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Attentat de Nice: Al Qaidah tente de relancer son terrorisme altermondialiste-apocalyptique

Marginalisé et en échec, Al Qaidah tente d’exister au moyen de scénarios hollywoodiens d’horreur médiatique, de terreur esthétisée.

L’attentat de Nice le 29 octobre 2020 représente quelque chose de très particulier ; ce n’est pas du tout un fait-divers assassin islamiste, mais tout un état d’esprit aux contours parfaitement définis. Ce qui n’est pas rassurant pour autant.

En effet, le meurtrier islamiste était venu très tôt le matin à Nice en train, retournant son blouson, changeant de chaussures pour aller à la basilique Notre-Dame de Nice, afin de brouiller les pistes avant d’arriver sur place. Puis, il est allé poignarder trois personnes dans la plus grande église de la ville, en décapitant pratiquement une.

L’État français assurait pourtant déjà depuis trois jours la sécurité des lieux de culte, du moins avait-il essayé car de par leur nombre, c’est pratiquement impossible. C’est ce qui a permis l’attentat, d’où la mobilisation générale de l’État français par la suite.

Derrière cela, il y a un fait très précis. Le média Thabat, qui sert de vecteur à Al-Qaidah, avait en effet diffusé quelques jours auparavant « une invitation à l’appel aux armes en France pour se confronter à la campagne croisée », à la suite du soutien d’Emmanuel Macron au principe des caricatures à la Charlie Hebdo.

Al Qaidah cherche en effet à revenir sur la scène, après sa marginalisation par l’État islamique, avec lequel elle s’affronte de manière sanglante ces derniers mois au Mali d’ailleurs. Mais Al Qaidah n’a plus ni dirigeants, ni idéologie, ni cadres ; ne reste plus que la démarche au sens strict : une vision apocalyptico-esthétique, dont le 11 septembre est le grand symbole.

Car si l’État islamique se veut contemporain de l’apocalypse, affirme que c’est la fin des temps à court terme, Al Qaidah entend provoquer l’apocalypse. Les Frères musulmans, avec la Turquie et le Qatar, affirment eux accompagner la tendance à l’apocalypse, tandis que les Wahabites saoudiens ne prétendent rien et exigent un conservatisme pur et simple, même si « moderne », pétro-dollars oblige.

D’où le timing parfait pour Al Qaidah, de son point de vue, puisque l’action a eu lieu le lendemain de l’intervention d’Emmanuel Macron sur le second confinement et le même jour que l’intervention du premier ministre Jean Castex pour préciser les modalités de celui-ci. Le but est de donner une image de fin des temps aux événements, d’apocalypse s’installant ; on est là dans un scénario de film, dans une fantasmagorie complète.

C’est totalement post-moderne, d’un idéalisme généralisé ; si on ne voit pas en quoi pour Al Qaidah le 11 septembre a été un équivalent islamiste de l’art contemporain, on passe à côté de la substance de son approche.

Al Qaidah correspond ici à la décadence de toute une époque, d’une époque qui croit en ses propres mensonges, où la « conscience » s’arroge la prétention de choisir et « modifier » les choses comme bon lui semble. Al Qaidah, dans son approche, c’est le consommateur élevé à la toute puissance de sa fantasmagorie. Cela ne rend la folie que plus meurtrière, mais en même temps sans envergure. Il suffit de voir la différence entre le 11 septembre 2001 et le 29 octobre 2020.

Les attentats islamistes reflètent la fin d’une civilisation ; les islamistes dénoncent l’ultra-consumérisme capitaliste, mais ils ne sont qu’un aspect « romantico-passéiste » de celle-ci. Ils s’imaginent le contraire du monde moderne, ils sont leur inverse tout aussi caricatural, creux, sans contenu ni perspective. Ils s’imaginent les protagonistes de temps nouveaux, alors qu’ils ne sont que les sous-produits d’une époque révolue.

L’attentat de Nice révèle la substance même de la religion, sa nature en décalage avec la réalité, son auto-intoxication jusqu’au fanatisme, son mépris de la vie, de la démocratie, du sens même des réalités. Les religions sont le contraire du matérialisme et donc du réalisme, il n’est donc aucune surprise à ce que leur démarche soit en-dehors même de la réalité elle-même. Elles sont, à ce titre, condamnées… et pourvu qu’elles disparaissent le plus vite possible !

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Où en est le meurtrier « État islamique » ?

Les attentats sanglants en France ont profondément marqué les esprits, et pourtant l’État et les médias en France font comme si la question de l’État islamique était réglée. Tout comme « Je suis Charlie » a été effacé des marqueurs culturels, une réflexion critique sur le fanatisme religieux est censée passer à la trappe. Or, l’évolution de l’État islamique laisse entrevoir une contribution future directe et indirecte de celui-ci à la confusion et au meurtre.

L’État islamique a disposé d’un grand prestige dans une partie significative des musulmans du monde, pour une plusieurs raisons très simples :

– il proposait un « retour » fictif à des mœurs datant de l’époque suivant immédiatement l’émergence de l’islam ;

– il proposait un « retour » à une base territoriale considérée comme le patrimoine « naturel » de l’islam ;

– il concrétisait la nécessité dans la religion musulmane de vivre sous un califat.

Quelle que soit l’interprétation de l’islam des musulmans sunnites, ils ne pouvaient que considérer que ces points avaient au moins une certaine valeur. L’État islamique n’est cependant plus en mesure de conserver intact ces promesses à la communauté musulmane mondiale.

À son apogée, l’État islamique revendiquait 35 wilayas, c’est-à-dire des provinces. 19 se trouvaient en Syrie et en Irak, 16 dans d’autres pays. Le terme sous-entendait une idée d’administration et l’État islamique menait une intense propagande médiatique pour souligner sa capacité d’organisation étatique au niveau local et régional. Désormais, l’État islamique ne revendique plus pour l’Irak et la Syrie que la Wilayat al-Sham et la Wilayat al-Iraq. Les trois provinces qu’il revendiquait en Libye ont également été condensées en une seule.

Dans le Sinaï, l’État islamique est très fortement actif, bien plus que les groupes alignés sur Al Qaïda, comme le Jamaat Jund al-Islam, mais ses perspectives sont bloquées par l’État égyptien, dans une région de toute façon isolée. En Afghanistan, il réalise encore des attentats comme à Kaboul et dispose d’une petite enclave dans le Khorasan, mais il reste absolument marginal comparé aux Talibans qui allient de leur côté un discours islamiste combiné à un patriotisme très affirmé excluant toute perspective mondiale à court terme.

En Arabie Saoudite et en Algérie, l’État islamique ne semble plus véritablement actif. Le territoire gagné au Nigéria en mars 2015 a été perdu dès août 2016 et qui plus est son dirigeant, celui de la Jamaat Ahl al-Sunnah lil-Dawa wa al-Jihad (connu comme « Boko Haram »), a fait sécession, ce qui aboutit à des affrontements internes alors que l’État islamique tente de se maintenir dans le nord-est du Nigéria et autour du lac Tchad.

Rappelons ici qu’au Mali, la grande offensive islamiste avait été menée non pas par l’État islamique, mais Al Qaïda, encore active surtout avec le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Il y a désormais 12 000 soldats de l’ONU actifs, 4500 Français pour l’opération « Barkhane », alors que l’État malien dépense désormais 23% de son budget pour son armée.

Et c’est là que le problème commence à se poser justement. L’État islamique a échoué dans sa perspective territoriale, que justement Al Qaïda considérait comme impossible à mener. L’échec de l’un va profiter au second. Non seulement l’État islamique, dans son effondrement, va continuer à semer la confusion et le malheur, jusqu’à son extinction… mais son échec va profiter à son concurrent direct, qui lui raisonne en termes de terrorisme mondial.

A l’ultra-centralisme de l’État islamique – tout est décidé par le noyau dur, de manière absolue – va succéder une relative décentralisation du terrorisme islamiste, par Al Qaïda. Qui plus est, Al Qaïda raisonne en termes de cadres, et non pas en termes de recrutement rapide de personnes en rupture. Cela pose donc une menace terrible pour le futur.

Il serait en effet absurde de considérer que, malgré l’absurdité des religions en général et l’échec de l’islam à réaliser un projet social positif (que ce soit avec l’Arabie Saoudite wahhabite ou l’Iran chiite, deux théocraties, ou bien l’Algérie militaro-musulmane actuelle, la Libye et le « livre vert » de Kadhafi, l’État islamique, etc.), il ne reste pas le romantisme. En fait, il ne restera justement plus que ce romantisme ! Et il y a là matière à beaucoup d’irrationalisme, y compris meurtrier.