La violence à laquelle est confrontée AVA est la même que subit toute expression d’empathie.
Les images de l’agression d’activistes d’AVA le 2 janvier 2021 à Compiègne sont terribles. Les gens d’AVA sont confrontés à une violence d’autant plus insoutenables qu’on sait que ce sont les mêmes pulsions de mort qui animent les veneurs contre les animaux. La chasse à courre se présente comme aristocratique, mais c’est bien plus d’une aristocratie de l’époque barbare dont il faut parler, avec un virilisme vulgaire associé à un complexe grotesque de supériorité.
En cela, elle converge d’ailleurs tout à fait avec les comportements des déclassés hantant les bas d’immeubles pour vendre de la drogue. Tout cela est décadent, morbide, anti-culturel, primitif. Étrange paradoxe que cette chasse à la courre relevant des couches les plus hautes de la société convergeant avec le mercantilisme pragmatique de populations précaires et marginalisées.
C’est toutefois l’époque qui veut ça. Ce qui compte, ce n’est pas la culture et c’est encore moins la compassion, l’empathie. Ce qui compte, c’est l’écrasement de l’autre. Se faire de l’argent aux dépens de la dépendance d’autres gens, se transcender en traquant un être vivant dans une forêt… C’est la même logique de cannibalisme social, de darwinisme social, de hiérarchie capitaliste poussée jusqu’au harcèlement complet.
De manière plus positive, demandons-nous si les gens d’AVA sont portés par la compassion ou l’empathie, ou les deux. Car intervenir pour les animaux, c’est de la compassion. Mais au-delà, il y a une reconnaissance avec eux et là on passe dans l’empathie. Ce n’est pas pareil. La compassion est un attendrissement, l’empathie une reconnaissance. Quand on cherche à protéger un être vivant, immédiatement, concrètement, on n’est plus dans la compassion, on l’a tellement poussé qu’on est dans l’empathie.
Que ce soit dans un sanctuaire pour éléphants au Kenya ou dans une forêt de Compiègne, c’est cette même empathie qui amène à s’engager jusqu’à confondre sa vie avec celle d’un être appelant à être protégé. C’est là un sentiment naturel ; c’est précisément un tel sentiment que le capitalisme veut effacer, afin de laisser entièrement la place à la compétition et son cynisme, à la concurrence et son égoïsme, à la consommation et son égocentrisme.
C’est pour cela que la violence à laquelle est confrontée AVA est la même que subit toute expression d’empathie, partout dans le monde. La violence n’est évidemment pas la même, les empathies ont différentes degrés, cependant la substance reste la même. Qu’on pense au mépris reçu par ceux aidant les pigeons dans les villes, par exemple, ou bien à la haine visant des animaux considérés comme « nuisibles ». Ce qui est visé, à chaque fois, c’est une prétendue « faiblesse » – la Droite parle des « zoolâtres ». Il faudrait être dans l’affirmation de l’ego, dans la démesure.
Cela n’a rien à voir avec un « spécisme » aux contours aussi indéfinis que le degré d’intelligence des universitaires produisent de tels concepts. Cela a tout à voir avec le capitalisme, pour qui tout passe par la consommation. On peut acheter un chien et lui fournir un collier en diamants – mais on ne peut pas aider gratuitement un chien dans le besoin. Ce qui passe par le prisme de la consommation est bien, le rester est mal.
On se doute alors, forcément, qu’une jeune génération façonnée par la reconnaissance capitaliste préférera un habit de marque montré sur Instagram à un travail anonyme dans refuge. On trouvera bien à la marge quelques personnes aidant dans un refuge et le montrant sur les réseaux sociaux – le degré zéro de la dignité – mais c’est un sous-produit d’une tendance générale à la reconnaissance sociale passant par le capitalisme.
L’empathie est gratuite et n’a pas besoin de reconnaissance. Quand on aide les animaux on le ne dit pas, on ne le montre pas, car on l’a fait pour les animaux, par empathie. On s’est effacé devant les animaux, devant la Cause, devant l’ensemble de la réalité. C’est le grand mérite d’AVA d’avoir déchiré un voile barrant la route à l’empathie. Et les personnes blessées méritent plus que notre compassion : elles méritent notre empathie.