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Rapport entre les classes Société

La fin de la maison individuelle exige une rupture à la hauteur du problème

La ministre du logement a soulevé une pierre bien trop grosse pour elle.

Jeudi 14 octobre, Emmanuelle Wargon, la ministre du logement, a fait une sorte de conférence-restitution d’ateliers réunissant des citoyens, des professionnels, des experts, etc., autour de la thématique « Habiter la France de demain ». Lors de cette conférence-restitution, elle a déclaré la chose suivante :

Le modèle à l’ancienne du pavillon avec jardin, dont on peut faire le tour, n’est plus soutenable et nous mène à une impasse. L’histoire de l’urbanisme en France a été marquée par des évolutions culturelles ; des idées ancrées dans leurs époques dont les effets visibles aujourd’hui ont été plus ou moins heureux.

Dans la période la plus récente, nous sommes passés d’une urbanisme de grands ensembles (…) à un fonctionnement urbain de plus en plus éloigné des centres-villes et de plus en plus dépendants de la voiture individuelle. Cela a créé de nouveaux territoires périphériques, à l’urbanisation pavillonnaire, dépourvus d’espaces publics (…). Nous devons assumer de mettre ce modèle derrière nous.

Ce modèle d’urbanisation qui consacre chaque espace à une fonction unique, qui dépend de la voiture pour les relier est désormais dépassé et constitue finalement une impasse écologique, économique et sociale.

Cette description des choses est tout à fait juste et justifiée. Mais cela heurte à la fois des traditions culturelles et des intérêts économiques immenses, qui n’ont pas manqué de se faire entendre. Dans les heures qui ont suivi ces propos, la polémique a enflé, avec la constitution d’une sorte de front uni de la Droite et des magnats de l’immobilier.

Les propos récents de la ministre ont d’autant plus agacés le secteur de l’immobilier qu’il se trouve confronté actuellement aux pénuries de matériaux et qu’il s’inquiète du principe du « zéro artificialisation nette » inscrit dans la loi climat et résilience alors même que l’appétits pour la maison individuelle a grimpé depuis la crise sanitaire.

Le président de la Fédération française des Constructions de Maisons Individuelles s’est dit ainsi « révolté contre de tels propos tenus par une élite parisienne dite écologique et pourtant très loin des territoires ». Le président de la Fédération française du bâtiment a contre-attaqué contre « la stigmatisation persistante de l’habitat individuel, à contresens des aspirations des Français ». Eric Zemmour a critiqué des « moyens […] pour détruire le mode de vie des Français » quand Marine Le Pen a dénoncé « l’avenir soviétique de Madame Wargon ».

La polémique a tellement enflé à Droite que la Ministre du logement s’est défendue à travers un communiqué du ministère lui-même. Ce communiqué déclare :

Oui, de nombreux Français rêvent de la maison individuelle car c’est une promesse de confort, d’espace et de tranquillité. Personne ne veut les en empêcher ni les en dissuader. Ils sont aussi en demande de services de proximité. Pourtant les lotissements en périphérie des villes ne permettent pas toujours d’accéder à ces services et contribuent à un sentiment d’exclusion. Il faut donc repenser nos modèles d’urbanisme. 

En réalité, Emmanuelle Wargon a soulevé une pierre bien trop grosse pour elle. Il n’est pas possible pour la classe dominante de viser une transformation d’ensemble de la vie quotidienne telle qu’elle est développée ici, car cela revient à signer son arrêt de mort.

La maison individuelle n’est pas simplement un choix individuel, mais un horizon culturel qui forme une des pierres angulaires de la culture nationale. Entre le XIXe siècle et la fin du XXe siècle, la France est passée d’un pays de petits propriétaires paysans disséminés en un pays façonné par les zones pavillonnaires et son corollaire, les routes jonchées de ronds-points.

La France moderne ne s’est-elle pas façonnée sur le modèle de la petite propriété ? Et la bourgeoisie française n’a t-elle pas assuré sa domination depuis 1871 grâce à la promotion de la mentalité du propriétaire ?

Plus récemment et plus concrètement, il faut se souvenir des propos de Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007, lorsqu’il était en pleine opération de pacification sociale à la suite des émeutes de novembre 2005. Lors d’un discours le 14 janvier 2007, il affirmait :

« Je propose que l’on fasse de la France un pays de propriétaires parce que, lorsqu’on a accédé à la propriété, on respecte son immeuble, son quartier, son environnement et donc les autres. Parce que lorsque l’on a accédé à la propriété, on est moins vulnérable aux accidents de la vie (…). Devant cette injustice, certains proposent le logement social pour tous et la taxation des propriétaires par les droits de succession. Je propose la propriété pour tous »

Depuis les années 1970, la bourgeoisie n’a eu de cesse de promouvoir l’accès à la propriété comme le gage d’une réussite sociale, le vecteur d’une meilleure vie. Cela s’est traduit en 1977 par la création d’un premier prêt d’accession à la propriété, le prêt HLM-accession ou prêt aidé d’accession à la propriété. Un dispositif qui n’a eu de cesse d’être modernisé, avec pour conséquence l’envolée de constructions de maisons individuelles. La maison est passée de 36 % des logements construits en 1970 à 62 % en 1982.

Or, depuis les années 1990, l’accession à la propriété s’est enlisée du fait de dispositifs d’aides flous, avec des conditions d’accès toujours plus difficiles. A cela s’ajoute l’envolée des prix dans les centres-villes qui poussent les classes populaires à acheter loin des métropoles, accentuant l’étalement urbain et le phénomène de périurbanisation, ces espaces sans âme et sans horizon culturel.

Si l’on y regarde de plus près, on voit bien que l’inflation de la maison individuelle est l’expression directe d’un mode de vie façonné par le capitalisme. Et les principales victimes, ce sont les classes populaires qui se retrouvent séparées de leur lieu de travail par d’épuisants trajets en voiture. Sans même parler de l’emprisonnement dans des crédits qui renforcent l’exploitation salariée… Bref, les ouvriers n’y ont pas gagné grand chose, si ce n’est une oppression dans une cage dorée.

Mais, comme toujours dans le capitalisme, l’autre victime de ce développement chaotique, c’est la nature. Dans un rapport sur l’artificialisation des sols, le Comité pour l’économie verte évaluait à 47 % la part prise par la construction de maisons individuelles dans les nouvelles artificialisations entre 2006 et 2014 contre 3 % pour le logement collectif, 5 % pour le commerce et 16 % pour le réseau routier. A ce titre, à Alsterdorf en Allemagne, le maire a interdit la construction de nouveaux pavillons pour lutter contre l’étalement urbain.

Face à un tel enjeu de société, voire de civilisation, il est évident qu’Emmanuelle Wargon ne fait pas le poids. Quand on est une personne issue du géant de l’agro-business français, Danone, on ne fait pas partie de la solution, mais bien du problème. Façonnée par sa posture de communicante, la ministre du logement n’a pas mesuré le problème de taille qu’elle a soulevé et a éveillé les intérêts du vieux monde.

À problème de taille, réponse de taille : il y a besoin d’une grande rupture sociale et culturelle portée par la classe ouvrière contre un capitalisme qui enferme et détruit la nature.

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Emmanuelle Wargon défendait cet été le lait infantile à l’huile de palme contre la nature

Dans une vidéo qui a beaucoup circulé, ont peut entendre la nouvelle secrétaire d’État à la transition écologique Emmanuelle Wargon défendre l’huile de palme cet été. Elle représentait alors les intérêts du groupe Danone dont le lait infantile est un produit phare, qu’il veut généraliser contre la pratique naturelle de l’allaitement.

Plus un produit alimentaire est transformé, plus il génère de plus-value et donc de bénéfices pour les industriels. Un groupe comme Danone vit précisément et particulièrement de cela.

Son rôle consiste à remplacer des produits simples par des produits transformés, très rentables. C’est pour cela que le groupe est implanté dans le secteur de l’eau, avec sa marque phare Evian. C’est pour cela aussi qu’il est très implanté dans le secteur du lait infantile. Emmanuelle Wargon a d’ailleurs été elle-même en charge de superviser la commercialisation du lait infantile en Afrique pour le groupe Danone.

On touche ici avec ces produits pour les nourrissons à quelque-chose de tout à fait dramatique et scandaleux d’un point de vue sanitaire. Ces produits sont présentés comme équivalents au lait maternel, ce qui n’est pas vrai, au moins pour la raison qu’ils ne contribuent pas efficacement au système immunitaire des nourrissons.

Une véritable politique de santé publique, libérée des intérêts privés, ferait largement la promotion de l’allaitement, voire interdirait les substituts avant un certain âge.

Même pour les femmes qui ont un empêchement sanitaire, il est tout à fait possible, et cela existe déjà en partie, de mettre en place une solidarité organisée cliniquement pour que d’autres femmes partagent leur excédent de lait maternel.

Seulement voilà, des grands groupes comme Danone existent et il en en va de leur propre existence de ne pas laisser des pratiques aussi simples et populaires. La nomination d’Emmanuelle Wargon auprès du Ministère de l’écologie est donc extrêmement significative de ce point de vue. C’est une expression de l’offensive gigantesque du capitalisme contre la Nature, ici par le biais de l’alimentation des nourrissons.

L’allaitement recule en France à mesure que des grands groupes comme Danone ou Lactalis accentuent leur emprise sur les nouveaux-nés. Les propos Emmanuelle Wargon défendant ouvertement l’huile de palme pour le lait infantile lors des rencontres économiques d’Aix-en-Provence en juillet 2018, vont pleinement dans ce sens :

« L’huile de palme, on en a besoin pour les laits infantiles. C’est l’un des produits essentiels pour les laits infantiles. Pourtant c’est un ingrédient qui fait l’objet de plus en plus de méfiance, à la fois pour des raisons environnementales, à cause des ravages que ça peu causer dans certaines parties du sud-est asiatique, et aussi pour une forme de défiance d’absence de naturalité. Et pourtant l’huile de palme est le meilleur ingrédient pour les laits infantiles et donc on en a besoin et on est tout à fait capable d’expliquer pourquoi. »

Au-delà du cynisme, puisqu’elle reconnaît ouvertement la destruction de la forêt tropicale indonésienne , on comprend qu’il y a ici un enjeu immense pour l’agro-industrie capitaliste. L’huile de palme est une matière première très intéressante commercialement pour de nombreuses entreprises qui n’envisagent aucunement de s’en passer.

Quand elle parle de « naturalité », il faut donc comprendre qu’elle attaque ici directement l’intérêt sanitaire des nourrissons, puisque le besoin naturel est celui du lait maternel, pas de substituts industriels.

Le mot « naturalité » est prononcé comme un euphémisme de manière prudente, mais il n’en est pas moins très violent quant à la négation de la réalité naturelle. Car si le lait de vache généralisé pour des bébés humains est bien sûr une absurdité en soi, personne ne peut croire qu’il faille absolument de l’huile de palme pour les nourrissons.

À moins justement de considérer que la nature est quelques choses de relatif et secondaire, et de critiquer la défense de la réalité naturelle comme relevant de la superstition, d’un point de vue qui serait arriéré ou réactionnaire de la part des classes populaires.

On voit ici d’ailleurs à quel point les discours postmodernes et ultralibéraux contre l’allaitement (qui serait un asservissement de la femme), pour la PMA, pour la GPA, etc., n’ont rien de Gauche, mais servent au contraire pleinement le capitalisme.

Il est significatif qu’il n’existe pas de statistiques précises au sujet de l’allaitement en France, alors que les observations montrent un recul de cette pratique depuis de nombreuses années, malgré les recommandations de l’Organisation mondiale pour la santé et toutes les connaissances à ce sujet.

C’est clairement la confiscation démocratique d’une question qui concerne pourtant l’essence de la vie, que les capitalistes veulent soumettre dès le premier jour.

Voici donc où l’on en est en France en 2018 sous la Présidence d’Emmanuelle Macron :

Emmanuelle Wargon a été nommée Secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire alors qu’elle assume ouvertement une critique de la nature ayant pour but de soumettre les nourrissons à une grande entreprise, ce partout dans le monde, et qu’elle défend l’huile de palme dont la production industrielle est l’une des choses la plus absurde et néfastes pour la planète.

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Nomination d’Emmanuelle Wargon de Danone : symbole de l’emprise de l’agro-industrie capitaliste sur l’alimentation des Français

La nouvelle secrétaire d’État auprès du ministre de l’écologie Emmanuelle Wargon a été pendant trois ans la directrice des affaires publiques de Danone, l’un des plus grands groupes mondiaux spécialisé dans les produits laitiers. Elle a représenté directement les intérêts de l’agro-industrie capitaliste contre les intérêts de la population.

Emmanuelle Wargon Danone

Les produits laitiers illustrent de manière effroyable l’emprise de l’agro-industrie capitaliste dans le quotidien alimentaire des Français. Inutiles à la base, néfastes à plusieurs égards , ils sont en fait partout, avec une image de produits sains voire indispensables pour la santé.

La communication de ce secteur est très intense. Il ne s’agit pas simplement de publicités commerciales, mais de toute une activité structurée et présentée comme scientifique, relayée par les autorités publiques. C’est ainsi que les cantines scolaires sont obligées de proposer chaque jour au moins un produit laitier aux enfants et aux adolescents, le plus souvent des yaourts, la spécialité de Danone.

Le secteur laitier de l’agro-industrie capitaliste impose ainsi littéralement ses produits, manipulant les opinions et façonnant les habitudes de manière profonde. Le rôle d’Emmanuelle Wargon chez Danone était justement de diriger cela, particulièrement en ce qui concerne les relations avec les pouvoirs publics.

Elle a par exemple géré le déploiement du Nutri-Score avec le ministère de la Santé. Ce référentiel censé évalué la valeur nutritionnelle d’un produit est typique des fausses mesures en faveur de la santé alimentaire. Sa destinée n’est autre que de maintenir la position dominante des grands groupes et leurs ventes de produits alimentaires hautement transformés. Il ne vise pas à informer la population mais à contrer les critiques de fond en classant les produits selon leur nocivité sur quelques critères restreints, ce qui contribue en définitive à promouvoir certains produits transformés un peu moins néfastes par rapports à d’autres qui sont pires.

Emmanuelle Wargon représente donc directement les intérêts capitalistes dans le domaine de l’alimentation. Sa nomination au Ministère de la transition écologique suscite alors de nombreuses critiques, tellement les manipulations dans ce secteur sont connues et reconnues. Mais elle assume cela, et s’imagine d’ailleurs très forte en ce domaine, comme c’est expliqué dans le Figaro :

«J’ai toujours eu un rôle de passeur entre les mondes. J’aime naviguer entre le privé et le public, faire comprendre aux uns qu’ils peuvent travailler avec les autres et débloquer les systèmes complexes».

Par « systèmes complexes », il faut bien sûr comprendre ici qu’il s’agit de toutes les manipulations et les mensonges de grands groupes comme Danone pour se maintenir et accroître leurs positions. La question des OGM est ici très brûlante, et ce n’est pas pour rien que l’extrait d’une vidéo montrant Emmanuelle Wargon les défendre ouvertement au nom de Danone lors des rencontres économiques d’Aix-en-Provence en juillet 2018, a largement circulé. Elle y dit :

« On a pas pris une position dogmatique sur les OGM parce que cette position dogmatique, ce serait un refus de l’innovation et un refus de la science. On a dit aux États-Unis l’agriculture issue des OGM est une agriculture extrêmement standardisée qui réduit très fortement la biodiversité et c’est la raison pour laquelle aux États-Unis on sortira des OGM, mais ça ne veut pas dire qu’on en sortira systématiquement. »

Ce discours mesuré, posé, est typique d’un grand groupe français qui se donne l’image d’une entreprise « durable », allant dans le sens de la santé et du bien commun. Le slogan sous le logo du groupe est ainsi « ONE PLANET. ONE HEALTH », qui signifie « une planète, une santé ».

Ce genre de communication dont Emmanuelle Wargon avait la charge depuis 2015 est largement utilisée par le groupe. Le directeur général Emmanuel Faber expliquait par exemple en 2016 aux étudiants de la Grande École de commerce HEC que « l’enjeu de la globalisation, c’est la justice sociale. Sans justice sociale, il n’y aura plus d’économie ».

Ces grands groupes utilisent de grands moyens pour vendre et répandre partout leurs produits tout en masquant leur propre nature, leur réalité sanitaire. Il existe depuis quelques années un mouvement dénonçant cela, mettant en avant la connaissance des ingrédients et des étiquetages, dénonçant les manquements.

Des livres comme ceux de Christophe Brusset (Vous êtes fous d’avaler ça !, 2015, Et maintenant on mange quoi ?, 2018 ), qui décrivent de l’intérieur les stratégies de l’industrie, ont ainsi une valeur démocratique très précieuse. Il en est de même d’applications comme Open Food Facts, du travail d’enquête régulier de l’association 60 millions de consommateurs ou encore du travail d’éducation diététique du CLCV, une autre association de consommateurs.

Toutefois, cela est bien peu de choses face à la puissance de frappe de l’ago-industrie capitaliste, des moyens de commutation qu’elle développe et surtout des moyens culturels qu’elle a développé depuis de nombreuses années, jusqu’à façonner directement les habitudes alimentaires des Français.

L’arrière-plan de cela est bien sûr la récente loi sur l’alimentation, dont le rôle est de maintenir et renforcer tout ce qui est en place dans ce domaine.

> Lire également : Une loi sur l’alimentation favorable à l’agro-industrie capitaliste

Quand on voit que le groupe Danone est capable de débaucher une personnalité comme Emmanuelle Wargon qui a eu un grand parcours dans la sphère publique, pour ensuite la voire introduite directement au Ministère s’occupant de l’écologie, il n’y a pas de quoi être rassuré.

Danone s’est servi directement dans le vivier des plus hauts cadres de l’État, puisqu’elle a fait l’ENA, est entrée au cabinet du ministère de la Santé en 2001, celui du haut-commissariat aux Solidarités actives en 2007, puis a été nommée secrétaire générale des ministères sociaux en 2010 avant de devenir déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle en 2012.

Le système est ainsi verrouillé de toute part, avec des gens se promouvant les uns les autres et s’organisant pour maintenir l’existant, peu importe le coût que cela a pour la planète et la population.

Le combat démocratique que doit mener la Gauche dans le secteur de l’alimentation est donc tout autant une bataille culturelle qu’une bataille pour la production. Il faut changer les habitudes mais il faut aussi arracher le pouvoir aux grands groupes pour soumettre directement l’industrie aux intérêts de la collectivité.