Les valeurs de la Science-fiction et de la Fantasy s’opposent radicalement, reflétant le conflit entre le passé et l’avenir.
Il était tout naturel que le choix d’auteurs de Science-fiction de soutenir l’armée française à se moderniser, à prévoir des scénarios, provoque un grand émoi chez les amateurs de Science-fiction. C’est que la Science-fiction est historiquement le pendant de la Fantasy. Ces deux formes de littérature et de cinéma se sont particulièrement développées aux États-Unis, pays littéralement passé des cow-boys aux gratte-ciels. Cela a marqué les esprits et il y a eu deux directions opposés qui ont été prises.
Les progressistes se sont tournés vers l’avenir. Ils ont considéré que l’humanité connaissait une évolution de grande ampleur, que la vie quotidienne allait être révolutionnée, les barrières entre les Hommes dépassées. Pour eux, les préjugés ne pouvaient que disparaître, l’humanité prenant enfin conscience de l’universalité, de la nécessité de se tourner vers la découverte de l’espace, la science, la culture, la paix. Les grandes références historiques sont Cent ans après ou l’An 2000 d’Edward Bellamy en 1888, ainsi qu’au 20e siècle la grande fresque romanesque Les robots / Fondation d’Isaac Asimov et la première génération de la série télévisée Star Trek.
Les réactionnaires se sont tournés vers le passé. Ils ont inventé des mondes parallèles, dans un passé mythique, peuplé de races en guerre et de héros. Cherchant à détourner les esprits, ils ont façonné des mondes pittoresques, avec des êtres grotesques (elfes, nains…), des castes, de la magie, un combat entre le Bien et le Mal. Les œuvres les plus connues sont Conan le barbare, Le seigneur des anneaux, Harry Potter, Star Wars, Dune.
Culturellement, les publics se tournant vers les uns ou les autres n’ont rien à voir. Cela se lit particulièrement dans le rapport à la technologie. Les tenants de la Science-fiction sont tout à fait ouverts aux évolutions technologiques, aux ordinateurs, aux robots, etc. Les tenants de ce qu’on doit appeler la Fantasy ont par contre une profonde haine de la technologie, comme en général du monde moderne. Le fond de leur approche est d’ailleurs la « révolte contre le monde moderne » propre à l’extrême-Droite.
Alors que la Science-fiction dit qu’un monde décadent doit être dépassé par l’avenir, la Fantasy dit qu’un monde dégénéré doit laisser la place aux valeurs d’on ne sait trop quel monde parallèle fantasmagorique.
Alors que la Science-fiction dit que l’humanité s’en sort par une communion collective, la Fantasy valorise un monde divisé en castes où tout le monde doit être à sa place. C’est pour cela qu’à la liste mentionnée plus haut, il faut par exemple ajouter Astérix et Obélix, une œuvre totalement réactionnaire. Il faut évidemment ajouter Blake et Mortimer, Tintin et Milou, deux bandes dessinées jouant naturellement sur le côté magique, les extra-terrestres, etc. Dans tout ces œuvres il y a un ordre passé auquel on revient indéfiniment. Chacun à sa place, tout à sa place, c’est une lecture romantique-communautaire tout à fait réactionnaire.
Voilà pourquoi il ne faut pas se dire : tel auteur est de gauche, il fait ci, tel auteur est de droite, il fait ça, tel lecteur est de gauche, il lit ça, tel lecteur est de droite, il fait ça. Ce n’est pas ainsi que cela marche. C’est la culture de gauche en général qui produit les auteurs et les lecteurs, c’est l’idéologie de droite en général qui produit les auteurs et les lecteurs. Ce qui se joue, c’est ce qu’on appelle la lutte des classes. Elle passe par des multiples vecteurs historiques, à travers les auteurs, les lecteurs, les œuvres.
Tout est le reflet d’un processus, voilà pourquoi une œuvre qui se tourne vers le passé reflète la tentative de freiner le cours de l’Histoire, d’en empêcher le développement. Une œuvre tournée vers l’avenir est par contre le produit de la tendance à la transformation. Lorsqu’une série de science-fiction de série B comme Babylone 5 montre des personnages sacrifiant leur vie pour les autres, c’est le reflet de la victoire du collectivisme historiquement sur l’égoïsme et le passé.
C’est le sens du fameux propos de Spock dans Star Trek : « L’intérêt du plus grand nombre l’emporte sur l’intérêt d’un seul ». C’est notre avenir.