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Daft Punk 1993 – 2021

Le duo electro-house iconique en France a décidé de mettre un terme à son existence.

En France, Daft Punk est intouchable. On dit d’ailleurs les Daft Punk, comme s’il s’agissait de cousins, de gens à la fois proches et loin. La musique des Daft Punk a réussi le tour de force d’être puissamment développée et tout à fait accessible. On est dans la quintessence de la French Touch, avec une musique cérébrale et entraînante.

L’annonce de la dissolution des Daft Punk a donc provoqué une avalanche de réactions, même des Sapeurs Pompiers de Paris, d’autant plus qu’une vidéo (tirée de leur film Electroma) a été utilisée comme « épilogue ».

Les Daft Punk ont-ils réellement eu tant de valeur que cela ? C’est à vrai dire discutable et on peut comprendre par exemple l’avis disant que les Daft Punk n’ont fait que décliner un son electro et house émergeant à l’époque, faisant tout comme Johnny Hallyday pour le rock. Si Around the world est brillant avec d’ailleurs une vidéo formidable, One more time est une prostitution régressive de la culture club.

Pareillement, si Da Funk reflète un haut niveau, tout comme bien entendu Revolution 909, avec une vraie culture club, Harder Better Faster Stronger est un variant commercial, où toute âme est écrasée au profit d’un filtrage du son aseptisé. C’est ce qui a été appelé la « House filtrée », un euphémisme pour décrire de la House dégradée pour passer commercialement. Il ne faut pas oublier que l’ignoble Music Sounds Better With You vient du groupe Stardust, un éphémère groupe de la mouvance des Daft Punk avec d’ailleurs un de leurs membres.

Il n’est pas difficile de voir que Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo ne sont jamais sortis de cette contradiction entre une tendance ouverte à aller dans le sens de la pop commerciale et facile, et une culture club très développée. D’un côté, ils élargissaient le son des clubs fondés sur la House music, de l’autre ils la démolissaient comme le fit à la même époque la radio parisienne FG.

Les fans de la première heure regretteront ainsi inlassablement le premier album Homework (1997) alors que les succès commerciaux s’alignaient avec un second album Discovery qui a été un succès commercial gigantesque en 2001.

Human after All en 2005 n’a ensuite aucun impact avec son minimalisme répétitif sans orientation : les Daft Punk ont cru se préserver de la corruption avec leurs casques les préservant de la notoriété, mais ce n’est pas en section VIP à Ibiza qu’on progresse artistiquement parlant. D’où une tentative de redresser la barre avec la très réussie bande originale du film Tron Legacy en 2010 et un album s’orientant vers une néo-disco, Random Access Memories, en 2013.

Il est étonnant que depuis 2013 les Daft Punk aient été comme paralysés, alors que le meilleur était clairement devant eux. Il y avait un nouvel horizon.

Mais c’est que Daft Punk sont avant tout le produit de leur époque. Ce sont des gens de milieux bourgeois disposant de matériel et profitant de l’émergence de la techno, apportant leur contribution mais n’ayant jamais été capable de se dépasser et de prendre le parti des gens. Le succès commercial a été trop grand, la conscience politique et culturelle trop faible. Ils ont préféré faire des remix, des collaborations. Ils ont été incapables de produire le chef d’œuvre attendu.

Leur dissolution est d’ailleurs une capitulation. Le son électro a tellement évolué, que ce soit par le Hip Hop ou l’alternative R’n’b, sans parler de la musique électro en général, que les Daft Punk se sont retrouvés hors sol et hors jeu. Quand on voit qu’en 2017 la fanfare militaire du défilé du 14 juillet a repris Daft Punk devant Emmanuel Macron et Donald Trump…

Les Daft Punk restent donc emblématiques, mais ils reflètent surtout un énorme ratage. Ils accompagnent l’intégration – désintégration de la culture House Music en France. Avec donc, des morceaux populaires indéniables, mais une simplicité devenant simplisme. C’est une sacrée défaite culturellement parlant et une preuve de la capacité de corruption du capitalisme.

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«Équilibre», le somptueux troisième album des Pirouettes

The Pirouettes est un groupe difficilement accessible de par la profondeur avec laquelle ils assument et sondent la sensibilité amoureuse. Il faut en effet beaucoup de sincérité et d’authenticité pour apprécier ces portraits à la fois subtils et directs ; cela va clairement à contre courant d’une époque et d’une société comme la nôtre.

Leur premier album « Carrément, carrément » était un magnifique tableau de l’insouciance amoureuse de la jeunesse, le second « Monopolis » peignait avec un talent rare la richesse et la complexité de la vie de (jeune) couple, et voilà que le troisième album « Équilibre » s’attache à la délicate question de la rupture, de l’éloignement, de la dichotomie des sentiments.

Le décor de l’album avait été planté dès la fin 2019 avec les saisissants « San Diego » et « pli du cœur », dont voici le clip du premier :

Le morceau « Il n’y a que toi » est toutefois celui qui illustre le mieux la teneur de l’album. En voici le clip, d’une grande finesse photographique et scénaristique, sortie l’été dernier :

Le double clip « Encore un peu d’amour / Ciel radieux » est également une très belle présentation de l’album, avec ce jeu de réponse très bien vu entre les deux morceaux qui se suivent :

« Ciel radieux » est ici un judicieux portrait de la femme française, à la fois précieuse et indépendante, répondant aux errements de l’homme français, toujours trop à la traîne.

On a là une approche absolument française d’exploration de la profondeur psychologique des sentiments amoureux. Et comme c’est admirablement bien mis en chanson par un sens de la mélodie et du rythme digne de l’Angleterre des années 1980, cela donne quelque chose de vraiment somptueux et très marquant.

Pour finir, difficile de ne pas être saisi, pris à la gorge par les émotions à l’écoute de « Tu parles trop » qui exprime la douleur de la déchirure amoureuse avec une sensibilité incroyable…

  • Le double album « Équilibre » des Pirouettes est sortie le 5 février 2021 – En écoute sur les plateformes de streaming et disponible à la vente CD et vinyle chez les disquaires ou en ligne sur la page bigwax du groupe.

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Culture Culture & esthétique

Playlist: French touch pop 2020

Avant on choisissait sa musique pour avoir la bande originale de sa vie défilant tel un film, maintenant il y a tellement de moyens qu’on peut réaliser soi-même le portait d’une tranche de vie. Il y a de véritables bijoux qui sont ainsi produits, mais de manière totalement aberrante, leur écho est terriblement restreint.

Serait-ce parce que c’est trop vrai, trop authentique, trop concret ? Pourtant, si c’était le cas, ces choses seraient connues et ensuite évitées, alors que là c’est une sorte de marge ! Une marge pourtant au cœur de la vie des gens « normaux ».

Ce qui joue sans doute ici, c’est qu’on doit parler d’une véritable révolution dans la musique française, car l’apport de l’électro – qui seule permet vraiment la french touch – modifie de fond en comble la chanson française : ce qu’on trouve ici aurait été dans le passé de la « variété » française – et c’est désormais de la musique populaire.

Tout a changé et ce n’est qu’un début !

Voici la playlist en lecture automatique, suivie de la liste des titres :

  • Moussa – simple X Claire Laffut
  • Michel – Appel Manqué
  • Zed Yun Pavarotti – De larmes
  • TESSÆ— À l’envers
  • Iliona – Reste
  • The Pirouettes – Encore un peu d’amour / Ciel radieux
  • La Femme – Disconnexion
  • L’Impératrice — Anomalie bleue (LIVE)
  • ascendant vierge – Impossible Mais Vrai
  • Magenta – Boum Bap (Live Rework)


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Culture

«Vers Amalfi, avec des filles d’Palerme»: le magnifique album «Beauseigne» de Zed Yun Pavarotti

Beauseigne est une expression courante du parler gaga de la région de Saint-Étienne, pour désigner avec compassion une personne dans une situation de faiblesse, par exemple un enfant qui vient de se faire mal. L’intitulé « Beauseigne » du nouvel album de Zed Yun Pavarotti décrit ainsi un artiste prolétaire, ou plutôt un prolétaire artiste, à la merci d’un monde qui n’est pas fait pour lui, ni pour personne d’ailleurs.

On ne peut qu’être saisi par le sens et la sonorité du titre éponyme ouvrant l’album, dont voici le clip dévoilé à l’occasion de la sortie vendredi 9 octobre 2020 :

Visuellement, c’est très marquant, de part un style à la fois brut et quotidien, très ancré dans le réel. Et cela marque une œuvre, l’intégrant franchement dans le champ de la culture populaire. Au programme, on a donc l’agenda du peuple : du love et du soleil.

« J’ai sept collines, j’fais mes poèmes
On s’retrouve mes amis bientôt
J’ai mis la clim’ sur mon p’tit radeau
Vers Amalfi avec des filles d’Palerme
Des éclats d’rire et du rouge à lèvre »

Les sept collines désignent ici Saint-Étienne, dans une allusion classique localement aux 7 collines de Rome, et Amalfi est une ville splendide du golfe de Salerne, au soleil, en Italie.

Tout l’album est dans ce registre, avec un goût très prononcé pour le chant, maîtrisé à merveille, dans un style très moderne, qui assume le tourment, mais est toujours tourné vers le positif. Le style est varié, tendant cependant inexorablement vers la ballade mélodique, à la fois délicate et puissante, de manière très française et dans la lignée de la chanson francophone du XXe siècle.

Sur le plan du contenu, c’est très exigeant, tant musicalement que pour le texte lui-même, qui est souvent très complexe et ne se laisse dévoiler que subtilement, parfois difficilement, au fur et à mesure des écoutes.

Ce n’est toutefois pas un problème et c’est là où Zed Yun Pavarotti est véritablement un artiste de grand talent : ses morceaux sont surtout une quête de l’émotion, de la sensibilité propre à des situations concrètes.

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’on y retrouve aucun featuring, la profondeur de la démarche exigeant forcément une sensibilité personnelle, une intimité, qui ne soit pas « empêchée » par un autre artiste.

Il avait déjà été parlé ici du très marquant morceau Lalaland lors de la sortie du clip en mai dernier. Le revoici, tellement il mérite d’être vu et revu, avec toujours autant de plaisir :

On s’arrêtera également sur le clip de Mon frère, qui relève indiscutablement de la variété française, mais de celle des années 1980, pas de la soupe insipide des années 2000 ou 2010 :

Dans un style pop-rap plus proche des précédentes productions de Zed Yun Pavarotti, il y a également Îles, dont le clip sorti pendant le confinement avait été une petite bouffée d’oxygène (malgré le joint fumé) :

Enfin, on attendra (ou souhaitera) avec impatience la sortie du clip du morceau Ta bouche, ce magnifique poème d’amour :

Avec une telle sensibilité, et surtout une telle expression de la sensibilité, Zed Yun Pavarotti est forcément promis à une grande célébrité populaire dans les années à venir. Ou alors c’est que les années 2020 auront été un échec. On a ici une sorte d’ingénieur des âmes et si le peuple passe à côté de cela, c’est qu’il est vraiment empêtré dans une terrible aliénation.

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Le vrai Michel 2, la hype prolétaire

Le vrai Michel 2 de Michel sortie vendredi 4 septembre met la barre très haut en combinant une esthétique prolétaire masculine très typique avec toute une attitude parisienne ultra-branchée. C’est d’une fraîcheur incroyable et il faudrait vraiment être en dehors du temps pour ne pas y être sensible.

Si l’on combine le meilleur de la musique de niche pour jeunes urbains branchés avec ce que la pop-rap, frôlant la variété, a de mieux à offrir, on a le rappeur-chanteur Michel. C’est léger, aérien, bien ficelé, entraînant et plein de subtilité, bref, c’est de la très très bonne musique.

> Lire également : Michel: beaux-arts style et culture pop

 

Michel vient de la périphérie de Valenciennes dans le Nord et sa culture est incontestablement prolétaire. Cela produit forcément un décalage quand on est artiste musical, tant en France les artistes musicaux sont dans une perspective petite-bourgeoise ou bourgeoise, surtout à Paris.

Il exprime cela avec une profondeur incroyable dans le morceau « Air Max », l’un des plus brillant qu’il ait fait jusqu’à présent :

À côté de cela, Michel communique beaucoup sur les réseaux sociaux avec un très grand sens de la mise en scène. Il s’est ainsi construit un personnage très subtil, à la fois outrancièrement benêt, qui ne pense qu’à jouer à Fifa ou à épater la galerie sans en avoir les moyens, et en même temps toujours très sincère, particulièrement avenant, etc.

Voici la compilation des petits épisodes ayant servit de teasing à la sortie de son EP (présentée comme une mixtape), qui sont franchement très drôles :

Michel est un des artistes musicaux les plus marquants de ce début des années 2020 et il reflète un véritable changement de fond dans la société. Les grilles de lecture s’estompent, s’effacent, le côté populaire part à la conquête du style, en assumant un haut niveau. C’est un signe des temps : en profondeur, le peuple prend toujours plus de hauteur, il a gagne en densité, il est prêt à prendre les commandes de la société.

Le peuple n’en a encore pas du tout conscience, il n’en entrevoit la nécessité que de manière floue, mais il est déjà dans l’affirmation.

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Comment les chansons de Tessae témoignent du changement d’époque

La chanson et le clip « salope » de la jeune artiste marseillaise Tessae témoignent indéniablement d’un changement d’époque. C’est de la pop dans une version très chantée qui relève ouvertement de la variété/commerciale… mais avec une affirmation culturelle élevée, et surtout nouvelle.

Le titre évoque ces hommes arriérés interpellant les jeunes filles dans la rue, souvent le soir, souvent en prenant prétexte de leur habillement, souvent en les traitant de « salopes ». Quand elle présente sa chanson, Tessae ne prétend ici à un aucun militantisme féministe, et c’est peut être ce qui fait sa force, de part la justesse populaire de son propos : elle explique tout simplement qu’elle ne comprend pas que de tels comportements puisent exister à notre époque.

On a là une certaine candeur qui, associée à un goût prononcer pour la mélodie dans un état d’esprit tourné vers l’avenir, donne quelque chose d’éminemment nouveau, avec une grande puissance positive.

Il faut mettre cela en rapport avec son morceau « Bling », dont le clip est un succès avec près de trois millions de vues sur YouTube : ces deux chansons sont de véritables et merveilleux hymnes anti-beauferie ! Et c’est très très réjouissant !

Ce ne sont pas de simples témoignages, mais directement l’expression d’une génération jetant un vieux monde par la fenêtre, ne supportant plus les arriérations comme le sexisme, la superficialité, le racisme, les idéalismes identitaires, etc.

La jeunesse veut la paix, l’international et le life deluxe for all… On a changé d’époque, totalement, la crise du Covid-19 en est un aspect, mais pas le seul !

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Lalaland de Zed Yun Pavarotti

La La Land est le surnom donné à la ville de Los Angeles. C’est une expression signifiant la déconnexion avec le réel, une sorte de flottement au-dessus du monde où les fantasmes dominent les choses concrètes.

Avec son nouveau titre, deuxième extrait de son album à venir, Zed Yun Pavarotti sort encore un morceau de grande qualité, absolument moderne dans sa réalisation et très puissant émotionnellement. L’écriture est comme toujours avec lui très poétique et très dense, le clip mettant formidablement bien en valeurs l’ensemble qui est somptueux.

Issu de la très prolétaire ville de Saint-Étienne, Zed Yun Pavarotti fait partie de ces artistes authentiquement populaires avec une grande exigence culturelle. C’est probablement l’un des chanteurs les plus prometteurs actuellement en France et son premier album pourrait-être très marquant. On l’attend en tous cas avec impatience.

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Michel: beaux-arts style et culture pop

Michel fait typiquement partie de cette nouvelle génération de rappeur-chanteur ou chanteur-rappeur, assumant l’électro et la pop avec un grand sens artistique. Il est d’ailleurs à la pointe de toute une esthétique florissante dans et autours des écoles des beaux-arts, combinant le style banlieusard de la fin des années 1990 et du début des années 2000 avec une fascination/attraction pour toute une frange de culture populaire, de la culture de masse.

Ce clip, une reprise/détournement de holydays de Michel Delpech, est absolument somptueux de ce point de vue, avec une grande finesse.

Le filtrage vidéo force volontairement le trait pour donner un ton 1990, tout comme l’instrumentale typique de l’eurodance de l’époque. Tout le sens du clip réside dans ce décalage entre lui, jeune branché, qui surjoue l’ennui, et son entourage familial habillé de manière ordinaire, qui s’amuse grandement. Le choix d’un tel film dans une famille populaire, en l’occurrence sa propre famille lors d’une véritable fête, montre d’ailleurs l’approche démocratique/populaire, authentique, que peut avoir l’artiste, originaire de la périphérie de Valenciennes dans le Nord.

On retrouve la même démarche avec cet autre clip, reprise/détournement de Michel Fugain, cette fois dans un bar karaoké de Belleville. Les paroles assumant les drogues dures et le champ lexical de la drogue sont là aussi bien trouvées. Ni apologie, ni critique de la drogue, c’est surtout une manière de jouer sur la contradiction entre une chanson originale assez lisse, pour ne pas dire insipide, typique d’une certaine époque disons insouciante, et sa version actuelle plus rude, à l’image de l’époque nouvelle. Le tout bien sûr autour d’une esthétique faussement kitch, ou volontairement kitch si l’on veut, soigneusement travaillée.

Michel a sortir un EP « Le vrai Michel », en janvier 2020 avec 8 titres d’une grande qualité dont voici un extrait :

Il a sorti hier le clip, là encore très esthétiques, de son dernier titre tejla :

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French touch 2020 (playlist)

La scène musicale française est très productive. Elle est portée par des artistes brillants, assumant une touche très spécifique, que l’on pourrait qualifier de mélodique-mélancolique, avec toujours une attention donnée au style, à l’attitude. On reconnaît en général une certaine légèreté, mais qui est construite, élaborée, travaillée.

Voici une petite sélection de morceaux récents, voir très récents, avec souvent un nombre incroyablement bas de vues. Quelle est donc cette jeunesse incapable de reconnaître les talents qu’elle produit ?

[le service multiplateforme de streaming que nous utilisions habituellement clôt malheureusement ses services à la fin du moins ; les playlists seront dorénavant sur YouTube uniquement].

1. MAGENTA – Chance feat. Vendredi sur Mer
2. Mou – Sophie Marceau
3. Hier soir – Midi Minuit
4. The Pirouettes feat. Timothée Joly – Lâcher prise
5. Sally – ROULETTE RUSSE
6. Moussa – Element
7. Myth Syzer – Nirvana
8. Zed Yun Pavarotti – îles

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«Les humains» de Voyou

Une histoire parlant d’amour simplement, mais de manière très profonde. Une production soignée et complexe, mais avec une approche résolument pop. Cela donne un morceau de grande qualité et ça s’appelle « Les humains », par l’artiste Voyou.

La réalisation du clip par l’artiste Norma (qui assure les cœurs) est également à souligner, car il y a là un style, une véritable identité artistique correspondant à la fois à l’univers de Voyou, mais aussi au titre lui-même. On n’est pas dans l’illustration sans âme destinée à simplement faire des vues sur YouTube.

D’ailleurs, les vues YouTube ne sont pas vraiment au rendez-vous pour un artiste de ce talent. À peine 25 000 vues dans la soirée de samedi pour un clip sorti mercredi, c’est malheureusement très faible. Cela en dit long sur le niveau culturel de la France et notamment de la jeunesse… qui pourtant passe son temps sur YouTube.

Ce n’est pas comme si Voyou n’était pas connu. Ses morceaux sont régulièrement dans les playlists Deezer ou Spotify. Même France Inter, la radio la plus écoutée en France selon Mediametrie, l’a joué et même invité en live.

Qui plus est, le clip « Les humains » est relayé sur tout un tas de sites, dont ceux des Inrockuptibles et de Radio Nova, deux médias appartement dorénavant au même groupe et censés représenter l’avant-garde culturelle version grand-public en France. Ces médias n’ont-ils plus de surface ?

C’est probable, car le public aujourd’hui ne fait que consommer, de manière passive, et il n’y a de la place que pour le pré-mâché, les grosses productions, pas à des œuvres aussi sensibles que celle de Voyou.

Bien sûr, le morceau aura un peu d’audience quand il sera dans les grandes playlists ou sur certaines radios. Il sera entendu, mais pas vraiment écouté. Il sera apprécié, mais en surface, et pas à sa juste valeur.

Dans un pays aussi développé culturellement que la France, le public devrait pourtant être à l’affût du dernier clip d’un artiste contemporain comme Voyou, capable dans son album Les bruits de la ville sorti il y a pile un an, de proposer un morceau aussi touchant que « Il neige ».

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Monopolis de The Pirouettes, la romance électro-pop à la française

Monopolis est le second album électro-pop de The Pirouettes, sortie le 28 septembre 2018. Comme à son habitude, ce jeune duo amoureux dans la vie évoque la romance, avec un style et un ton sophistiqué mais très épuré, à la française.

Les poèmes d’amour des Pirouettes sont très passionnés, mais toujours mesurés. Dans chaque morceau, la mélodie est aérienne et le rythme puissant, sans s’égarer dans les frasques de l’électro ni la vulgarité du langage. Il y a là indéniablement un style français, une « french touch » qui tout en modernité, synthétise une grande partie de la pop française des années 1980 et 1990.

Le côté « ktich » est parfaitement assumé, dans une attitude mi-moqueuse mi-nostalgiques très tendance, dans la lignée de la vaporwave ou bien de la mode des friperies.

Monopolis est d’ailleurs une référence à la ville « capitale de l’occident » imaginée dans Starmania par Michel Berger. L’album ne s’intéresse pas ici au thème social-culturel de la comédie musicale mais se sert du décor, qui forme un peu un contexte, en plus d’être une référence sonore.

Chaque chanson est censée raconter une histoire se passant à Monopolis, avec systématiquement ce thème, si français, de l’amour et de la romance. Si leur premier album Carrément Carrément (2016) racontait surtout le quotidien de la jeunesse, les premiers temps de l’amour, c’est plutôt la complexité des rapports amoureux qui est évoquée ici. La peur de voir disparaître la romance dans les tracas du quotidien et l’élaboration du couple lui-même.

Le titre Ce paradis exprime bien cela, avec un très joli clip tourné au pied de l’Interféromètre du Plateau de Bure dans les Alpes.

L’écriture est belle, les mots sont précis mais légers, sans fioriture, se suffisant à eux-mêmes :

« Passant, absent, replié sur moi-même
J’ai longtemps galopé aux dépens de ce que j’aime
J’ai trop voulu tout niquer, j’ai tout perdu, fini par tout casser
Et je m’en veux, c’est pas un jeu, oh, je t’en prie, laisse-moi le retrouver

Ce paradis imaginé pour toi et moi
Au large des îles d’un continent qu’on n’connait pas »

Le chant est d’ailleurs quelque-chose qui peut rebuter au premier abord, semblant trop lisse. Il y a en fait un double aspect : le chant est très simple, voir ouvertement simpliste – bien que juste, parce-que les productions musicales sont quant à elles très élaborées et abouties.

La dimension la plus importante dans chaque morceau n’est pas le chant mais la mélodie, gavée de synthés et de rythmes électroniques. Le rendu est très atmosphérique, comme savent le faire surtout les anglais, et il est très rare d’avoir dans la chanson française une production musicale du niveau de celui des Pirouettes.

La légèreté du chant permet donc de ne pas abîmer cet écrin, destiné au texte.

Car plus que le chant finalement, c’est souvent le texte qui déstabilise, de part sa profondeur et sa sincérité.

Au pays du libéralisme où l’adultère et la tromperie sont érigés en style de vie, on n’a pas l’habitude des propos aussi directs et volontaires des Pirouettes.

Le morceau Tu peux compter sur moi est ainsi exemplaire. C’est un hymne à la fidélité et à la sincérité des sentiments, à rebours de la décadence et du relativisme général dans les mœurs aujourd’hui en France.

Mais dans le style, dans l’approche, le ton est tout à fait français. Et ça là le grand intérêt et la grande porté de ce groupe talentueux.

L’audience des Pirouettes se limite aux milieux culturels les plus à la pointe ou à la jeunesse urbaine la plus branchée, qui apprécie surtout par désinvolture.

C’est parce-que l’époque n’est pas propice à leur succès. La jeunesse en général n’a pas la profondeur d’esprit d’apprécier et de s’engager dans ce thème de la romance. Les âmes sont trop meurtries et trop corrompues par les valeurs dominantes pour s’ouvrir autant.

 

> Discographie :

Album – Monopolis, 2018
Album – Carrément Carrément, 2016
EP – L’Importance Des Autres, 2014

> Merch :

bigwax.fr/fr/kidderminster

> Tournée :

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La nouvelle scène électro-pop à la française (la “french touch”)

Il existe depuis quelques années toute une vague électro-pop qui s’affirme avec une touche très française. Cette scène est d’une grande fraîcheur et propose une musique de qualité. Voici une sélection de morceaux récents (2016 à 2018) sous la forme d’une playlist multisupport.

Cette « french-touch” ne consiste pas seulement en des paroles en français. Il y a un ton léger et mélodique très spécifique avec des voix délicates et sophistiquées. Cela relève d’une certaine façon d’appréhender la vie, d’un « art de vivre » à la française, très ouvert sur le monde.

Notre sélection, qui est volontairement orientée sur une thématique estivale, illustre tout à fait ce propos.

La voix est comme murmurée

Un titre comme Vacances de L’impératrice transporte complètement l’auditeur. On se croirait plongé dans une affiche de la grande époque d’Air-France. La voix qui est comme murmurée, précieuse, est là pour préciser le style. Ce n’est pas à proprement parler du luxe, qui serait quelque chose de bourgeois seulement, mais plutôt de la sophistication, du raffinement.

Hier à Paris, avec vous ❤️

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Dans la forme, cela a été tout à fait compris et exprimé par le groupe Poom (qui introduit la sélection avec le morceau Adagio) :

«On ne chante jamais fort, car en français, les voix doivent être calmes, reposées, et un peu détachées, entre la parole et le murmure, pour que la mélodie et le texte aient toute leur place».

Cette insistance sur la mélodie, sous forme de boucles langoureuses, est caractéristique de la “french touch” dans la scène électro au sens large. La spécificité de l’électro-pop à la française est donc le chant.

Élaborer une ambiance

On a systématiquement une tonalité aérienne avec des mélodies élaborées mais qui ne s’égarent pas dans les frasques de l’électro. Le chant a donc toute sa place pour raconter une histoire, ou plutôt élaborer une ambiance.

Le titre Garde Le Pour Toi de Paradis est ici très parlant. Le chant n’arrive que tardivement, mais il est indispensable pour mettre en valeur de manière encore plus aboutie l’ambiance qui est posée par le morceau.

Les groupes relevants de cette scène électro-pop à la française sont en général très branchés, très tendances. Les sonorités sont conformes à ce qui fait actuellement en matière de musique électronique avec des sonorités “synthé”, comme ce qui s’est fait avec le style synth-wave ces dernières années.

Un véritable héritage

L’inspiration est ici clairement celle des années 1980, voire 1990, ce qui est d’ailleurs à la mode de manière générale dans la jeunesse (vêtements, design, séries, jeux-vidéo, etc.) La filiation n’est pas qu’esthétique : il y a un véritable héritage par rapport à la pop française de ces années 1980, voire 1990.

Le groupe The Pirouettes, avec ici le titre Baisers volés, est peut-être celui qui exprime le plus cela. On y reconnaît clairement du France Galle, du Daniel Balavoine, du Michel Berger, du Gilles Simon, etc.

Cependant, cette “french touch” est très aboutie musicalement, et bien plus proche de la scène électro que de la variété, comme a pu l’être la pop française des années 1980, 1990. Mis à part un titre comme Il fait chaud de Corinne, qui est très « variété » pour le coup, on peut dire que musicalement il y a quelque chose de supérieure, une synthèse qui a abouti à quelque chose de meilleurs que la pop française originale bien plus simpliste.

D’une certaine manière, un album comme Histoire de Melody Neslon de Serge Gainsbourg correspond bien plus à cette scène en termes de qualité et de style. On y retrouve la même tonalité dans le chant, avec des boucles mélodiques de qualité, sophistiquées et pas simplement racoleuses ou édulcorées.

Le groupe allemand Kraftwerk avait tenté de manière brillante quelque chose de similaire en 1983 avec Tour de France. C’est de l’électro travaillée et chantée en français, parlant de quelque chose de français. Seulement, musicalement cela est très froid et il n’y a pas cette capacité à raconter une histoire pour restituer une ambiance française.

Un nouvel élan

L’électro-pop à la française propose donc quelque chose d’assez brillant culturellement. Cela est possible car c’est de la musique moderne mais ayant un héritage.

Cette vague du français dans l’électro-pop est très puissante. Un groupe comme Elephanz qui normalement ne propose que du chant en anglais a déjà cédé à cette vague en faisant chanter en français sur son titre phare, Maryland, que nous proposons pour conclure notre sélection musicale.

Cela était inconcevable il y a encore quelques années pour des groupes électro, ou alors de manière anecdotique. La « french-touch » apporte une grande fraîcheur dans un panorama musical bien trop standardisé et cosmopolite. Elle affirme le style français, l’art de vivre à la française, comme contribution française à la communauté mondiale.