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L’événement qu’est le nouvel album de Tool

C’est l’un des groupes de musique les plus importants de ces trente dernières années et pour autant sa reconnaissance populaire est nulle. La sortie du nouvel album du groupe américain Tool vient contrebalancer cette situation incohérente, grâce à son succès lui ouvrant enfin de nouvelles portes. Culturellement, c’est un événement incontournable.

Tool est un groupe américain né au tout début des années 1990 et n’ayant sorti en tout que cinq albums. Fear inoculum, le dernier, vient de sortir après une absence de treize ans et aux États-Unis il y a un engouement massif en sa faveur.

C’est que Tool, c’est Nirvana en version métal progressif, avec des longs morceaux obsédants et terriblement expressifs, dans une atmosphère à la fois sourde et tordue. On est pris dans un donjon de sons prégnants et lancinants, largement enveloppant et envoûtant si on entend le tout avec un son relativement fort.

C’est une musique intelligente et non commerciale, savamment construite mais accessible. Seule une petite avant-garde en a saisi la dimension, parfois d’ailleurs sans la saisir dans tous ses aspects, exactement comme pour le grunge en général. C’est tout le mal civilisationnel qui s’exprime avec force.

C’est tout le reflet d’une époque, dont les rares vidéos sont particulièrement marquantes de par leur dimension tourmentée, torturée.

La sortie du nouvel album a de l’impact, car c’est une réussite. Tool ne s’est pas vendu et reste une rencontre des Melvins avec King Crimson, deux de leurs principales références. Les sept chansons, pour un total de 79 minutes, reste dans l’optique de départ.

Les limites sont évidemment patentes : on est dans l’esthétisation, dans un style s’auto-nourrissant, dans une fascination pour le sordide. Tout cela est par ailleurs propre au grunge. Cependant, c’est réellement authentique et cela possède une véritable profondeur, un haut niveau musical. PNL est, en quelque sorte, la caricature française de Tool, si l’on veut.

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XXXTentacion, un punk moderne et dépressif mort très jeune

Le rappeur américain XXXTentacion a été retrouvé tué par balle dans sa voiture ce lundi 18 juin 2018 . Figure d’une nouvelle scène de rappeurs américains au style décalé, son succès était grandissant, en raison de son talent. Il n’avait que 20 ans.

XXXTentacion était une personne particulièrement violente et ses concerts étaient toujours l’occasion de bagarres hystériques. Ayant connus la pauvreté et l’abandon social-culturel des quartiers populaires américains, sa jeune vie a été faite d’altercations, d’exclusions d’établissements scolaires, d’arrestations, et même de prison pour détention illégale d’une arme à feu ou cambriolage.

Bien qu’il récuse ces accusations, son ex-compagnes a également porté plainte contre lui pour des faits de violences qui, s’ils sont avérés, sont particulièrement glauques.

Une grande sensibilité

« X » était en même temps doté d’une grande sensibilité, avec la volonté d’être utile socialement, tout en étant rongé par la dépression.

Somme toute, il apparaissait comme un personnage sympathique, se livrant facilement dans de longues émissions radios. Il s’exprimait aussi régulièrement dans des vidéos intimes en direct depuis son portable. Il y était très calme et posé, prônant la paix, l’altruisme, refusant de glorifier sa vie de délinquant, ne mettant pas en avant la drogue qu’il consommait malgré tout, refusant la décadence et les errements sentimentaux, ne parlant jamais de religions.

Sa mort, comme le reste de sa courte vie, illustre de manière intense et tragique les maux qui rongent la société américaine. C’est un pays à la pointe de modernité, avec un peuple doté de grandes capacités, particulièrement sur le plan artistique, d’exigences morales très hautes, mais qui sombre à sa base, rongé par la violence physique et le désemparement social.

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Un éclectisme partant dans tous les sens

Sur le plan musical, XXXTentacion exprimait un spleen très brutal et intense, dans un style particulièrement tourmenté, mais avec un sens du rythme et de la mélodie très élaboré. Sa courte œuvre donne l’impression de partir dans tous les sens, avec des morceaux trap rap classiques, d’autres plus underground et dans un style propre à la scène musicale de Floride active sur Soundcloud, certains autres morceaux puisant dans le rock alternatif, le reggaeton, le R’n’B des années 1990 ou encore des titres carrément métal hardcore.

Le jeune artiste était une sorte de punk moderne, multipliant les inspirations pour une expression élaborée, qui n’est resté finalement qu’un expressionnisme ne parvenant à trouver le « positif » qu’il semblait chercher. Il pouvait même donner l’impression de se complaire dans la dépression, à la manière de la culture « emo » dont il est directement le produit, comme 21 Savage, Post Malone, Lil Pump ou encore Lil Uzi Vert, autre figures « emo rap ».

En phase avec son époque et la jeunesse de son époque, la base de son public s’agrandissait sans cesse, y compris en France. Sa mort prématurée a mis fin à ce qui aurait pu être une brillante carrière.

3 titres et 1 album qui illustrent sa courte œuvre

Vice city – Sortie en 2014, ce morceau est le premier signé sous son nom de scène. Le sample de Sing To The Moon par la britannique Laura Mvula est magistrale et le texte est d’une maturité déconcertante pour un garçon de 16 ans. Il déroule un discours pessimiste et dépressif qui fait froid dans le dos. La production est basique et le titre s’est fait connaître à l’écart des circuits commerciaux majeurs.

Look at Me – D’abord sortie en 2015, c’est ensuite grâce au clip éponyme sortie plus tard en septembre 2017 qu’il s’est fait un nom aux États-Unis. Avec un sample de Change de Mala, c’est de la trap puissante, dégageant une violence particulièrement bien exprimée, avec des paroles très vulgaires. L’arrangement du morceau est très sale, très punk. Le clip ne reprend pas l’entièreté du morceau d’origine et semble l’orienter vers autre chose. Il se finit par un manifeste antiraciste optimiste (“Vous faite votre choix, mais votre enfant ne défendra pas la haine / Cette génération sera aimée, nourrie, entendue et comprise”)

Save me – Sortie en 2017, ce morceau illustre très bien la couleur de son excellent première album « 17 ». Une guitare électrique, une batterie lourde et lente, accompagnant une voix langoureuse et dépressive parlant de suicide : on croirait un morceau de grunge des années 1990 !

? – Sortie en mars 2018, malgré la grande qualité de chacun des morceaux, cet album a quelque chose de dérangeant dans sa façon de passer d’un style à l’autre sans aucune transition. Difficile de ressentir un lien entre Floor 555 et NUMB. Il y a bien plus qu’un grand écart entre Hope et schizophrenia, etc.

On notera cependant l’enchaînement très pertinent entre SAD!, qui est une complainte amoureuse pessimiste, et the remedy for a broken heart (why am I so in love), beaucoup plus positif et intéressant, tant dans la forme que dans le fond (« I’am find a perfect balance, it’s gon’ take time », / « Je vais trouver un équilibre parfait, ça va prendre du temps »).

Moonlight est quand a lui un morceau d’une grande modernité, contribuant indéniablement à définir ce qu’est la musique en 2018.