Au-delà des questions de réforme et de révolution, le congrès de Tours c’est surtout le point de départ de l’introduction du marxisme en France.
Le marxisme, au début du XXe siècle, est considéré en France comme une philosophie allemande et si les socialistes français apprécient la critique économique du capitalisme, ils ne vont pas plus loin. Même après le congrès de Tours, les socialistes français devenus des communistes relevant de l’Internationale Communiste n’en ont pas grand chose à faire. Ils préfèrent Lénine en qui ils voient un type rentre-dedans et pragmatique, cherchant des moments décisifs.
Marx ? C’est bien, mais c’est surtout comme référence justifiant le socialisme. Lénine, c’est mieux, il y a un côté rentre-dedans, tout à fait conforme à un esprit socialiste français largement marqué par le syndicalisme révolutionnaire et ses actions coup de poing pour avancer vers la « grève générale ». D’ailleurs, Lénine était d’autant plus pratique que cela permettait aussi bien de se passer de Marx, avec l’idée que l’action remplaçait la théorie.
Le résultat ne se fit pas attendre, comme c’est bien connu : au congrès de Tours les socialistes sont pratiquement 180 000, en 1921 les communistes sont moins de 110 000, en 1923 ils ne sont plus que 55 000, et encore peut-on encore abaisser ces chiffres si l’on compte les gens réellement actifs. Et, surtout, les gens présents sont pratiquement tous nouveaux, tous jeunes.
L’Internationale Communiste a en effet fait comprendre aux socialistes français devenus communistes que désormais, il fallait passer au marxisme. Et il ne s’agissait pas d’un marxisme comme une inspiration, mais bien d’un dogme. On a coutume de dire que cela relève d’une « stalinisation » du marxisme, ce qui est une erreur grossière. Le marxisme était déjà un « dogme » dans la social-démocratie allemande, avec comme figure tutélaire Karl Kautsky. Ce dernier était considéré comme le successeur de Friedrich Engels, ce dernier étant considéré lui-même comme le successeur de Karl Marx.
C’est si vrai que Lénine, pour se légitimer, dut écrire un ouvrage intitulé « La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky ». Lénine ne dit pas le réformiste Kautsky, il dit le renégat, car pour lui Karl Kautsky c’était très bien. D’ailleurs, lorsque Lénine explique dans « Que faire ? » le principe de ce qui sera appelé la conception léniniste de l’organisation, il s’appuie directement sur Karl Kautsky.
Le congrès de Tours marqua ainsi une orientation vers le marxisme d’une partie de la Gauche française, avec les communistes. Ce n’est toutefois pas le seul effet du congrès de Tours.
De la même manière, les socialistes restés dans la « vieille maison » comme le formula Léon Blum se tournèrent vers la social-démocratie autrichienne, qui était incroyablement massive dans la ville de Vienne formant son bastion. Son dirigeant, Otto Bauer, était ni plus ni moins qu’un avatar de Karl Kautsky. C’est à Vienne que siégea l’Union des partis socialistes pour l’action internationale, fondée en 1921 et qualifiée par les communistes d’Internationale deux et demie, avec les socialistes français, suisses et espagnols, les sociaux-démocrates allemands et autrichiens, les travaillistes indépendants britanniques.
Cela fit que les socialistes français passèrent également sous l’influence du marxisme. Inconnu au début du siècle, le marxisme devient au début des années 1930 une vraie question de fond en France et cela encore plus au début des années 1950. Dans les années 1960 commença toutefois l’émergence d’une « seconde gauche » cherchant à modifier, dépasser ou réfuter le marxisme, avec Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, etc. Ce fut la grande période des « intellectuels », qui dans les faits contrecarraient le marxisme depuis les universités et le Quartier latin parisien.
Cette tendance fut même présente dans le PCF. Le philosophe « officiel », Roger Garaudy, chercha à dépasser le marxisme, tout comme l’économiste « officiel » Paul Boccara remplaça la notion d’impérialisme par celle de capitalisme monopoliste d’État. D’autres cherchent à « moderniser » l’interprétation de l’État, comme Nicos Poulantzas, ou bien l’idéologie marxiste, comme Louis Althusser. Cela prit du temps mais cela donna un post-marxisme dont le PCF se veut aujourd’hui le représentant.
Cela fait que dans les années 1980, le marxisme est déjà délaissé ; à partir des années 1990, il est ouvertement rejeté à peu près partout à Gauche. C’est alors le renouveau des anarchistes et des syndicalistes. Avec en quelque sorte un retour à la case départ si l’on prend le congrès de Tours comme référence. L’alternative étant : soit ce fut un formidable détour et le PCF une aventure, populaire certes, mais une aventure, soit il faut recommencer le processus d’affirmation du marxisme en France, contre l’esprit syndicaliste « révolté ».
En choisissant de demander à rejoindre l’Internationale Communiste, la majorité des socialistes français donnait naissance au Parti Communiste le 29 décembre 1920.
Au cinquième jour du congrès de Tours, il y a cent ans, se tenait le vote des socialistes français, autour d’une question essentielle à leurs yeux : fallait-il suivre l’appel de Lénine à mener une grande cassure dans les rangs des socialistes français ?
C’était un drame pour beaucoup, car la tradition socialiste française, c’était celle de la « synthèse » entre différentes tendances, allant des tenants de l’alliance avec les bourgeois éclairés aux partisans d’un anarchisme complet. Et au début de l’année 1920, les socialistes français avaient déjà refusé d’aborder en tant que tel la question. Cela les dérangeait, ils avaient toujours pensé être plus efficaces, plus honnêtes, en acceptant tout le monde.
Impossible pourtant à la fin de l’année 1920 de continuer à faire comme si la Russie soviétique n’existait pas, alors que toute l’Europe centrale a déjà connu l’ouragan révolutionnaire, que le capitalisme est instable dans toute une série de pays européens, que la pression continue de monter en France. Alors le soir du 29 décembre, le vote des délégués est très clair, les 3/4 votant pour l’adhésion du Parti socialiste Section Française de l’Internationale Ouvrière à l’Internationale Communiste.
C’était un choix romantique. Des socialistes prônant l’adhésion à l’Internationale Communiste, il ne restera très vite pratiquement personne. Ils partiront ou seront éjectés dans les quelques années suivantes. Ce sont des jeunes qui vont faire vivre ce qui est désormais un « Parti Communiste », aligné sur les choix réalisés par l’Internationale Communiste. Ce sont des jeunes ouvriers du Nord, comme Maurice Thorez, né en 1900. Il deviendra ensuite le dirigeant du Parti Communiste, à l’âge de trente ans.
Ce sont surtout des jeunes ouvriers parisiens qui feront le coup de poing avec l’extrême-Droite dans les années 1930, provoquant la rébellion antifasciste de 1934 qui donne naissance au Front populaire. Au milieu des années 1930, la région parisienne forme la moitié du contingent du Parti Communiste.
Cette question du romantisme est très importante, car le Parti Communiste est en France avant tout une passion, et une passion localisée. Elle n’a pas touché tout le pays, elle n’a pas réussi à s’ancrer dans l’Histoire française. Il y a des lieux où le Parti Communiste a été un formidable lieu de socialisation. Mais il a été comme parallèle à la société française, qui a continué son chemin sans lui.
Contrairement à d’autres pays où le niveau culturel était élevé, avec ainsi une culture façonnant la société au moins en partie, les communistes ont en France toujours considéré que le communisme c’était avant tout un élan, le Parti Communiste une sorte de syndicat, mais politique. Et cette conception doit beaucoup au congrès de Tours de décembre 1920.
Le congrès de Tours de 1920 est donc un événement marquant, mais s’il fut sincère, il reflète une problématique de fond qui est la difficulté de la Gauche en France à dépasser une conception minoritaire et syndicaliste/électoraliste de l’action politique. Encore faut-il d’ailleurs souligner qu’il ne s’agit pas tant de politique que de culture. La Gauche française aime à se précipiter, à être dans le feu de l’action, et pour cette raison le monde entier la regarde souvent. Mais hors ces actions, il y a une incapacité à prolonger le tir, à ancrer une culture, à établir des perspectives.
Tout le mal de la Gauche française se lit bien dans le congrès de Tours de 1920, avec son élan sincère mais volontariste.
Quelques articles nouveaux pour le centenaire du congrès de Tours marquant la fondation du PCF.
Voici quelques (nouveaux) documents intéressants pour contribuer aux connaissances sur le congrès de Tours de 1920, sur la question des socialistes et des communistes.
La ville de Tours présente une exposition virtuelle sur sa situation au moment du congrès. Plutôt bien faite, l’exposition permet d’avoir un aperçu sur le contexte du congrès, ainsi que en un certain sens sur la France de l’époque.
La chaîne de télévision Public Sénat, qui dépend du Sénat français, a publié un documentaire très sérieux, même si évidemment limité, présentant le sens du congrès de Tours.
La Fondation Jean Jaurès a mis en ligne une vidéo de débat présentant l’intérêt de relire Léon Blum cent ans après le congrès de Tours. Il faut se rappeler ici que Léon Blum jouait un rôle très secondaire chez les socialistes avant le congrès de Tours. En devenant l’opposant le plus acharné de l’Internationale Communiste, il est apparu au premier plan. Ses propos tenus au congrès, consistant en une défense des traditions socialistes – absence de centralisation, droit de tendance, direction reflétant les tendances – forment littéralement le catéchisme socialiste.
La Gauche républicaine et socialiste (GRS) a publié un article assez dense intitulé 100 ans de Parti Communiste Français. La GRS est notamment composée des ex-socialistes faisant le choix de s’orienter par rapport à La France insoumise. L’article résume le congrès de Tours en prenant partie pour Léon Blum, tout en réfutant une position anti-PCF, dans l’esprit du programme commun et de François Mitterrand. Il est appelé à une fusion des communistes avec la Gauche républicaine au nom de la disparition du « soviétisme ».
Le Monde Diplomatique a publié un article sur « l’essor et déclin du communisme français ». Cette revue exprime le point de vue de l’altermondialisme et l’article explique que le communisme a surtout été un mouvement populaire, qu’il a encore de nombreux restes, notamment au niveau des municipalités. C’est donc une force à prendre en compte.
L’auteur de l’article du Monde Diplomatique est interviewé à ce sujet par Solidaire, l’organe du Parti du Travail de Belgique. C’est un sociologue, publiant un ouvrage sur le centenaire du PCF ; son regard se veut neutre et objectif afin de présenter des faits. On n’y cherchera donc pas un point de vue relevant du mouvement ouvrier.
Militant, un réseau actif dans La France insoumise, a mis en ligne un mémoire de maîtrise donnant la version trotskiste de la naissance des pro-IIIe Internationale dans les rangs socialistes. Cela exprime la nostalgie sur le fait que les syndicalistes et les trotskistes ne soient pas arrivés à prendre le contrôle du jeune Parti Communiste.
=> le mémoire de maîtrise portant sur « Le Comité de la 3ème Internationale et les débuts du PC français (1919-1936) »
Le rassemblement communiste, avec différents groupes dont la coordination communiste 59/62 issue du PCF des années 1990, a publié une vidéo avec des interventions cherchant à tracer un bilan du PCF à l’occasion du centenaire du congrès de Tours. C’est la combativité sociale qui est soulignée, avec sincérité mais de manière artisanale (les gens s’allongeant sur un canapé à l’arrière-plan, tout de même!).
Le Pôle de Renaissance Communiste en France a publié un court texte, accompagné d’une vidéo, appelant à la reconstitution du Parti Communiste en France. C’est là quelque chose de nouveau, car normalement le PRCF a comme position concernant le PCF d’être un pied dedans un pied dehors. On a là une affirmation très forte, qui se voit associée une proposition d’une candidature à la présidentielle de 2022. Le PRCF entend se présenter comme le parti (patriotique) du combat de classe et considère que le moment est arrivé pour se poser comme la véritable rupture avec le réformisme, le révisionnisme, le gauchisme, etc.
Le PCF (marxiste-léniniste-maoïste) publie une série d’articles sur la nature du Parti Communiste, ainsi que les dossiers sur le congrès de Tours. On retrouve à l’arrière-plan la conception selon laquelle les communistes français n’ont pas été à la hauteur sur le plan idéologique et culturel. Il ne s’agit pas simplement de lutter ou de refuser le réformisme, tout est une question de vision du monde, qui doit être matérialiste dialectique, matérialiste historique (avec donc Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong).
Le Parti Communiste Révolutionnaire de France a publié un court article saluant la fondation du Parti Communiste en 1920, faisant référence à des extraits d’interventions au congrès de Tours en faveur de la transformation du Parti socialiste.
=> le court article avec le pdf contenant les extraits
Les Jeunesses Communistes du Bas-Rhin, des Bouches-du-Rhône et de Lyon ont réalisé une déclaration commune, appelant à s’opposer au reniement, voyant en la période 1989/1991 un mauvais tournant.
Le texte « un sacré bout de chemin » trace le bilan du PCF pour son cinquantenaire en 1970 et annonce les perspectives à espérer alors.
Le PCF a publié en 1970 une petite brochure à l’occasion de son cinquantenaire. Intitulée « un sacré bout de chemin… », elle contient un petit historique se concluant par un texte présentant le PCF en 1970, avec ses perspectives. Voici cette partie, qu’il est intéressant de voir depuis décembre 2020, cinquante ans après. Surtout que ce texte de conclusion s’intitule « le but si proche ».
La brochure a été publié comme supplément aux « Cahiers du communisme » de novembre 1970 et sa rédaction par le comité central a eu comme principal acteur Rober Lechêne. Né en 1927, celui-ci a rejoint le PCF en 1946, devenant un des principaux cadres de sa presse. Il fut notamment le rédacteur de la revue Nous les Garçons et les Filles, une sorte de tentative populiste de se tourner vers la jeunesse en gommant toute identité à la jeunesse communiste.
Le 25 décembre 1920 s’ouvrait le congrès de Tours, où la majorité des socialistes donna naissance à la section française de l’Internationale communiste.
C’est du 25 au 30 décembre 1920 que les socialistes tinrent leur congrès – le 18e – où ils décidèrent en majorité d’adhérer à l’Internationale Communiste. Le Parti socialiste Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) devint ainsi la Section Française de l’Internationale Communiste, la SFIC. La minorité, avec notamment Léon Blum, reprit le nom de Parti socialiste Section Française de l’Internationale Ouvrière (surtout connu sous le nom de SFIO).
C’est un moment très important de l’histoire de la Gauche française, qui va alors littéralement se fracturer et ce même au niveau syndical. Avant le congrès de Tours, la Gauche française opposait les socialistes au camp des anarchistes et des syndicalistes révolutionnaires. Après le congrès de Tours, ce ne fut plus du tout la même chose ; on avait alors les communistes d’un côté, les socialistes de l’autre, avec les socialistes se tournant vers les radicaux, c’est-à-dire vers le centre.
Le centenaire de la naissance du PCF n’a pas provoqué beaucoup de productions, mais il y a des choses notables :
– le PCF a mis en place un compte facebook abordant le centenaire, avec quelques contenus, alors que des portraits artistiques de résistants ont été affichés à son siège place du Colonel Fabien à Paris et qu’une série de publications a été réalisée (le livre Cent ans de Parti communiste français, le numéro double “Cent ans d’histoire” et le numéro “Communisme” de la revue Cause commune, les catalogues d’exposition 100 ans d’histoire de France et du PCF sur les murs et Libres comme l’art) ;
– on mentionnera Fêter le centième anniversaire d’un parti, une interview de Guillaume Roubaud-Quashie, le directeur de la revue Cause commune, qui a organisé la célébration du centenaire pour le PCF ;
On notera qu’à part ces initiatives, on ne trouve rien, ce qui est pour le moins marquant. Même le réseau Action Novation Révolution, un courant du PCF tenant d’un retour à la ligne de Georges Marchais (et de l’économiste Paul Boccara), n’aborde pas le centenaire, pas plus d’ailleurs que la Coordination Communiste ou bien le Parti révolutionnaire Communistes, pourtant issu du PCF. Du côté trotskiste personne ne le fait non plus, ce qui est par contre logique, même si la Riposte se poste historiquement comme courant du PCF.
C’est que la question du centenaire révèle évidemment la question des traditions et du rapport à la notion de « Parti ».
Le PCF a mis en ligne un discours datant déjà de quelques jours et dont le contexte n’est pas présenté ; on comprend cependant que cela fait partie des initiatives à l’occasion du centenaire du congrès de Tours de 1920. On y trouve la vision du monde qu’a le PCF actuel, à travers la relecture de son passé. Le discours semble prononcé par Fabien Roussel, le secrétaire national.
» Discours du centenaire du PCF – jeudi 17 décembre 2020
Mesdames et Messieurs, Cher·e·s ami·e·s, Cher·e·s Camarades,
Nous voilà réunis pour célébrer les 100 ans d’existence du Parti communiste français.
A cause de la pandémie, du confinement, nous avons dû annuler de nombreux rendez-vous. Certains sont reportés en 2021.
D’autres sont maintenus, comme la superbe exposition d’affiches qui ont jalonné notre histoire, réalisée grâce au concours de la Fondation Gabriel-Péri, présidée par Alain Obadia et que vous découvrirez sur le net avec l’ensemble du programme.
Merci à Guillaume Roubaud-Quashie pour avoir piloté ces festivités.
Je remercie également, pour cet anniversaire exceptionnel, les membres de la direction du PCF présents en visio et ici physiquement en nombre restreint, Pierre Laurent, président du Conseil national, Marie-George Buffet, ancienne secrétaire nationale, les présidents de groupe à l’Assemblée nationale et au Sénat, André Chassaigne et Eliane Assassi, Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité, mes collègues parlementaires, les responsables nationaux des organisations de jeunesse, Léon Deffontaines, secrétaire national du MJCF, les membres du comité exécutif et ceux du conseil national.
Merci à vous et bienvenue à toutes celles et ceux qui nous rejoignent.
Il n’est pas commun de fêter l’anniversaire d’un parti. Encore moins quand il a 100 ans. Et, entre nous, ces 100 ans, on ne les fait pas !
Car en 2020 comme il y a cent ans, le communisme, c’est la jeunesse du monde. Et face au vieux système capitaliste, nous avons besoin d’idées nouvelles, radicalement nouvelles. Voilà pourquoi cette fête est celle d’un commencement.
Avec les yeux non pas tournés vers le passé, mais braqués sur le présent.
C’était déjà l’urgence du présent qui présidait le Congrès de Tours, quand le Parti communiste s’est créé sous la banderole « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ». Et c’est toujours d’actualité.
Après l’horreur de la Première Guerre mondiale, il s’agissait de garantir pour de bon la paix entre des peuples que l’impérialisme montait les uns contre les autres.
Il s’agissait de tourner la page d’un capitalisme broyant les vies humaines, celle d’enfants, de femmes, d’hommes qui mourraient au travail.
Cette ambition, portée par celles et ceux dont la guerre avait brisé les vies, elle est toujours la nôtre aujourd’hui, avec comme boussole l’intérêt populaire et l’utilité pour le plus grand nombre.
C’est ce qui n’a cessé d’animer ces centaines de milliers, ces millions de Françaises et de Français, d’étrangers, qui dans notre pays, ont décidé de rejoindre notre parti à travers ces cent années, ces hommes et ces femmes qui ont décidé d’organiser leur révolte, leurs rêves, leurs aspirations, pour proposer un projet d’espoir à notre pays et à son peuple, pour le faire entrer dans la vie.
C’est cette volonté de changer le cours du monde, d’être tout simplement utile qui hante encore le jeune Guy Môquet, lycéen de 17 ans, à la veille de son exécution, le 22 octobre 41 par les nazis, dans sa dernière lettre : « Ma petite maman chérie […] Je vais mourir. […] Certes, j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose. »
En 2020, nous retournant sur le siècle écoulé, nous pouvons en être sûrs : le combat des communistes sert à quelque chose.
Il a contribué à garder ouvertes les portes de l’avenir lorsque l’horizon paraissait bouché.
Il s’est engagé dans la Résistance, à l’image d’un Manouchian, d’un Rol Tanguy, d’une Martha Desrumeaux ou d’une Danielle Casanova et de tant d’autres.
Sans le PCF, le rassemblement de la gauche aurait-il vu le jour en des moments cruciaux ?
Y aurait-il eu le Front populaire et le programme du Conseil national de la Résistance ?
Oui, le Parti communiste est indissociable de grandes conquêtes telles que les congés payés en 1936 ou la Sécurité sociale en 45.
C’est le ministre CGTiste et communiste Ambroise Croizat qui crée notre système de retraite par répartition.
C’est le député communiste Fernand Grenier qui dépose le 24 mars 1944 l’amendement qui inscrit dans la loi le droit de vote des femmes. Nous avons été d’ailleurs le premier parti à présenter des femmes en position éligible, dès 1925, alors qu’elles n’avaient pas le droit de vote. Je pense aux 17 députées femmes communistes et à Marie-Claude Vaillant-Couturier parmi les 33 premières femmes députées en 1945.
C’est Etienne Fajon, autre député communiste, qui proposera en 1946 de graver dans le marbre de notre Constitution la laïcité.
Il faudrait aussi évoquer 1968 et le rôle majeur des communistes, au coté des syndicats et de la jeunesse dans les conquêtes sociales du printemps dont une hausse du SMIC de 35 %, et la conquête de nouveaux droits pour les salarié·e·s à l’entreprise !
Comment ne pas évoquer 1981 et la victoire de la gauche grâce au score de 15 % de Georges Marchais avec un projet ambitieux pour le monde du travail qui fit gagner la semaine de 39 heures, la retraite à 60 ans et de nombreuses nationalisations, notamment du secteur bancaire. Quelle erreur historique de ne pas avoir poursuivi ces réformes avec le tournant de la rigueur choisi par Mitterrand, en 83.
Notre honneur, hier comme aujourd’hui, c’est l’engagement des maires communistes, à la pointe du combat pour créer des logements sociaux de qualité ou des centre médicaux de santé, pour développer la culture et l’éducation populaire, pour favoriser la diversité et la mixité sociale, pour permettre à tous les enfants de partir en vacances, pour garantir à chaque citoyen les même droits.
Notre fierté, c’est encore de compter dans nos rangs, ou à nos côtés, les plus grands artistes et créateurs du XXe siècle, d’avoir pu bénéficier des audaces d’un Aragon ou d’un Jean Ferrat, d’un Picasso ou d’un Paul Éluard.
Ces liens avec le monde de la culture et de la création, nous continuons de les chérir, à l’image du travail remarquable de l’artiste C215 qui expose actuellement les visages des héros communistes de la Résistance, à l’extérieur de notre siège.
Quelle honte, aujourd’hui, de voir le gouvernement décréter, lorsque des mesures de restriction sanitaires s’imposent, que la culture n’est pas indispensable, alors que la France, c’est la culture, et la culture, c’est la vie.
Et c’est justement ce dont nous avons besoin, en ce moment plus qu’en tout autre !
Comment ne pas évoquer notre engagement internationaliste, pour la défenses des peuples et de leur droit à déterminer leurs propres choix : Oui, nous sommes fiers d’avoir été de ceux qui, très tôt, ont défendu la décolonisation, l’indépendance de l’Algérie, se sont engagés contre les guerres d’Indochine et du Vietnam ou pour mettre fin au terrible régime de l’apartheid en Afrique du Sud avec la libération de Nelson Mandela.
Quels souvenirs pour les militants de ma génération qui ont pu contribuer à sa libération.
Il n’y a avait pas beaucoup de monde à l’époque pour porter ces combats. Mais il y a beaucoup de monde aujourd’hui pour dire qu’ils étaient juste.
C’est d’ailleurs le même engagement que nous avons aujourd’hui pour demander la libération de Marwan Barghouti, le député palestinien enfermé dans les geôles israéliennes, ou pour mettre fin au blocus contre le peuple cubain.
C’est d’ailleurs aussi au nom du respect de la souveraineté des peuples que nous avons, dès 1979, décidé de nous engager contre cette Europe libérale, contre ces traités européens qui soumettent les peuples aux exigences des marchés financiers et bradent leur indépendance dans une soumission de plus en plus poussée à l’Alliance atlantique.
Nous avions gagné, là aussi, une belle victoire lors du référendum de 2005 contre le Traité constitutionnel. Mais tout de suite après, la droite et une partie de la gauche, choisissaient de trahir le choix du peuple en faisant voter ce traité au Parlement français. Encore une fois, seul les parlementaires communistes respectaient unanimement le choix majoritaire de nos concitoyens .
Ces trahisons d’une partie des forces politiques françaises ont largement contribué à détourner nos concitoyens de la politique, de la gauche.
100 après sa création, nous sommes encore une force incontournable dans tout le pays, une des premières avec nos 50 000 adhérentes et adhérents, nos 660 maires et nos milliers d’élu-es locaux, départementaux, régionaux, nos députés, sénateurs, sénatrices et cet engagement, cette présence, sur tout le territoire, dans les villes comme dans les villages.
Et vous pourriez bien être surpris par notre renforcement dans les années qui viennent.
Car jamais les inégalités, les injustices, les espoirs d’un monde de justice, de paix, de fraternité, écartant les menaces climatiques, préservant la planète, jamais ces colères et ces espoirs n’ont été aussi forts.
Oui, le communisme est d’actualité. Il est même, pensons-nous, la réponse pertinente à un système économique qui menace la civilisation humaine comme le climat.
Et c’est parce qu’il est, plus que jamais, le mouvement « de l’immense majorité au profit de l’immense majorité », ainsi que le définissaient Marx et Engels, que nous voulons nous projeter vers l’avenir.
Car tant que la pauvreté, les guerres, les inégalités, le racisme, ou les catastrophes climatiques marqueront les peuples, en les opposant, en les divisant, en les poussant à l’exode, nous serons là, toujours là, pour défendre les plus humbles, pour faire respecter la dignité de chaque individu, pour faire avancer l’émancipation humaine, pour défendre la Terre, l’air et la mer.
Regardez ce mois de décembre. Pour beaucoup, la pandémie impose des contraintes et des fêtes de fin d’année limitées.
Mais pour d’autres, pour des centaines de milliers de salariés, qui reçoivent leur lettre de licenciement en ce moment, pour tous ceux qui se battent en ce moment pour conserver leur emploi, Noël aura un gout amer. Je pense à ces familles de Bridgestone, Renault, Airbus, Danone, Cargill, Verallia, Vallourec, GE Belfort, Grid et tant d’autres !
Le visage du capitalisme, c’est celui-là, celui qui profite de la pandémie pour accélérer la désindustrialisation de la France.
Le visage du communisme, c’est celui de toutes ces hommes et de toutes ces femmes qui résistent, ceux des usines, comme ceux de la culture.
C’est celui du monde du travail qui a été en première ligne, ces soignants, ces enseignants, ces agents des services publics, ces livreurs, ces agriculteurs, ces commerçants, tous ces salariés qui travaillent dur et qui n’arrivent pas à vivre de leur travail !
Notre idéal de justice sociale est d’une criante actualité.
Et notre combativité est intacte pour conquérir, avec le monde du travail, de nouveaux droits, de nouvelles protections, de nouvelles conquêtes sociales.
En cette année 2020, nous portons l’objectif pour notre pays d’éradiquer le chômage et la pauvreté, de garantir à chacun un emploi, une formation, un salaire tout au long de sa vie.
Nous disons qu’il est indispensable pour cela de reprendre le pouvoir à la finance, de redevenir maîtres de nos choix, de retrouver notre souveraineté démocratique et industrielle.
Oui, notre combativité est intacte pour porter l’espoir d’un projet de société plus humaine, sociale, véritablement écologiste et pleinement féministe.
Ce 21e siècle a grand besoin de rupture et de nouveauté. Pour tourner enfin la page des dominations de toutes sortes, celle du capital, celles sexistes, racistes, homophobes qui subsistent encore.
Nous avons en nous, 100 ans après, cet ADN de la combativité, de l’indignation face aux inégalités, le même engagement honnête, sincère.
D’autant plus que l’humanité affronte une crise sanitaire sans précédent dans son histoire récente. Mais, comme trop souvent, ce sont encore une fois les peuples, les plus faibles, les premiers de corvée, le monde du travail comme celui de la création qui en paient le prix fort.
Le monde de la finance, des banques, des assurances, entend garder les manettes, endetter les peuples pour mieux les faire payer demain.
Avec eux, on passe rapidement du « quoi qu’il en coûte » à « il faudra payer ».
Ils repeignent en vert la façade de leur discours, mais nous savons bien que les logiques de rentabilité, de concurrence continueront d’épuiser les hommes, les femmes, comme les ressources naturelles.
C’est tout l’enjeu des mois et des années à venir.
C’est urgent. C’est incontournable.
Pour faire reculer les conflits, les guerres, les murs qui ont poussé 80 millions d’hommes et de femmes à l’exode en 2020, un chiffre jamais connu à ce jour selon le HCR.
Pour transformer en profondeur nos modes de production, nos modes de consommation, pour développer nos services publics, pour relocaliser notre industrie, toute notre industrie et produire ici ce que nous consommons ici.
Produire, créer, former, répondre aux besoins humain, protéger la planète, vivre et s’épanouir de son travail, n’est-ce pas là l’objectif qui doit tous nous unir, pour nous comme pour l’avenir de nos enfants ?
C’est le capitalisme qui a fait son temps. Une nouvelle ère doit s’ouvrir. Et le communisme est le nom de cet espoir pour l’humanité.
Car nous avons face à nous d’authentiques vieillards. Tous les Bernard Arnault, les Jeff Bezos et autres Bill Gates, ces nouveaux Harpagon assis sur leurs lingots et leurs cassettes qui écrasent les peuples.
Oui, dans nos veines de militants communistes coule un sang plus jeune que dans celles des actionnaires des Big Pharma qui entendent faire des profits sur un vaccin tant attendu quand nous, nous demandons à partager les brevets, les connaissances et à les proposer, à prix coutants, aux peuples du monde.
Oui, tous les élus communistes, dans les communes, dans les département et les régions, à l’Assemblée et au Sénat portent tous les jours la promesse d’une France fraternelle et solidaire quand grandissent les communautarismes et le repli sur soi.
Oui, nous entendons donner plus de pouvoir, plus de droits à tous ceux et toutes celles qui créent les richesses par leur travail, quand une minorité les accaparent.
Ce qui est urgent aujourd’hui, c’est de passer d’une civilisation de l’argent roi à une civilisation de l’humain et de la planète d’abord.
Alors, bon anniversaire à tous les peuples qui luttent pour leur indépendance, à tous les salariés qui espèrent vivre dignement de leur travail, à tous les militants associatif, syndicaux, politiques qui dans leur grande diversité s’engagent pour un monde d’égalité, de liberté, de fraternité et de tolérance.
Bon anniversaire aux communistes d’hier, à celles et ceux d’aujourd’hui…
…et à ceux de demain car, répétez-le autour de vous, nous avons besoin de chacune et de chacun, pour sortir enfin de ce monde à l’envers, pour ouvrir une nouvelle ère, celle de l’être humain et de son bonheur. «