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Oskar Lafontaine sur la progression de l’extrême-Droite en Allemagne

Le texte suivant, à propos des victoires électorales de l’extrême-droite lors d’élections partielles en Allemagne, est un excellent exemple d’affirmation de la Gauche historique. Il a été écrit par Oskar Lafontaine.

Celui-ci a dirigé le SPD, le parti socialiste en Allemagne, de 1995 à 1999. Il a ensuite contribué à fonder le Mouvement Die Linke (La Gauche), né de l’unité de la gauche du SPD avec le PDS, issu du SED ayant dirigé l’Allemagne de l’Est. Il est par ailleurs marié à Sahra Wagenknecht, fondatrice du mouvement Aufstehen.

Les élections dans le Brandebourg et en Saxe montrent qu’il y a eu beaucoup de mécontentement à l’égard de la politique de ces dernières années et que de plus en plus de gens se sentent marginalisés et déconnectés.

Et que les partis qui devraient en réalité représenter des améliorations sociales et donc les intérêts de la grande majorité de la population n’ont pas la confiance nécessaire de l’électorat. De plus, il ne faut pas se leurrer quant aux progrès des Verts, qui deviennent de plus en plus un parti bourgeois des plus aisés.

Mais les élections montrent également à quel point il est important de créer un mouvement au-delà des partis qui conduise, au Bundestag allemand, de nouveau à une majorité pour des salaires et des retraites plus élevés, de meilleures prestations sociales, une politique étrangère pacifique et une politique environnementale, qui détermine les produits et la production, force à la responsabilité les monopoles et n’impose pas un fardeau de plus pour les personnes à faible revenu.

L’expérience montre que les personnes qui se sentent lésées placent leur espoir dans les partis de gauche. Si elles sont déçues par ceux-ci, ils se subordonnent aux démagogues de droite.

Si l’AfD assumait une responsabilité gouvernementale, les travailleurs seraient comme Gribouille plongeant dans l’eau pour ne pas se mouiller sous la pluie.

L’AfD représente une politique fiscale qui aggrave encore plus l’inégalité croissante des revenus et des possessions – leur mot d’ordre : pas de taxe sur les successions, pas d’impôt sur la fortune – elle vote au Bundestag contre les améliorations sociales et préconise une augmentation des dépenses militaires et une participation aux guerres d’intervention.

Les partis du camp de la gauche doivent de nouveau placer au centre de leur travail les questions qui sont vraiment au cœur de la vaste majorité de la population, et non pas se concentrer uniquement sur des thèmes symboliques pour des minorités.

Au lieu de s’attaquer à la pauvreté et aux inégalités grandissantes, les partis de gauche se sont pliés à la logique de la propagande néolibérale, selon laquelle toute inégalité repose uniquement sur la discrimination et non sur les scandaleux rapports de propriété, qui donnent à une minorité la possibilité de largement déterminer l’économie et la vie politique.

Le prix de cette politique symbolique, qui s’épuise sur les identités, afin de ne pas avoir à faire face aux questions de pouvoir et de propriété, ces partis l’ont connu dimanche. Nous ne devons jamais oublier : la concentration croissante de richesses mène à l’autoritarisme et finalement au fascisme.

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Triomphe de l’AfD dans l’Est de l’Allemagne

Cela fait plusieurs mois qu’on savait que le mouvement d’extrême-Droite AFD allait faire un carton plein aux élections partielles dans certaines régions de l’Est de l’Allemagne. Malgré tous les efforts faits, cela n’a pas pu être empêché. C’est que la mise en place de la grande Allemagne s’accompagne de très importants problèmes internes, ce qui s’ajoute à la réaffirmation du nationalisme conquérant parallèlement à la crise du capitalisme mondial.

5,4 millions de personnes ont voté ce dimanche, dans deux régions allemandes. En Saxe, la Droite est en tête avec 32,3 % et juste derrière il y a l’AfD, avec 27,8 % soit quasiment 18 % de plus qu’en 2014.

Dans le Brandebourg, c’est le SPD c’est-à-dire l’équivalent du Parti socialiste qui est en tête avec 27,2 % des voix, l’AfD récoltant 22,8% des voix.

Cette situation est surtout une catastrophe pour le parti Die Linke (La Gauche), issue des structures de la Gauche est-allemande officielle d’avant 1989. Elle est décrédibilisée. Comme le dit Sahra Wagenknecht :

« Il est apparent que Die Linke n’est plus considérée comme une force crédible de la part de beaucoup de gens qui votaient pour elle auparavant, capable de prendre au sérieux ses intérêts et de changer leur vie pour quelque chose de meilleur. »

Il faut savoir ici que l’élite économique allemande n’est composée qu’à 2 % de gens originaires de l’Est du pays, que dans l’ancien territoire de la RDA, les gens ont un niveau de vie inférieur de grosso modo 20 % par rapport à l’Ouest. La rancœur prédomine alors que l’économie continue de se délabrer. C’est une des raisons du succès de l’AfD.

Une autre raison est que l’Allemagne devient une grande puissance, ce qui exacerbe le nationalisme conquérant. L’AfD est ainsi propulsé et propulse une multitude de regroupements nazis, le tout de manière non formelle. Jusqu’à présent, l’extrême-Droite était décapitée par les interdictions dès qu’elle passait un cap. Elle n’a jamais été en mesure de structurer un front pour se couvrir. Avec l’AfD, elle l’a enfin.

La troisième grande raison est le chaos provoqué par l’afflux de migrants et de réfugiés. L’Allemagne a dépensé 23 milliards d’euros pour accueillir plus d’un million de personnes. Cependant, cela ne suffit pas et les frictions sont très nombreuses. La perte de repère a déboussolé des personnes ayant quitté leur pays tout en emportant avec eux leurs valeurs souvent féodales, d’autant qu’ils sont bien souvent bien plus migrants économiques que réels réfugiés. Cela a, là aussi, provoqué une rancœur énorme dans la population.

La grande question en Allemagne depuis des mois est ainsi de savoir si ces élections catastrophiques absolument prévues préfigurent un renversement de tendance également à l’Ouest, ou pas.

Formellement, cela ne devrait pas être le cas à court terme, l’AfD ne disposant pas d’une dynamique suffisante. De plus, la grande dynamique allemande est surtout d’avoir l’hégémonie dans l’Union européenne, avec le moteur franco-allemand comme noyau dur.

Cependant, l’AfD est un outil bien utile pour liquider la Gauche et surtout les forces anti-guerre extrêmement puissantes en Allemagne. On peut donc bien parier sur son installation réelle dans le paysage politique.

Cela montre que l’Allemagne, comme la France, est un pays qui tangue. Dans ces deux pays, l’avenir va consister en de grandes révoltes sociales et une vraie bataille politique.