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La liste La France insoumise aux élections européennes n’est pas de gauche

En campagne depuis plusieurs mois, la liste La France insoumise conduite par Manon Aubry a un projet qui s’inscrit dans la continuité populiste du programme national de l’organisation de Jean-Luc Mélenchon. Cette liste ne peut pas être qualifiée de gauche.

Si, pour les besoins des élections européennes, la France insoumise s’est alliée à des partis s’inscrivant encore dans le cadre de la Gauche, la dimension populiste de leur ligne demeure très présente. Ni le vocabulaire employé, ni la ligne générale suive par cette organisation, n’appartient à la Gauche. Il s’agit d’une sorte de version « gauchisante » de l’Union populaire républicaine de François Asselineau ou une variante du Rassemblement national de Marine Le Pen qui est pour l’immigration.

La logique plébiscitaire est clairement revendiquée. Il est dit – et cette phrase symbolise très bien l’orientation populiste de La France insoumise – que :

« 2019 sera un référendum contre Macron, contre son Europe, celle du fric, de l’austérité, de Merkel. Mais également un plébiscite pour une réelle alternative. »

Plébiscite, critique de la gestion du capitalisme (« l’austérité ») mais pas du capitalisme, dénonciation des dirigeants précis, de l’emprise allemande… On n’est pas loin de Paul Déroulède et on retrouve l’esprit chauvin, populiste et germanophobe du livre Hareng de Bismarck, de Jean-Luc Mélenchon.

Il est dit, de manière particulièrement fascisante, que « L’Union actuelle se résume à un marché unique où les peuples sont soumis à la dictature des banques et de la finance. »

On retrouve la même focalisation que les fascistes sur l’ « argent » (ici, le « fric »), la « finance », les « banques », plutôt que la dénonciation du capitalisme. D’ailleurs, Jean-Luc Mélenchon l’a martelé : il n’est pas contre le capitalisme, il veut « remplir le carnet de commande des entreprises » et construire une « économie mixte », à gestion « keynésienne ».

Dans la logique de soutien aux « bonnes affaires » de Dassault qu’avait professé Mélenchon par le passé, ou de son intérêt pour Martin Bouygues professé plus récemment, ce sont les intérêts de la puissance française qui sont ici défendus. Pour faire simple : la France serait sous tutelle, et il lui faudrait s’affirmer de manière agressive pour pouvoir assurer une gestion sociale du capitalisme.

Comme chez un Asselineau, on nous explique que les privatisations, les destructions des services publics (dont Jean-Luc Mélenchon est également responsable, lui qui fut sénateur puis sous-ministre socialiste au temps des privatisations et qui permit, comme sous-ministre de l’enseignement professionnel, à des entreprises comme Dassault de mettre davantage le pied dans les lycées techniques et professionnels), seraient uniquement le fait de l’« Europe », dédouanant ainsi le capitalisme français.

Emmanuel Macron ne serait pas le représentant d’intérêts capitalistes français mais le « fils aîné » de cette « Europe supranationale », soumis « aux ordres de la Commission », de la « droite allemande », de l’ « oligarchie et des lobbys ».

On retrouve des attaques à tonalité très nationaliste contre les dirigeants « vendus à l’étranger », soumis à la « caste » de la « finance mondiale ». On n’est pas loin, à bien y regarder, des thèses complotistes, antisémites ou anti-maçonniques, sur le petit groupe de malfaisants qui contrôle le « capitalisme apatride » et vend le pays à l’étranger. En exagérant à peine, et sans faire non plus des efforts surhumains d’imagination, on retrouverait presque les thèmes anti-dreyfusards.

Le projet est très simple : il faut « dégager » (ce terme populiste est revendiqué) les mauvais gestionnaires corrompus pour prendre leur place, la France doit montrer les dents, s’imposer comme grande puissance combattant l’Allemagne, pour imposer ses vues.

Dans sa guerre contre les États-Unis et l’Allemagne (les « yankees » et les « boches », comme dirait Jean-Luc Mélenchon, dans toute sa délicatesse chauvine et xénophobe), la France insoumise s’oppose aux accords de libre-échange… pour mieux proposer une alliance stratégique avec la Russie, la Chine (et les autres États des « BRICS »), afin de former un « nouvel ordre monétaire international » s’opposant aux États-Unis et favorisant les intérêts capitalistes français.

On voit toute l’hypocrisie du projet, qui prétend « soutenir les pays en développement souhaitant défendre leur souveraineté économique » mais qui évoque, quelques lignes plus bas l’importation de produits issus du commerce équitable venant de ces pays. C’est-à-dire, en termes moins hypocrites, de renforcer les liens de types impérialistes entre la France et ces pays qui sont, pour l’heure, soumis à un « impérialisme » concurrent, et faire d’eux des importateurs de produits agricoles.

Il n’y a aucune différence avec la domination que subissent déjà ces pays (africains ou latino-américains, par exemple) de la part de la Chine, des États-Unis ou de la Russie, si ce n’est qu’il s’agirait pour la France – et également une Union européenne dominée par elle – de réserver le créneau du commerce « équitable ».

En fait de soutenir la « souveraineté économique » de ces pays, cela reviendrait à maintenir la spécialisation de leur économie et, donc, la soumission de ces petits pays « gardes-manger » aux grandes puissances. Un impérialisme « écolo », en quelque sorte.

La France insoumise veut sortir de l’OTAN (ce qui est aussi une revendication traditionnelle de la Gauche) et affirme par ailleurs la nécessité de l’indépendance de la France (pauvre cinquième puissance mondiale opprimée…) On jugera du caractère européen d’un programme qui veut «  Défendre l’indépendance de la France, le principe d’une action de police et non militaire, et le renforcement des moyens de l’État pour lutter contre le terrorisme. »

C’est sous-entendre que l’Union européenne empêcherait la France d’avoir une politique anti-terroriste autonome… Cela est d’autant plus étrange qu’il s’agit juste après dans le programme de défendre l’indépendance de l’Union européenne par rapport aux États-Unis.

C’est d’ailleurs la base de la position de la France insoumise : on ne quitte pas directement l’Union européenne, mais on fait comme on veut, que cela plaise ou non. Là où un Benoît Hamon dit qu’on peut commencer à agir dans le cadre de l’Union européenne ou qu’un François Asselineau dit qu’on ne le peut pas, la FI tente un entre-deux très opportuniste basé sur l’idée, martelée depuis des années par Jean-Luc Mélenchon, selon laquelle « quand la France parle, on l’écoute ».

Pour le reste, la France insoumise défend quelques positions écologiques mais ne propose pas grand-chose de concret pour lutter contre l’exploitation animale : la vivisection est condamnée, mais seulement en partie, on propose un « élevage en faveur du bien-être animal », etc. Le petit exploitant « biologique et paysan » est idéalisé, et présenté comme respectant le « bien-être animal ».

Quel bien-être est celui qui consiste à être exécuté au bout d’un cinquième de son espérance de vie pour être consommé ? Quant au culte du petit producteur indépendant, il s’oppose à la nécessité de notre temps : une production biologique à large échelle, pour nourrir la population planétaire sans détruire l’environnement. De ça, la France insoumise ne peut vouloir, puisqu’il faut toujours relancer le capitalisme, même bio. Les poissons sont considérés comme des « ressources », ce qui est logique puisque la France insoumise veut développer la pisciculture.

Certes, cette organisation défend des mesures sociales, de protection des travailleurs (sans aller non plus jusqu’à affronter les « droits des entreprises », évidemment), des mesures écologiques (notamment concernant l’interdiction des pesticides, la lutte contre la pollution, etc.) ou démocratiques (plus de contrôle sur l’action de la Commission européenne), mais tout apparaît comme soumis à la volonté de renforcer la France, et de « mieux gérer » le capitalisme français et européen que la « caste » précédente.

C’est sur la base d’une mobilisation social-chauvine et particulièrement populiste que la France insoumise mène campagne, excusant d’une certaine manière son nationalisme derrière une prétention altermondialiste et poussant des cris d’orfraie chaque fois que l’on en pointe les travers, dénonçant la « calomnie », la « félonie », la « censure », etc.

Si on devait résumer le projet de la France insoumise en quelques points, on pourrait dire qu’il s’agit :

• de renforcer l’influence française et d’affronter l’Allemagne et les États-Unis en s’alliant avec la Chine et la Russie ;

• de modeler une Union européenne au service des intérêts de la France ;

• de moderniser la France et l’Union européenne dans le sens d’un « capitalisme vert », l’idée étant d’investir dans le « capitalisme vert », et de renforcer la puissance capitaliste pour pouvoir proposer une politique plus sociale, plus écologique.

Les mesures écologiques et sociales apparaissent ainsi comme soumises à la perspective de gestion efficace et de modernisation du capitalisme, avec le renforcement de l’agressivité capitaliste française en arrière-plan et l’affrontement avec les concurrents de la puissance française.

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De la FI au RN, Andréa Kotarac : l’inévitable convergence des populismes

De la France insoumise au Rassemblement national, il n’y a qu’un pas et on n’est pas étonné que celui-ci soit franchi par Andréa Kotarac. Le conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes a appelé hier soir à voter pour la liste conduite par Jordan Bardella pour les Européennes, alors qu’il a été membre de l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2017 et qu’il était jusqu’à hier membre de la France insoumise.


Cela n’est pas une surprise, tellement l’orientation d’Andréa Kotarac était nationaliste. Celui-ci n’a pourtant pas été exclu de la France insoumise le mois dernier après sa petite escapade avec des fachos en Crimée, largement médiatisée. On imagine que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, malgré quelques divergences internes, voulait garder pour lui celui qui incarnait la ligne « pro-Russe », ouverte à la Russie, à une alliance entre la puissance française et la puissance russe, contre les États-Unis.

Ce « choix » de la Russie est partagé tant par Marine Le Pen que par Jean-Luc Mélenchon. On relèvera d’ailleurs qu’en fin de soirée hier, alors que le compte Twitter de Jean-Luc Mélenchon n’avait pas encore réagi à l’annonce d’Andréa Kotarac, il y était question de la Russie justement, avec une citation du meeting en cours à Besançon :

« Beaucoup de ceux qui sont dans cette salle ont voulu faire l’Europe pour la paix. Et aujourd’hui, on nous entraîne dans la guerre avec la Russie. Nous, nous parlons une langue universelle : plus d’écoles pour nos enfants, donc plus de professeurs ! »

Andréa Kotarac semble donc avoir fait le choix de l’orignal à la copie, en rejoignant le parti de Marine Le Pen . Il a présenté son ralliement, en direct à la télévision, par la volonté de faire « barrage » à Emmanuel Macron :

« J’appelle à voter pour la seule liste souverainiste, qui met en avant l’indépendance de la France, et qui est la mieux à même de faire barrage à Emmanuel Macron, de faire barrage à ce rouleau compresseur anti-social qu’est Emmanuel Macron : cette liste c’est celle de monsieur Bardella ».

Son propos nationaliste était accompagné de cette immonde verbiage populiste, anti-politique, faisant de la haine personnelle un argument :

« Ma mission personnelle c’est de faire en sorte que librement, en tant qu’homme libre, je fasse baisser le plus bas possible le score de LREM, mais vraiment le plus bas possible, c’est-à-dire au niveau du charisme de Nathalie Loiseau. »

Ce genre de propos à la « gilets jaunes », cette puanteur de l’esprit, est typique de l’extrême-droite et a en effet toute sa place au Rassemblement national de Marine Le Pen.

Le soutien d’Andréa Kotarac à la liste conduite par Jordan Bardella a d’ailleurs été préparé en amont pour que la convergence soit totale. En même temps que l’annonce à la télévision, il y en a eu une autre, en ligne, d’un entretien dans la revue Éléments à paraître en kiosques vendredi.

Cette revue représente une sorte d’avant-garde intellectuelle du fascisme en France. Son but a été durant ces dernières années de promouvoir et de définir un altermondialisme de droite, qui a été assumé tout autant par Marine Le Pen, de manière institutionnelle, que par les franges les plus radicales de l’extrême-droite, de manière plus virulente et culturelle.

Les quelques extraits trouvables en ligne sont sans ambiguïtés, montrant un positionnement farouchement contre la Gauche et l’esprit de la Gauche.

Personne n’imaginera qu’Andréa Kotarac se soit métamorphosé du jour au lendemain : ses considérations anti-Gauche ont largement cours à la France insoumise.

Cela commence d’ailleurs à faire beaucoup, après l’hostilité anti-allemande de Jean-Luc Mélenchon, le populisme assumé de François Ruffin, le rejet ouvert de la Gauche par Alexis Corbière – et son entretien à Valeurs actuelles, ou encore le départ de Djordje Kuzmanovic pour lancer un nouveau mouvement nationaliste.

De la France insoumise au Rassemblement national, les populismes convergent, car ils disent la même chose, ont le même style et surtout, la même finalité : rejeter la Gauche, la contourner, l’éliminer.

À la Gauche d’être à la hauteur, pour faire barrage donc, non pas simplement à Emmanuel Macron, mais à toute cette ambiance nauséabonde dans le pays, issue de la Droite. Il faut un Front populaire, une large unité de la Gauche sur les bases de son héritage historique, en assumant le Socialisme contre le fascisme.

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Des élus locaux de la Gauche républicaine et socialiste appellent à soutenir la liste de la France insoumise aux élections européennes

La Gauche républicaine et socialiste a lancé un appel d’élus locaux à voter pour la liste de la France insoumise conduite par Manon Aubry aux élections européennes.

La Gauche républicaine et socialiste (GRS) est le parti fondé en début d’année par Marie-Noël Lienmann et Emmanuel Maurel, après avoir quitté le Parti socialiste. Dès le début, il a été expliqué que cette structure serait une force d’appui à Jean-Luc Mélenchon, afin d’attirer des personnes de la Gauche vers le populisme de la France insoumise.

> Lire également : Fondation du nouveau parti « Gauche républicaine et socialiste »

Il est donc logique qu’elle soutienne et participe à la liste de La France insoumise pour les prochaines élections. Un appel a donc été lancé et il est fait comme s’il s’agissait d’une dynamique avec des élus de gauche rejoignant l’initiative. Il est proposé de signer l’appel en précisant son nom et son mandat.

Dans les faits, les dix premiers signataires mis en avant sont tous déjà liés à GRS, ou directement membre de l’organisation. C’est donc un soutien à sa propre alliance qui est fait, mais présenté comme quelque-chose venant de l’extérieur.

Le contenu de ce court appel consiste en un keynésianisme classique, avec l’idée qu’il faudrait de la dette pour soutenir les secteurs d’État, ce qui serait forcément bon pour la population. Il n’y a pas une critique du capitalisme ni une perspective de Socialisme mais un rejet des logiques « austéritaire » et du « capitalisme financier ». C’est le discours typique de la « gauche » souverainiste et antilibérale.

« Européennes 2019 : Appel des élus locaux à voter pour la liste de la France Insoumise conduite par Manon Aubry.

Les traités européens qui se sont empilés depuis plus de 30 ans fonctionnent exclusivement selon une logique libérale et austéritaire. Cette orientation impacte lourdement nos collectivités et leurs habitants.

Le carcan des 3% de déficit a entraîné des baisses drastiques de dotations de l’Etat pour les collectivités (moins 10 milliards entre 2012 et 2017 !), réduisant considérablement leurs budgets au détriment des habitants, des investissements d’avenir et de l’entretien des équipements et infrastructures de proximité.

La « concurrence libre et non faussée » a affaibli les services publics et rompu l’égalité républicaine dans de nombreux territoires. Partout la compétition accroît les inégalités, particulièrement dans les banlieues et les territoires ruraux.

Le dumping fiscal et social a favorisé les délocalisations qui privent nos concitoyens de leurs emplois et contribuent à désindustrialiser et dévitaliser notre pays.

L’injonction des institutions européennes à la constitution des grandes régions et des métropoles a éloigné les habitants de leurs élus et affaibli leurs capacités à agir dans les territoires ruraux et périurbains.

Alors que nous aurions pu attendre des politiques fortes pour la transition écologique et un nouveau mode de développement, l’Union européenne maintient une politique agricole productiviste et chimique. Elle reste inféodée au capitalisme financier qui mène l’humanité à la catastrophe écologique et sociale.

Il est désormais clair que nous ne répondrons pas aux attentes de nos concitoyens sans rompre avec

les traités de l’Union Européenne.

Face aux lobbies, aux multinationales et à la technostructure euro-libérale, nous avons besoin d’eurodéputés de combat au Parlement européen, pour défendre l’intérêt général, la souveraineté populaire, le progrès social et la transition écologique.

C’est pourquoi nous, élus locaux, appelons à voter aux élections européennes du 26 mai 2019 pour une Europe enfin au service des peuples !

Les 10 premiers signataires

  • Marc Vuillemot, Maire de la Seyne-sur-Mer (83), Vice-Président de la métropole de Toulon, président de l’Association des maires Ville & Banlieue
  • Monique Bonnet, Maire-adjointe de Clermont-Ferrand (63)
  • Pascal Noury, Maire de Morangis (91)
  • Hadhoum Belaredj-Tunc, conseillère départementale de Reims-2 (51)
  • Bastien Faudot, Conseiller départemental du Territoire de Belfort (90)
  • Marie-Noëlle Lienemann, Sénatrice de Paris, Ancienne Ministre
  • Jean-Luc laurent, Ancien Député, Vice-président chargé de la culture de l’Etablissement Public Territorial Grand-Orly-Seine-Bièvre, Conseiller municipal du Kremlin Bicêtre (94)
  • Dominique Subra, Adjointe au Maire de Foix (09)
  • Philippe Bonnin, Maire de Chartres-de-Bretagne et Conseiller départemental (35)
  • Thierry Cotelle, Conseiller régional, conseiller municipal de Toulouse (31) »
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Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Jean-Luc Mélenchon a fait le choix de s’adresser à la Gauche ce mardi 23 avril en lançant « un appel à la création d’une fédération populaire » dans le journal Libération, qui consiste en un rassemblement autour de sa démarche. C’est contraire au principe de Front populaire qui consiste en une unité politique des forces de la Gauche contre le danger du fascisme.

Dans un long entretien à Libération, Jean-Luc Mélenchon a parlé de la Gauche, ce qui a pu être considéré comme un appel à l’unité. Il a surtout expliqué que le rassemblement devrait se faire autour de sa démarche, qui aurait la légitimité populaire, qui serait forcément la bonne formule alors que la « vieille gauche » est méprisante à son égard.

Il considère avoir acquis une légitimité avec son score au premier tour de la Présidentielle en 2017 (19,58 %, soit 7 059 951 voix). Les élections Européennes doivent être une continuité de cela :

« notre force doit recevoir l’aval populaire. Comme je l’ai reçu pendant la présidentielle. Là sera le centre de gravité pour la suite contre le macronisme. »

Jean-Luc Mélenchon s’estime farouchement mis à l’écart par les formations politiques de gauche elle-mêmes, et les rejette. Ce qui semble l’intéresser, c’est surtout de capter la base électorale de la Gauche, mais pas de participer à une unité. Ses réponses à ce propos sont très claires :

« – Avez-vous abandonné tout espoir d’unité ?
– Je suis réaliste.
– Donc vous espérez toujours rassembler.
– Le peuple, oui. Mais chaque fois que je l’ai proposé, la vieille gauche m’a envoyé balader. Elle n’accepte pas la réalité, c’est-à-dire notre centralité et celle du programme «l’Avenir en commun». Mais si l’élection nous en donne la force, nous assumerons de nouveau notre responsabilité. Nous proposerons de nouveau une fédération populaire à construire dans les élections suivantes et dans les mouvements écologiques et sociaux. »

Quand il lui est posé la question de savoir s’il est capable de faire des compromis avec des gens ne pensant pas comme lui, il répond qu’à l’Assemblée son groupe « vote même des fois avec la droite » et que ce n’est « l’étiquette » qui compte.

> Lire également : Les outrances du populiste et grossier Jean-Luc Mélenchon

Il assume ainsi son orientation populiste, en mettant de côté le débat idéologique et politique à Gauche, qui devrait s’incliner par rapport à sa démarche :

« Je me répète : tout le monde doit se mettre au service de la fédération du peuple. »

La « base de départ pour discuter partout » devrait donc être le programme de La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon est d’accord avec la proposition du journal Libération d’avoir un débat avec la Gauche, mais il précise :

« Il ne faut jamais oublier le but, la fédération populaire entre les classes populaires et les classes moyennes plus favorisées qui n’appartiennent pas à l’oligarchie. C’est la grande question. Elle ne sera pas réglée par la guirlande des sigles de partis. Nous ne sommes plus dans les années 70. Le champ politique s’est effondré. Pas de mon fait. Ce sont les électeurs qui ont dissous le PS et nous ont portés en avant. Nous assumons notre situation. Pas les autres. »

> Lire également : Les propos grandiloquents de Jean-Luc Mélenchon sur Eric Drouet

Quand Jean-Luc Mélenchon a lancé La France insoumise, il s’agissait en effet de se libérer de la Gauche, considérée comme un carcan, en préférant une sorte de populisme social, très poreux au nationalisme.

Pour lui, la société a changé et la modèle de la Gauche est d’une « autre époque » :

« La société était assez stable et les liens de représentation politique fonctionnaient. Le PCF représentait une grande partie de la classe ouvrière. Les socialistes, plutôt les classes moyennes. Tout cela a volé en éclats. Un acteur nouveau est né. C’est ce peuple urbanisé qui s’oppose à l’oligarchie. Voir les gilets jaunes ou l’Algérie. Son existence quotidienne dépend de l’accès aux réseaux collectifs. Cet accès est l’enjeu social central. »

Il précise plus loin que :

« l’évolution du capitalisme a atomisé la société, les formes habituelles de représentation ont explosé. Voyez où en sont les partis politiques traditionnels. »

> Lire également : Alexis Corbière assume de rejeter la Gauche

Cela justifie son écartement de la Gauche, et donc du Socialisme. Il propose donc autre chose, qui y ressemble vaguement, mais sans que cela soit très précis :

« il y a une conscience nouvelle qui rétablit l’idée de changement global, c’est la conscience écologique. Beaucoup ont compris que l’économie productiviste conduit à la catastrophe. Mais c’est un constat qui ne porte pas sa solution en lui-même. Car quels sont les moyens de remédier à la mise en danger de l’écosystème ? Certains pensent que c’est possible dans le cadre de l’économie de marché actuelle, que le système va finalement se réguler. Nous ne le croyons pas. Quand Jadot [le candidat d’Europe Ecologie-les Verts] fait l’éloge de l’écologie de marché, nous sommes en désaccord. Il y faut une intervention collective volontaire et énergique, une planification écologique de la transition. »

Cependant, il n’envisage pas de supprimer l’économie de marché mais est partisan d’une « économie mixte », c’est-à-dire donc pas du Socialisme, qui est le fondement historique de la Gauche (largement abandonné par celle-ci, il est vrai).

Sa vision consiste en une proposition très vague, classiquement réformiste, mais bien en deçà de la radicalité et de l’envergure que pouvait proposer un François Mitterrand en 1981, qui n’était pourtant pas un « révolutionnaire » :

« Nous dénonçons la marchandisation généralisée voulue par les traités européens. Nous préférons revendiquer l’intérêt général, l’action collective. Nous ne pourrons pas relever le défi écologique dans le cadre de la concurrence libre et non faussée, dans le cadre du libre-échange généralisé. La planification est de toute nécessité pour appliquer la règle verte : on ne prend plus à la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer. »

Sur le plan politique, Jean-Luc Mélenchon considère donc que le rassemblement de la Gauche est à la fois possible et pas possible, car « certains sont restés productivistes, nucléaristes, d’autres continuent de faire l’éloge du marché partout. »

La Gauche dans sa forme et sa proposition historique ayant donc échoué selon lui, il n’y aurait pas d’autre choix que de rejoindre sa démarche :

« au demeurant, je ne crois plus à l’ancien modèle de rassemblement des organisations. Nous devons certes nous rassembler, mais au service d’une tâche en commun : fédérer le peuple, réunir ses revendications, en faire un programme compatible avec l’impératif écologique et social. »

Il faut pour cela :

« aller idéologiquement au bout de la mutation écologique et populaire qui est nécessaire. Il faut qu’on soit tous clairs. Pas de tambouille sur la question européenne, sur le nucléaire, sur la question décisive de la paix, de la sortie de l’Otan. »

> Lire également : Andrea Kotarac de la France insoumise à un forum russe avec l’extrême-droite

Jean-Luc Mélenchon ne propose donc pas un Front populaire, qui est la proposition historique de la Gauche face à la menace du fascisme. Le nationalisme ne représente pas un danger pour lui puisqu’il n’en parle pas. Il ne parle d’ailleurs à aucun moment du danger que représente Marine Le Pen. Son nom n’est cité qu’une seule fois dans ce long entretien, pour se comparer à elle, comme s’il se considérait en concurrence avec elle sur le terrain du populisme (« quand Marine Le Pen dit «vous êtes des Blancs chrétiens», je réponds «vous êtes des enfants des Lumières». »)

Précisons pour finir, à propos de sa formation La France insoumise, puisqu’il considère que sa démarche est la bonne et qu’il faut la suivre, qu’elle n’a pas un fonctionnement démocratique.

Il explique en effet, de manière assez obscure, qu’il n’y a « pas de dirigeants » à la France insoumise et qu’il n’y a donc pas de problème au fait qu’aucune direction ne soit élue… C’est pour le moins nébuleux, et effectivement contraire aux pratiques des formations de gauche.

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Il considère ainsi comme de bonnes choses les « 4 000 comités qui fonctionnent en autonomie » et les « 60 % des candidats n’ont pas de carte du parti ». Cela est inacceptable du point de vue de la Gauche traditionnelle car cela empêche toute démarche politique démocratique, en laissant libre cours à des individus et à l’émergence de tribuns ou petits chefs.

Ce n’est pas ainsi que le mouvement démocratique et populaire avancera. Seul un retour aux fondamentaux de la Gauche historique peut permettre de progresser, et certainement pas une liquidation totale de ses principes dans une fuite en avant populiste.