Rien ne change, rien ne doit changer.
66% d’abstention, et les votants prônant que rien ne change. Les sortants n’ont pas été sortis. Le sortant LR Laurent Wauquiez a gagné en Auvergne-Rhône-Alpes (55%), l’ex-LR Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France (54%), l’ex-LR Valérie Pécresse en Île-de-France (45,5%), le LR sortant Renaud Muselier en PACA (56%), le LR Jean Rottner dans le Grand Est (39%), l’ex-UDI Hervé Morin en Normandie (44%), la PS Marie-Guite Dufay en Bourgogne-Franche-Comté (43%), la LR Christelle Morançais dans les Pays de la Loire (46,5%), le PS Loïg Chesnais-Girard en Bretagne (31%).
C’est très significatif, parce qu’en France, la contestation passe notamment par le fait de sortir les sortants. Le Rassemblement National de Marine Le Pen n’est ainsi arrivé à rien. Et les choses ont tellement non-changé, si l’on ose dire, que le moribond Parti socialiste considère qu’il est au cœur de la Gauche. Son dirigeant Olivier Faure a expliqué que le PS avait « la responsabilité de rassembler l’ensemble de la gauche et des écologistes pour pouvoir aller vers l’élection présidentielle ».
Il y a quelque chose de « réaliste » au sens où le Parti socialiste a un réseau d’élus. C’est bien plus pertinent en tout cas que Julien Bayou, le secrétaire national d’EELV, qui explique que « l’écologie est la seule force en dynamique ». Seulement c’est passer à côté de la question essentielle.
Car il faudrait être fou pour s’imaginer qu’une pandémie et qu’une crise allant avec, notamment économique, n’a pas tout changé. La vérité, c’est que tout a changé, mais que cela n’a rien cristallisé du tout. Les gens font comme si de rien n’était. Même tout ce que la Gauche peut compter d’activistes fait d’ailleurs comme si de rien n’était.
Le Figaro s’en réjouit, dans son éditorial, car il considère, en toute bonne logique, que c’est la bonne vieille Droite qui va reprendre le dessus, car elle reflète au mieux la « sociologie » du pays.
« Le vieux monde est de retour! En Paca, le Rassemblement national espérait qu’un sursaut de participation, symétrique de celui qui lui avait coûté la victoire entre les deux tours des régionales de 2015, viendrait cette fois inverser la donne en sa faveur ; le sursaut n’a pas eu lieu.
Résultat : rien ne change. Sept régions de droite, cinq régions de gauche! Tous les sortants sont reconduits.
D’un scrutin à l’autre, la carte politique de la France des régions ne bouge pas d’un iota.Tout ça, pour ça!
Un scrutin pour rien? C’est ce que prétendront tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ont intérêt à minimiser les conséquences de cette «parenthèse» minée par l’abstention, et, disent-ils, absolument «déconnectée» des échéances futures.
En vérité, par ce qu’elles révèlent de l’état de l’opinion autant que par les effets qu’elles ne manqueront pas de produire, ces élections régionales rebattent fortement les cartes politiques qu’on disait déjà distribuées, une fois pour toutes. »
Les choses sont différentes, en réalité. Car, ce qui a triomphé, c’est l’esprit petit-bourgeois, la conscience sans envergure, le regard beauf sur la vie, l’immédiateté faussement tranquille rassurée par la propriété seulement. Ce n’est pas seulement un conservatisme, c’est une guerre à l’intelligence, une réduction de tout ce qui a de l’ampleur à quelque chose de rapiécé, de consommable, de posé dans un coin.
La France est un pays de petit-bourgeois, voilà comment sont les choses. Le prolétaire veut être un petit-bourgeois quand il n’a pas déraillé vers les lumpens, le bourgeois est satisfait d’un style petit-bourgeois modernisant ses possibilités de consommer, bien au-delà du style Neuilly-Auteuil-Passy traditionnel et traditionaliste.
Voilà pourquoi la France est un enfer : il n’y a pas de luttes de classe, dans un pays où tout le monde est ou veut être un petit-bourgeois !
La crise va radicalement changer cela. Mais à quelle vitesse ? On aura soit une lente décadence, un pays qui sombre, soit un retour de bâton nationaliste et militariste pour conformer le pays au contexte mondial.
Cela va être une terrible claque.