ne s’arrêteront-ils pas de programmer, sans l’appât du gain ? »

En fait, beaucoup de gens programmeront sans aucune incitation financière. La programmation exerce une fascination irrésistible pour quelques-uns, généralement les meilleurs.

Nous ne manquons pas de musiciens professionnels qui n’ont aucun espoir de gagner leur vie avec la musique, et pourtant continuent à jouer.

Mais en fait cette question, bien qu’elle soit souvent posée, ne convient pas à la situation. Les salaires des programmeurs ne disparaîtront pas mais diminueront peut-être. La question devient donc : trouvera-t-on des programmeurs qui travailleront pour une moindre rémunération ? D’après mon expérience, la réponse est oui.

Pendant plus de dix ans, nombre de programmeurs parmi les meilleurs mondiaux ont travaillé au laboratoire d’intelligence artificielle du MIT pour un salaire bien inférieur à celui qu’ils auraient eu n’importe où ailleurs. Ils étaient récompensés de plusieurs autres manières : la notoriété et la reconnaissance des autres, par exemple. Sans oublier que créer est amusant ; c’est une récompense en soi.

Et puis la plupart sont partis quand on leur a proposé de faire le même travail intéressant en étant très bien payés.

Les faits démontrent que les gens programment pour d’autres raisons que l’envie de faire fortune ; mais si en plus on leur propose beaucoup d’argent, ils finiront par s’y attendre, et l’exigeront. Les organismes qui payent moins bien ont du mal face à ceux qui payent bien, mais ils devraient pouvoir s’en sortir si les gros payeurs sont bannis.

« Nos besoins en programmeurs sont tellement importants que s’ils interdisent le partage, nous ne pouvons que leur obéir. »

La situation n’est jamais assez désespérée pour qu’on soit obligé d’obéir à une telle interdiction. Rappelez-vous : des millions pour la défense, mais pas un sou de tribut !

« Il faut bien que les programmeurs gagnent leur pain. »

À court terme, c’est vrai. Cependant, il y a de nombreuses possibilités offertes à un programmeur pour vivre décemment sans pour autant vendre le droit d’utiliser un programme.

C’est le moyen habituel actuellement, parce que c’est celui qui engendre le profit maximum pour les programmeurs et les hommes d’affaires, et non parce que c’est la seule manière de gagner son pain. Vous pouvez facilement trouver d’autres manières si vous le voulez. Voici quelques exemples.

Un fabricant qui sort un nouvel ordinateur payera pour le portage des systèmes d’exploitation sur le nouveau matériel.

Les services payants d’enseignement, d’assistance et de maintenance peuvent également créer des postes de programmeurs.

Des personnes aux idées novatrices peuvent distribuer des logiciels comme « graticiels » [freeware] (9), en demandant des dons aux utilisateurs satisfaits ou en vendant un service d’assistance. J’ai rencontré des personnes qui travaillent déjà de cette manière avec succès.

Les utilisateurs ayant des besoins en commun peuvent créer des groupes d’utilisateurs et verser des cotisations. Chacun de ces groupe pourrait passer contrat avec une entreprise de développement pour écrire des programmes spécifiques répondant aux souhaits de ses membres.

Toutes sortes de développements pourraient être financés par une taxe sur le logiciel.

Supposons que chaque acheteur d’un ordinateur ait à payer une taxe sur le logiciel s’élevant à x pour cent du prix. L’administration reverse alors cette somme à un organisme comme la NSFd pour subventionner le développement.

Mais si l’acheteur fait lui-même un don au développement logiciel, il peut s’en servir pour réduire sa taxe. Il peut donner au projet de son choix – choix souvent guidé par l’espoir de profiter des résultats à l’achèvement du projet. La réduction peut atteindre le montant total de la taxe qu’il avait à payer.

Le taux de la taxe pourrait être déterminé par un vote de ceux qui la payent, pondéré par le montant sur lequel ils seront taxés.

Les conséquences :

  • la communauté des utilisateurs soutient le développement logiciel ;
  • cette communauté décide du niveau de soutien financier nécessaire ;
  • les utilisateurs qui s’intéressent aux projets bénéficiant de leur participation peuvent les choisir eux-mêmes.

À terme, rendre les programmes libres est un pas vers le monde de l’après-pénurie, où personne ne sera obligé de travailler très dur pour simplement survivre.

Les gens seront libres de se consacrer à des activités ludiques comme la programmation, après avoir, bien entendu, passé les dix heures par semaine nécessaires à des œuvres telles que la rédaction des lois, le conseil familial, la réparation de robots et l’exploration d’astéroïdes. On pourra programmer sans avoir besoin d’en faire un gagne-pain.

Nous avons déjà beaucoup fait diminuer la quantité de travail que la société dans son ensemble doit fournir pour ses activités productives, mais cela ne s’est que très partiellement traduit en temps libre pour les travailleurs, car beaucoup d’activités non productives sont nécessaires pour accompagner l’activité productive. Les raisons principales en sont la bureaucratie et la lutte isométrique contre la concurrence.

Le logiciel libre va grandement réduire ces pertes dans le secteur du logiciel. C’est pour nous la seule chose à faire pour que les gains de productivité sur le plan technique se traduisent en une diminution du temps de travail.

Notes

  1. Ici, le choix des mots était irréfléchi. Je voulais dire que personne n’aurait à payer l’autorisation d’utiliser le système GNU. Mais cela n’était pas clair, et les gens ont souvent compris que les copies de GNU devaient toujours être distribuées gratuitement ou presque. Cela n’a jamais été mon intention ; plus loin, le manifeste mentionne la possibilité que des entreprises fournissent un service de distribution rentable. Par la suite, j’ai appris à bien faire la distinction entre free dans le sens de libre, et free dans le sens de gratuit.e Un logiciel libre est un logiciel que les utilisateurs ont la liberté de distribuer et de modifier. Certains utilisateurs peuvent en obtenir des exemplaires gratuitement tandis que d’autres les paieront ; et si cela peut rapporter de quoi financer l’amélioration de programmes, tant mieux. Le principal est que toute personne disposant d’un exemplaire ait le droit de l’utiliser en collaboration avec d’autres.
  2. L’expression utilisée, give away, est une autre indication que je n’avais pas encore clairement séparé le problème du prix de celui de la liberté. Nous recommandons maintenant d’éviter cette expression lorsque l’on parle de logiciel libre. Consulter « Termes prêtant à confusion » pour d’autres explications.
  3. Voilà un autre endroit où je n’ai pas fait la distinction entre les deux définitions de free. La phrase telle quelle n’est pas fausse, vous pouvez obtenir des exemplaires de logiciels GNU gratuitement, par vos amis ou par Internet. Mais le fait est qu’elle suggère la mauvaise interprétation.
  4. Plusieurs sociétés de ce type existent actuellement.
  5. Bien qu’il s’agisse d’une organisation à but non lucratif, la Free Software Foundation récolte depuis 10 ans l’essentiel de ses fonds à travers un service de distribution. Vous pouvez commander des logiciels, des livres, etc., à la FSF [en] pour soutenir son travail.
  6. Un groupe de sociétés informatiques a réuni des fonds vers 1991 pour financer la maintenance du compilateur C de GNU.
  7. Je pense que je me fourvoyais en disant que le logiciel propriétaire était le moyen le plus courant de gagner de l’argent dans le monde du logiciel. Il semble que le modèle le plus courant ait été, et soit encore, le développement de logiciel sur mesure. Cela ne permet pas de collecter des rentes, donc l’entreprise est obligée de continuer à travailler effectivement pour continuer à percevoir des revenus. Le modèle du logiciel sur mesure devrait continuer d’exister, plus ou moins inchangé, dans un monde de logiciel libre. Par conséquent, je ne m’attends plus à ce que les programmeurs payés gagnent moins dans un monde de logiciel libre.
  8. Dans les années 80, je n’avais pas encore réalisé à quel point il est déroutant de parler de « la question » de la « propriété intellectuelle ». Ce terme est à l’évidence partial ; plus subtil est le fait qu’il mélange diverses lois disparates traitant de questions très différentes. De nos jours, j’insiste auprès des gens pour qu’ils rejettent totalement le terme « propriété intellectuelle », de peur qu’il ne conduise d’autres personnes à supposer que ces lois forment un tout cohérent. Pour être clair, on doit parler de brevets, de copyright (droit d’auteur) et de marques déposées, séparément. Voir des explications plus détaillées sur la manière dont ce terme sème la confusion et le parti pris.
  9. Par la suite, nous avons appris à faire la distinction entre « logiciel libre » et « graticiel ». Le terme « graticiel » s’applique aux programmes qu’on est libre de redistribuer, mais dont on n’est généralement pas libre d’étudier et de modifier le code source ; donc la plupart ne sont pas des logiciels libres. Vous trouverez des explications supplémentaires sur la page « Termes prêtant à confusion ».

Notes de relecture

  1. Parser generator, ce qui peut aussi se traduire par « compilateur de compilateur ».
  2. « Traite les autres comme tu voudrais être traité. »
  3. Nous traduisons maintenant proprietary par « privateur », ces logiciels nous privant de certaines des libertés énoncées.
  4. Fondation nationale pour la science, organisme américain de financement de la recherche fondamentale.
  5. En français, la distinction entre « libre » et « gratuit » est évidente.