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Alain Soral abandonne la politique et désire un coup d’État police-armée

Mis en garde en vue pendant 48 heures, Alain Soral a raconté celle-ci dans une longue vidéo, où il fait l’éloge de la police.

Alain Soral raconte, visiblement fatigué et choqué mais relativement combatif, son arrestation dans la rue pour « provocation publique non suivie d’effet à la commission d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ». Il raconte que la police a été très sympa, qu’il n’a jamais été malmené, et même, somme toute, que les policiers s’avèrent surtout des sympathisants de sa cause.

Il a aussi fait l’éloge des policiers de la Direction régionale de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris : les hommes seraient sportifs, les femmes mignonnes, tout le monde serait jeune et black blanc beur. Tout est carré, bien géré, malgré le caractère sommaire ou sale de locaux où sont les prisonniers. C’est la France qu’il aime et il attend d’eux d’ailleurs, ainsi que de l’armée, qu’ils renversent le régime. Il considère d’ailleurs qu’il va faire de la prison, à moins que ne soit à court terme renversé « l’État juif » qui veut le mettre hors-jeu.

Tout cela révèle un aspect essentiel, tout de même. En effet, Alain Soral, dans sa vidéo, n’appelle pas à la révolution. Il précise bien qu’il n’est pas pour la lutte armée, mais pour que les organes comme la police et l’armée basculent. Ce faisant, il quitte totalement le terrain populiste « insurrectionnel » des gilets jaunes ; il abandonne donc également sa verve populiste visant, comme Dieudonné, à mettre de l’huile sur le feu et à faire en sorte qu’une vague « spontanée » violente surgisse des tréfonds de la société.

Alain Soral a, dans les faits, capitulé. Il ne capitule pas idéologiquement : il reste un fanatique d’extrême-Droite, un paranoïaque pour qui les « Juifs » contrôleraient l’État, l’économie, la politique internationale, etc. Il capitule cependant dans sa dimension agitatrice. Il fait comme Julien Coupat lors de son arrestation : de la littérature, mais plus de la politique.

Le schéma est exactement le même. Julien Coupat, au moment de son arrestation, avait derrière lui des milliers de sympathisants, voire de gens organisés. Il en va de même pour Alain Soral. Une arrestation a une dimension politique : une figure politique en profite pour affirmer ses thèses les plus fondamentales, à la face du pays, appelant à un changement complet, un renversement, etc.

Ni Julien Coupat ni Alain Soral ne l’ont fait. Malgré l’énorme écho de leur arrestation, le fait qu’ils soient une actualité, ils ont continué de s’adresser uniquement à leurs sympathisants, ils ont tourné leur discours dans une optique littéraire, bref ils n’ont pas fait de politique. Ils ont abandonné la politique.

Julien Coupat avait comme vue politique un mouvement par en bas de petits groupes décentralisés formant des communautés s’engageant dans la subversion, action violente y compris ; Alain Soral espérait former une rébellion « national-socialiste » de type élémentaire, un soulèvement par en bas contre « l’occupation » « juive ». Une fois rappelé à l’ordre par l’État, ils capitulent.

On arguera que ce n’est pas plus mal. C’est vrai. Cependant, il faut penser que ces gens ont amené dans des voies de garage des milliers de personnes. Beaucoup ont cru à la dimension « révolutionnaire » de leurs appels. Ils ont ainsi été perdus par la Gauche, dont ils auraient dû devenir des cadres portant un changement historique complet. La capitulation de gens comme Julien Coupat ou Alain Soral n’est donc pas simplement une bonne chose : c’est aussi l’aboutissement d’un processus très négatif où des énergies ont été déviées, gâchées.

Voilà pourquoi il fait rappeler, parfois, leur nature historique, afin que cela serve d’enseignement. Les populismes prétendent mener à des victoires rapides, au moyen de quelques recettes pratiques, d’une vision du monde sommaire. Les populismes nient l’intelligence et fournissent des attitudes clefs en main, prétendant que n’importe qui peut, n’importe, comment, devenir « subversif ». Cela a une dimension fascinante qui n’en est que plus dangereuse.

Il faut donc savoir montrer la vanité de telles initiatives, leur nihilisme.

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Le gouvernement Jean Castex à la rescousse d’Alain Soral

L’État français a accordé une aura formidable à Alain Soral en l’interpellant pour menace aux intérêts de la nation, alors que son mouvement décrochait et qu’il y avait déjà ce qu’il suffisait pour l’embastiller.

Alain Soral a un parcours en trois temps. D’abord c’est un branché, qui traite des milieux parisiens et de la drague. Ensuite, c’est un intellectuel qui se veut post-marxiste et propose d’assumer une morale de droite dans la défense du « travail ». Enfin, c’est un activiste proposant une lecture national-socialiste du monde, avec la diffusion de toute la littérature qui va avec.

Alain Soral a obtenu d’énormes succès d’édition, notamment avec « Comprendre l’empire » et il a eu son heure de gloire au moment de la « quenelle » de l’humoriste Dieudonné. L’antisémitisme a permis aux deux agitateurs-provocateurs de disposer d’une vraie base. Ils n’ont cependant rien su en faire.

On a en effet un vrai bric-à-brac, Alain Soral se revendiquant maintenant de Julius Evola, un racialiste italien d’esprit aristocratique, ce qui ne correspond en rien à l’idée d’une « réconciliation » nationale au-delà de la couleur de peau des Français. Si on ajoute à cela la vulgarité proverbiale d’Alain Soral, son style provocateur totalement à rebours de l’approche française… cela ne pouvait que s’enliser. Son mouvement Égalité & Réconciliation était ainsi en perte de vitesse et un magnifique contre-exemple.

En effet, avoir diffusé l’antisémitisme en disant que les Juifs seraient la cause de tous les maux, alors que le Covid-19 montre l’ampleur du problème écologique et qu’on va à une guerre de repartage sino-américaine… C’est pour le moins absurde et c’est très clairement absurde.

Alain Soral a d’ailleurs dû être en secret très content de la fermeture de ses chaînes sur Youtube début juillet. Quant à une arrestation de 48 heures fin juillet, pour « provocation aux crimes et délits portant atteinte aux intérêts de la nation », il a dû sortir le champagne. Surtout qu’il est ressorti libre !

Ce qui va lui permettre, même si on est au creux de l’été, de mobiliser ses troupes, de se présenter comme le seul vrai « révolutionnaire ». Si la loi française avait réellement été appliquée, cela fait longtemps qu’il serait en prison. On applique la loi Gayssot et on envoie ce type aux oubliettes.

Cependant on sait comment le capitalisme adore les provocateurs du genre d’Alain Soral, qui proposent des voies de garage, qui cherchent à dévier la colère du peuple. Les associations juives qui se sont réjouies de l’arrestation d’Alain Soral feraient malheureusement mieux de se préparer au contraire à une énorme vague d’antisémitisme qui va profiter de l’aura que celui-ci a obtenu avec cette affaire. Alain Soral est clairement réactivé par le régime. Il est remis en selle afin de diffuser son poison et de faire des Juifs le paratonnerre de la colère populaire.

Ce n’est pas tout. En collant sur le dos d’Alain Soral une « provocation aux crimes et délits portant atteinte aux intérêts de la nation », le gouvernement introduit cette forme très rare dans la banalité de la répression. On en a déjà entendu parler au moment des gilets jaunes, mais ce n’était guère sérieux. On parle en effet du principe de violence collective de nature à mettre en péril les institutions de la République. C’est quelque chose de bien particulier mais là on est dans une démarche assumée de la part du gouvernement de faire en sorte de le généraliser.

Alain Soral a servi ici également de marche-pied à la répression future, car on peut évidemment s’attendre à d’autres accusations du même genre. Surtout qu’il y a le coup du « non suivi d’effet ». Avec une telle expression juridique, on peut justifier tout et n’importe quoi. Une ligne comme quoi il faut un soulèvement populaire pour renverser le régime, ce qu’on va trouver sur tout site d’extrême-Gauche… et on pourra faire l’accusation de « provocation aux crimes et délits portant atteinte aux intérêts de la nation ».

Alain Soral sert ici sur tous les tableaux. Il pousse à la division des masses et ses provocations servent à préparer le terrain à la répression. C’est précisément à cela qu’on reconnaît qu’il relève du fascisme.

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Communiqué des associations antiracistes « Le mandat d’arrêt contre Alain Soral doit être exécuté d’urgence »

Communiqué des associations la Licra, SOS racisme, J’accuse !, l’Union des étudiants juifs de France et le Mrap à propos du fasciste Alain Soral, dont la peine de prison n’est pour le moment pas exécutée.

« Les associations antiracistes demandent de toute urgence au Procureur de la République de mettre à exécution le mandat d’arrêt décerné contre Alain SORAL pour contestation de crime contre l’humanité le 15 avril 2019.

Depuis 10 jours, l’antisémite Alain SORAL est sous le coup d’un mandat d’arrêt par décision de la 13eme chambre correctionnelle du TGI de Paris à la suite de sa condamnation pour contestation de crimes contre l’Humanité.

À ce jour, la justice n’a toujours pas exécuté la décision. Pire encore, nous avons appris que le Parquet de Paris avait décidé de faire appel de ce mandat d’arrêt au motif qu’il ne respecterait pas les dispositions du code de procédure pénale sur le mandat d’arrêt.

Cette décision d’appel est un scandale inédit et renvoie à nos concitoyens l’idée que la condamnation de l’antisémitisme et du racisme en France n’est jamais appliquée dans les faits.

Ce d’autant que seuls les délits politiques sont exclus des dispositions relatives au mandat d’arrêt. La contestation de crime contre l’humanité n’est et ne pourra jamais être considérée comme un délit politique. Nous demandons que soit mis fin à ce double scandale qui voit une décision de justice demeurée inappliquée et même contestée par l’autorité de poursuite qui se retrouve à défendre les intérêts de SORAL plutôt que la société.

Cet appel n’étant pas suspensif, nous demandons l’exécution immédiate de la décision de justice rendue contre Alain SORAL et le désistement de l’appel interjeté par le Parquet, pour des raisons politiques.

Alain SORAL tiendra le 4 mai au vu et au su de tout le monde une conférence publique à Mulhouse. Nous demandons au Procureur de la République de Mulhouse de faire procéder à l’arrestation d’Alain SORAL conformément au jugement et à la Loi. »

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Décadence ou inversion des valeurs ?

A moins de penser que tout va pour le mieux ou d’être nihiliste, il y a deux manières de considérer les choses. Soit on assume le point de vue de la Gauche qui avait bien compris dans les années 1920 qu’il y avait une décadence des valeurs, car les riches ne pensent qu’à se goinfrer et ont jeté la culture par-dessus bord. Soit on adopte le point de vue de l’extrême-droite comme quoi les valeurs auraient été inversées.

Illustrataion Phèdre (Jean Racine), Acte V

Le grand discours de la « fachosphère » depuis une décennie est qu’il y aurait une inversion des valeurs. Les criminels seraient mieux traités que les victimes, les femmes adopteraient un patriarcat inversé, les élèves compteraient davantage que les professeurs, etc. La France aurait été prise d’assaut et il y aurait eu un retournement de la hiérarchie de ce qui compte vraiment. Il faudrait donc un retour aux sources.

Certains prônent donc un retour à la France des années 1960, avec un racisme marqué, mais d’autres ont une autre approche. La grande idée d’Alain Soral et de Dieudonné est ainsi de s’appuyer sur une partie des gens issus de l’immigration pour prôner ce « retour aux valeurs », en s’appuyant sur leurs préjugés religieux, leurs valeurs patriarcales, leur romantisme anticapitaliste. Cela a donné une forme « populaire » à ce discours de la « fachosphère ». Alain Soral a eu de très grands succès de ventes avec ses écrits complotistes.

Et il est impossible de ne pas remarquer que les gilets jaunes sont ici en partie les successeurs des tenants de la quenelle de Dieudonné. Il y a le même populisme, le même rejet des « élites », la considération selon laquelle les politiques sont « tous pourris », une obsession petite-bourgeoisie pour l’État, etc. Avec la « quenelle », Dieudonné a popularisé avec un très grand succès un certain style rentre-dedans, revendicatif, sur la base de valeurs anticapitalistes romantiques.

L’antisémitisme virulent, le complotisme délirant, les fascinations pour les élites manipulatrices, etc., tout cela correspond à la mentalité comme quoi les choses auraient été déréglées, que des forces « obscures » auraient procédé à une inversion des valeurs. Comme ce qui devrait compter ne compte pas, on s’imagine qu’elles ne comptent plus, car n’est-il pas logique qu’elles aient compté par le passé, puisqu’elles doivent compter ?

On retrouve ici la logique de nombreux gilets jaunes, qui s’aperçoivent qu’ils sont exploités et pauvres, mais qui ne conçoivent pas que cela soit possible. Ils imaginent donc qu’avant ils n’étaient ni exploités, ni pauvres, alors qu’ils l’étaient également, mais qu’il y avait un peu plus de marge, et que donc ils ne le saisissaient pas… Ils idéalisent alors le passé, au lieu de s’assumer comme pauvres. C’est très étrange que cela : on a des pauvres ne voulant pas être pauvres, mais refusant le fait de s’assumer pauvres. Comme si c’était une honte et qu’il fallait, plutôt que de s’assumer prolétaire, toujours en revenir à la classe moyenne, cette forme sociale idyllique, au-delà du bien et du mal (c’est-à-dire des bourgeois et des ouvriers).

Ce qui saute aux yeux bien sûr, c’est que chez les tenants de l’inversion des valeurs comme processus « sabotant » la France, la culture est un thème qui n’existe pas. On est dans un style violemment beauf, avec une négation brutale de toute réflexion fondée sur la culture. Il n’y aucune référence en termes de romans, films, sculptures, monuments, peintures, pièces de théâtre, etc. On est dans un mouvement « élémentaire », brut de décoffrage, et qui s’assume comme tel. D’où tous les raccourcis, la paranoïa, le complotisme, la rage éparpillée, etc.

Il est important de voir cela, parce que cela montre que la fachosphère ne prône justement pas de réelles valeurs. La question de l’art contemporain est ici un très bon exemple. La fachosphère explique qu’il est scandaleux que l’art contemporain s’impose autant. Cependant, elle ne propose rien en remplacement. Le discours de la fachosphère consiste uniquement à parler d’une inversion des valeurs, pour mettre en avant des valeurs réactionnaires, mais de manière floue. Il ne faut pas croire que la fachosphère mette en avant Raphaël, Donatello, Michel-Angelo ou Leonardo de Vinci.

La fachosphère ne consiste pas à dire que Racine c’est autre chose maître Gims ou Molière autre chose que Booba ; la fachosphère n’est que du ressentiment. La culture n’y existe pas et pour cause : l’extrême-droite n’est que le produit de la décadence de la société française. Une décadence qui a une source simple : les couches sociales dominantes se goinfrent, de manière barbare, ayant abandonné ou abandonnant toujours plus la moindre valeur culturelle. L’ultra-consommation sur un mode nouveau riche devient la règle. On se moque beaucoup des oligarques russes et des millionnaires chinois consommant de manière ostensible et sans réel goût, mais croit-on vraiment que les riches français soient différents ?

La France va mal, elle est en crise, mais ce n’est pas qu’une crise sociale : c’est une crise morale, culturelle, idéologique. C’en est fini de la bourgeoisie hyper éduquée, extrêmement posée, techniquement efficace des années 1960. La bourgeoisie nouvelle est libérale, seulement libérale, et ne peut plus assumer son rôle de dirigeante de la société. D’où la décadence.

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Alain Soral et le « Raptor », produits de la décadence complète de la société française

À la toute fin du mois de juillet, Dieudonné et Alain Soral ont organisé une conférence de presse payante trois euros pour annoncer que la bastonnade entre le second et le youtubeur « Raptor » aura lieu le 20 octobre. Le « Raptor », lui, était aux Maldives en vacances et a rejeté Dieudonné comme organisateur du combat, accusant Alain Soral d’être un lâche ne répondant pas aux messages textos. Il ne veut plus entendre parler d’Alain Soral par conséquent.

C’est un épisode de plus dans le scénario grotesque de l’affrontement à coups d’insultes, de menaces, de paranoïa et d’inculture entre une extrême-droite tellement raciste anti-arabe qu’elle en fait sa cause unilatérale, et une extrême-droite purement antisémite.

Dignes équivalents hystériques de la gauche « postmoderne » et « postindustrielle », ces gens sont le pur produit, littéralement surréaliste, de la décadence complète de la société française. Dieudonné a ainsi lors de la conférence de presse expliqué que l’État israélien visait à la destruction des nations, des familles, de l’humanité entière, Alain Soral dénonçant David ayant tué Goliath au moyen d’une fronde au lieu de se battre à la loyale !

C’est un exemple assez édifiant de l’anti-civilisation que représente l’extrême-droite, rempli d’individualités cherchant à devenir des porte-paroles plébéiens ayant assez d’écho pour parvenir au pouvoir.

C’est la base intellectuelle, si l’on ose utiliser ce terme, de cette fuite en avant dans l’explication paranoïaque du monde. Incapable de voir la question des idées, le « Raptor » ne voit en Alain Soral qu’un « baboucholâtre », Alain Soral voyant en le « Raptor » le vecteur de réseaux sionistes et de regroupements visant les ratonnades.

Ce sont des équivalents directs de Donald Trump, de cette vague conservatrice radicale cherchant à mobiliser en disant qu’il n’est pas besoin de culture, qu’il suffit de l’identité. Ce n’est même plus du nationalisme, mais une sorte de beauferie radicalisée.

Si jamais on se demande pourquoi beaucoup de gens ont voulu malheureusement croire en Emmanuel Macron aux présidentielles, c’est justement parce que l’image de la construction européenne est de maintenir le flambeau de la civilisation, de renforcer le cadre institutionnel. Face aux tendances de repli identitaire, cela semble plus moderne, même si imparfait…

Benoît Hamon et EELV ont très bien compris cette sensibilité de la Gauche et cherchent à en profiter. Mais c’est une illusion : seul le socialisme peut, réellement, concrètement, balayer l’inculture, établir des normes morales et culturelles.

C’est le capitalisme qui produit les valeurs du « raptor » et d’Alain Soral, avec leur style strictement parallèle à celui des rappeurs véhiculant les pires clichés. C’est le capitalisme qui anéantit la culture et ne tolère que la superficialité.


Tous ces gens doivent être mis au pas ; les attitudes guignolesques sont une insulte à toute une culture accumulée et dont les figures sont notamment Montaigne, Racine ou Diderot. L’existence en 2018 d’une telle expression barbare est un scandale historique.

Il faut réorganiser la société ; l’État doit le faire, mais là il ne le peut pas. Seule la reconstruction de l’État sur une base sérieuse, par la classe ouvrière, avec le peuple à la base, peut empêcher les forces de la déliquescence de triompher.

Il est intéressant d’ailleurs de voir Alain Soral l’avoir relativement senti aussi, en dénonçant lors de la conférence de presse les jeunes ne respectant pas les aînés, appelant à la réconciliation nationale et au refus complet de la guerre civile. Cela, bien entendu, en prenant l’antisémitisme comme idéologie, sur le modèle du national-socialisme allemand.

C’est bien là la risque : si la Gauche authentique – pas celle postmoderne, postindustrielle – n’établit pas le socialisme, la démagogie antimoderne et nationaliste l’emportera, comme dans les années 1930.

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« Egalité & Réconciliation » et le capitalisme des « nomades »

Égalité & Réconciliation est le nom du mouvement fondé en 2007 par Alain Soral, dans l’élan de son soutien à la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen et du Front National, auprès duquel il a tenté de pousser une ligne néo-gaulliste maquillée formellement derrière un populisme gauchisant.

Egalité et réconciliation

Un autre point notable est qu’E&R se fait le défenseur d’un nationalisme non ethnique sur le plan formel. Ce refus de l’ethnicité pousse aussi à développer quelques tentatives pour modérer un antisémitisme assumé, en refusant théoriquement l’antisémitisme racial et exterminateur, en distinguant rhétoriquement « oligarchie » et « juifs du quotidien » ou en distinguant « juifs » et « sionistes ».

Soudée presque immédiatement à son soutien en faveur de Dieudonné en particulier, Égalité et Réconciliation (E&R), bien qu’aujourd’hui en déclin, a entre-temps connu un succès important, parvenant aujourd’hui à revendiquer plusieurs milliers de membres, sans compter ses sympathisants sur les plateformes vidéo comme YouTube. Dans la pratique, la notoriété d’Alain Soral a été construite par une activité régulière, se présentant sous la forme de longs monologues commentant ses lectures et ses humeurs sur un canapé rouge devant une sorte de peinture, qu’il a d’ailleurs déclinée en produit commercial.

L’habitude a aussi été prise de veiller à son physique et son ton, pour le faire passer pour un « dur », un « écorché », un « mâle viril » et aussi son look, en particulier ses T-shirts, occasion de manifester ses lubies du moment sur le ton généralement de la dérision et de la provocation, et volontiers avec une grande vulgarité à peine dissimulée.

E&R est donc d’abord une plateforme internet, un site particulièrement fréquenté, relayant les vidéos et les « informations » de sites du milieu nationaliste dans lequel gravite E&R, allant des catholiques nationalistes virulents, à Alain de Benoist, des royalistes de l’Action française, aux nationalistes-révolutionnaires comme Serge Ayoub.

Ce que E&R désigne ainsi par la « gauche du travail », c’est l’anti-capitalisme romantique le plus convenu et le plus cacophonique, structuré néanmoins autour de son anti-matérialisme. La « droite des valeurs » se résume à un soutien de plus en plus ouvert aux milieux catholiques violemment intégristes et en particulier Civitas. E&R entend aussi être une plateforme de synthèse entre des militants de « gauche » rejetant tant la gauche institutionnelle que « marxiste » (considérée en l’espèce surtout par les mouvements et les partis issus de la tradition trotskiste), avec une stratégie volontariste d’attirer la « gauche nationale » à la Chevènement, et plus encore celle à la sauce France Insoumise (ou « FI »), pour la faire basculer dans le nationalisme. Voilà pour la trame de fond.

Au plan des valeurs et des idées développées, E&R affiche un anti-capitalisme, mais sans s’opposer ni à l’économie de marché, ni à la bourgeoisie, ce qui en dit long sur la valeur réelle d’une telle dénonciation du capitalisme.

Refusant le matérialisme historique, Alain Soral et ses soutiens tentent d’amalgamer tout ce qui peut construire une vision historique « alternative ». La préférence d’Alain Soral va clairement à une sorte de développement des thèses de Dumézil sur la prétendue tripartition traditionnelle chez les indo-européens, mixée avec des thèses « impériales » que l’on retrouve aussi chez Gabriel Martinez-Gros, ou Bernard Lugan.

Egalité et réconciliation

Ces auteurs structurent l’histoire autour d’un vaste et « éternel » conflit entre sédentaires constituant des civilisations, des « empires », et nomades les pillant, tout en leur assurant le développement commercial et la fourniture de guerriers ou d’esclaves.

Soral ajoute en quelque sorte à ce « nomadisme » le « capitalisme bancaire » dont il a présenté sa vision dans Comprendre l’Empire, qui en serait une sophistication moderne et européenne, dans la mesure où précisément, l’Europe à partir de la féodalité, échapperait à ce schéma sédentaire/nomade. Mais Soral le « restaure » en faisant de l’essor des villes et de la bourgeoisie, un « nomadisme » parasitaire dont le « juif » serait l’incarnation la plus aboutie.

Toute l’ambition politique de E&R vise donc à « geler » l’essor du capitalisme, vu non comme un développement interne de ses propres forces, développant parallèlement ses propres contractions, mais comme un « ordre » naturel, presque immobile, idéal, divin pour ainsi dire, ou du moins « naturel », qu’il faudrait retrouver, en éliminant le « parasite », donc la « banque », le « nomadisme », c’est-à-dire le « Juif », avec la force collective de la « nation », cadre politique « naturel » du développement harmonieux des sociétés humaines et de leur aspiration au « socialisme ».

C’est là, on le reconnaît aisément, une perspective d’extrême-droite, visant à dévier vers le nationalisme les mobilisations issues des luttes de classes, avec l’antisémitisme comme « socialisme des imbéciles ».

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« Combat » Alain Soral et Raptor Dissident : un écho de la décadence

Opération de promotion racoleuse en même temps que tribalisme réel, Alain Soral, chef de l’association « Egalité et Réconciliation » et le polémiste Ismaïl Ouslimani connu sous le pseudonyme du « Raptor Dissident » ont décidé de se taper dessus en mode MMA.

Alain Soral Twitter

Se taper dessus, c’est mal et idiot, voilà pourquoi nous refusons le MMA ; de la même manière, tout cela n’est qu’un écho grotesque de la démarche déjà mise en place par des youtubeurs parmi les plus célèbres, comme KSI.

Ce racolage et cette brutalité sont strictement parallèles au succès de Donald Trump, à la décadence de la société américaine, avec son culte de l’individualisme, de l’affirmation du moi.

Alain Soral aime se mettre en avant de manière narcissique en vantant sa soi-disant production d’écrivain et d’intellectuel et le Raptor Dissident s’aime tout autant, en jouant pareillement sur l’imagerie viriliste et agressive, avec des vidéos saccadés et insultantes, tout à fait dans l’esprit vain et vaniteux de l’époque : en 2017 il avait cumulé 25 millions de vues uniques, avec 500 000 abonnés.

Dans les deux cas, c’est le règne de longs monologues dans lesquels le youtubeur déroule, de manière unilatérale et avec un style outrancier et vulgaire, des réflexions populistes prétentieuses entendant « démasquer » les apparences.

Avec des photos d’eux partout et une réflexion sans aucune référence intellectuelle, que ce soit à des penseurs ou à l’histoire, on est dans l’idéologie décadente facebook-instragram-snapchat. Ce ne sont pas tant des fachos ou des conservateurs que des sous-produits de la destruction de la pensée. Il est vrai toutefois que c’est la nature inévitable justement des fachos et des conservateurs qu’être de tels sous-produits, des reflets du vide capitaliste.

Raptor dissident youtube

Il n’est donc guère étonnant qu’ils se bouffent entre eux. Le parcours du Raptor dissident en dit d’ailleurs très long. Né dans les années 1990, ce dernier a d’abord été actif sur le forum de jeuxvideo.com, qui est devenu au tournant des années 2010 un véritable espace d’expression pour une partie de la jeunesse attirée par l’affirmation dissidente de contre-modèles réactionnaires : identitaires, populistes ou islamistes en particulier.

Cette jeunesse, peu structurée politiquement et de plus en plus culturellement vide, offrait un public au potentiel énorme pour des agitateurs comme Dieudonné ou Alain Soral, qui apparaissaient porter cette volonté de rompre avec le « système », dans un style d’autant plus accessible qu’il était outrancier, vulgaire, prenant des cibles faciles comme la gauche post-moderne, petite-bourgeoise et insupportable de bout en bout.

C’est donc de là qu’a émergé progressivement le Raptor dissident, qui a su développer un style partant dans tous les sens, mais se présentant justement comme animé d’une sorte de foi chevaleresque pour les valeurs.

Et justement, donc, le Raptor Dissident, fort de son succès dépassant sur YouTube celui de l’association « Égalité et Réconciliation », a fini par attaquer Alain Soral par une vidéo publiée début juin compilant durant 40 minutes des extraits de celles d’Alain Soral pour mettre en avant certaines de ses contradictions, réfuter sa ligne jugée pro-islamiste et immigrationniste, l’accusant d’être marxiste.

 

Raptor dissident Youtube

La sortie de la vidéo a été prévue et annoncée des semaines à l’avance et répondait sans doute à un programme, une sorte de plan de carrière que le Raptor Dissident commence à dessiner. Celui-ci en effet met en avant, outre ses « idées », ses activités sportives, c’est-à-dire la musculation, le dopage et les sports de combat. La salle de musculation permet justement d’affirmer le narcissisme et la virilité supposée, mais cela ne suffit pas. Il faut le buzz.

D’une manière générale, l’esprit de « clash » est largement mis en avant sur YouTube, où certaines personnes ont gagné une réputation uniquement en postant des vidéos d’insultes, comme ce fut le cas pour Morsay, un commerçant des « puces » à Clichy connu pour son style extrêmement vulgaire notamment face à un identitaire nommé Vincenail qui s’est effacé depuis.

Pour Alain Soral, cette attaque était insupportable, sa situation étant devenu précaire. Par son style, ses outrances et ses attaques volontiers ad nominem ou allant même jusqu’à la promotion à peine voilée de l’idéologie nationale-socialiste, Alain Soral a forcément fini par avoir maille à partir avec les institutions bourgeoises et même avec YouTube. Ce qui a bien entendu encore plus alimenté sa propre paranoïa complotiste le poussant toujours davantage vers des outrances de plus en plus difficile à assumer pour certains de ses soutiens ou son public.

Alain Soral

Sans parler des prises de position littéralement délirantes comme son soutien à la Corée du Nord, son appel à Poutine pour envahir la France et son offre de collaborer avec une éventuelle occupation russe, en assumant d’ailleurs explicitement et avec un air manifestement amusé de sa provocation, toute la charge du terme renvoyant à Vichy sinon même à ce que fut le milieu de la Collaboration en tant que tel à Paris.

Après avoir pu capitaliser sur son succès internet, et réussi à organiser un public, en grande partie aussi grâce au soutien de l’humoriste décadent Dieudonné et en comptant aussi sur l’appui d’un certain nombre de groupuscules et de réseaux de l’extrême-droite, gravitant autour du Front National, de la mouvance catholique traditionaliste ou nationale-révolutionnaire, les énergies qu’il a pu capter sont en réalité en train de s’épuiser.

Toutes ses tentatives politiques ont abouti à des échecs cuisants et son ego vaniteux agressif et vulgaire ne lui a pas permis de densifier et de maintenir quelque chose qui pourrait s’apparenter à un parti. Le Raptor dissident entend en quelque sorte clouer le cercueil politique.

Alain Soral et Dieudonné

Évidemment, le doute existe encore comme quoi c’est une mise en scène, une division du marché, les deux tapant dans des créneaux différents, Dieudonné connaissant les deux et se proposant par ailleurs comme entremetteurs.

Cependant, le style en dit long. On est ici dans le tribalisme, l’absence d’ordre dans l’esprit, de mesure dans l’analyse, de valeurs bien circonscrites intellectuellement, de clarté dans l’expression. On est dans la manipulation émotionnelle, dans le racolage le plus éhonté, la quête du buzz.

Que l’extrême-droite témoigne ici qu’elle n’a rien à voir avec les apports de la France à la civilisation humaine, qu’elle corresponde en tous points au style décadent du capitalisme moderne… est plein de leçons.

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Au sujet du « Raptor dissident »

L’envergure du succès du « Raptor dissident » se voit au nombre de vues que l’algorithme de YouTube mesure, et il faut bien admettre que l’on est là présence d’une surface d’influence littéralement énorme : plus de 500 000 abonnés le suivent, ses vidéos atteignent et dépassent de plus en plus le millions de vues, notamment sur sa chaîne YouTube Raptor Dissident, avec plus de 2,5 millions de vues pour certaines d’entre celles de la série « Expliquez moi cette merde ».

Raptor dissident youtube

Les vidéos de sa seconde chaîne, Raptor vs Wild, où il anime de longues émissions dans un esprit plutôt radiophonique de plusieurs heures, avec des invités, rencontrent moins de succès en comparaison, mais tournent néanmoins autour d’une base solide de pratiquement 150 000 vues chacune. On peut donc parler ici d’un phénomène particulièrement significatif.

A quoi est dû ce succès ? Le « Raptor dissident », c’est donc d’abord un style. Un style exprimé par la connexion entre deux formes symétriques de la réaction que le YouTuber a su réaliser et développer de manière réussie.

D’abord, le Raptor s’est appuyé sur les codes expressionnistes propres à rassembler et à toucher toute une frange de sa génération. Cela autour d’un univers largement alimenté par des références aux jeux vidéos, aux mangas, aux blockbusters américains, aux émissions de télévision des années 1990-2000. On retrouve ici cet univers geek largement développé sur les réseaux ou sur YouTube par le Joueur du Grenier ou même Usul par exemple selon un style parallèle, assez similaire en tout cas sur la forme, le ton, le montage.

Mais cette forme, le Raptor l’a considérablement approfondie et politisée par toute une démarche culturelle, de nature « méta-politique », propre à l’extrême-droite. C’est-à-dire, un mélange d’individualisme aristocratique, mêlant dans une perspective romantique, un appel aux vertus chevaleresques, aux valeurs « identitaires » et à l’esprit de communauté, dans le but de produire et d’affirmer des cadres culturels en capacité d’influencer le débat public, par leurs idées et leur style.

Et pour cela, le Raptor a bénéficié de l’espace politique ouvert par Dieudonné et Alain Soral, en s’inscrivant lui-même dans ce courant de la « dissidence » populiste réactionnaire. Le Raptor a donc poussé cette démarche à fond, rassemblant autour de lui d’autres figures en mesure de renforcer cette ligne, comme Papacito en particulier.

D’autre part, le Raptor et sa bande ont perçu l’impasse vers laquelle se dirigeaient Dieudonné et Soral, qui après leurs premiers succès, se sont contentés d’une situation de rente propre à simplement leur assurer une existence confortable, mais ayant échoué à produire un changement culturel significatif selon eux.

Il s’agit alors d’approfondir la démarche en passant au-dessus de Dieudonné ou Soral, considérés non comme des adversaires mais comme des précurseurs, ou des concurrents, outranciers et surtout pas au niveau de la ligne qu’entend promouvoir le Raptor.

Celui-ci entend compléter la culture geek dont il est issu par tout un parallèle avec la culture réactionnaire antérieure, revoyant précisément à la France gaullienne d’avant Mai 1968, comme base idéalisée permettant de produire une image propre à marquer par son style et à rallier de manière large.

On a ici toute une démarche consistant à mettre en avant les codes de l’acteur Jean Gabin, notamment avec ce qu’essaye de reproduire quelqu’un comme Papacito, une mise en scène qui se pense irrésistible, « virile », avec des poses et des répliques surjouées, théâtralisées, forcées pour tout dire, une esthétique qui mélange les pages « culture » du Figaro ou de Valeurs Actuelles avec ses lunettes de soleil hors de prix et son goût pour la consommation distinctive et luxueuse, avec une attitude et un jeu et des punch-lines pour faire « populaire », vantant par exemple la nécessité d’éduquer à coup de « gifle avec élan » les immigrés récalcitrant à se sentir français.

Ou encore affirmant qu’au fond s’il y a des agressions contre les femmes, c’est aussi parce que les hommes ne sont plus des « bonhommes à l’ancienne », qu’il manquerait donc plus de patriarcat et d’autorité virile.

On a là le même anti-réalisme, caricaturant les types et forçant les traits mais qui s’affirme toutefois authentique, rejetant la modernité corrompue au nom de la liberté individuelle et de l’esprit du terroir et de « ceux qui triment » et qui se retrouvent dans leur temps libre à dialoguer entre copains, quand ils ne sont pas à salle pour « pousser » ou mettre les gants, entre mâles de préférence, échangeant sur leur écœurement face à l’écroulement du monde, entourés de filles reflétant symétriquement leur vulgarité désabusée, sur le ton de la dérision semi-sophistiquée et du bon mot, qu’on peut se permettre, parce qu’on a du muscle et qu’on est « street credible ».

Raptor dissident Youtube

C’est-à-dire qu’on a littéralement ici des petit-bourgeois qui se travestissent en ouvrier, méprisent les masses dont ils sont issus pour vivre romantiquement une aventure individualiste, une entreprise contre le reste du monde dont ils rejettent la médiocrité de manière unilatérale, en hommes libres et solitaires.

Évidemment, on a là aussi tout un écho avec le style développé par le réalisateur Michel Audiart, qui a mieux que personne joué sur cette confusion entre les valeurs de la Gauche et le soi-disant pragmatisme « concret » de la Droite, exprimant faussement le « bon sens » populaire de la seconde contre la première :« c’est la gauche qui me rend de droite » disait Audiard, et toute la démarche, tout le style du Raptor s’inscrit dans cette filiation, et mieux dans la posture, de la « rébellion » petite-bourgeoise contre le monde moderne.

Le Raptor a compris qu’un écho était jouable en affirmant le parallèle avec cette forme identifiable et malheureusement appréciée car mal comprise au sein de la culture de notre pays, et qui permet d’apparaître crédible, de dire quelque chose de familier, avec un style qui apparaît « français » et authentique.

La vulgarité de l’esthète désabusé, mais fort d’esprit et de corps, prolonge donc ici des figures propres à flatter l’esprit réactionnaire d’une partie des masses, piégées dans la culture beauf à qui elle donne une forme « noble », « cultivée », « aristocratique », comme l’a fait Louis-Ferdinand Céline dans le domaine littéraire ou Jean-Marie Le Pen dans celui de la politique, que le Raptor présente comme le « daron du game trop stylée et déter » face à sa fille surnommée ironiquement « Malika Le Pen » qui ne porte pas « ses couilles » et ne consiste en rien.

La « dissidence » du Raptor consiste donc à se reconnecter directement à ce style démagogique et à ces figures, en proposant une enveloppe modernisée, établissant une continuité propre à permettre l’héritage, d’exprimer faussement la « permanence » d’une rébellion française face à la Modernité, d’affirmer « l’homme ancien » contre le monde moderne. Il s’agit bien là en ce sens d’une offensive culturelle de la réaction, d’un populisme réactionnaire sur une ligne menant très clairement au fascisme.

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La posture populiste d’Alain Soral à la lumière de son roman « Chute ! »

Comment Alain Soral ose-t-il arborer les symboles du Parti Communiste ? Comment ose-t-il porter l’Etoile Rouge, le Marteau, la Faucille ? Comment a-t-il osé se montrer avec la tenue pénitentiaire gris-rayée des déportés NN, avec le triangle rouge des Résistants Communistes dans les camps de concentration nazis ?

Lui qui n’est ni un marxiste, ni même de gauche, lui qui représente si complètement l’imposture petit-bourgeoise de cette fausse « gauche du travail » ? Comment la gauche sincère peut-elle tolérer l’existence d’un tel espace d’expression pour ce qu’il représente ?

C’est bien que l’audience d’Alain Soral et son envergure même sont le signe de la faillite de la gauche à assumer ses valeurs, à valoriser son héritage, à batailler sans compromission pour la démocratie, au service de notre peuple.

Mais cette faillite est heureusement temporaire, Alain Soral ne peut pas réussir ce véritable braquage de la gauche qu’il tente dans sa vaine tentative, car ce qu’il représente est tout simplement ignoble, relève de la capitulation et ne peut séduire que par le désarroi de l’absence d’une gauche audible, structurée et identifiée.

Ce qui signifie rejeter sans aucune hésitation, sans aucune tergiversation possible toute les immondes soupes populistes, tous les vains bricolages « rouge-bruns » qui trahissent l’esprit et l’honneur de la gauche.

Mais même ce qualificatif de « rouge-brun » est encore trop d’honneur à rendre à Alain Soral, lui qui sous le prétexte de se « réconcilier » avec la « droite des valeurs » pousse l’ineptie de son populisme jusqu’à l’alliance avec les milieux les plus réactionnaires du catholicisme national, verse dans une complète mystique, rejoignant en cela le « chavisme » ou le soutien aux régimes militaristes et corrompus de l’Orient (Lybie de Kadhafi, Iran d’Ahmadinejad…) et autres idéologies frelatées.

Toutes propres à séduire la petite-bourgeoise paniquée de notre pays, prête à tous les paravents anti-révolutionnaires en se donnant un contenu si ridiculement radical, auto-proclamé « dissidence », (à visage découvert, bien sûr), et en se revendiquant de la République.

Comment ne pas être fou de rage de voir cette imposture petite-bourgeoise se réclamer du marxisme, de la Révolution, se donner des airs d’une gauche authentique pour soi-disant mieux la dépasser dans la synthèse bouillie et re-bouillie du populisme ?

Car en pratique qu’est-ce qui sépare la « FI » de « ER » ? Rien. Si ce n’est une affirmation plus assumée de la part des seconds à l’antisémitisme. Mais cela est encore un fossé qui a du sens pour beaucoup de personnes engagées sincèrement à gauche, mais qui tombent dans les nasses de la fausse gauche populiste, suivent les élans de son « combat » des « gens » contre « l’oligarchie » avec un vague sentiment de doute.

Ni droite, ni gauche, gauche du travail/droite des valeurs, populisme de « droite » ou de « gauche »… tout cela est exactement la même chose, mais à des degrés différents, avec des formes différentes.

Depuis les travaux de Zeev Sternhel, les personnes qui pensent, les personnes de gauche savent à quel point notre pays est un bouillon de culture pour ces courants petits-bourgeois tentant à chaque crise de cycle du capitalisme de formuler une synthèse propre à tenter de dévier l’inévitable marche à l’impérialisme et à la guerre, l’inévitable lutte des classes qui en découle chaque jour un peu plus, en leur propre faveur, pour le statu quo, pour « geler » notre pays dans un arrière-monde mythifié.

Alain Soral incarne donc tout ce que doit exécrer une personne sincèrement de gauche, une personne authentiquement progressiste. Encore faut-il clairement identifier ce qu’il représente.

Commençons donc par un ouvrage produit par Alain Soral en 2006, au début de son ascension politique. Il quitte alors formellement la scène des grands médias télévisuels et du Paris mondain, milieu dans lequel il gravitait depuis les années 1980 et entre dans ce qu’il qualifie de « dissidence », de manière ouverte.

C’est-à-dire qu’il va rejoindre le Front National de Jean-Marie Le Pen pour tenter d’en devenir un des principaux inspirateurs, avant de soutenir l’élan parallèle de Dieudonné, tout en fondant son propre mouvement, Égalité et Réconciliation. Celui-ci devient assez rapidement dans les années qui suivent un point central dans les courants poussant au populisme et même ouvertement au fascisme, entendant se situer comme le lieu de la synthèse de la « dissidence » et de la formation de ses cadres.

Voilà pour le contexte. Le livre en question est donc un roman qui marque en quelque sorte la transition entre ce que Alain Soral était jusque-là, une espèce d’esprit maudit de la bourgeoisie parisienne, vivant dans son style décadent avec une sorte de morgue soi-disant intellectuelle et « populaire », en ce qu’il se présente alors comme un « provincial » déclassé.

Le titre même du roman dit tout du contenu. Chute ! est une sorte de confession des désillusions et des errements adressée par un avatar de l’auteur, du nom de Robert Gros, prénom pris pour faire « français » selon Alain Soral, après avoir hésité avec « Oussama Joseph-Maximilien » pour simplement verser davantage dans la pure provocation gratuite et superficielle.

Le récit n’épargne au lecteur aucune forme de la vie décadente et sinistre que mena Alain Soral au sein de ce milieu « branché » de la bourgeoisie parisienne. En cela, il est en quelque sorte le double aboutissement des ouvrages précédents, ce qui justifie le choix de commencer à présenter Alain Soral par cet opus.

Jusque-là Alain Soral s’était mis en tête de dénoncer le libéralisme, qui lui apparaissait surtout en l’espèce sous la forme du féminisme bourgeois, confondus bien sûr avec les légitimes luttes du féminisme en tant que mouvement émancipateur du patriarcat, et celle des lobbys communautaires, ce qui lui permettait d’introduire la question de l’antisémitisme, mais alors encore de manière plutôt indirecte.

La lecture pose immédiatement une question. Peut-on avoir vécu une vie décadente au sein de la bourgeoisie parisienne, pratiquant la zoophilie, consommant de la drogue, multipliant les « expériences » décadentes et la baise et finalement être de gauche ?

A vrai dire, cela dépend du rapport que l’on a avec ce passé, si tant est qu’il en soit devenu un, pour commencer. Une personne de gauche présentera cela de manière critique, et si elle veut le faire sous une forme littéraire, elle le fera en pesant soigneusement ses termes et en construisant impeccablement son récit, de son mieux, pour ne pas verser dans le scabreux, le glauque ou le racoleur.

Il est évident que ce n’est pas là la démarche d’Alain Soral. Prolongeant le titre, le roman a l’aspect tout hypocrite d’une confession où l’on sent que si Alain Soral entend « rompre » formellement avec cette vie en affirmant d’en assumer la vérité, il n’y a pas là matière à regret.

Alain Soral, en digne petit-bourgeois surfant sur la décadence sexuelle post-68, s’est bien amusé. « Quel mec ! », voudrait-il qu’on pense ! Certes, il a mené la vie d’un « vaurien », mais il a tant appris de cette « école » et cela, subjectivement, fait d’autant plus de lui un « vrai mâle dominant » qu’il en assume totalement l’exposition publique. Voilà le premier aspect des choses.

Le second aspect, part apparemment dans l’exacte direction inverse. Toutes ces expériences sont une « Chute » au sens biblique du terme, rappelant ce célèbre passage de la Genèse, où l’Homme et la Femme (sous la forme d’Adam et Eve) après avoir cédé à la Tentation (d’ailleurs en dernière instance sous la pression d’Eve), sont chassés de l’Eden, ce paradis terrestre, mais non sans avoir goûté au fruit défendu de l’Arbre de la Connaissance.

Le parcours de Robert/Alain Soral est donc aussi l’expérience de cette Chute, une tombée en décadence, mais qui produit en quelque sorte la conversion, la connaissance ou la prise de conscience, « l’Eveil » et l’absolution qui légitime le combat à venir. Alain Soral a certes vécu cette décadence, et perdu son Eden, mais comme Adam, le voilà désormais prêt à chercher le Christ pour la rédemption. De la Chute, naît la Résurrection.

Toute la perspective est donc catholique-traditionnelle et la morale hypocrite du catholicisme, en effet, laisse un espace pour produire cette confession paradoxale où Alain Soral avoue si sincèrement, si hypocritement, tout à la fois pour reconnaître là ses fautes et en même temps se faire admirer pour ses transgressions en les exposant de cette façon « authentiquement virile » et « assumée ». 

Dans cette perspective, il est donc attendu notamment que la sodomie soit rangée au rayon des transgressions comme le reste des turpitudes d’Alain Soral, car dans cette perspective catholique, l’homosexualité reste une forme de transgression et pas autre chose. Pour couronner le tout pour ainsi dire, ajoutons que l’éditeur du roman, Franck Splenger et sa maison Blanche, sont spécialisés dans la littérature érotique.

Morale hypocrite, décadence sexuelle, « expériences » individuelles exposées narcissiquement comme une initiation. Et surtout, aucun esprit positif, rien qu’un étalage verbieux et glauque. Rien en tout cas là de compatible avec le style et les valeurs de la gauche, pour ne même rien dire du marxisme.

Même au niveau du style littéraire, l’écriture soit disant acerbe et tranchée, le fond même du récit, rappelant par certains passages les ouvrages précédent d’Alain Soral sur la « drague de rue » ou sa prétendue « vie de vaurien » ne sont que des compilations qui se répètent de manière lassante. Et celles-ci d’ailleurs font penser à une libre inspiration, si ce n’est pas même un plagiat, de la vie de l’intellectuel nationaliste russe Édouard Limonov et de son C’est moi Eddie (connu aussi sous le titre directement traduit du russe Le poète russe préfère les grands nègres).

Le parcours d’Alain Soral ainsi présenté par lui-même dans cet ouvrage comme une série quasiment initiatique et mystique, mais aussi assumé ailleurs, relève donc d’une posture petite-bourgeoise, tournée d’ailleurs vers les valeurs bourgeoises elles-mêmes, tant sous leurs formes décadentes, cosmopolites et métropolitaines de manière faussement coupable, que sous leur forme de la pseudo-morale nationale-catholique.

Comme tout cela est loin des valeurs de la gauche, que tout cet esprit borné et décadent, narcissique et hypocrite n’a rien à faire avec le combat pour la démocratie, pour le socialisme, comme nous sommes loin de la lutte des classes et de son contenu, de ses exigences, de sa morale et de son honneur !

Il faut donc au moins laisser à Alain Soral le fait d’avoir « honnêtement » témoigné de ce qu’il représente, un hypocrite décadent qui se rêve en révolutionnaire petit-bourgeois du haut de ses prétentions populistes.