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L’alliance d’EELV et d’Éric Dupond-Moretti contre la Gauche et les pro-animaux

Cherchant à racoler, les responsables d’EELV ont invité le ministre de la Justice à leurs journées d’été. Celui-ci a été très content de chercher à diviser les anti-chasse. On devine l’arrière-plan : un accord politique.

Un accord, un partage des discours, au profit des uns et des autres, aux dépens d’autres. Le principe est le suivant : Éric Dupond-Moretti vient le 22 août 2020 aux journées d’été d’EELV pendant trente minutes, juste le temps de poser quelques mots et qu’il n’y ait pas de réels débats.

EELV, avec Julien Bayou et Sandra Regol, se la joue force d’opposition face à lui, posant des questions qui fâchent mais sans qu’on aille dans le contenu, avec un public applaudissant ou huant de manière irrationnelle. Éric Dupond-Moretti, lui, apparaît comme posé, démocratique, sérieux, constructif, ouvert aux propositions. C’est du donnant donnant.

Aux dépens de qui ? Aux dépens des « extrémistes » dénoncés par Éric Dupond-Moretti avec le soutien tacite d’EELV.

Qui sont ces extrémistes ? Ce sont, on l’aura compris, ceux qui posent la question animale dans le sens contraire de la Droite, sans rentrer pour autant dans le cadre d’EELV. C’est, pour nous, la Gauche de demain, la Gauche historique reconstituée.

Tant la Droite qu’EELV ne le veut pas. Leur objectif commun est ainsi d’isoler, de criminaliser, de dénoncer.

Le but direct d’Éric Dupond-Moretti, c’est d’isoler le plus possible les tenants de la cause animale. C’est un partisan complet de la chasse, de la ruralité ; c’est un populiste et il a été nommé ministre pour s’insérer dans un mouvement de « casse » des tenants de la cause animale.

> Lire également : Le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti en duo avec le chef des chasseurs Willy Schraen

Le but d’EELV, c’est de ratisser le plus largement possible, d’avoir une image d’opposition à la chasse, d’opposition à la situation de la condition animale, d’opposition aux écocides. Mais EELV n’a aucun système de valeurs, aucune utopie à proposer ; c’est une association de bobos n’ayant que des objectifs électoraux et cherchant à un capitalisme à visage humain, une chose absurde en général, et d’autant plus alors que la crise est là.

Il faudrait être naïf pour croire qu’il n’y a pas eu, en amont, une savante discussion entre EELV et le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, pour que la première invite le second et que le second accepte. Pour que le ministre vienne, il a d’ailleurs obligatoirement fallu l’acceptation du premier ministre Jean Castex, et vue l’affaire forcément également celle du président Emmanuel Macron. On est ici dans l’orchestration, la mise en scène. Il est évident qu’il y a eu un accord.

Ce n’est même plus un accord, d’ailleurs, mais bien une alliance. Qui est le plus ignoble dans tout cela ? C’est difficile à dire. Éric Dupond-Moretti a été lors de ses interventions un excellent avocat, c’est-à-dire un comédien efficace. Il n’aurait jamais insulté tous les écologistes, il serait pour la discussion, il invite d’ailleurs à relire la préface qu’il a faite pour l’ouvrage du chef des chasseurs Willy Schraen, il n’a jamais fait que dénoncer une petite minorité d’extrémistes et des extrémistes il y en a partout, etc.

C’est ignoble. Mais est sans doute encore plus ignoble le metteur en scène ayant invité ce comédien, et c’est un metteur en scène lui-même comédien. EELV n’est en effet pas anti-chasse, elle ne soutient pas concrètement les initiatives anti-chasse. Ce thème n’est pas un drapeau pour elle. Ce qu’elle veut, c’est comme le dit son programme :

« l’instauration a minima du dimanche sans chasse chaque semaine assortie de la création d’espaces forestiers sans chasse et de zones de tranquillité »

Mais EELV a besoin des anti-chasses afin de se donner une image écologiste. C’est nécessaire non seulement au niveau national, mais également au sein d’EELV, composé de petits-bourgeois croyant en leurs propres mensonges.

On a ainsi eu les représentants d’EELV reprochant à Éric Dupond-Moretti sa fameuse préface pro-chasse de l’ouvrage du chef des chasseurs, Willy Schraen… mais sans jamais aborder la question de la chasse, à part pour dire que, tout de même, ce n’était pas normal qu’on ne puisse pas se balader en forêt en raison des risques causés par une minorité désireuse de chasser. Les chasseurs avec leur démarche, leur idéologie ? Pas un mot !

Les représentants d’EELV ont tout fait pour ne surtout pas se poser comme anti-chasse, tout en donnant l’image d’une contestation anti-chasse. Même lorsque la question de la chasse à la glu a été brièvement posée, EELV s’est cachée derrière les règlements de l’Union Européenne. C’est d’une extrême hypocrisie.

Mais EELV ne parviendra pas à son but de dévoyer les forces anti-chasse. Car dans la question animale, on ne peut pas faire semblant. C’est une question de mode de vie et d’ailleurs ce qui s’affirme toujours davantage, c’est le besoin d’une réelle alternative dans le mode de vie et pas un capitalisme modernisé dans un sens ou dans un autre, en admettant que cela soit possible.

Cela signifie la Gauche contre la Droite. L’opposition entre EELV et Emmanuel Macron n’est qu’une querelle entre libéraux plus ou moins modernistes, elle est artificielle.

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Le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti en duo avec le chef des chasseurs Willy Schraen

La nomination de l’avocat Eric Dupond-Moretti avait surpris, mais en dénonçant agressivement les anti-chasse, on a compris le sens du coup tactique par Emmanuel Macron.

Le Journal du Dimanche a depuis longtemps une orientation pro-Macron, comme quoi le groupe Lagardère l’apprécie particulièrement. Ce dimanche, le « JDD » a lancé une double offensive :

– une interview de Willy Schraen, le président des chasseurs, où celui-ci souligne sa proximité avec le régime ;

– la « révélation » que le ministre de la justice a écrit la préface d’un ouvrage de Willy Schraen prochainement publié, en prenant entièrement partie pour les chasseurs.

Le « JDD » n’a pas oublié deux choses, signe qu’il agit de manière commandée. Tout d’abord, il parle de l’affaire Elisa Pilarski, tuée en novembre 2019, en disant que les résultat des tests ADN sur les chiens seront disponibles fin août, en insistant bien que la famille d’Elisa Pilarski ne veut pas qu’on incrimine la chasse à courre en général.

Ensuite, il donne la parole aux organisateurs du « référendum pour les animaux » pour une petite tribune appelant à ne pas voir la démocratie se voir confisquée. C’est que la récolte des signatures pour la possibilité de ce référendum patine grave, la tribune constatant avec amertume qu’en fait le personnel politique est structurée à l’arrière-plan sans qu’on le sache :

« Nous nous étonnons que le président du Sénat assure, dans une lettre au président de la Fédération des associations de chasseurs aux chiens courants, que nous nous sommes procurée, son « attention quant à l’avenir que pourrait connaître » ce référendum. »

La naïveté des milliardaires ayant lancé cette idée de référendum – Xavier Niel (Free), Marc Simoncini (Meetic) et Jacques-Antoine Granjon (Veepee, ex-Vente-privee.com) – est ici assez surprenante. Elle tient sans doute à ce qu’il s’agisse de nouveaux bourgeois, né sur le terrain de la modernité technologique et coupé de la bourgeoisie traditionnelle.

Surtout que l’on sait désormais que le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, est ouvertement pro-chasse, lui-même pratiquant la « fauconnerie ». Dans sa préface à l’ouvrage de Willy Schraen, il y va fort, comme on l’apprend par le Journal du Dimanche : les tenants de défense des animaux seraient des « illuminés », des « intégristes », il s’agit d’un « extrémisme », les chasseurs doivent « relever la tête ».

En allusion aux autodafés nazisme et au barbecue de viande en même temps, Eric Dupond-Moretti dit même avec provocation que :

« Ce livre, les ayatollahs de l’écologie s’en serviront pour allumer le barbecue où ils cuiront leurs steaks de soja. »

Le « JDD » nous dit que ces propos datent d’avant sa nomination. Cependant, il aurait alors fallu bloquer la préface après que la nomination ait eu lieu. En réalité, il s’agit d’une annonce politique : les chasseurs peuvent y aller, les partisans de la défense des animaux vont se faire isoler et punir. On comprend qu’Eric Dupond-Moretti soit pour briser tout le système juridique : ce qu’il veut, c’est d’une « justice » aux ordres du régime, qui annonce où cogner.

Quant à Willy Schraen, qui publie donc « Un chasseur en campagne », ses propos dans l’interview au « JDD » sont assez typiques, c’est-à-dire subtilement politique, très doué tactiquement, et totalement réactionnaire, avec une propension à l’outrance et à la volonté de détruire. Bref, c’est du Willy Schraen.

La maîtrise est complète et le populisme total. Il dit ainsi plusieurs fois « nous les ruraux ». Le reste est à l’avenant : « la France rurale a l’impression d’être fortement humiliée », « on va maintenir la chasse à la glu » (quel que soit l’avis du gouvernement), « il ne faut pas donner [le ministère de] l’écologie aux écologistes », « Hulot a failli mettre le pays à feu et à sang », le référendum pour les animaux est un « totalitarisme de la rue », etc.

Son lyrisme est parfaitement rodé et soit l’interview a été retravaillée à de nombreuses reprises, soit c’est un fin orateur, d’esprit assez baroque il faut le dire :

« On est en train de créer un nouvel ordre moral, une sorte de tribunal populaire écologiste animaliste. Cette écologie ressemble à l’Inquisition. On veut nous crucifier.

Ces gens nous expliquent que l’animal et l’homme ne font qu’un. Je suis désolé mais le poisson rouge dans le bocal de mon fils, ce n’est pas mon frère. Dire qu’il faut un ministère de la Condition animale, c’est de la folie furieuse. »

Dénoncer l’Inquisition tout en faisant une allusion à la crucifixion du Christ juste après, cela demande un certain style. Et, donc, tout en niant un quelconque « pacte », Willy Schraen avoue avoir soutenu Emmanuel Macron aux élections européennes et avoir cherché à contrer les gilets jaunes.

Emmanuel Macron qui a nommé ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, Eric Dupond-Moretti qui a écrit la préface de l’ouvrage de Willy Schraen avant d’être nommé. Willy Schraen qui connaît bien Emmanuel Macron. Tel est le nom de la nouvelle trinité : le Père Emmanuel Macron, le Fils Eric Dupond-Moretti et celui qui se veut Saint-Esprit : Willy Schraen.

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Société

Éric Dupond-Moretti ou le nihilisme juridique au ministère de la Justice

Qu’un avocat sulfureux adepte de la polémique anti-magistrat comme Éric Dupond-Moretti devienne ministre de la Justice est un profond signe de décadence du Droit.

Qu’est-ce que le socialisme, au sens strict ? C’est le triomphe complet du Droit. Par la liquidation du libéralisme, il n’y a plus de relativisme et la loi s’applique dans sa substance même. À l’inverse, le capitalisme liquide le droit au point que les comportements anti-sociaux se voient somme toute acceptés et non pas brisés.

Éric Dupond-Moretti, né en 1961, devient ministre de la Justice au moment d’un tournant : avec la crise qui s’est exprimée notamment par le covid-19, le droit bourgeois chancelle en même temps que le capitalisme.

Et Éric Dupond-Moretti est là pour pousser les choses dans le démantèlement du Droit, car toute tentative de maintenir le Droit, d’en protéger la substance, aboutit forcément au principe de l’État comme société et inversement, et donc au Socialisme.

Les magistrats ont d’ailleurs compris le problème. S’ils ne veulent pas du Socialisme – ils sont légitimistes avant tout – ils ont saisi la menace. Le principal syndicat, l’Union Syndicale de la Magistrature, parle de sa nomination en tant que ministre de la Justice comme d’une « déclaration de guerre ».

Il faut dire qu’Éric Dupond-Moretti y est allé franco dans Le Parisien du 27 juin, soit il y a à peine plus d’une semaine. Il exigeait « des Etat généraux de la justice », une « Ecole nationale de justice qui soit commune aux avocats et magistrats ».

C’est la logique libérale : il n’y a pas de justice qui s’applique avec le droit de l’accusé de se défendre, mais une justice et une défense mise à égalité. L’État devient un particulier et il s’agit alors d’un rapport entre particuliers, devant se résoudre en quelque sorte à l’amiable.

Le juge s’efface, il devient un arbitre, un intermédiaire entre un procureur et un avocat. Voici ce qu’il dit pareillement dans Marianne en 2018 :

« Il y a, chez les magistrats, deux corps : le siège [ceux qui jugent], le parquet [ceux qui requièrent, les procureurs par exemple]. Une formation commune pour les deux renforce un corporatisme dans lequel les avocats ont beaucoup de mal à s’insérer. »

C’est la liquidation du Droit. D’ailleurs, et cela veut tout dire, dans le même interview on a le propos suivant :

« [Question] Voulez-vous savoir si votre client est innocent ?

Non, je ne veux pas. »

Éric Dupond-Moretti est l’exemple même de l’avocat du capitalisme moderne, qui croit en son propre rôle, qui s’imagine que sa fonction a une signification, alors qu’elle n’a qu’un sens : éviter l’erreur. Dans un Droit bien réglé il n’y a pas besoin d’avocats, la Justice est efficace et se suffit à elle-même ; l’avocat n’est qu’une aide pour avoir un apport relevant du concret, car venant de l’accusé.

Chez Éric Dupond-Moretti, l’avocat vaut par contre autant que le juge et le procureur et son client vaut autant que l’État. C’est le sens de ses propos sur France Inter lorsqu’on le questionnait au sujet d’un de ses clients, Abdelkader Merah, frère et complice du criminel de Toulouse et Montauban.

« J’ai eu l’honneur de le défendre.

[Le journaliste : L’honneur?]

L’honneur, monsieur. »

Il n’a pas cessé de tenir des propos outranciers à ce sujet, par ailleurs :

« Il n’y a pas mille avocats qui se sont bousculés au portillon pour défendre Merah. C’était pour moi un risque, mais je trouve que c’est un honneur pour un avocat d’être là, à ce moment-là, dans cette difficulté là, et pour cet homme là, que l’on a considéré comme un monstre, comme l’incarnation du mal absolu.

J’ai rappelé qu’à bien des égards, le procès de Nuremberg a été plus digne que celui-là. On y a pas traité les hommes d’animaux, comme Abdelkader Merah a été traité d’animal à son procès. »

Ce qui est totalement fou c’est que donc, pour Éric Dupond-Moretti, le procès de Nuremberg a été en grande partie indigne ! Mais c’est que pour lui, l’État c’est le mal. Éric Dupond-Moretti ne voit que des particuliers, dont il faut ajuster les rapports. Le Droit, selon lui, ne porte rien, ni morale, ni civilisation, ni principes de justice, c’est un équilibre. Éric Dupond-Moretti, c’est le nihilisme juridique même, le libéralisme jusqu’à la liquidation de l’État et de la société, au moment où les deux doivent en fait fusionner.