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Marseille, une Gauche populaire, mais pas ouvrière

On a Paris la bourgeoise moderne, Lyon la bourgeoise traditionnelle. Mais où est la ville populaire, qui est le bastion de la Gauche historique ? Marseille échoue à chaque fois à se placer.

Marseille est indéniablement une ville marquée par la culture populaire et son caractère populaire. Cependant, la culture ouvrière y est finalement très faible, contrairement à d’autres villes de l’agglomération comme Martigues, Aubagne, etc.

D’ailleurs, le « Printemps marseillais » est obligé de le reconnaître. Dans les 32 pages de son programme, il n’y a qu’une seule fois le mot « ouvrier », et encore pour expliquer :

« Marseille est devenue une ville étudiante, comme toutes les grandes villes du monde. Il y a aujourd’hui plus d’étudiants (60 000) que d’ouvriers à Marseille. Effondrement de l’emploi industriel, certes, auquel nous ne nous résignerons pas. Mais aussi développement massif de l’enseignement supérieur, et c’est une immense chance. »

Aucune mention des ouvriers ou de la classe ouvrière ailleurs. Si les problématiques du programme son en général d’ordre démocratique et populaire, avec en priorité les questions des écoles et du logement, les travailleurs sont finalement très peu présents dans les préoccupations.

Nulle trace des animaux non plus dans ce programme, alors qu’on retrouve par contre la conception de type postmoderne, complètement étrangère à la Gauche, qu’est la revendication « LGBTI+ ».

C’est une véritable catastrophe, si l’on y regarde bien, car Marseille devrait être en première ligne pour l’affirmation de la Gauche. Au lieu de cela, elle apparaît comme fière et corrompue, brillante et créative, mais toujours à la traîne, incapable d’initiatives.

Marseille, c’est du consommable, en termes d’image, mais le contenu manque. Les grandes rumeurs de rachat de l’Olympique de Marseille par un consortium avec l’Arabie Saoudite en son cœur, afin d’en faire un club identitaire « méditerranéen », illustrent bien cet enjeu marseillais.

Marseille reste pourtant un espoir, d’ailleurs incontournable de par la surface de la ville, de par son importance, sa dynamique. Cependant, comment une Gauche réelle, sur une base historique, peut-elle s’y développer ? Il est évident que c’est par la morale, la morale la plus stricte, face aux mafias, face à la corruption, qui s’étend largement dans les syndicats d’ailleurs. Force Ouvrière est ainsi indissociable du système municipal depuis cinquante ans.

C’est de l’absence d’une telle Gauche qu’émerge une figure comme Samia Ghali. Rappelons ses propos dans La Provence en 2012 :

« Aujourd’hui, face aux engins de guerre utilisés par les réseaux, il n’y a que l’armée qui puisse intervenir. Pour désarmer les dealers d’abord. Et puis pour bloquer l’accès des quartiers aux clients, comme en temps de guerre, avec des barrages. Même si cela doit durer un an ou deux, il faut tenir. »

Son constat est réaliste, mais seul le peuple peut réaliser cela, l’armée telle qu’elle existe étant contre le peuple. Seulement, le peuple de Marseille est emprisonné lui-même dans la corruption et la décadence, dans une situation digne du Sud de l’Italie. Si cela continue, la ville va s’effondrer ! C’est cela qui explique la victoire du « Printemps marseillais », l’espoir qu’il peut susciter chez toute une partie de la population refusant cet effondrement, dont la catastrophe de la rue d’Aubagne a été un signe précurseur.

Mais cet espoir a besoin de moyens. Et comment faire alors qu’une crise dévastatrice se met en place ? Le « Printemps marseillais » n’aura pas le choix : il faudra basculer dans la Gauche historique, celle du mouvement ouvrier, pour trouver les ressources… ou bien se faire broyer.

> Lire également : Marseille: une victoire municipale attribuée à la Gauche, et beaucoup de questions pour l’avenir

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Politique

«violences policières»: seulement 1000 personnes au rassemblement «pour Lamine Dieng»

Le grand cinéma sur le prétendu racisme de la police et sa violence qui serait systématique a eu beaucoup d’échos dans le pays ces dernières semaines, mais tout cela est terminé. De 20 000 personnes aux rassemblements « pour Adama Traoré », on est passé à seulement 1000 personnes pour le rassemblement « pour Lamine Dieng » hier, alors qu’il s’agit de la même mouvance, avec la présence d’Assa Traoré elle-même.

Lamine Dieng aurait été victime de violences policières… en 2007. Cela n’a jamais intéressé personne, car ce n’est pas intéressant. La police intervenait cette nuit-là suite à une dispute dans un hôtel entre le jeune homme et une femme… qui eut alors plusieurs fractures, avec des traces de sang retrouvées dans l’hôtel et des témoins racontant une scène très violente.

La police explique que Lamine Dieng a été retrouvé se cachant sous une voiture devant l’hôtel et qu’il se débattait très violemment pendant son interpellation puis son transport dans le fourgon. L’autopsie révéla qu’il était sous l’emprise de cocaïne. Il est mort cette nuit-là dans le camion de la police et la famille a ensuite porté plainte pour « administration de coups mortels », expliquant que son maintien au sol l’avait tué et que cela constituait une violence policière.

Cette affaire a été particulièrement soutenue par toute une partie de l’ultra-gauche de l’est parisien, sur un mode anarchiste anti-État. D’ailleurs, le rassemblement d’hier était appelé à 13h12, ce qui n’est pas un hasard. En reprenant l’ordre des lettres de l’alphabet, les chiffres 1 3 1 2 signifient, « ACAB », ce slogan anti-police. Ce genre de « code » est une tradition à l’extrême-Droite, qui se sert par exemple du nombre 88 pour affirmer de manière masquée les lettres « HH », en référence au salut d’allégeance à Hitler.

L’ultra-Gauche « antifa » a repris ce genre de codes à son compte, sur fond de culture post-hooligan/post-skinhead, pour mélanger tout cela dans le 20e arrondissement de Paris à un style « quartier HLM ».

Tout ce petit monde ne représente pas grande chose et la vague qui l’a porté, avec les événements américains, s’est effondrée aussi vite qu’elle s’est formée. Les évènements de Dijon ayant ici probablement refroidi les hardeurs de certaines personnes s’imaginant la police ultra violente en banlieue… alors qu’en réalité elle est surtout ultra pas présente, et totalement désemparée.

Ce à quoi on assiste, c’est ni plus ni moins qu’à l’effondrement de l’État et de la société. Avec au milieux les policiers essayant de faire en sorte que la liquéfaction d’une civilisation ne déborde pas trop. Le capitalisme ne tient plus, la société ne tient plus, et seule la classe ouvrière peut amener un ordre nouveau.

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Politique

Déconfinement: la France est coupée en deux

Depuis la première phase du déconfinement le 11 mai, la France s’est littéralement coupée en deux. Non pas physiquement, mais culturellement. Deux attitudes se font face, ou plutôt se croisent et se toisent du regard. Il y a les gens responsables, prenant les précautions nécessaires en raison de la situation sanitaire et ceux qui n’en ont rien à faire.

Se rendre dans un supermarché cette semaine sans porter de masque, cela relève clairement de la provocation. Plus encore, c’est une affirmation, consistant à assumer le relativisme selon une conception des choses entièrement décadente.

Les masques sont dorénavant disponibles, beaucoup de collectivités territoriales en ont distribué, des couturières en font dans les familles, de nombreuses pharmacies et certains magasins en vendent. On a eu des semaines de débat sur l’incapacité du gouvernement à en fournir alors qu’il en aurait fallu massivement. Personne ne peut maintenant ignorer l’intérêt du masque, non pas pour soi directement, mais comme mesure barrière collective. Mais c’est justement parce qu’il s’agit d’une mesure collective, demandant une grande conscience sociale, que cela est difficile pour les esprits décadents pétris d’individualisme.

Penser non pas seulement à soi-même, à son petit confort personnel, mais à la collectivité et en particulier aux personnes fragiles, cela demande un haut niveau culturel. Ce niveau culturel, il apparaît de plus en plus clairement que la bourgeoisie ne l’a plus, ou presque plus, alors qu’il est très généralisé dans les classes populaires et en particulier chez les prolétaires.

Pour les bourgeois, les petits-bourgeois, les ouvriers corrompus, les lumpens, porter un masque en faisant ses courses, cela est de trop. Pour les prolétaires et les gens issus des milieux populaires, c’est considéré comme la moindre des choses depuis le 11 mai, en attendant d’être certain que la situation soit meilleure sur le plan sanitaire.

De la même manière, dans les familles populaires, pour les prolétaires, on ne va pas avec ses enfants traîner dans les magasins, il faut faire preuve de retenue dans la vie quotidienne, on limite encore drastiquement ses fréquentations, on se salue et se parle de loin, on porte un masque quand on est dans un milieu dense comme un centre-ville ou une galerie marchande, etc.

Inversement, les esprits faibles et lâches ont sauté sur l’occasion dès le 11 mai pour foncer dans les magasins ou à la plage, faire la fête entre amis à nombreux, se regrouper par poignées entières sur les pelouses des grandes villes, quitte à même se faire la bise pour les personnes les plus stupides.

On a ainsi en France un panorama spectaculaire où deux mondes cohabitent littéralement et se considèrent l’un l’autre de manière dédaigneuse. Bien malin d’ailleurs celui qui dira avec certitude lequel de ces deux mondes est le plus important numériquement.

Illustration dramatique de cette opposition : la valse des responsables de partis politiques à Matignon mercredi, pour une consultation concernant les municipales. Tous se présentent sans masque, alors même qu’ils sortent d’une voiture avec chauffeur, un espace particulièrement confiné où le masque est de rigueur. Tous ? Non, sauf Jordan Bardella, du Rassemblement national. Ce dernier a grandi dans une cité HLM de Seine-Saint-Denis, il vient d’un milieu populaire et on sait bien malheureusement à quel point le RN est presque le seul parti ayant une certaine assise populaire. Lors de cette réunion, le point de vue porté par Jordan Bardella était d’ailleurs simple : d’accord pour les élections municipales en juin, mais avec une protection FFP2 pour les assesseurs et un masque pour les électeurs.

De leur côté, Olivier Faure du PS, Julien Bayou d’EELV ou encore Alexis Corbière de la France insoumise, se sont présenté sans masque, de manière tout à fait décadente, complètement décalés par rapport au quotidien des classes populaires. Cela en dit long sur leur conception du monde, sur leurs valeurs, et en fin de compte, sur ce qu’ils représentent culturellement.

Ils ne valent ici pas mieux que le libéral Emmanuel Macron et son gouvernement débordé par la crise, incapable ne serait-ce que d’obliger le port du masque dans les grandes surfaces ou de véritablement faire respecter les interdictions de rassemblement.

Souhaitons vraiment que la circulation du virus se soit tarie depuis le 11 mai, notamment grâce à ceux respectant les règles sanitaires, et que tous les comportements irresponsables ne soient pas la cause d’une circulation massive du virus et d’une nouvelle vague de covid-19.

Il faudra en tous cas regarder avec une grande attention pour la période à venir l’existence de ces deux mondes, leur relation, leur évolution. La Gauche, la vraie Gauche, celle du mouvement ouvrier, qui porte la civilisation, ne pourra bien sûr exister que dans le camp des gens responsables, à la conscience collective aiguisée. Et il faudra alors mener la bataille contre l’individualisme et les comportements décadents portés par la bourgeoisie et le capitalisme s’effondrant.

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Société

Avec No Society, Christophe Guilluy fait le choix du populisme

Dans son dernier livre No Society, Christophe Guilluy prolonge sa fameuse réflexion sur « la France périphérique » en dénonçant la disparition de la « classe moyenne occidentale ». Si ses constats sont très souvent justes et pertinents, il fait le choix du populisme plutôt que de la Gauche.

Christophe Guilluy est célèbre pour avoir formulé à travers plusieurs ouvrages ce qu’il appelle « la France périphérique », c’est-à-dire le fait que les classes populaires françaises vivent en périphérie des grandes métropoles modernes et dynamiques.

Ce n’est pas une simple description du phénomène périurbain mais une analyse assez précise d’un certain nombre de territoires, aux abords de ces grandes métropoles mais aussi de petites et moyennes villes, ainsi que des zones rurales.

Au fur et à mesure de ses travaux, il a présenté un panorama social-culturel assez fin de la France populaire, avec un discours très critique à l’encontre de la bourgeoisie vivant au cœur de ces grandes métropoles, une quinzaine en France.

Pour autant, sa géographie, qui est en fait plutôt une sociologie de l’espace, avait un style tout à fait universitaire, avec une démarche propre aux milieux universitaires. Il ne se présentait pas avec un programme politique ou une approche idéologique, mais comme simplement un commentateur extérieur se voulant utile, empochant l’argent de ses livres au passage.

Il a pourtant eu originellement une approche de gauche, il s’était adressé à la Gauche à ses débuts. Sauf que ses travaux ne sont pas compatibles avec le post-modernisme et les théories post-industrielles qui ont gangrené la Gauche, au Parti Socialiste puis partout ailleurs.

Il s’est donc retrouvé isolé, pour finalement être apprécié surtout d’une partie des populistes, souvent issus de la Droite, qui voyaient en lui un moyen de s’adresser aux classes populaires.

Il est évident que Marine Le Pen aurait voulu faire de Christophe Guilluy un penseur de son mouvement, et qu’elle a largement profité de sa pensée, bien qu’elle n’a pas pu le faire suffisamment.

On aurait tort pour autant de reprocher cela à Christophe Guilluy alors que, d’une part, il s’est toujours différencié du Front National devenu Rassemblement National et que, d’autre part, c’est la Gauche elle-même qui a refusé de voir les évidences qu’il décrivait.

Cependant, on peut aisément penser qu’il est déjà trop tard pour la Gauche, que Christophe Guilluy lui a échappé pour de bon. Car avec No Society, dont le sous-titre est La fin de la classe moyenne occidentale, il assume maintenant des choix politiques et une orientation idéologique.

Sa pensée n’est pas d’extrême-droite mais correspond à un courant national-républicain assez précis, qui trouve aujourd’hui écho avec une figure comme Natacha Polony et le magazine Marianne qu’elle dirige dorénavant. Le propos de No Society était déjà présenté dans le détail à Natacha Polony lors d’une émission à l’issue des élections présidentielles de 2017, sur la chaîne Paris Première, qui est pour le coup tout à fait bourgeoise et métropolitaine.

Ce courant, à défaut d’être lui-même populiste, est en tous cas largement ouvert au populisme, et sert directement le populisme. Le discours du théoricien de la « France périphérique » à propos des classes moyennes illustre tout à fait cela. Les classes moyennes sont érigées en mythe pour regretter une France d’avant, qui serait un modèle.

« C’est la situation qui prévalait durant les Trente Glorieuses, période où la plupart des strates sociales de la société, de l’ouvrier au cadre supérieur, avaient le sentiment d’être intégrées et de bénéficier des grandes mutations économiques et sociales de l’époque. »

Le constat n’est bien sûr pas faux puisqu’une grande partie des classes populaires, dont la classe ouvrière, a fait le choix de l’intégration. On peut même dire que le phénomène de « France Périphérique » qu’il a décrit relève en grande partie d’une volonté subjective propre à ce mouvement d’intégration au capitalisme, par le biais de la maison individuelle avec jardin accompagnée de ses deux automobiles par foyer.

Autrement dit, les classes populaires et la classe ouvrière en particulier ne sont pas tant exclues du cœur des grandes métropoles qu’elles les ont elles-mêmes fuit, tout comme elles ont fuit le centre des petites et moyennes villes qui se sont alors dévitalisées. La critique par exemple de la « gentrification » d’anciens quartiers populaires urbains que font les sociologues est ainsi tout à fait partielle, puisque négligeant cet aspect essentiel qu’il n’y a eu aucune résistance populaire à ce phénomène.

Il en est de même pour ce qui est des quartiers de HLM, les cités, qui ont été quitté massivement par la classe ouvrière française dans les années 1980 et 1990 à mesure qu’arrivaient des populations immigrées, mais pas après l’arrivée de ces populations immigrées.

Dans sa substance, ce mouvement remonte même aux années 1960 et 1970, où les cités HLM n’ont été considérés comme modernes et satisfaisantes que par une petite partie de la classe ouvrière, la grande majorité faisait par contre le choix, ou projetant le choix de l’habitat individuel, avec jardin et automobiles.

Le problème de l’analyse que propose Christophe Guilluy, et c’est là qu’elle sert le populisme plutôt que la Gauche, est de soutenir cette intégration au capitalisme en souhaitant qu’elle aille encore plus loin, plutôt que de la critiquer. La Gauche, en tous cas dans son essence historique, n’a jamais souhaité un compromis de classe généralisé, mais seulement des statut-quo temporaires, devant à plus ou moins long terme mener au socialisme, c’est-à-dire au pouvoir de la classe ouvrière puis à la disparition des classes sociales.

La Gauche en France a très bien vu ce phénomène d’intégration au capitalisme par le repli en périphérie, qu’elle n’a pas apprécié ; il est évident que cette « classe moyenne » périphérique relève bien plus de l’aliénation que de l’émancipation.

Le panorama social-culturel qui en résulte, avec la télévision, les autoroutes et les centres commerciaux, est absolument désastreux. Cela signifie ni plus ni moins que la soumission complète au capitalisme, avec des rapports sociaux presque entièrement soumis aux grands groupes capitalistes et leurs franchises, organisant la vie des gens de bout en bout.

Cela va de pair avec une démarche insoutenable par rapport à la nature et aux rapports naturels, ainsi qu’une domination féroce des pays pauvres, ce que l’on appelle l’impérialisme.

Christophe Guilluy ne reconnaît d’ailleurs qu’un aspect de cette domination impérialiste, avec l’immigration. Mais cela ne suffit pas, car on ne peut pas évoquer ce phénomène de la classe moyenne occidentale, avec comme il l’explique les ouvriers et les employés portant l’american way of life ou l’european way of life, sans comprendre qu’il n’est permit que par une division du travail à l’échelle internationale provoquant elle-même la désintégration de ce modèle.

Critiquer la fermeture des usines en Europe ou aux États-Unis est insuffisant, et donc populiste, si ce n’est pas pour remettre en cause le mode de production lui-même. La fermeture des usines n’est pas un phénomène allant à l’encontre du way of life des classes moyennes mais en est précisément le produit. Autrement dit, jamais il n’aurait pu y avoir une telle intégration des classes populaires à la société de consommation sans le made in China, et c’est ce made in China qui en retour bouleverse le modèle économique qui l’a engendré.

Il est absurde de prétendre comme le fait Christophe Guilluy que Donald Trump ne serait qu’une expression du mouvement réel des classes populaires américaines, alors que c’est précisément l’inverse qui est vrai.

« Ce soft power des classes populaires, qui porte la vague populiste en contraignant politiques et médias à aborder des thématiques interdites, contribue à un retour au mouvement réel de la société, celui de la majorité. »

La propre du populisme est de ne faire qu’une critique en surface du capitalisme, sur des aspects partiels, en proposant le repli comme dynamique et la réaction comme expression culturelle. Donald Trump ne représente pas l’expression autonome des classes populaires, mais leur amertume, ou en tous cas l’amertume d’une partie d’entre elles face à leur prolétarisation ou leur ré-prolétarisation.

On ne peut qu’être d’accord avec Christophe Guilluy quand il explique que « les années 1980 seront marquées par l’émergence de Canal +, quintessence de l’idéologie libérale-libertaire dominante. »

Mais sa démarche ne sert que le populisme quand il critique le cosmopolitisme et l’inconsistance de cette bourgeoisie moderne et libérale des grandes métropoles sans critiquer la bourgeoisie en tant que telle, ni l’accumulation du capital en tant que telle.

Du point de vue des classes populaires, et surtout de l’intérêt objectif de la classe ouvrière, le richissime Donald Trump ne vaut pas mieux qu’Hillary Clinton. En l’occurrence, en France, on considère même au contraire que ce que représente Marine Le Pen amène à court terme une perspective pire que celle portée par Emmanuel Macron. C’est pour cela que la Gauche n’a pas hésité à voter contre Marine Le Pen au second tour des élections présidentielles en 2017.

Que la bourgeoisie moderne et libérale des grandes métropoles se serve de cela est une évidence, ce n’est pas nouveau. Mais l’inverse est encore plus vrai, la critique de l’antifascisme fait perdre beaucoup de temps aux classes populaires en embrouillant leurs conceptions.

Il est ainsi très grave d’écrire :

« Présenté comme « populiste » (lire « fasciste ») par les classes dominantes, ce mouvement, conduit par une majorité, est au contraire fondamentalement démocratique. »

La critique du fascisme, et donc du populisme, a été théorisé par la classe ouvrière elle-même, jamais par les classes dominantes qui ne font que s’en servir partiellement, et seulement pour une partie d’entre elles d’ailleurs. C’est par essence une critique populaire et démocratique, et certainement pas l’inverse. Le populisme est par contre un détournement réactionnaire de questions démocratiques, en prétendant représenter les classes populaires alors qu’il ne fait que les enfoncer dans des conceptions erronées et des valeurs arriérées.

L’horizon défendu dans No Society est ainsi absolument détestable quand on est à Gauche.

Ce qui est expliqué finalement, noir sur blanc, c’est que la bourgeoisie ne devrait plus s’isoler dans les « citadelles » que sont les grandes métropoles mais devraient tendre la main aux classes populaires, pour que tout continue comme avant.

La crise endémique du mode de production capitaliste est bien sûr niée, au profit d’une grande illusion quant à la possibilité d’intégration à long terme de la population au capitalisme.

S’il n’appelle pas directement à céder au populisme, le propos de Christophe Guilluy dans No Society ne sert en dernière analyse que la diffusion de celui-ci. Ce thème des classes moyennes est d’ailleurs un thème tout a fait classique du pré-fascisme en France, dont le populisme actuel n’est qu’une expression moderne.

Eric Zemmour ne dit de toutes façons, au fond, pas autre chose que lui et Natacha Polony à propos des classes moyennes et du regret d’une France d’avant, pacifiée et intégrée, sans lutte de classe, sans contestation de la bourgeoisie. Le populisme n’est, dans cette perspective, qu’un moyen de capter les classes populaires pour les dévier de leur intérêt propre.