Le jeu vidéo multijoueurs World of Warcraft a connu un bug répandant une épidémie parmi les personnages virtuels. Un épidémiologiste a étudié la question et cela rappelle la différence essentielle entre virtuel et le réel.
Cela s’est déroulé en 2005 à l’occasion d’une mise à jour du jeu multijoueurs World of Warcraft, un grand classique du genre. Un article du Temps le raconte en détail. Il y a eu un nouveau donjon, Zul’Gurub, et lorsqu’on y entrait, on faisait face à « Hakkar l’écorcheur d’âmes », qui dans l’affrontement, pompe l’énergie des joueurs en les contaminant avec du « sang vicié ».
Les joueurs contaminés contaminent les autres, mais tout se termine normalement quand on quitte le donjon. Sauf que le jeu a intégré des « animaux familiers » et que les programmeurs ont oublié de prévoir leur décontamination automatique. La contamination s’est donc répandue, tuant des joueurs après qu’ils en aient eux-même contaminés d’autres, etc. Cela a duré un mois avant que les programmeurs ne se sortent de cette situation ingérable.
Beaucoup d’autres médias en ont parlé également, le déclencheur étant l’interview par PC Gamer de l’épidémiologiste Eric Lofgren il y a quelques jours. Celui-ci avait réalisé en 2007 une étude sur l’épisode du « sang vicié » dans le jeu, avec Nina Fefferman. L’idée est bien entendu de voir dans quelle mesure cela apporte des connaissances quant à l’évolution d’une épidémie. De plus, le rapport au coronavirus 19, c’est bien entendu notamment que la maladie est transmise par des animaux.
Cela est pourtant absurde. On a en effet le processus une fois qu’il a lancé, pas le processus à son point de départ. Et il n’y a pas de rapport entre le coronavirus 19 et un oubli de programmeurs. Ce qui est en jeu ici, c’est de savoir ce qu’est la science. La science est-elle une démarche empiriste, qui se fonde sur l’expérience seulement, et qui regarde les choses en détail quand elles sont-là ?
Ou bien la science c’est une certaine vision du monde, une conception de la réalité et de ses processus ? Les deux points de vue n’ont rien à voir. Dans le premier cas, on a la stratégie du chiffre. Il faut des données, des données, encore des données, toujours plus de données. On circonscrit les faits une fois qu’on les a, on les délimite, on les évalue avec des chiffres.
De l’autre, on s’intéresse aux faits mais en les intégrant dans un processus, dans un processus dont on chercher à percevoir les fondements. On regarde les tendances dans la réalité, pas les détails. On considère que les choses en mouvement sont issus de quelque chose. Oui, mais de quoi ? Le rôle de la science est de trouver.
La crise du coronavirus 19 pose la question de ce rapport à la science de manière aiguë. Qu’est-ce qu’un scientifique ? Peut-il calculer dans un laboratoire ? Ou bien doit-il chercher les tendances dans la réalité ? On a pu lire qu’une pandémie comme celle d’un coronavirus se produisant en Asie a pu déjà être prévu par la CIA dans les années 2000. La CIA évalue en effet les tendances, car elle craint les retombées. Paradoxalement, sa démarche a été plus scientifique que beaucoup de scientifiques qui, eux, attendent que les choses se passent pour essayer de les comprendre.
La science, la vraie, vise en effet à trouver les choses alors qu’elles ne sont pas encore là, car on comprend ce qui les fait naître. Il faut croire ici que les scientifiques sont pour la plupart devenus de simples consommateurs, incapable de comprendre le principe de production. Pour eux il n’y a pas de réalité produisant quelque chose. Il y a eux et des choses à évaluer. Quitte pour cela à charcuter des animaux lors d’innombrables expériences inutiles, menées par millions dans chaque pays chaque année.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Et sans science sans conscience de la réalité se transformant n’est pas science du tout.