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Fondation du nouveau parti « Gauche républicaine et socialiste »

La gauche du Parti socialiste qui a quitté celui-ci sans avoir rejoint Benoît Hamon a décidé de finalement passer sous la coupe de la France insoumise. Elle en sera une composante lors des prochaines élections européennes.

Ce week-end s’est tenu à Valence un congrès constitutif d’une nouvelle organisation à gauche, ayant pris comme dénomination « Gauche républicaine et socialiste ». Au sens strict, ce n’est pas quelque chose de nouveau, car il s’agit de l’organisation de Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel, « Aprés », qui change de nom, abandonnant sa tentative d’exister de manière autonome. Marie-Noëlle Lienemann a exprimé ses regrets de la manière suivante :

« J’en veux à la gauche française, nous avions une trame idéologique potentielle pour résister à l’ultra-liberalisme; il faut créer de nouvelles formes politiques. Nous sommes dans une phase de décomposition. »

Il est apparu en effet soit qu’il n’y avait pas d’espace à gauche du Parti socialiste alors qu’il y avait déjà Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, soit qu’il n’y avait pas les cadres pour développer une organisation aux contours bien délimités, selon comment on voit les choses. Le manque de temps ou de confiance en ses propres idées (ou moyens) a donc abouti à un changement radical d’orientation.

Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel, qui étaient depuis plusieurs mois alliés au Mouvement Républicain et Citoyen (MRC), ont fondé une nouvelle structure et rejoints Jean-Luc Mélenchon. La présence de l’ancien MRC dans la nouvelle organisation est un gage auprès de Jean-Luc Mélenchon, car c’est une structure « souverainiste » de gauche, fondé par Jean-Pierre Chevènement qui a toujours tenu une orientation qu’on peut qualifier comme « patriote » ou nationaliste de gauche.

De manière surprenante, ce positionnement souverainiste a été ouvertement assumé et exprimé par Emmanuel Maurel :

« La question de la souveraineté est essentielle. Souveraineté des peuples, reprise en main pour défendre les biens communs contre les intérêts privés. Cela passe par des ruptures radicales ! »

Il est, quoiqu’on pense de l’importance, de la validité de la question, toujours inquiétant de voir annoncer une « rupture radicale » au sujet d’une question nationale. La forme ici employée ne peut que choquer la Gauche. C’est cependant le prix à payer pour le passage dans le camp de la France insoumise.

Il ne s’agit par ailleurs pas d’une remarque dispersée, mais bien d’une approche générale ; en voici quelques exemples qui ont dits pendant le week-end de fondation :

« La politique de dumping, de casse sociale et la désindustrialisation en France et la politique « austéritaire » Bruxelloise sont les deux faces du même euro. »

« Le traité franco-allemand, c’est Merkel qui dit à Macron : « Donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure. » »

Dans un même ordre d’idée, les gilets jaunes sont considérés comme quelque chose non seulement de très bien, mais même de nouveau. On l’a deviné, c’est le prétexte employé pour passer sur la ligne « populiste » de La France Insoumise. Gael Brustier a pour sa part considéré que « les gilets jaunes donnent une opportunité incroyable pour la gauche telle qu’elle n’en avait jamais eu depuis trois décennies » et Marion Beauvalet a expliqué que ce qui est intéressant c’est que c’est « un mouvement au-delà des clivages gauche/droite [qui] oppose le peuple et l’élite ».

> Lire également : Emmanuel Maurel et le mouvement ouvrier

On remarquera l’incohérence qu’il y a à parler de gauche d’un côté, de dépassement du clivage droite/gauche de l’autre, mais on devine que jeu de va et vient entre affirmation de la gauche et populisme va être incessant pour la Gauche républicaine et socialiste. Ce n’est qu’un début et on voit mal comment il va être continué à parler de Front populaire alors que La France insoumise a coupé les ponts avec l’histoire de la Gauche.

Emmanuel Maurel a pour sa part affirmé au sujet des gilets jaunes que :

« Il y a trop d’ambiguïté d’une partie de la gauche sur les gilets jaunes. Nous les soutenons ! »

Ce soutien est donc à ajouter à celui, tout récent, de la CGT, alors que pareillement l’ultra-gauche est désormais dithyrambique au sujet des gilets jaunes. Il y a là une véritable orientation nouvelle, résolument populiste ; on a d’ailleurs droit la semaine dernière à Marie-Noëlle Lienemann expliquant que l’émission de Cyrille Hanouna avait été quelque chose de positif au résultat conforme aux idées de gauche.

La base de la Gauche républicaine et socialiste est-elle d’accord avec tout cela ? Dans tous les cas elle va devoir s’y habituer, ou bien revenir dans le giron de la Gauche historique, qui reste à recomposer. Elle compte surtout sur son nombre, 2 538 personnes sont annoncées comme ayant participé au vote pour le choix du nom, pour pouvoir à un moment faire pencher la balance.

Le problème est que déjà que la rupture avec le Parti socialiste s’est déroulée de manière non démocratique, quoiqu’on pense du parti socialiste, aller rejoindre La France insoumise c’est franchement se lancer dans l’aventure.

On devine au fond qu’il est espéré que la formation de Jean-Luc Mélenchon n’est qu’une étape vers quelque chose de nouveau. Mais outre que c’est là du machiavélisme, que c’est là jouer avec le feu, comment espérer que la négation de la Gauche puisse aboutir à son renforcement ?

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L’appel de L’APRÈS d’Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann

Après avoir quitté le Parti Socialiste, Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann lancent un nouveau parti dénommé APRÈS, qui signifie Alternative pour un Programme Républicain, Écologiste & Socialiste. Ils ont publié un appel afin d’inviter à les rejoindre.

Appel de l'APRES

Le nom APRÈS et l’appel qui y est afférent montre cependant les grandes limites de leur démarche. Normalement, le socialisme est un terme général qui englobe tout le projet politico-culturel de la Gauche. Ainsi, l’écologie ne doit être qu’un aspect inhérent au programme, tout comme peut l’être la question républicaine si l’on souhaite raisonner en ces termes.

En mettant sur le même plan les notions de « Républicain », « Écologiste » avec celle de «  Socialiste », l’APRÈS fait une grande erreur. Elle dénature totalement le projet Socialiste pour en faire une sorte de synonyme de « politique sociale envers les classes populaires ».

Il n’y a d’ailleurs dans cet appel pas de véritable projet, mais une vague proposition qui se contente de dire « changer la vie » pour montrer la filiation à François Mitterrand en imaginant que cela suffise.

On l’aura compris, il ne s’agit pas d’une nouvelle organisation visant à changer le monde mais d’un rassemblement politique avec des vues électorales, et d’abord les prochaines Européennes. Cela était évident déjà vu la façon dont Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann ont quitté leur propre organisation le Parti Socialiste, en plein vote interne afin de la torpiller puisque leurs positions n’allaient pas être adoptées.

> Lire également : Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann torpillent le Parti Socialiste

Mais franchement, quel sens cela a-t-il de jouer les vierges effarouchées par la désillusion de François Hollande, tout en disant que « depuis 25 ans, la social-démocratie européenne a peu à peu cédé devant le Libéralisme » ?

Pourquoi se réveiller maintenant à l’automne 2018, si ce n’est parce que c’est suffisamment tôt mais pas trop tôt non plus pour faire une alliance électorale à Gauche pour les Européennes ? Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann sont tous deux déjà députés européens et risqueraient de perdre leur mandat avec la déroute prévisible au PS, ceci expliquant certainement cela.

> Lire également : Emmanuel Maurel et le mouvement ouvrier

Le contenu proposé n’est qu’un keynésianisme intéressé par les questions industrielles, mais ne relevant pas du mouvement ouvrier. C’est une organisation de Gauche de plus, appelant à l’unité certes, mais n’apportant rien de nouveau ni de vraiment concret qui justifierait la démarche autrement que sur le plan électoral.

Voici leur appel :

ap-res.fr/appeldelapres/

Appel de l’Alternative pour un Programme Républicain, Écologiste & Socialiste

Nous nous sommes engagés parce que nous voulions une société plus juste, une société plus libre, une société plus démocratique, parce que nous voulions agir pour améliorer la vie de nos concitoyens, au plus près d’eux évidemment, mais aussi plus largement porter des réformes qui mettent en œuvre un idéal révolutionnaire – Liberté, Égalité, Fraternité – pour changer la vie. Longtemps, il nous est apparu que le PS était le parti capable de transformer le réel dans ce sens. Nous constatons comme beaucoup d’autres avec tristesse et regret qu’il a cessé de l’être.

Depuis 25 ans, la social-démocratie européenne a peu à peu cédé devant le Libéralisme cessant de résister devant les multinationales et les intérêts privés des groupes financiers. Pendant quelques années, le socialisme français a semblé moins atteint par la dérive néolibérale initiée par Tony Blair. Las, le mandat de François Hollande a démontré qu’au pouvoir les dirigeants du PS avaient eux aussi abdiqué. On connaît les conséquences : des réussites ténues, mais une politique injuste socialement, inefficace économiquement, des écarts avec nos valeurs républicaines, une incompréhension puis un rejet par nos concitoyens, par le peuple de gauche. Nombre de dirigeants « socialistes » étaient prêts en 2017 à vendre leur âme pour un soutien du nouveau Président.

On aurait pu imaginer que le PS apprendrait de la double déroute présidentielle et législative : il n’en est rien… aucun bilan du quinquennat, aucune vision politique, l’inertie règne rendant incapable de parler au reste de la gauche et au mouvement social ou d’être entendus par les Français. La « Renaissance » promise aux militants ressemble à une glaciation.

Alors que la majorité de la social-démocratie européenne se montre au mieux ambigüe, au pire complaisante, envers le néo-libéralisme, les dirigeants nationaux du PS ont annoncé qu’ils se plieraient à ses choix pour son programme électoral et son candidat à la présidence de la Commission européenne. Ils refusent l’idée même de proposer à la gauche française de s’unir aux élections européennes, alors que la raison et l’urgence le commandent. Les mêmes logiques produiront les mêmes effets : compromissions avec les droites européennes et des promesses qui n’engagent donc que ceux qui y croient… la crédibilité s’efface devant la duplicité.

Nous, femmes et hommes de gauche, nous nous organisons pour que cela change.

Pour nous, la République, l’écologie et le socialisme sont une seule et même chose : la défense du bien commun.

Redonner force à la règle commune contre l’individualisme, protéger notre unique planète contre le productivisme, investir dans les moyens publics d’émancipation contre le libéralisme, tel est le programme. Comme toujours à gauche, il sera débattu et enrichi par tous ceux qui nous rejoindront autour de nos valeurs et de nos buts.

Il n’y a plus de temps à perdre dans la compromission désolée et la morne survie de chacun dans son coin. La résignation est une défaite, l’espoir est une première victoire.

Il est à nouveau temps de parler d’avenir.
Maintenant, c’est A.P.R.É.S !