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Le cofondateur de Facebook appelle à démanteler l’entreprise

La petite entreprise, quand elle réussit, devient une grande entreprise, puis une très grande entreprise. Le monopole met alors fin à la concurrence, et donc à la libre-entreprise. Ce schéma raconté par Marx ou Lénine est une horreur pour le cofondateur de Facebook Chris Hughes. Il appelle donc à couper l’entreprise en morceaux et à superviser ceux-ci par les institutions.

Chris Hughes est, avec Mark Zuckerberg, l’un des fondateurs de Facebook. Il a quitté cette entreprise, vendant toutes ses parts en 2012. Il vient de publier un très long article dans le New York Times, appelant ni plus moins qu’à démanteler Facebook.

Ses motivations sont très simples à comprendre. Il constate, de manière fort juste, que Facebook est un monopole. Cependant, ce n’est pas un disciple de Lénine. Il ne pense pas que les monopoles soient l’antichambre du socialisme. Ou plutôt, il l’entrevoit et il est contre. C’est la raison pour laquelle il dit : il faut démonter Facebook en plusieurs fractions et superviser celles-ci.

Ses arguments concernent tous le capitalisme. Il raconte que Facebook n’est plus en situation concurrentielle, que l’entreprise achète ou copie ce qui lui fait de l’ombre. Or, seule la compétition peut à ses yeux amener des choses nouvelles. Facebook est donc un obstacle au capitalisme lui-même. Il faut donc le mettre en pièces.

Le ton de l’ensemble est ainsi profondément nostalgique quant au Facebook du début, Chris Hughes racontant avec émotion des anecdotes de cette époque pour lui bénie. Pour lui, Facebook a réussi parce que l’entreprise était en situation de très dure concurrence avec surtout Myspace, mais aussi Friendster, Twitter, Tumblr, LiveJournal, etc.

Il faut donc pour lui stopper Facebook le plus vite possible, pour deux raisons. La première, c’est son omniprésence et sa capacité à manipuler les opinions : ici, Chris Hughes présente Mark Zuckerberg comme très sympathique, sobre dans sa vie privée (soit disant), mais candide et manipulable par le monstre qu’est devenu Facebook, avec ses besoins de croissance. La seconde, c’est que Facebook assèche toute une partie du capitalisme. Voici ce qu’il constate, entre autres :

« Plus d’une décennie plus tard, Facebook a remporté le prix de la domination. Il vaut plus de 500 milliards de dollars et représente, selon mon estimation, plus de 80% des revenus mondiaux des réseaux sociaux. C’est un puissant monopole, éclipsant tous ses rivaux et effaçant la concurrence de sa catégorie. »

Chris Hughes n’exprime pas seulement sa panique libérale avec Facebook, qui possède WhatsApp et Instagram, deux monopoles dans leur genre. Il vise également Google pour la rechercher sur internet et Amazon pour le commerce en ligne. Il élargit même la question aux entreprises pharmaceutiques, aux compagnies aériennes… expliquant, horrifié, que 75 % de l’économie américaine est touchée par le phénomène de la concentration capitaliste.

Cela signifie selon lui le déclin de l’esprit d’entrepreneur, de la croissance de la productivité, moins de choix et des tarifs plus élevés pour les consommateurs. Sa grande référence est Adam Smith, qu’il présente comme la figure tutélaire des « pères fondateurs » des États-Unis. L’Amérique, c’est la libre-entreprise, et inversement.

On est libre de croire cette fable, si on est soi-même contaminé par l’idéologie de la libre-concurrence, si l’on est soi-même un capitaliste. Sinon, on ne peut que rire de ces lamentations d’ailleurs ridicules. S’il est vrai que les monopoles dans les nouvelles technologies sont récents, dans les autres domaines cela fait longtemps qu’ils existent. Le capitalisme américain dispose de géants monopolistes depuis longtemps, depuis l’aviation jusqu’à l’armement en passant par l’automobile, les banques, etc.

Chris Hughes raisonne ici comme tous les entrepreneurs de la Silicon Valley, qui croient en le capitalisme concurrentiel parce que pour eux il existe encore, ou plutôt il existait encore il y a peu. Une bonne idée, un peu de financement et tout se met en branle. C’est le principe de la start up. Cela existe encore, un peu. Mais les débuts sont terminés et l’émergence des monopoles est obligatoire.

Et que fait-on quand on a les monopoles ? On socialise, on met le tout au service de la population. Le capitalisme a été utile, maintenant on le dépasse !

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Politique

Les propos grandiloquents de Jean-Luc Mélenchon sur Eric Drouet

Jean-Luc Mélenchon a présenté hier ses « remerciements » de manière grandiloquente en l’honneur de la figure des gilets jaunes Eric Drouet. Il valorise la posture contestataire des gilets jaunes, les présentant comme des figures historiques alors qu’ils ne sont qu’une manifestation hystérique et improductive de la crise du capitalisme.

Jean-Luc Mélenchon aime s’imaginer important et adopter la posture de celui qui commente l’Histoire avec un grand H. C’est ainsi qu’il a déterminé hier dans un petit texte sur son blog, pour finir l’année 2018, que « l’histoire de France a pris un tournant » avec les gilets jaunes. Rien de moins ! Comme si un petit message au soir du 31 décembre suffisait à déterminer ce qui est historique pour la France.

Lui et son mouvement La France Insoumise considèrent en fait depuis le début ce mouvement comme étant de grande valeur. Dans un autre commentaire publié la veille le 30 décembre, il expliquait que les gilets jaunes justifient l’ orientation populiste, à rebours de la Gauche historique :

« Car le fait est que bien des organisations politiques de la gauche traditionnelle en France finirent aussi leur naufrage intellectuel dans cette circonstance. En effet, l’évènement confirma l’obsolescence de leurs logiciels d’analyse. L’obsession anti-populiste et l’hostilité de principe aux choix stratégiques des insoumis ont été de bien piètres boussoles. »

Il s’agirait donc avec les gilets jaunes d’une « révolution citoyenne », dont Eric Drouet serait une figure. De manière totalement délirante, il met ce dernier en parallèle avec un homonyme acteur de la Révolution française à qui Napoléon aurait dit « sans vous l’histoire de France aurait été toute différente ».

Cette comparaison est très intéressante car elle permet à Jean-Luc Mélenchon d’expliciter sa conception des choses, de la politique. Ce qui est flagrant, c’est qu’il n’est pas quelqu’un prônant la rationalité et la culture, mais plutôt le coup de force comme expression populaire.

Pour lui, ce ne sont pas les Lumières, en tant qu’expression idéologique et culturelle de la lutte des classes entre la noblesse et la bourgeoisie soutenue par les masses populaires qui ont permis la Révolution. Ce sont simplement des individus qui auraient osé s’opposer, dans un grand élan spontané.

Il est ainsi incroyablement parlant de voir une explication comme celle-ci de la part de Jean-Luc Mélenchon :

« Ce Drouet-là est un vrai modèle dans ce qu’est une révolution populaire : on n’attend pas les consignes pour agir ! Le peuple qui accourut pour ramener le roi à Paris, les soldats qui refusèrent de passer en force sur le pont, tous ont pour point de départ la situation créée par Drouet. »

Un tel propos propos n’a rien de Gauche, ni de près ni de loin. Il a d’ailleurs traditionnellement bien plus à voir avec le fascisme qui a toujours valorisé le spontanéisme, à l’image d’un George Sorel.

Parce que justement, sans organisation, sans la rationalité ouvrière, sans une grande remise en cause et de grands bouleversements sur le plan culturel, aucun réel mouvement populaire n’est possible.

Sauf que le fascisme ne veut pas d’un mouvement populaire, il n’en est que l’illusion, ou plutôt le détournement.

Et c’est précisément pour cela que les gilets jaunes ne représentent en définitive rien de bon ; ils ne se sont pas organisés de manière démocratique et populaire. Leur attitude diffuse et vindicative est tout à fait conforme au fascisme.

Jean-Luc Mélenchon explique être fasciné par Eric Drouet, par sa « sage et totale détermination », alors qu’il est en fait précisément une expression de la vacuité des gilets jaunes.

Il avait marqué les esprits au mois de décembre pour avoir refusé de se rendre à une convocation du Premier Ministre à Matignon, précisément pour cette raison du caractère disparate, nébuleux, du mouvement. Rien n’y a fait pour autant, les gilets jaunes n’ont à aucun moment permis une organisation démocratique, il n’y a jamais eu de structuration ni d’expression élaborée.

Ils sont restés figés dans la posture hystérique historiquement insignifiante de gens se contentant de dire « non », « Macron démission ».

Il est nécessaire ici d’aller voir en détail la nature des nombreuses vidéos « selfie » diffusées en « live » sur Facebook par cet Eric Drouet. Disons-le franchement, le niveau est lamentable, il y est raconté tout et n’importe quoi, avec des commentaires à l’emporte pièce sur différents sujets qui ne sont pas étudiés, avec beaucoup de choses imprécises qui sont dites, voir même des contre-vérités.

Il s’agit là de gens qui débarquent, ne connaissent rien à la politique, en tant qu’actualité économique, culturelle et sociale du pays, refusent même tout étude de la politique, et s’imaginant pouvoir peser, juste parce qu’ils donnent leur avis et qu’à un moment donné il y a des milliers de personnes qui les écoutent.

Que Jean-Luc Mélenchon trouve cela fascinant, qu’il s’agisse pour lui de « la fin d’année politique la plus motivante de [sa] longue vie d’engagements » en dit long sur ce qu’il représente, sur son populisme.

Ce populisme qui est d’ailleurs tout à fait en phase avec la rhétorique nationaliste antisémite critiquant « l’argent roi » emprisonnant le pays :

« J’ai donc le cœur plein de gratitude pour ces gilets jaunes qui mènent avec tant de bon sens, tant de sang-froid, tant de constance, le combat pour libérer notre pays des chaînes de l’argent roi. »

Les gilets jaunes ne représentent rien d’historique en eux-mêmes, ils ne sont qu’un sous-produit, un soubresaut populiste annonçant l’avancée terrible du fascisme dans la France en crise du XXIe siècle.

Et Jean-Luc Mélenchon converge avec ce phénomène.