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Société

Événements de Dijon: l’américanisation de la société française

La société française craque de partout. Le libéralisme a tellement triomphé dans tous les domaines que l’État de droit cède toujours plus de terrain… Exactement comme aux États-Unis.

Le contexte de la fin du confinement dans les différents pays européens est incroyablement différent et c’est lourd de sens pour interpréter la crise terriblement profonde que connaît la France. En Autriche, la police vient d’infliger ainsi une amende à quelqu’un pour « vent intestinal », car il avait ostensiblement pété en leur présence. En France, pendant trois jours des gens peuvent se balader avec des armes et les utiliser dans une grande ville, sans qu’il n’ait de réponse étatique.

Le décalage est énorme. La France s’effondre de partout, il n’y a plus grand-chose qui tient à part le poids des habitudes. Lors de sa dernière allocution, Emmanuel Macron avait souligné que l’État avait tenu face à la crise sanitaire : s’il se sent obligé de le dire, c’est qu’il avoue à demi-mot que la situation est terriblement grave.

L’affaire de Dijon est terriblement symptomatique de tout cela. Un jeune homme agressé et les principes féodaux se matérialisant violemment : étant d’origine tchétchène, cela a provoqué l’arrivée en masse de groupes de plusieurs dizaines de personnes – autour de 200 – cherchant des affrontements avec des Maghrébins, au moyen de couteaux, de barres de fer et d’armes de poing, ainsi que de fusils automatiques.

C’est le Far-West dans le quartier dijonnais des Grésilles, voire dans le centre-ville, et la police a laissé faire, et on a ainsi des vidéos de groupes armés paradant sur les réseaux sociaux. C’est ni plus ni moins qu’une affirmation de l’américanisation de la société, la France ayant passé un tel cap dans libéralisme que les tissus sociaux sont dégradés au point que la société se décompose.

Et l’un des terribles symboles de cette situation des Grésilles, un quartier à l’abandon laissé au communautarisme et aux mafias, c’est François Rebsamen. Il est maire de Dijon depuis 2001. Cela fait vingt ans pratiquement donc et dans les faits il accompagné une situation empirant.

Militant de la Ligue Communiste Révolutionnaire de 1970 à 1974, il a ensuite de très hautes fonctions dans les cabinets ministériels socialistes. Il a été sénateur, ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social, mais surtout le numéro 2 du Parti socialiste de 1997 à 2008 : c’est la grande figure des partisans de François Hollande, il a été son grand conseiller.

Voilà où aboutit l’opportunisme. Voilà où aboutit la mentalité des universitaires de gauche qui disent que les problèmes sont sociaux, qu’il ne faut pas juger, pas avoir de critères culturels. C’est un moyen de se soumettre au libéralisme et de laisser le capitalisme pourrir les gens à grande échelle, avec certains secteurs où cela termine toujours plus mal.

Les événements de Dijon sont une terrible expression de comment toute une partie de la population est désocialisée, déconnectée du reste, vivant en vase clos avec un capitalisme d’autant plus pervers qu’il est encadré de manière féodale, que la féodalité est y est modernisée. Le capitalisme et la religion en même temps : comment des gens enferrés là-dedans pourraient-ils s’en sortir ?

Ce dont paie le prix ici, c’est très clairement l’incapacité des ouvriers de l’usine Renault de Choisy-le-Roi à avoir impulsé la lutte des classes. Ce qui s’est passé à Dijon n’aurait pas pu avoir lieu si une autre actualité, réelle, l’emportait. Mais on n’a pas eu la grève, on a le collectif « la vérité pour Adama » et toute une vaine agitation ouvertement étrangère à la classe ouvrière.

Et la situation ne se calmera pas : les tensions augmenteront toujours plus, car la France est en crise. S’il n’y a pas de Gauche historique, cela sera l’implosion et la remise en marche sous l’égide du nationalisme et du militarisme, le tout pour sauver le capitalisme.

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Écologie

La chasse à courre : une survivance féodale devenue une insupportable expression de la réaction

La chasse à courre du cerf s’est constituée dans notre pays à l’époque féodale, c’est-à-dire à partir du tournant du IXe siècle, comme un rituel propre à l’aristocratie militaire, et plus encore, à la royauté. Mais dès cette époque, sa constitution a été envisagée dans la perspective de son abolition nécessaire à venir, qu’il est temps de réaliser à notre époque.

chasse à courre

La base dont hérite le Moyen Âge fait d’abord de la chasse au cerf une activité indigne, l’animal étant présenté dans la tradition de l’Antiquité comme le symbole de la lâcheté, sa viande comme molle et malsaine. À l’époque romaine, on lui reproche dans la littérature latine sa faiblesse, le fait de fuir devant la meute de chiens qui le poursuit en refusant le combat. À son image, on qualifie d’ailleurs les soldats déserteurs de cervi.

Le poète romain Martial conseille donc aux citoyens nobles ou de bonne réputation de laisser l’animal aux chasseurs des populations rurales asservies, qui leur correspond en tout point : cervi relinques vilico (laisse le cerf aux vilains). Au contraire, on lui oppose, autant dans la tradition latine que dans les récits celtes ou germaniques, la chasse à l’ours ou au sanglier. Ces deux animaux, et en particulier le sanglier, sont affublés d’une image qui permet à l’aristocratie féodale en voie de constitution à la fin de la période antique, de s’affirmer sur le terrain des vertus et du symbole, comme classe combattante, servante de l’ordre public.

Affronter un sanglier devient donc un rituel exprimant le courage, la force et la puissance de cette classe sociale face à un animal que l’on décrit comme fulminant, enragé, ne cédant pas face à la menace, chargeant hors de sa bauge, les soies hérissées, l’oeil enflammé en répandant une odeur épouvantable. Sa chasse nécessite un équipage nombreux de cavaliers et de chiens, dont beaucoup meurent dans la traque, se terminant en un face à face sauvage opposant l’animal acculé et furieux à un homme seul qui se doit de l’empaler et de l’achever au couteau au péril de sa propre vie.

Il s’agit donc là d’un rituel particulièrement brutal et barbare dans sa forme, au point justement où les forces les plus avancées de la féodalité sont poussées à partir du XIIe siècle à entreprendre une progressive mais incomplète mise au pas de la pratique de la chasse sous tous ses aspects, mais en particulier concernant les rituels de la distinction de l’aristocratie.

Tout d’abord, la chasse au sanglier subit une dépréciation, menée notamment par les forces de l’Église. Celle-ci reprend la culture latine et met en forme les récits celtes et germaniques en les annexant au dispositif culturel du christianisme. Le sanglier se voit ainsi doter d’une image peu à peu satanique. La simple reprise mot pour mot des descriptions antiques, latines ou non, permet dans le nouveau cadre, de dresser le portrait d’un animal sauvage, épuisant les meutes, les chevaux et les hommes, qui terminent leur chasse dans un état proche de la transe. Son aspect brutal et sauvage, pousse les clercs à assimiler l’animal, tout comme l’ours, au paganisme, à l’ignorance, à la barbarie.

L’animal en vient à être considéré au cours des XII-XIVe siècles à l’instar du loup comme un simple nuisible malfaisant, responsable de la destruction des vignes ou des cultures, et même on le tient responsable de la mort du roi Philippe le Bel en 1314. Il se range donc à partir de ce point au rang d’une bête qu’on doit désormais éliminer de manière utile et technique, non plus par une chasse à courre à cheval, mais à l’aide de simples rabatteurs piégeant l’animal dans les filets ou des trappes afin de l’éliminer prudemment et sans combat.

En parallèle, la culture chrétienne met progressivement en avant la chasse au cerf, qui se voit valoriser comme proie et doter d’une dimension civilisée, c’est-à-dire dans le cadre historique d’alors, chrétienne. Dès l’époque des Pères de l’Église, à la fin de l’Antiquité, le cerf est assimilé au Christ lui-même en jouant sur l’homophonie latine : cervus/Servus (le cerf/le Sauveur). Dans le même ordre d’idée, le cerf est assimilé à la conversion, au baptême, sur la base du Psaume 42, dans lequel le croyant est assimilé à un cerf assoiffé cherchant la source du Seigneur.

L’animal gagne donc une place dans les registres iconographique mobilisés pour décorer les églises et dans les textes à valeur symbolique ou religieuse. Sa viande enfin est elle-même mise en valeur sur la base du Deutéronome (le livre des commandement de l’Ancien Testament dans la tradition mise en forme par l’Église romaine) qui présente sa chair comme étant la plus pure de toute. Sur cette base culturelle, l’Église entend donc clairement pousser à policer la chasse, à lui donner une dimension chrétienne.

Les récits hagiographiques, présentant la vie de saints comme étant des modèles à suivre, intègrent aussi la présence du cerf comme animal christologique, présentant la conversion de chasseurs apercevant l’animal avec une croix lumineuse entre ses cors.

Ces derniers sont eux aussi progressivement assimilés par la symbolique chrétienne : on note la présence de dix cors, parallèle avec les dix commandements, on note la repousse de ceux-ci comme écho à la Résurrection, on rappelle aussi que Pline, (auteur latin tenu pour être une source des « sciences naturelles » au Moyen Âge), observe que le cerf utilise ses cors pour forcer les serpents à sortir de leur trou avant de les tuer, ce qui fait écho à la lutte du Christ contre Satan. La chasse au cerf devient donc un rituel rejouant la Passion, un sacrifice charitable qu’offre l’animal, dont la traque et l’exécution doivent donc être policées, ritualisées.

En un mot, ne pouvant abolir la chasse dans le contexte de la féodalité, l’Église, comme avant-garde culturelle de la classe aristocratique, a simplement été en mesure de la civiliser par une forme, un contenu, qui correspondait à ses valeurs. Exactement comme elle a cherché pour les mêmes raisons à encadrer la guerre par le mouvement de la Paix de Dieu et par les Croisades.

Finalement, le dispositif même de cette chasse, assimilé à la chasse noble par excellence, finit de facto par raréfier les grandes chasses aristocratiques. La chasse au cerf en effet suppose concrètement la maîtrise juridique de vastes espaces forestiers. En conséquence, la concentration des pouvoirs et le progressif monopole sur les forêts, finit par en faire l’apanage des seuls plus puissants parmi les aristocrates, et surtout du roi lui-même, appuyant ici toute la dynamique féodale à l’élaboration d’un État monarchique centralisé que soutien l’Église. Les traités de véneries qui se développent justement au XIVe siècle à destination de la haute noblesse illustrent le caractère distinctif de la chasse à courre visant le cerf, comme une affirmation sociale de la supériorité et de la domination des grandes dynasties aristocratiques sur la société féodale de France. Parmi eux, le plus célèbre est certainement le Livre de chasse du comte de Foix Gaston Phoebus, et il s’y exprime très précisément ce qu’est alors devenu la chasse à courre :

Toutes les personnes ne sont pas mues de la même volonté ou du même courage, mais elles sont de natures diverses, comme l’a voulu Dieu notre Seigneur, qui ordonna ainsi plusieurs formes de chasse, qui sont de diverses manières afin que chacun put trouver chasse à sa plaisance et selon son État, car les unes appartiennent aux puissants, les autres aux faibles, et je vais donc vous les présenter par ordre. Je commencerai donc par la vénerie des cerfs, comment on les prend à la force des chiens, chasse qui est la plus plaisante qui soit. C’est une bonne chasse que celle du cerf, car c’est belle chose que de bien traquer un cerf, belle chose de le poursuivre, de le courir longuement jusqu’à l’abattre, soit en eau soit sur terre, belle chose la curée, belle chose de bien l’embrocher, de le dépecer et de lever les chairs. C’est une belle bête et plaisante, et je tiens là que ce soit donc la plus noble des chasses.

Si l’action de l’Église dans le cadre de l’essor de la féodalité a eu une incontestable dimension progressiste en faveur de la culture, du soutien de la vie, on saisit immédiatement, et dans le cadre même de la féodalité toutes les limites cependant, toutes les contradictions de cette oeuvre. L’Église n’était pas en mesure de briser l’aristocratie et ses besoins de distinction, au vu de la faiblesse des connaissances scientifiques et de sa capacité d’action bornée par le cadre du féodalisme dont elle était elle-même partie prenante. Elle a donc dû au final abolir ces ambitions morales, elle n’était pas en mesure de pousser à l’abolition concrète et effective de la chasse.

Celle-ci, et en particulier la chasse à courre, est donc restée un rituel aristocratique, un espace permettant l’expression du caractère le plus archaïque de cette classe, dont les racines plongent précisément dans les formes les plus avancées du tribalisme barbare et toute sa brutalité ici prolongée. En dépit de tous les efforts pour faire avancer cette question dans le cadre féodal, cette barbarie suinte encore ouvertement de ce texte du XIVe siècle.

On peut donc mesurer depuis notre époque, en 2019, à quel point le maintien de la chasse à courre constitue un archaïsme réactionnaire exprimant toute la brutalité barbare des éléments les plus attardés du féodalisme. Le sentiment de rejet écoeuré exprimé par les masses face à la chasse à courre, face à la brutalité de son exercice, face à toute l’arrogance anachronique de ses pratiquants qui la prolongent à l’ère de l’exigence démocratique et populaire en faveur de la vie, en faveur d’un rapport harmonieux à la biosphère est donc un sentiment juste, qui va dans le sens du progrès, dans le sens même de l’Histoire.

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Écologie

Qui décide du sort du vivant dans les forêts nationales ?

L’Office National des Forêts (ONF) assigne trois personnes prises au hasard parmi la foule des manifestants contre la chasse à courre. Il s’agit d’un procès civil par lequel l’institution chargée de gérer les forêts nationales entend faire payer à ces gens le fait que les chasseurs n’ont pas remplis leur objectif quantitatif d’animaux tués la saison dernière.

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En plus du problème moral évident que pose la chasse à courre comme pratique moyenâgeuse d’une brutalité ignoble, c’est la question du pouvoir politique dans les forêts nationales qui se trouve mis en évidence. Qui décide du sort du vivant dans les forêts nationales ?

> Lire également : L’ONF réclame 55 000 € à trois opposants à la chasse à courre

En matière civile, la pierre angulaire du système juridique est sans conteste la propriété privée. La bourgeoisie, en tant que classe sociale, devant son existence à la propriété privée des moyens de production, elle a logiquement mis en place un ensemble cohérent de règles régissant son maintien, par la transmission et le développement de la propriété privée.

Ce système juridique est un acquis de la bourgeoisie dans le cadre de la lutte des classes ; c’est une construction historique. Dans la dernière partie du Moyen Âge, plus la bourgeoisie française prenait de poids dans les échanges économiques au sein du royaume, plus les féodaux reculaient eux-mêmes. Avec le recul de ces derniers, c’est l’ordre juridique basé sur les privilèges de naissance qui perdait en pertinence.

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La féodalité réservait le travail aux membres des classes sociales inférieures : les paysans, les travailleurs des villes et les bourgeois. Cette configuration avait des conséquences sur la propriété, laquelle était largement collective (et non privée, donc). Les possessions royales et seigneuriales peuvent être considérées comme des propriétés, dans le sens où la chose a un maître qui décide de ce qui y est fait. Mais les nobles (donc évidemment le Roi) ne travaillent pas. Les droits sur le bien immobilier sont donc divisés entre la propriété éminente qui reste aux nobles et la propriété utile qui va à celui qui exploite la terre, le moulin, le bois, le four, etc. Le droit de chasser était réservé aux classes dominantes : le Roi, les nobles et les ecclésiastiques, chacun sur leur domaine respectif.

Avec le travail, la bourgeoisie est alors porteuse du plus haut niveau de culture. Elle est capable de puiser dans l’Antiquité pour faire naître ce dont l’époque a besoin. La propriété telle que la bourgeoisie la conçoit est refondée à partir du droit romain, comme le souligne Friedrich Engels dans La décadence de la féodalité et l’essor de la bourgeoisie :

« Avec la redécouverte du droit romain, la division du travail s’opéra entre les prêtres, consultants de l’époque féodale, et les juristes non ecclésiastiques. Ces nouveaux juristes appartenaient essentiellement, dès l’origine, à la classe bourgeoise ; mais, d’autre part, le droit qu’ils étudiaient, enseignaient, exerçaient, était aussi essentiellement anti-féodal par son caractère, et, à un certain point de vue, bourgeois. Le droit romain est à tel point l’expression juridique classique des conditions de vie et des conflits d’une société où règne la pure propriété privée, que toutes les législations postérieures n’ont pu y apporter aucune amélioration. »

Selon l’adage latin Cujus est solum ejus usque ad caelum usque ad inferos, Qui est propriétaire du sol est propriétaire jusqu’au ciel et jusqu’aux entrailles de la terre. Peu importe donc sa naissance, celui qui est propriétaire d’un terrain possède tout ce qui s’y trouve. S’agissant des arbres, il les possède des racines à la cime. S’agissant des animaux, il dispose des taupes qui peuplent le sous-sol comme des colonies de passereaux qui volent en surplomb et de toutes les vies qui s’ébattent entre ces deux extrémités. Sauf interdiction particulière de la loi ou du règlement, le propriétaire peut donc détruire les êtres vivants sur sa propriété. Il peut chasser lui-même, ou céder ses droits de chasse.

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Les « parties » de chasse à courre ont parfois lieu sur des propriétés privées individuelles. On pense alors au vastes étendues boisées qui jouxtent les demeures de la Renaissance ou les pavillons de chasse du 19e siècle. La vie de château quoi !

L’ONF traîne des gens devant la justice parce qu’il considère qu’ils ont gêné des veneurs dans leurs chasses. Or, si c’est l’ONF qui est concernée, c’est donc qu’il s’agit ne s’agit pas de biens individuels.

En effet, l’ONF est chargé de l’exploitation des forêts qui appartiennent à l’État.

Or, en République, ce qu’il advient des choses de l’État est par principe décidé par le peuple. Ce n’est de toute évidence pas le cas dans de nombreux domaines. Il n’y a ainsi pas de débat public concernant le sort du vivant dans les forêts nationales.

Pourtant, les forêts nationales appartiennent au domaine privé de l’État. Par opposition au domaine public de l’État qui est régi par des règles de droit public, donc du droit de l’administration, le domaine privé de l’État est régi par des règles de droit privé, donc du droit de la personne privée.

On peut donc considérer que l’adage latin cité ci-dessus, selon lequel le propriétaire du sol est propriétaire du sous-sol et de ce qui est en surplomb, doit s’appliquer aux forêts nationales. Il appartient donc théoriquement au peuple, propriétaire des forêts nationales au travers de l’État, de décider du sort du vivant dans celles-ci.

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Mais à gauche on le sait, le droit ne fait pas la réalité, c’est bien plutôt les tensions qui s’exercent dans la réalité quotidienne qui poussent le législateur à produire les règles juridiques. Ainsi, le développement des règles qui concernent la vie dans les forêts nationales, particulièrement celles qui concernent la chasse, a suivi les flux et reflux du pouvoir féodal.

Les grands massifs forestiers comme ceux D’Île de France, de Picardie et de l’Ouest de la France ont été un enjeu important de la lutte de pouvoir qui a opposé sur près de quatre siècles la féodalité et la bourgeoisie. Les grandes forêts constituent une source de profit important et constituaient un poste industriel stratégique (construction navale, industrie verrière, etc.). Asseoir son pouvoir politique passait nécessairement par le contrôle de ces forêts.

Un aspect culturel important se jouait également au travers de la possession des forêts. Les forêts domaniales étaient des propriétés éminentes du Roi. Classe victorieuse de la Révolution de 1789-1792, la bourgeoisie s’empare des forêts royales et en fait des possessions du domaine. Les arbres transformés en bois deviennent des marchandises qui intègrent les marchés. La chasse en forêt domaniale n’est plus un privilège mais devient un loisir de gentilhomme.

Paysans et roturiers sous l’ancien régime, puis aujourd’hui paysans et ouvriers sont exclus de la gestion de la forêt domaniale. La forêt royale est devenue domaine privé de l’État, l’ONF est chargée de son exploitation.

À aucun moment il n’existe de débat démocratique, localement ou au niveau national, pour décider la manière dont il faut traiter les êtres vivant en forêt.

Les associations de veneurs s’estiment lésés et se retournent contre l’ONF qui leur cède de manière unilatérale les droits de chasser dans les forêts nationales. L’ONF assigne en justice des personnes prises au hasard dans la foule des opposants à la chasse à courre. Cette histoire procède du déni de démocratie.

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