Catégories
Écologie

L’épidémie de grippe aviaire, une énième crise dans la crise

Alors que les industriels du foie gras diffusaient massivement des spots publicitaires lors des dernières fêtes de fin d’année, les premiers cas de grippe aviaire ont été détectés au début du mois de décembre dans un élevage de canards des Landes. On assiste depuis à l’abattage massif de tous les animaux de l’élevage.

L’influenza aviaire est une maladie qui touche principalement les oiseaux, qu’ils soient d’élevage ou sauvages bien qu’elle soit plus mortelle chez les oiseaux d’élevage. Le virus peut se propager par les sécrétions respiratoires ou les déjections, et peut survivre longtemps à des températures basses.

La souche H5N8 qui circule actuellement en France et en Europe est une souche extrêmement contagieuse et elle est classée comme hautement pathogène, avec les 32 millions de canards élevés en France, la situation est plus que tendue.

Dans ces conditions, il était inévitable que la situation vire au drame pour les oiseaux d’élevage. Depuis début décembre, des foyers d’infections ont été détectés dans plus d’une centaine d’élevages de canards et d’oies en France. La maladie se développe d’ailleurs de manière exponentielle, le nombre de foyers ayant doublé en une semaine malgré les mesures mises en place.

Lorsqu’on sait que la « production » de « foie gras » consiste en un gavage forcée en à peine deux semaines, on ne peut malheureusement pas être étonné de l’horrible gestion de la situation par les principaux acteurs de ce secteur.

En effet, la solution proposée par Hervé Dupouy, président de la section palmipède de la FNSEA des landes, est de faire un « vide sanitaire » dans les élevages, c’est-à-dire qu’il propose d’abattre tous les animaux des élevages contaminés, puis de laisser les lieux sans animaux durant 2 mois.

Une solution que Marie-Pierre Pé, la directrice du comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (CIFOG), ainsi que le ministre de l’agriculture Julien Denormandie approuvent, ce dernier parlant même de « dépeuplement massif inéluctable ». C’est dire comment l’État est dépassé par une situation qui a pourrie…

Et comment ne pas le voir alors que depuis le 20 décembre ce sont déjà 400 000 animaux qui on été tués, et plusieurs centaine de milliers d’autre qui vont l’être dans les jours à venir avec d’ores et déjà la réquisition d’abattoirs par le gouvernement.

Quand on constate que les oiseaux sauvages ont peu de chance de développer une forme grave de la maladie, contrairement aux oiseaux d’élevage, on ne peut que se rendre à l’évidence de l’enfer que nous faisons vivre à ces animaux uniquement pour alimenter ce si puissant secteur du capitalisme français dont l’humanité pourrait largement se passer au XXIe siècle.

Rappelons ici simplement que la France est tout à la fois premier producteur et premier consommateur mondial de foie gras, avec trois groupes qui monopolisent le secteur, soit Euralis Gastronomie et ses 700 éleveurs, Maïsadour avec sa marque Delpeyrat, Luc Berri avec Labeyrie, pour une production qui se fait généralement dans le sud-ouest.

Avec entre 10 à 20 000 tonnes de foie gras produits par an, représentant plus de 20 millions d’oiseaux gavés, principalement des canards mais aussi des oies, la France est loin devant la Hongrie, la Bulgarie, les États-Unis, le Canada, et même la Chine…

Cette situation ne peut que nous faire penser ici aux visons qui ont été abattu par millions à l’automne 2020, considérés comme le vecteur de propagation du coronavirus. Finalement, le secteur du foie gras est à la France ce qu’est le secteur de la fourrure de visons au Danemark, et ici comme là-bas c’est toujours la même brutalité comptable infâme qui s’abat.

À chaque fois le choix est fait d’abattre les animaux sans aucune considération de leur existence, sans que le mode d’organisation de l’humanité ne soit remis en question, alors même qu’il est à la base de ce drame écologique. Pour cela, il faut se heurter à toute l’idéologie française du terroir et des paysages, et savamment entretenue par l’agrobusiness.

Alors que l’humanité est empêtrée dans l’épidémie de COVID-19 engendrée par un rapport dénaturé à l’ensemble de la biosphère, la crise de la grippe aviaire dans le sud-ouest est une énième crise dans la crise…. Tout cela doit changer. Inéluctablement, un mouvement populaire sensiblement tourner vers l’avenir va, et doit émerger pour en finir avec ces atrocités envers la vie.

Catégories
Politique

La question animale à l’exemple d’une critique des «abus»

C’est un exemple parlant du fait qu’en ce qui concerne la question animale, on ne peut pas faire semblant. La question a trop d’ampleur, de dignité, de profondeur pour l’aborder « en passant », comme si de rien n’était.

C’est une brève de Lutte Ouvrière, mais il ne s’agit pas de critiquer cette organisation, qui a eu au moins le mérite de chercher à prendre une position sur la question animale (Cause animale, véganisme et antispécisme), même si c’est finalement dans un registre anti-vegan traditionnel.

La voici :

« Élevage de canards dans le Sud-Ouest: Silence dans les rangs

L’association L214 a publié des images d’un élevage de canards dans les Pyrénées-Atlantiques, les animaux baignant dans leurs excréments et des cadavres en décomposition. C’est un ancien salarié qui a donné l’alerte et dénoncé les risques sanitaires pour les travailleurs et pour l’environnement, les excréments se déversant dans un cours d’eau.

Cet élevage avait pourtant reçu la visite de vétérinaires, qui n’y ont rien trouvé à redire ! Une responsable de l’association dénonce la collusion entre certains syndicats agricoles et les pouvoirs publics.

Les patrons de ces élevages-taudis voudraient pouvoir imposer le silence aux travailleurs. Ce sont eux, comme on peut le constater cette fois encore, qui sont les mieux placés pour dénoncer les abus. »

Il n’est pas difficile de comprendre le sens de cette brève. L’idée est simple : si vous cherchez à défendre les animaux, appuyez-vous sur les travailleurs, qui seuls ne dépendent pas des intérêts capitalistes : les patrons, eux, sont prêts à tout. Lutte Ouvrière cherche à happer des pro-animaux dans sa direction.

Sauf que Lutte Ouvrière n’a pas compris que pour les pro-animaux, il ne s’agit pas d’abus, mais de choses inacceptables. En ce qui concerne cet élevage de canards, c’est comme si Lutte Ouvrière disait : les ouvriers des centrales sont les meilleurs alliés des anti-nucléaires, les bouchers les meilleurs alliés des vegans, les militaires professionnels les meilleurs alliés des anti-militaristes, etc.

Et c’est là une question fondamentale : s’agit-il de reprendre la production capitaliste en l’améliorant, en la changeant, ou de modifier fondamentalement la production en s’appuyant sur le niveau déjà atteint en termes de technologie, d’industries, etc. ?

Autrement dit, s’agit-il de nationaliser, socialiser les boucheries, les centrales atomiques, la production de 4×4, les McDonald’s, les Kebab… ou bien de les supprimer ? Le socialisme est-il, finalement, le triomphe politique du syndicalisme général, qui s’approprie les entreprises, ou bien le socialisme est-il l’acte d’une classe et non des ouvriers pris séparément, décidant d’orientations nouvelles, d’une direction nouvelle pour la société ?

Lutte Ouvrière n’a jamais considéré qu’il fallait « révolutionner » la vie quotidienne, c’est donc normal que pour elle un élevage de canards ne peut connaître que des « abus » et non pas être une infamie. C’est pour cette raison que Lutte Ouvrière, dans les années 1970, n’a pas réussi sa fusion avec la Ligue Communiste Révolutionnaire, qui elle prônait la révolution dans la vie quotidienne, mais est passé finalement dans une démarche libérale-libertaire, dont le Nouveau Parti Anticapitaliste est le fruit.

Cette polarisation au sein du mouvement trotskiste au sujet de la question de la vie quotidienne se retrouvait également durant les années 1960 chez les marxistes-léninistes, avec un PCF conservateur et des maoïstes adeptes de la révolution culturelle.

La question animale ramène ce clivage, forcément. C’est d’ailleurs pour cela qu’Eric Dupont-Moretti, le ministre de la Justice pro-chasse, a pu être invité aux journées d’été d’EELV : jamais des gens alternatifs culturellement ne l’auraient fait. EELV a pu le faire, car elle n’est pas pour une révolution de la vie quotidienne.

C’est cela même la question de fond de ce qui se déroule en ce moment à l’arrière-plan, la fracture entre ceux qui veulent rester dans un certain cadre et ceux qui veulent rompre avec lui. La question animale apparaît ici comme l’aspect le plus flagrant, car le plus clivant, le plus net dans le traçage » des frontières.