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Écologie

Les devises existentialistes de la chasse à courre

Les équipages de chasse à courre ont traditionnellement une devise, qui reflète leur vision du monde. Cette dernière est un mélange d’esprit retors propre à l’esprit de traque et de raffinement aristocratique hautain.

chasse à courre

La chasse à courre correspond tout à fait à l’esprit d’extrême-droite, car elle est un mélange du raffinement le plus ultra et de la vulgarité la plus laide. Cela se voit particulièrement dans les devises employées, où il y a un vrai effort pour combiner ces deux aspects. Il faut que cela se voie : on est dans le chic et le sale, dans l’ordre et le désordre.

Quand l’équipage La Plaine a comme devise « Respect, chasse et discipline », c’est un triptyque devant souligner le côté ordonné d’une chose désordonnée par définition comme la chasse. Le respect est tant du côté ordonné que du côté désordonné : c’est cela qui fournit la dynamique réelle de la chasse à courre dans les attitudes, les postures, les manières.

On est très précisément dans la révolte contre le monde moderne, avec un rejet du confort et un éloge du raffinement. La traque est censée porter avec elle un dépassement de soi, elle est censée amener la formation d’un être humain d’autant plus régulier qu’il s’est comporté en sauvage, mais en sauvage organisé de manière méthodique.

Il y a par conséquent un esprit volontariste particulièrement marqué, avec un mot qui revient de manière régulière, persévérance : « Chasse avec passion et persévérance », « Perçant persévérant », « Méthode et persévérance », etc. La devise « Rends toi, nenni ma foi » va dans le même sens, avec davantage de pittoresque.

Il faut être capable d’être présent de manière entière dans cet affrontement, jusqu’au bout et sans être interrompu. On comprend pourquoi la présence d’opposants est un affront terrible pour des gens qui ont comme devise des « Courre toujours », « Toujours et partout », « Toujours au trou », « Chasse tout le temps à tout vent », « Chasser, toujours chasser », « Vas-y donc », etc.

Et leurs réactions sont d’autant plus agressives, que la chasse à courre oblige l’esprit à avoir un esprit de traqueur, de harceleur. Il y a un côté terriblement malsain dans la démarche, qui est typique d’une attitude médiévale à la fois pragmatique et perverse. Ce qui est mis en avant, c’est une posture très élémentaire, et très calculatrice en même temps.

L’équipage du rallye des Ambarres a ainsi comme devise « Ténacité et mauvaise foi », ce qui est d’un tel mauvais esprit qu’on pourrait l’attendre de gens à l’esprit mafieux, comme tel ou tel groupe de rap de banlieue. C’est l’esprit du forçage, du maintien coûte que coûte sans se préoccuper ni de l’avis des autres, ni des faits, ce qui est inévitable, car une fois qu’on est lancé dans la traque, il n’y a plus qu’elle qui compte.

Si les films Predator n’avaient une grande dimension critique anti-mafia (les prédateurs extra-terrestres s’amusent à chasser, mais ne visent que des tueurs, des criminels, et seulement si ceux-ci ont des armes à la main), ces gens adoreraient, en raison de l’ambiance pesante du filet qui se referme lentement sur la victime. La devise « Le matin au bois, le soir aux abois » est ici fascinante de perversité, si l’on peut dire.

Deux choses fondamentales sont alors liées à cette perspective : d’un côté, le social-darwinisme, avec le fait de se battre, de combattre pour survivre, et de l’autre la dimension censée être transcendante d’un affrontement avec la vie comme thème, exactement comme pour la corrida.

Pour le premier aspect, on a des devises comme « Exister c’est lutter », « Mériter », pour le second cela passe souvent par les animaux, vecteur de la transcendance : « Les chiens d’abord », « Au cul des chiens », « Petits par la taille, mais grands par leur courage » (pour la chasse aux lapins), ou encore « Par amour du lièvre » de l’équipage La Fontaine Saint Michel.

Cette dernière devise ne doit pas étonner. De la même manière que les afficionados considèrent que le taureau est mort dans une ode à la vie (qui est un « combat »), les veneurs font de l’animal traqué un symbole mystique du sens de la vie. La chasse à courre n’est pas pour eux une aberration, mais une démarche en fait strictement parallèle à l’existence, d’où des devises comme « Vénerie, la vie » ou encore « Chasse d’abord ».

La chasse à courre est un existentialisme, et en cela elle est résolument moderne. Elle est un existentialisme qui plonge dans l’attitude aristocratique où il n’y avait pas de sens de la vie, car pas de travail, mais avec toute la posture moderne du choix de l’identité.

Voilà pourquoi, par ailleurs, la gauche post-moderne, post-industrielle, ne s’y intéresse pas du tout. Le fond de la méthode est le même : on choisit qui on veut être, on donne un sens à sa vie, etc.

Cela explique aussi l’incompréhension totale des veneurs par rapport aux critiques qui leur sont faites. Ils se voient comme des gens aimant la vie, puisqu’ils lui donnent un sens. Tel rallye s’intitule Bon plaisir, tel autre Rallye bonne humeur avec, comme devise pour l’équipage, « Toujours gai ». Tel autre équipage a choisi « Qui va doux va loin ».

Qui veut donc critiquer la chasse à courre doit saisir cette dimension existentialiste, et soi-même échapper à l’existentialisme, sans quoi il y a le risque d’être fasciné, ou au moins d’éprouver un respect pour une entreprise difficile exprimant des choix individuels pour donner du sens à la vie.

Il faut savoir aimer la nature pour ce qu’elle est, apprécier le respect de la vie comme sens de la vie elle-même, et non pas chercher ce qu’il n’y a pas par oisiveté et désœuvrement, par nihilisme et aliénation.

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Réflexions

Le capitalisme ou la vie qui glisse entre les doigts

Être adulte pour la société signifie se plier aux exigences de l’économie capitaliste et s’y opposer au moyen d’une révolte existentialiste fondée sur l’individu ne change rien ni pour soi, ni pour la société. C’est le collectivisme qui, seul, est en contradiction avec les valeurs dominantes.

Why seek ye the living among the dread? St Luke, Chapter XIV, verse 5

Rien n’est plus insupportable que d’avoir l’impression que sa propre réalité défile indépendamment de soi, qu’on n’a plus de prise sur rien. On échappe à sa propre vie et sa propre vie nous échappe, ce qui donne un double sentiment d’angoisse.

On a l’impression d’être comme coupé en deux, car évidemment même s’il y a cette impression, on est encore présent dans sa propre vie, à faire ce dont on n’a pas envie, ce qui nous ne parle pas et nous semble même aller contre soi-même.

Le fait d’être adulte correspond, pour les gens, à relativiser cela et à finir par admettre que les exigences qu’on avait adolescents ne sont pas réalisables ou acceptables socialement. Il faut, partant de là, faire avec et prendre sur soi.

Refuser ce serait tomber au niveau des punks à chiens, des clochards, des drogués et des alcooliques, ou bien encore des mafieux, des petits criminels, etc.

C’est cette mentalité qui voit en le capitalisme quelque chose d’incontournable qui étouffe la révolution. Le Socialisme se pose en effet comme critique générale et collective du capitalisme, considéré nullement comme l’horizon ultime. Mais le capitalisme a réussi en grande partie à se présenter comme la fin de l’histoire et dans la fainéantise morale, mentale, psychologique, intellectuelle que façonne la société capitaliste, il n’y a que peu d’efforts pour voir si on ne peut pas faire différemment !

Sans parler bien entendu des espaces faussement alternatifs que le capitalisme laisse se développer, car étant issus de la petite-bourgeoisie, comme les milieux associatifs, quelques squats ou encore la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Cela ne change rien au système qui tourne très bien et qui peut se permettre le luxe d’avoir de tels interstices sans impact, qui ne dérange rien. Cela contribue même à l’illusion comme quoi le système est finalement tout à fait tolérant.

Car il ne faut pas se leurrer : lorsque l’ultra-gauche brise régulièrement les vitrines du centre de Nantes, à un moment il faut bien se dire que le système non seulement s’en fout, vit très bien avec, mais même que ça l’arrange. Quand on casse non stop et qu’on a aucune réaction policière, il faut quand même se poser des questions… Ce que l’ultra-gauche ne fait pas, car ce n’est pas dans sa démarche.

Son but, existentialiste, est de récupérer sa vie, par des actions symboliques. Pour le système, c’est dommage, car il préférerait que ce soit dans la consommation que l’on trouve un sens à son existence. Mais il peut tout à fait laisser des individus exprimer leur insatisfaction individuelle, cela lui convient, car philosophiquement cela revient au même.

Du moment qu’on ne touche pas à l’État, que la production n’est pas perturbée, que la vente de marchandises n’est pas troublée, alors que chacun fasse ce qu’il veut ! Du moment qu’on le fait en tant qu’individu, sans expression politique liée à la classe ouvrière, au collectivisme, à l’exigence socialiste.

Il faut bien saisir cela pour lutter de manière réelle, et non pas se comporter de manière conforme au grand théâtre de la vie politique et sociale propre au capitalisme.