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La démagogie «postcoloniale» d’Emmanuel Macron en Afrique de l’Ouest

Emmanuel Macron était en Côte d’Ivoire ce week-end. Il y a parlé de colonialisme comme étant une erreur et a annoncé la fin du Franc CFA… Mais ce qui intéresse surtout le Président français, c’est de parler « réconciliation » avec les chefs d’État d’Afrique de l’Ouest, afin de pérenniser les intérêts français dans la région malgré les contestations.

Dans un discours prononcé à Abidjan, Emmanuel Macron a parlé de colonialisme en disant que ce fut une « faute de la République ». Il en a fait des caisses, parlant de « vestige douloureux », de «faute morale», comme ce qu’il avait déjà fait en 2017 en Algérie en parlant de « crime contre l’humanité ».

On oublie tout et on ouvre une nouvelle page, une « nouvelle histoire commune » : voilà l’idée qu’a voulu faire passer celui qui se présente comme n’appartenant pas « à une génération qui a connu le colonialisme » (sous entendu, le colonialisme serait un problème résolu depuis longtemps).

Pour Emmanuel Macron le libéral, il est hors de question d’assumer que le colonialisme fait partie de tout un processus historique, avec de nombreux aspects, ayant emmené des nations comme la France où le capitalisme se développait, à coloniser des pans entiers de la planète.

On devrait se contenter de croire que la colonisation relèverait simplement d’un « choix », qui aurait été mauvais ; il ne s’agirait plus aujourd’hui que de faire un autre choix, tout simplement.

Toute personne ayant une véritable conscience de gauche ne croit évidemment pas en cette fable des « mauvais choix », qui relève du subjectivisme le plus décadent. Ce qui est vrai, c’est qu’il y a eu et qu’il y a encore le développement du capitalisme et que ce développement est inégal à travers le monde. Cela a conduit et conduit encore les plus puissants à maintenir la tête sous l’eau des moins développés, directement ou non.

Toute personne s’intéressant à l’Afrique sait très bien que ce continent a la tête maintenue sous l’eau par les grandes puissances, dont la France, qui empêchent son véritable développement, sa véritable éclosion. Les masses populaires africaines, et celles liées à l’Afrique de part leur histoire familiale, le savent elles-mêmes plus que n’importe qui d’autre.

L’immigration est d’ailleurs une des plus terribles manifestations de cela. Bien après les pseudo indépendances dans les années 1960, des pays comme la France ont procédé à un véritable pillage de forces vives africaines avec l’immigration, processus qui existe encore largement aujourd’hui.

Parallèlement à cela, une partie significative des élites africaines est pieds et poings liés aux grandes puissances comme la France. Le Président de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara, qui accueillait Emmanuel Macron et son discours de « réconciliation », est ainsi bien plus proche de la haute bourgeoisie française que du peuple ivoirien. Il a d’abord été marié à une Américaine, puisqu’il a étudié dans une grande université américaine avant d’entrer au FMI, puis s’est marié à une Française, qu’il a épousée à la mairie du très bourgeois XVIe arrondissement de Paris en 1991.

Ce qui intéresse c’est gens aujourd’hui, c’est la possibilité de faire du business. Alors il faut s’adapter. Le Franc CFA par exemple, qui signifie historiquement Franc des colonies françaises d’Afrique, est trop ouvertement lié à ce passé, alors il faut s’en débarrasser. Il n’ont d’ailleurs pas vraiment le choix, car les critiques sont nombreuses en Afrique de l’Ouest, alors que dans le même temps d’autres puissances comme la Chine y étendent leur influence.

Emmanuel Macron a donc annoncé :

« C’est en entendant votre jeunesse que j’ai voulu engager cette réforme. Le Franc CFA cristallise de nombreuses critiques et de nombreux débats sur la France en Afrique. J’ai entendu les critiques, je vois votre jeunesse qui nous reproche de continuer une relation qu’elle juge postcoloniale. Donc rompons les amarres ».

Il faut dire également que la France, cette grande puissance en déclin, n’a plus les moyen de son passé : le Franc CFA coûtait relativement cher à la Banque de France, ou en tous cas présentait un risque et obligeait à certaines responsabilités. Il va donc disparaître, au profit de l’« Éco », dont on ne sait cependant pas encore vraiment quand il existera.

La France perd une partie de son influence, ce qui était probablement inévitable, tout en gagnant un peu de souplesse par ailleurs. En organisant elle-même ce retrait, elle s’assure que cela se passe de manière le plus conforme possibles à ses intérêts, et pas à ceux d’une puissance concurrente comme la Chine, que le Président français a ouvertement critiqué.

La nouvelle monnaie, concernant le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, restera cependant indexé sur l’Euro et la France restera liée par accord pour délivrer des devises en Euros en cas de besoin.

Cette nouvelle monnaie doit donc servir de nouvelle base pour écrire « une nouvelle histoire commune », « décomplexée », dont il faut espérer selon le lyrique Emmanuel Macron, qu’elle devienne une « relation passionnée ».

Pour commencer cette nouvelle histoire « postcoloniale », Emmanuel Macron est donc venu passer Noël avec ses troupes militaires installées dans le pays, ce qui a été salué par le quotidien ivoirien Fraternité matin de la plus belle des manières :

« A cinq jours de la naissance de l’Emmanuel de la Bible, le président français porte bien son nom, Emmanuel Macron a apporté la douceur de la gaieté à ses troupes, loin des théâtres âpres de guerre »

Le Président français s’est également rendu à Bouaké, deuxième ville du pays, pour inaugurer les travaux du plus grand marché couvert d’Afrique de l’Ouest, devant rassembler 8 500 commerçants sur près de 9 hectares. C’est la France qui finance les 60 millions d’euros de travaux, mais ce n’est pas du « colonialisme ». C’est simplement un partenariat « décomplexé », évidemment.

C’est également sans complexe qu’il a signé des accords bilatéraux concernant notamment le chantier du métro d’Abidjan, parce que dit-il :

« je souhaite que les entreprises françaises restent des acteurs majeurs de cette croissance. Des acteurs heureux et harmonieux. »

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Un référendum en Nouvelle-Calédonie qui n’en était pas un

La Nouvelle-Calédonie a connu dimanche dernier un référendum sur l’indépendance : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ».

Nouvelle Calédonie

Tout au moins en apparence. En réalité, tout était joué à la base même. Le colonialisme français en Nouvelle-Calédonie, à 16 000 km de la métropole, a bloqué toute perspective, afin de conserver le territoire, les zones réservées dans l’océan (1,4 million de kilomètres carrés de zone exclusive), ainsi que les 25 % des réserves mondiales de nickel.

En effet, les Kanaks ne sont plus qu’une minorité sur l’île, ils ont voté en masse pour l’indépendance, mais ils plafonnent à 43,6  %, ils sont bloqués par la majorité d’origine européenne, mais aussi wallisienne et tahitienne, ainsi qu’asiatique.

De plus tout le monde sait bien que dans le cas d’une indépendance, la situation est telle que le pays nouveau basculerait immédiatement sous la coupe de la Chine ou de l’Australie. Il y a des revendications anti-coloniales, mais aucune dynamique démocratique réelle, pour ne pas parler de dynamique pour le socialisme.

L’indépendance de la Nouvelle-Calédonie n’apparaît donc que comme une aventure que, logiquement, dans tous les cas, la majorité ne veut pas essayer. Et en proposant l’indépendance telle quelle, les dirigeants kanaks ne font que servir l’inscription toujours plus prononcée de la Nouvelle-Calédonie dans la France.

Les indépendantistes du Parti travailliste et de l’Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE) ont d’ailleurs parfaitement compris la situation et n’ont pas participé au référendum. Ils ont tout à fait compris que tout était joué d’avance et n’ont pas manqué de le dire. Seulement ils font face au problème de fond, celui du grand choix.

Le grand slogan de l’USTKE est « usines tribus même combat ». Sauf qu’il va falloir choisir. Soit c’est le choix des tribus et alors la seule revendication possible va être identitaire et ethnique, en appelant à couper le pays en deux, puisque le nord est kanak, contrairement au sud où la colonisation de peuplement a pris le dessus. Ou alors en appelant à expulser les autres, comme l’a fait le FLN algérien, sauf que là ce sera matériellement impossible.

Soit c’est le choix des usines, de faire des kanaks, qui sont socialement marginalisés de manière très brutale, le fer de lance des revendications démocratiques, voire socialistes, mais cela signifie accepter la formation d’un peuple calédonien, dont les Kanaks seraient une minorité.

Or, de par l’idéologie racialiste diffusée par les féodaux et les courants universitaires post-modernes, le choix démocratique et socialiste n’a strictement aucun espace.

Cela fait que la principale force sociale, les Kanaks, ne soutiennent pas la cause démocratique, socialiste, et que donc forcément les autres composantes du peuple préfèrent se rattacher au colonialisme français.

On reconnaît ici, en arrière-plan, une question essentielle, celle de la priorité donnée à la Cause démocratique, socialiste, sur un « droit des peuples » abstrait qui n’a jamais eu sa place à Gauche. L’histoire n’est pas l’histoire des ethnies et de leur affirmation, mais celle de la lutte des classes.

Tant qu’il n’y aura pas une génération d’avant-garde saisissant cela en Nouvelle-Calédonie, il n’y aura aucune perspective, à part le triomphe du colonialisme français et un repli identitaire kanak basculant dans le romantisme réactionnaire.