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Société

Affaire Elisa Pilarski: trois mois après, un silence outrageant

L’État a tout fait pour que la mort d’Elisa Pilarski sorte de l’attention de l’opinion publique. On n’a toujours pas les résultats des tests ADN, alors que quelques jours suffisent normalement. Même le responsable de la gendarmerie de l’Aisne, présent à la chasse à courre le jour du décès, a été discrètement mis de côté… Tout cela fait beaucoup… Beaucoup trop.

Il faut normalement quelques jours seulement pour obtenir des résultats des tests d’ADN. Et pourtant, on ne sait encore strictement rien des tests ADN des cinq chiens d’Elisa Pilarski et des 62 chiens de la chasse à courre. Va-t-on croire que les tests n’ont pas encore été effectués ? Que personne n’a de résultats ? C’est douteux.

Même la juge d’instruction n’aurait pas les résultats, officiellement. Alors elle meuble, elle remplit une fonction symbolique. Elle vient d’aller sur les lieux ce mercredi 12 février 2020 – la forêt de Retz – en présence du compagnon d’Elisa Pilarski et du propriétaire des chiens du rallye la Passion menant une chasse à courre le même jour. Ce dernier a été écouté cinq heures. Pour apprendre quoi ? Tout ce qu’elle savait déjà, ou tout ce qu’elle devait déjà savoir.

A-t-on ici une enquête bâclée ou au contraire suivie de très près, avec comme but d’endormir ? En tout cas, le choix de la date est assez infâme, car Elisa Pilarski était enceinte et son fils devait justement naître le 15 février. Il n’y a ici ni esprit, ni cœur. Et même pas grand-chose.

Tellement pas grand-chose que les petites choses en disent long. Ainsi, le lieutenant-colonel de gendarmerie, responsable des gendarmes de l’Aisne, est en train d’abandonner sa fonction. Il avait suivi, en présence de sa femme et de ses quatre enfants, la chasse à courre le jour de la mort d’Elisa Pilarski.

Sauf qu’en fait, il y a quelque chose de troublant. La presse avait annoncé ce départ, disant qu’il quittait l’armée, qu’il passait à autre chose. En réalité, c’est clairement une mise au placard et la volonté de départ est liée à cela.

L’essor de la Gendarmerie nationale le dit même ouvertement. Il s’agit littéralement du journal des gendarmes. L’article s’intitule « Comment l’affaire Pilarski a emporté l’officier Jean-Charles Métras » et on y lit :

« Le patron des gendarmes de l’Aisne, le lieutenant-colonel Jean-Charles Métras, va rejoindre ce lundi 17 février sa nouvelle affectation. Il devient chargé de projet au commandement de la gendarmerie d’outre-mer (CGOM). L’officier supérieur était en difficulté depuis le début de l’affaire Pilarski (…).

Pour la direction générale, la mutation de Jean-Charles Métras loin de l’Aisne doit permettre de “protéger l’officier et de ramener de la sérénité dans la conduite du groupement”. Il était en effet compliqué de maintenir le commandant sur place.

La raison? “Le battage médiatique autour de cette affaire”, précise-t-on au fort d’Issy-les-Moulineaux, le siège de la direction générale. L’histoire dramatique a été en effet abondamment couverte par la presse et commentée sur les réseaux sociaux. La page Facebook lancée par le compagnon d’Elisa Pilarksi est ainsi suivie par près de 45.000 internautes.

Pour autant, précisent les gendarmes, le départ de Jean-Charles Métras de l’Aisne “n’est pas du tout une sanction disciplinaire”.

Le changement de poste du lieutenant-colonel ressemble pourtant bien à une mutation sanction. Certes, son départ était déjà prévu pour cet été. Mais l’officier quitte un groupement à forte activité. Et les contours flous de son nouveau poste lui donnent bien des airs de placard. »

Et le journal d’expliquer que le lieutenant-colonel propose sur Linkedin son parcours au service du secteur privé, ce qui d’ailleurs avait été annoncé par la presse il y a quelques temps. Sauf qu’il était parlé de départ volontaire hors de l’armée. Il n’avait été pas parlé de mutation par la direction de la gendarmerie et parallèlement de volonté de quitter l’armée…

C’est un signe de nervosité. La gendarmerie n’aurait pas réalisé cela aussi rapidement, aussi secrètement, s’il n’y avait pas un problème. Et qu’on ne dise pas que la présence à la chasse à courre poserait en général un problème de déontologie. Il y a des accords entre chasseurs et gendarmes, et de toutes façons les gendarmes ne sont pas les policiers. Si les policiers ont une partie significative qui est républicaine, voire même démocratique, les gendarmes c’est l’armée et une culture hyper-réactionnaire.

La vérité est que la gendarmerie a le réflexe de l’armée : elle veut évitée d’être salie. Et cela, associée à l’absence de résultats des tests d’ADN, ne peut qu’inquiéter. L’objectif est de faire passer toute l’affaire aux oubliettes, lentement, mais sûrement.

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Guerre

Les militaires et le vote pour l’extrême-Droite : une vraie cohérence

Les casernes soutiennent massivement l’extrême-Droite. Cela n’étonnera pas les gens de Gauche, qui savent que contrairement à la police, la logique militariste prime totalement chez les soldats, les gendarmes, les sapeurs-pompiers. Leurs traditions sont puissantes encore et c’est inévitable : c’est là le cœur de l’État, son noyau dur. Il relève donc de la réaction anti-ouvrière et anti-Gauche la plus virulente.

Escadron de cavalerie de la garde républicaine. Quartier des Célestins - 14 juillet 2012 (wikicommons)

La Fondation Jean Jaurès est à l’origine de l’enquête « Pour qui votent les casernes ? », dont elle fournit les résultats en ligne. Pour trouver des réponses, les bureaux de vote de quelques communes ont été choisis de manière précise : ceux étudiés relèvent des zones où le personnel militaire et leurs familles ont une hégémonie significative.

L’étude vaut le coup d’œil pour tous les gens qui ont une caserne dans leur environnement proche. C’est un effet un facteur d’influence très important, un véritable foyer de nationalisme et de militarisme. Le vote pour l’extrême-Droite est hautement révélateur et un argument utile pour démasquer la « neutralité » fictive des militaires.

Dans l’étude, il est constaté que le vote pour le Rassemblement National fait dans les zones à prédominance militaire grosso modo entre 8 et 17 % de plus que la normale. Et vues les zones, cela donne donc parfois du plus de 40 %. Et l’étude remarque surtout que le phénomène s’accentue. Il y a une sorte de passage, bagages en main, d’une large partie de l’armée dans le camp de l’extrême-Droite.

De fait, l’armée a en effet toujours eu un tropisme naturel pour la « remise en ordre », dans un sens évidemment non socialiste. L’étude le rappelle de manière d’ailleurs bien plus que maladroitement. On a ainsi des remarques pseudos-sociologiques, qui doivent faire retourner Jean Jaurès dans sa tombe, comme par exemple ici au sujet des gendarmes :

« En premier lieu, on n’entre pas dans la gendarmerie totalement par hasard. On peut penser que les membres de ce corps adhèrent plus que d’autres aux valeurs d’ordre, de patriotisme, d’autorité et de discipline traditionnellement portées par la droite.

En second lieu, le fait d’appartenir à un escadron plonge le militaire dans une ambiance très particulière. Il vit avec sa famille au contact de ses collègues au sein de la caserne, ceci renforçant la cohésion de groupe. L’esprit de corps, le poids du groupe et de ses valeurs sont donc omniprésents durant le travail comme au repos ce qui a sans doute des effets sur la façon dont les gendarmes mobiles et leurs proches se forgent leurs opinions. Leur vision du monde et leurs conceptions de la société sont enfin sans aucun doute influencées par la nature et la réalité quotidienne de leurs missions. Assurer le maintien de l’ordre lors des manifestations de rue, patrouiller dans des cités sensibles, intervenir en cas de coups durs ou d’émeutes et participer à la répression de la délinquance constituent un quotidien très éloigné de celui d’un électeur « moyen ». »

Le militaire ne serait donc pas un réactionnaire et il ne faudrait pas le dénoncer comme l’a fait Jean Jaurès. Il faudrait le comprendre, le pauvre, son travail est bien difficile et la population est si non compréhensive par rapport à cette rude tâche ! L’étude mentionne même les attentats islamistes pour « justifier » un tournant en faveur de l’extrême-Droite… C’est vraiment la honte. Que des gens tenant de tels propos puissent se revendiquer de Gauche, et même s’imaginer de Gauche, c’est incroyable.

Surtout que l’étude voit bien que la tendance à l’appui à l’extrême-Droite est toujours plus marquée et va avec le fait que le vote à Droite disparaît pratiquement en faveur de celui de l’extrême-Droite, avec un phénomène de vases communicants. Ce phénomène est constaté en métropole, comme en Corse ou au bureau de vote d’Abu Dhabi. Il est vrai pour les militaires des différentes armées (air, terre, mer), comme pour les gendarmes.

Cela signifie qu’on a déjà dans l’armée cette confluence Droite / extrême-Droite que des forces sociales puissantes appellent de ses vœux en France, pour réaliser des ambitions nationalistes et militaristes de conquête et de domination.

Celui pour qui une telle étude est un coup rude, c’est Emmanuel Macron, qui lui prétend que sa vision moderniste est la plus à même pour faire triompher la France. On voit bien – et c’est logique – que l’armée ne le suit pas. Car l’armée française est par définition pour une centralisation bureaucratique, autour d’un pouvoir personnel fort, ce qu’on appelle un « chef ».

La France a une longue tradition de coups d’État militaire et la cinquième république est elle-même née ainsi. La rencontre entre la Droite et l’extrême-Droite visera clairement une telle acquisition du pouvoir également, pour avoir les coudées franches pour réaliser ses « grandes ambitions ».

Cela rappelle à quel point l’armée française est un ennemi de la Gauche dans sa nature même, dans sa substance même. Une vraie force de Gauche dans le pays ne pourrait que vouloir, inévitablement, la démanteler, la remplacer par une armée du peuple. C’était déjà l’exigence de Jean Jaurès, mais il était trop idéaliste pour se poser la question de savoir comment le réaliser dans les faits.

Cela redeviendra une question à Gauche dans les prochaines années, de par l’Histoire tourmentée qui nous attend.